Œuvres complètes (Beaumarchais)/Lettres/Lettre 05

La bibliothèque libre.
Œuvres complètes, Texte établi par Édouard Fournier, Laplace (p. 641-642).
LETTRE V.
AU ROI.
Juin 1774.
Sire,

Lorsque j’avais l’air de fuir l’injustice et la persécution, au mois de mars dernier, le feu roi votre aïeul savait seul où j’étais ; il m’avait honoré d’une commission particulière et très-délicate en Angleterre, ce qui m’a fait faire quatre fois le voyage de Londres à Versailles en moins de six semaines.

Je me pressais enfin de rapporter au roi les preuves du succès de ma négociation, sur laquelle j’avais été croisé de toutes les manières possibles. À mon arrivée à Versailles, j’ai eu la douleur de trouver le roi mourant, et, quoiqu’il se fût inquiété dix fois de mon retard avant de tomber malade, je n’ai pas pu même avoir la consolation de lui faire savoir que ses ordres secrets avaient eu leur entière exécution.

Cette affaire délicate intéresse Votre Majesté par ses suites, comme elle intéressait le feu roi par son existence. Le compte que je venais lui rendre n’est dû qu’à Votre Majesté : il y a même des choses qui ne peuvent être confiées qu’à elle seule. Je la supplie de vouloir bien honorer de ses ordres à cet égard le plus malheureux, mais le plus soumis et le plus zélé de ses sujets.