Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 086

La bibliothèque libre.
Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 97).

FABLE LXXXVI.

LE MAITRE ET SON VALET.


Lafleur, je suis très-mécontent de toi,
Tu mets à bout ma patience ;
Je voulois t’attacher à moi,
Et ta légèreté m’en ôte l’espérance.
Il faut sans cesse demander
Ceci, cela, toujours gronder,
Aucune attention, ni soin, ni prévenance,
Tu ne prévois, tu ne devines rien ;
À l’avenir jamais Lafleur ne pense.
— Hélas ! n’y pas songer, monsieur, c’est tout mon bien ;
Je vous l’avoue, en conscience.
Excusez, dans cet avenir
Vous ne voyez que richesse et plaisir ;
Moi, je n’y vois que souffrance et misère,
Et l’oublier fut toujours mon désir ;
Sans doute que le ciel voulut le satisfaire.
Grâce à vous, le présent semble tout à mes yeux :
Ah ! ce n’est pas du cœur que vient ma négligence ;
Non, ce défaut de prévoyance
Commun à tant de malheureux
Est faveur de la providence.