Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 039
FABLE XXXIX.
LE PAON ET LE MOINEAU.
Un paon l’un de ces jours perdit son beau plumage,
Il en pleura de honte et de douleur.
Pour tel oiseau c’est vraiment un malheur
Car il n’a pas d’autre avantage.
S’il chante il crie, et s’il parle il est sot,
Dans ses discours l’orgueil se joint à chaque mot.
Adieu, dit notre paon aux hôtes du bocage,
Je vais me retirer au plus sombre feuillage,
Du grand monde je suis à jamais dégoûté.
Bon ! reprit un moineau, dis donc la vérité,
Aucun dégoût chez toi, mais c’est ta vanité
Qui désormais ici ne peut se satisfaire.
Oh ! si tu conservois ton air de majesté,
Si tu pouvois encor étaler ta beauté
Que souvent on trouvoit trop fière,
Ce monde que tu fuis sauroit toujours te plaire.
Belles, si quelque jour vous perdez vos attraits
De cet oiseau trop vain évitez les regrets.
Il est pour vous tant d’autres avantages !
L’esprit, la raison, la douceur,
Surtout les charmes d’un bon cœur,
Vous vaudront les plus sûrs hommages.