Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 162

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Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 174).

FABLE CLXII.

LE MILAN ET LES MOINEAUX.


Jeunes moineaux s’aimoient avec ardeur ;
Ils goûtoient depuis peu les douceurs du ménage.
Couple qui se chérit est heureux sous l’ombrage :
C’est là qu’ils gazouilloient, jasoient sur leur bonheur.
Un milan auprès d’eux, à l’abri du branchage,
Bien caché, les voyoit vivement caqueter,
Et puis battre de l’aile, et puis se becqueter :
L’amour ne pense guères aux dangers du bocage.
Quoi ! leur dit le milan, écartant le feuillage,
J’avois placé tous les moineaux
Dans le nombre des bons oiseaux,
Et vous vous disputez et vous battez sans cesse !
— Ô ciel ! nos coups de becs n’expriment que tendresse,
Ils ont pour nous les plus touchans appas :
Malheur au triste oiseau qui ne connoîtroit pas
Des sensibles époux la plus douce caresse !
— Vous vous battiez ? je l’ai vu clairement :
Tremblez, car j’ai fait le serment
Et de chercher et de détruire
Tout oiseau qui seroit méchant.
Sa serre se déploie, et le couple innocent
N’a plus, hélas ! que le temps de lui dire :
Le bien est mal pour celui qui veut nuire.