Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 158

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Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 168-169).

FABLE CLVIII.

LES TOURTEREAUX ET LE PINSON.


Un tourtereau très-vieux disoit à sa compagne,
Se promenant le soir sur les bords d’un ruisseau :
Je n’ai point de plaisir à voir cette campagne ;
Rien à présent n’est plus ni si bon, ni si beau.
Comme tout a changé ! cette onde n’est plus claire,
Les grains sont plus petits, ils sont moins savoureux ;
Les bois sont moins touffus, les oiseaux moins heureux ;
Dans la nature, hélas ! tout enfin dégénère :
Même le rossignol n’a plus, comme autrefois,
Sa douce et ravissante voix.
Je crois aussi, reprit la tourterelle,
Qu’on ne voit plus de tourtereau fidèle
Autant que toi,
Et qu’il n’est plus maintenant de femelle
Aussi constante, aussi tendre que moi.
Rien n’a changé que vous, laissez ce vieux langage,
Repart un jeune et gai pinson
Qui les entendoit du bocage ;
Croyez-moi, mes amis, quittez ce triste ton ;
Si vous étiez encor dans l’aimable saison
De la fraîche et belle jeunesse,
Tout vous sembleroit bien, vous verriez tout charmant :
C’est le dégoût de la vieillesse
Qui rend le monde différent.