Évangile d’une grand’mère/114

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 302-306).

CXIV

INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE.



Après avoir lavé les pieds de ses Apôtres, Jésus reprit ses vêtements, se remit à table et dit :

« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ; car je vous ai donné l’exemple de ce que vous devez faire. »

Pendant qu’ils soupaient, c’est-à-dire après le repas ordonné par la loi pour manger l’agneau Pascal, et avant le second repas, Jésus se leva solennellement, prit du pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples, en disant :

« Prenez et mangez, ceci est mon corps. »

Puis, prenant le calice, il rendit grâces et le leur donna en disant :

« Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous et pour beaucoup, pour la rémission des péchés. Faites ceci en mémoire de moi. »

Petit-Louis. Pourquoi Notre-Seigneur dit-il : Ceci est mon corps ; ceci est mon sang ? Ce n’était que du pain et du vin.

Grand’mère. C’était du pain et du vin avant que Notre-Seigneur eût prononcé les paroles Divines qui ont changé miraculeusement ce pain au corps et au sang de Jésus notre Sauveur et notre Dieu ; et c’est ce qu’on appelle le sacrement de l’Eucharistie. C’est un mystère impénétrable, une vérité très-réelle, et qu’aucune créature ne saurait comprendre. L’Eucharistie est le grand mystère de la foi. Judas seul au Cénacle ne voulut pas y croire. Jésus a donné à ses Apôtres et à tous leurs successeurs, qui sont les Prêtres, le pouvoir de continuer le grand miracle de l’Eucharistie ; il nous a donné par là le plus grand témoignage d’amour qu’un Dieu même ait pu nous donner, puisqu’il demeure ainsi avec nous toujours et partout, et que nous pouvons, quand nous le voulons, nous unir à lui en le recevant dans notre corps. Jésus-Christ disait donc bien en disant : Ceci est mon corps ; ceci est mon sang. »

Louis. Vous dites, Grand’mère, que nous pouvons recevoir le corps de Jésus quand nous voulons. Je le voudrais bien, moi, et pourtant je ne le reçois pas.

Grand’mère. Parce que tu es encore trop jeune, mon enfant ; tu n’as pas été préparé à faire ta première communion, c’est-à-dire à recevoir pour la première fois le corps et le sang de Notre-Seigneur. Et avant d’obtenir une si grande faveur, il faut avoir appris à comprendre mieux que tu ne saurais le faire encore, combien est grande et admirable cette grâce immense que nous accorde notre Dieu, notre Créateur et notre Maître. Il faut savoir en profiter pour le salut de notre âme ; et les petits enfants ne sont pas en état de communier avec fruit.

Jésus parla ensuite une seconde fois de la trahison de Judas, et il dit :

« Malheur à celui par qui le Fils de L’Homme sera trahi ! »

Et Jean, le disciple bien-aimé de Notre-Seigneur, avait la tête appuyée sur la poitrine de Jésus

Marie-Thérèse. Comment appuyée ?

Grand’mère. Mais oui ; je vous ai expliqué que les Juifs mangeaient, non pas comme nous, assis à table, mais couchés autour, la tête près de la table et les pieds au bout de la couche ou du lit sur lequel ils s’étendaient pour leur repas.

Jean était donc couché, la tête appuyée sur la poitrine de Jésus. Simon-Pierre lui fit signe de demander lequel d’entre eux trahirait leur bon Maître.

Jean, s’étant penché vers le Sauveur, lui demanda : « Seigneur, qui est-ce ? » Le Seigneur lui répondit :

« C’est celui à qui je vais présenter du pain trempé. »

Et ayant trempé un morceau de pain, il le donna à Judas Iscariote. Dès que Judas eut mangé le pain trempé, il se leva de table pour aller livrer son Maître. Jésus lui dit :

« Fais au plus vite ce que tu as à faire. »

Mais aucun des disciples ne comprit ce qu’il avait voulu dire par cette parole ; ils crurent que Judas, ayant la bourse, avait encore quelque chose à acheter ou à payer pour la fête.

Élisabeth. Mais ils avaient dû entendre la question de saint Jean et la réponse de Notre-Seigneur.

Grand’mère. Non ; saint Jean et Notre-Seigneur avaient parlé bas ; personne n’avait entendu ce qu’ils avaient dit.

Lorsque Judas fut sorti, Jésus fit l’action de grâces avec ses disciples…

Valentine. Pourquoi une action de grâces ?

Grand’mère. Parce que les Apôtres venaient de faire leur première Communion et qu’il était bien juste qu’ils remerciassent le bon Dieu de la faveur unique qu’il leur avait accordée. Et Notre-Seigneur remerciait son Père Céleste de cette faveur qu’il accordait à tous les hommes de tous les siècles, jusqu’à la fin du monde, en instituant le sacrement de L’Eucharistie, c’est-à-dire en leur laissant pour nourriture céleste, sa propre chair et son propre sang.

Saint Jean, le disciple bien-aimé, a écrit dans son Évangile une partie des admirables paroles dites à ce moment par Notre-Seigneur, et qui font dans son Évangile ce qu’on appelle le Discours de la Cène. Je ne vous les redirai pas, parce que vous êtes trop jeunes pour les bien comprendre ; quand vous serez plus grands, vous les lirez dans l’Évangile de saint Jean.

Lorsque ce discours fut terminé, le Sauveur quitta la maison où ils avaient fait la sainte Cène, et qu’on appelle le Cénacle ; et suivi de ses onze Apôtres, il alla vers une colline près de Jérusalem, qui porte le nom de Montagne des Oliviers.

Lorsqu’ils y furent arrivés, ils entrèrent dans un jardin public nommé Gethsémani, dont les grottes ou cavernes servaient d’abri aux voyageurs pauvres qui venaient à Jérusalem pour les fêtes. Jésus et ses disciples s’y retiraient très-souvent pendant la nuit, pour s’y reposer et pour prier.

Judas le savait, aussi conduisit-il de ce côté les soldats et les émissaires de Caïphe.