Évangile d’une grand’mère/119

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 316-318).

CXIX

PIERRE RENIE LE SAUVEUR.



Pendant l’interrogatoire, Pierre était dans la cour de Caïphe, au milieu d’une foule nombreuse.

Peu d’heures auparavant, avant d’entrer à Gethsémani, il avait fait à son Maître des protestations de dévouement ; il les faisait avec une grande sincérité, mais aussi avec beaucoup de présomption.

« Lors même que tous vous abandonneraient, moi je ne vous abandonnerai pas, » avait-il dit. Et le Seigneur lui avait répondu avec tristesse :

« Cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. »

Et malgré l’avertissement de Jésus, Pierre avait dormi au lieu de prier.

Pierre, en effet, renia trois fois le Fils de Dieu.

Une servante l’aperçut presque à son entrée dans la cour, et lui demanda s’il n’était pas un des disciples de Jésus de Nazareth.

Et Pierre répondit : « Femme, je ne le connais pas, je ne sais pas ce que tu veux dire. »

Il s’avança tout troublé au milieu des soldats, et s’approcha du foyer, car il faisait froid. Après quelques instants, une autre femme, l’ayant regardé, le montra à ceux qui se chauffaient. Et interrogé une seconde fois, le pauvre Pierre nia de nouveau et avec serment, qu’il connût cet homme.

Une heure après, un des serviteurs de Caïphe, qui avait accompagné Judas au jardin des Oliviers, entra dans la cour, reconnut Pierre et lui dit :

« Je t’ai vu dans le jardin avec lui. » Alors Pierre se mit à blasphémer et à jurer une troisième fois qu’il n’avait jamais connu Jésus.

Et aussitôt le coq chanta.

En ce même temps, le Sauveur sortait de la salle du Conseil, on le conduisait dans la prison du Temple. En passant près de Pierre, il jeta sur lui un regard de reproche et de compassion. Et Pierre, touché par ce divin regard, se rappela les paroles de son Maître. Il se leva, sortit aussitôt, et pleura amèrement,

Henri. Et où alla-t-il ensuite ?

Grand’mère. Une tradition, c’est-à-dire un récit qui a passé de bouche en bouche, nous dit que saint Pierre alla chercher du courage et de la consolation près de la sainte Vierge et de l’Apôtre saint Jean, lequel, durant la Passion, n’abandonna pas la Mère de Dieu ; saint Pierre avoua sa faute et la pleura aux pieds de la sainte Vierge.

Henri. La pauvre sainte Vierge a dû le repousser et lui témoigner un grand mécontentement.

Grand’mère. Au contraire, la sainte Vierge, qui est le refuge des pécheurs et la Mère de miséricorde, le reçut avec bonté, le consola, lui pardonna au nom de son divin Fils, et l’encouragea dans ses bonnes pensées de repentir du passé et de fermeté pour l’avenir. Elle savait pourtant l’affliction que son Fils avait ressentie du reniement de Pierre, disciple choisi et désigné déjà pour le remplacer sur la terre comme chef futur des Apôtres et de toute l’Église ; malgré tout, elle pardonne à Pierre et nous montre par là combien nous devons compter sur la tendresse, l’indulgence de cette Mère divine, qui nous reçoit toujours quand nous avons recours à elle, qui nous exauce toujours quand nous l’invoquons, qui prie pour nous et qui nous obtient des grâces si nécessaires pour notre salut.