Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 079

La bibliothèque libre.
Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 89-90).

FABLE LXXIX.

JUPITER, L’AIGLE ET LE BALLON.


L’aigle s’élevoit d’un vallon
Pour remonter au séjour du tonnerre.
En volant il rencontre un élégant ballon :
Que vois-je, dit-il en colère,
Qui vient me disputer mon empire des airs ?…
Oh ! c’est l’homme, il voudroit envahir l’univers.
Quoi ! peu content de jouir de la terre,
De s’être fait le souverain des mers,
Il veut encor posséder davantage ?
La tête humaine est à l’envers….
Mais non, l’ambition, dans ses projets divers,
A fabriqué ce leste et commode équipage.
Aux pieds de Jupiter il vole avec effroi,
Se plaint des voyageurs trouvés sur son passage,
Lui dit qu’enfin il n’est plus roi ;
Que l’homme usurpe son partage ;
Qu’il vient de se tracer une route dans l’air ;
Et que nouveau Titan, aussi prompt que l’éclair,
Il osera monter à la voûte azurée.
Bon ! les trésors de la plaine éthérée
Ne sont pas ceux auxquels l’homme attache du prix,
Dit le dieu ; tel dessein n’inspire que mépris.
Voudroit-il approcher de ces flots de lumière ?
De ces globes de feu deviner la matière ?
L’orgueilleux croiroit-il en soutenir l’éclat ?
Il n’ira pas bien haut, garde en paix ton état.
Eh ! de si loin, sur son tas de poussière,
Quand les ardens rayons brillent de toutes parts,

Il peut à peine y jeter ses regards :
Il loue, admire, et craint cet astre qui l’éclaire.
Ses vains essais ne peuvent m’offenser.
D’ailleurs, entre les cieux et l’homme téméraire
Est une éternelle barrière
Qu’il ne sauroit jamais passer.