Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 093

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Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 104-105).

FABLE XCIII.

L’ALOUETTE ET SES PETITS.


Au sortir de la coque, on rit de la prudence ;
Je ne reconnois plus aujourd’hui les enfans :
Ils se moquent de tout, même de leurs parens,
De leurs conseils, de leur expérience :
Mère alouette un jour exprimoit en ces mots
Les torts de ses petits, leurs indiscrets propos.
Elle disoit souvent : Famille volontaire
Causera son malheur et celui de sa mère.
Voyez ces étourdis, vouloir manger les grains
Qu’un perfide oiseleur répand sur ces chemins !
Je connois, mes enfans, mieux que vous cet usage
Destructeur de tous les oiseaux :
Restons cachés aux creux de nos ormeaux ;
C’est là, mes chers amis, le parti le plus sage.
Par cette affreuse neige il faut rester chez nous ;
Elle fondra, l’air deviendra plus doux.
Sans redouter le traître et ses funestes coups
Nous quitterons l’asile du bocage.

Mais la neige et les noirs frimas
Sont, disoient les petits, un temps de bonne chère ;
En becquetant ce blé, nous reviendrons plus gras :
On le sème à dessein, dit-on, et pour nous plaire.
La mère parle encor de réseaux et d’appâts :
Les ingrats ne l’écoutoient guère.
Enfin la troupe indocile partit,
Gaîment chercha, trouva ce maudit coin de terre
Où savourant des grains, aux lacs elle se prit.
On se désole alors, tendre mère on regrette ;
C’est en vain que chacun l’appelle par ses cris,
Et tous disoient entr’eux : Hélas ! elle répète,
Ces chers enfans, mes pauvres fils,
Seroient encor dans ma retraite,
S’ils n’avoient pas dédaigné mes avis.