Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Notice historique par M. Roger

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NOTICE HISTORIQUE
SUR
M. DE FONTANES,
PAR M. ROGER,
de l’académie française.

(Extrait de la Biographie universelle, tome LXIV, publié en 1837).


Fontanes (le marquis Louis de), de l’Académie française, né à Niort (Deux-Sèvres), le 6 mars 1757, mort à Paris, le 17 mars 1821, était issu d’une famille noble et protestante, originaire du Languedoc, exilée par suite de la révocation de l’édit de Nantes, mais rentrée en France depuis longues années. Sa mère, qui était catholique, avait exigé que ses enfants fussent élevés dans sa foi. Son père, n’ayant pour toute fortune qu’un modeste emploi d’inspecteur du commerce, confia l’éducation de son enfance à un honnête curé des environs de Niort, chez lequel il fut mis en pension, et qu’il accompagnait à l’église. De là peut-être ce goût prononcé pour les cérémonies religieuses qu’il a gardé toute sa vie, et qui peut être aussi n’a pas été sans influence sur la nature de son talent, comme sur le choix des sujets qu’il a traités. Il passa ensuite au collège de Niort, tenu par la congrégation de l’oratoire, et y acheva toutes ses études. Sa passion pour la poésie se déclara de bonne heure. Un frère ainé, qu’il a longtemps pleuré, encourageait par son exemple (car il était poëte aussi) les premiers essais de sa jeune verve. Après la mort de son frère et de son père, Fontanes vint se fixer à Paris. Quoique déjà sur son déclin, la littérature y régnait presque en souveraine sur une société polie. Heureux jours, du moins pour les poëtes, où les lettres n’étaient pas, comme aujourd’hui, une spéculation et un moyen de fortune, mais un moyen de bonheur ; où on les cultivait encore pour l’amour d’elles-mêmes ; où un bon livre, fût-il d’un jeune homme ignoré, avait en peu de temps pour lecteurs et la cour et la ville, et se trouvait dans tous les salons; où la poésie était du goût de tous les âges, et faisait l’aliment de toutes les conversations !

Fontanes débuta dans le monde littéraire, en 1778, par la Forêt de Navarre. C’est un petit poëme descriptif, genre alors fort à la mode, mais où l’auteur, évitant tous les écarts de l’école contemporaine, réussit à peindre la nature, comme les anciens, avec vérité, et à être brillant sans fausses couleurs, sans recherche et sans enluminure. Ce début lui concilia l’amitié de Ducis, à qui l’année suivante, il adressa une belle et noble Épître. Il y a de l’âme et de l’inspiration dans cet hommage rendu au talent original, profond et vrai, et aux vertus privées de Ducis. On y sent déjà que le jeune poëte est appelé à réussir particulièrement dans l’expression des sentiments religieux, comme nous le verrons plus bas.

En 1783, parut sa traduction en vers de l’Essai sur l’Homme, de Pope, ouvrage de morale un peu sec, dont Fontanes s’attacha trop peut-être à imiter la concision. Malgré ce défaut. fort atténué du reste dans l’édition publiée en 1821[1], tous les hommes éclairés, appréciant les grandes beautés qui le rachetaient, félicitèrent l’auteur de l’élévation et de la pureté de son style. Mais, chose singulière ! la traduction de Fontanes était précédée d’un Discours préliminaire ; il aspirait sans doute à figurer par ses vers dans les premiers rangs des poëtes du temps, et il arriva que sa prose le plaça tout d’abord au premier rang des prosateurs où il n’aspirait pas. C’est en effet un morceau achevé. On s’étonna de trouver, dans un jeune homme de vingt-six ans, une si rare sûreté de goût, une si haute raison, une critique si fine et si profonde, un fonds de littérature si étendu, tant d’élégance et de clarté unies à une telle variété d’idées et de jugements indépendants. Les portraits de Lucrèce, d’Horace, de Boileau, de Voltaire, et surtout de Pascal, considérés comme écrivains moralistes, furent dès lors et seront toujours cités comme des modèles de style, comparables à ce que nous ont laissé dans ce genre les plus beaux génies du grand siècle.

Le poëme du Verger[2] fut publié en 1788. Le plan en parut vague et faiblement tracé ; mais on remarqua de beaux vers sur les Alpes, le Jura et la Vallée du Léman, et un morceau des plus gracieux sur les fleurs.

Le talent poétique de Fontanes sembla s’être agrandi dans l’Essai sur l’Astronomie, publié en 1789. Ce fut alors que La Harpe, qui ne louait guère ses contemporains, prononça sur Fontanes ces paroles prophétiques ; Voilà décidément un poëte qui tuera l’école de Dorat. Même succès attendait l’Építre sur l’Édit en faveur des non catholiques, couronnée le 25 août de la même année par l’Académie française. Cet édit sorti du cœur de Louis XVI, et qui rendait aux protestants les droits que leur avait fait perdre la révocation de l’édit de Nantes, cet édit qui trouva parmi eux tant et de si illustres ingrats, inspira dignement Fontanes. Né d’une famille calviniste, écrivant son épître au milieu des déclamations philosophiques et politiques de 1789, il y rend hommage à Louis XVI, sans cesser d’admirer Louis-le-Grand ; il est philosophe et religieux, tolérant et catholique ; il proclame hautement, en présence de l’incrédulité déjà triomphante, le dogme de l’Eucharistie qu’il qualifie ainsi :

Ce dictame immortel qui fleurit dans les cieux.


Nous ne pouvons, à propos de cette épître, nous empêcher de croire que, si l’Académie française s’honora elle-même en la couronnant, ce fut aussi cet acte honorable qui contribua le plus à exciter la haine révolutionnaire de Chamfort contre l’illustre compagnie dont il était membre, et dont il provoqua peu après la destruction.

