Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 044

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Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 50-51).

FABLE XLIV.

LE HIBOU ET L’HIRONDELLE.


Mais, mon jeune voisin, vraiment vous êtes fou,
Disoit l’hirondelle au hibou,
Qui, dès l’aube du jour, rentroit dans sa masure.
Pourquoi donc fuir toute société
Et les beautés de la nature ?
Oh ! votre œil seroit enchanté
Du soleil et de la verdure,
Volez aux bois, aux prés, aux champs,
Venez nous voir, nous sommes bonnes gens,
Et votre solitude en paroîtra moins dure.
— Non, ma tristesse, mon humeur,
À tout le monde feroit peur.
Vous ignorez, repartit l’hirondelle,
Qu’à votre âge l’on peut changer,
Même en tout temps se corriger.
— Mais il faudroit chanter, et ma voix n’est pas belle.
Puis feu mon père a dit souvent :
Mon enfant,
Ne sortez que la nuit, ne volez qu’à la ronde,
Craignez, fuyez surtout les oiseaux du grand monde.
— Eh ! c’étoit-là, mon cher, le conseil d’un hibou.
Tenez, ma leçon est plus sage :

Lorsque toujours on vit seul dans son trou,
Des bonnes qualités on ne peut faire usage ;
Qui de la vérité n’entend pas le langage,
Gardera ses défauts, ses travers, son humeur,
Et ce sera votre partage :
Enfin, pour qui vit seul ni plaisir, ni bonheur.