Ne voulant point interrompre l’analyse, ou, pour mieux dire, le simple énoncé des divers ouvrages poétiques de Fontanes, et n’étant point d’ailleurs obligé de suivre l’ordre chronologique dans lequel ils ont été publiés, nous franchissons plusieurs années pour parler tout de suite de quelques poésies qui lui ont acquis et assuré le plus de renommée, la Chartreuse de Paris, les Livres saints, le Jour des Morts dans une Campagne, les Stances à M. de Châteaubriand, et le Retour d’un Exilé, Ode sur la violation des tombeaux de Saint-Denis.

Il faut lire la Chartreuse, non dans les versions fautives, publiées dans divers recueils, depuis 1783 jusqu’en 1800, mais telle que Fontanes l’a refaite pour M. de Chateaubriand qui l’a imprimée en entier dans le Génie du Christianisme. Nous ferions injure à nos lecteurs en analysant ce poème aujourd’hui si connu. Nous nous contenterons donc de répéter ce qu’en dit M. de Chateaubriand avant de le citer : « Ces beaux vers prouveront aux poëtes que leurs muses gagneraient plus à rêver dans les cloitres qu’à se faire l’écho de l’impiété. » On trouve, dans les Livres saints, les beautés poétiques les plus dignes d’un pareil sujet ; et Fontanes y prouve par son exemple la vérité de ce vers du poëte :

L’enthousiasme habite aux rives du Jourdain.

Il règne dans le Jour des Morts une mélancolie religieuse, pénétrante, pleine de charme, inconnue des anciens, jointe à la simplicité, à l’accord parfait de la pensée et de l’expression, qui caractérisent ces éternels modèles du goût ; c’est du Fénelon en beaux vers. Les stances, adressées au chantre des Martyrs (en 1810), alors persécuté par les plus injustes critiques, ne le cèdent en rien, ce nous semble, à ce que la muse de l’amitié inspira de plus touchant et de plus gracieux à Ovide parlant de Tibulle, à Horace écrivant à Virgile. Mais, si quelque chose put être encore plus flatteur que ces vers pour M. de Châteaubriand, ce fut l’envoi ingénieux dont Fontanes les accompagna. Quel était donc cet envoi ? Une critique de Télémaque en sept volumes, publiée depuis un siècle !

Quoique l’Ode sur la violation des tombeaux de Saint-Denis, ode remarquable par la verve et l’indignation poétique, n’ait été connue du public que par la lecture qui en fut faite dans la séance académique du 24 avril 1817, nous pouvons affirmer qu’elle était connue de Bonaparte avant qu’il eût eu le bon esprit de restaurer les tombes royales. On peut donc présumer qu’elle a contribué à cette restauration. Fontanes voulait plus ; il avait conseillé des autels expiatoires. Mais, comme l’a dit M. le prince de Talleyrand, et comme on a fait depuis, on recula devant la crainte de donner de l’humeur aux assassins.

Reprenons la vie de Fontanes où nous l’avons laissée, à la fin de 1789. La révolution à peine commencée de fait, mais de longue main préparée dans l’opinion, fit en peu de temps des progrès immenses, grâce à l’audace des novateurs aidée de la faiblesse du pouvoir. Tout ce qui n’était pas détruit était menacé de l’être. Quelques esprits sages et pleins de loyauté. mais un peu tard-voyants (si j’ose hasarder ce mot), résolurent d’opposer leur sagesse à la folie, et leurs écrits raisonnables au torrent des pamphlets furieux qui inondaient la France. Dans ce dessein, ils s’associèrent ceux des écrivains monarchiques qu’ils jugèrent les plus modérés dans leur opinion politique, tels que Suard et Fontanes. Ce dernier, de concert avec Flins[3], entreprit un nouveau journal qui s’appelait le Modérateur. Mais cet essai ne fut pas plus heureux qu’il ne l’a été à une époque plus voisine de nous, et le torrent emporta bientôt le Modérateur et les modérés. Fontanes néanmoins, se raidissant contre le péril, continua, dans d’autres écrits, à combattre l’anarchie, jusqu’au jour où tombèrent avec le trône et ceux qui l’avaient défendu et plusieurs de ceux-là même qui l’avaient fait tomber. Retiré d’abord à Lyon, où il avait épousé, depuis un an, une femme aimable, spirituelle et d’un caractère noble et ferme, Fontanes vit bientôt ses jours en danger au milieu de ses nouveaux compatriotes incendiés et décimés.

Obligé de fuir, il erra longtemps sans asile, et sa femme accoucha de son premier enfant au milieu des vignes. Recueilli enfin chez un ami, il y reçoit un jour un billet portant ces mots écrits au crayon ; « Allez trouver dans son camp le représentant du peuple Maignet ; il vous donnera un sauf conduit ». Maignet ! l’incendiaire d’Orange et de Bédouin ! quelle ressource ! n’était-ce pas plutôt un piège ? Il s’achemine pourtant vers le camp du proconsul ; on l’arrête au premier poste et on le conduit à Maignet. À peine lui a-t-il dit son nom que celui-ci s’élance sur lui, comme un tigre prêt à dévorer sa proie, lui secoue le corps avec violence et lui glisse furtivement un papier sous ses vêtements, en lui criant : « Tu t’es fait bien attendre ; je n’ai plus besoin de toi ; va-t-en. Gendarme ! qu’on le mène au lieu convenu. » Ces paroles n’étaient pas rassurantes. Fontanes suit en silence le gendarme qui, à une lieue de là, le quitte et lui dit : « Voilà ton chemin ; bonjour. » Resté seul, Fontanes retire le papier mystérieux… c’était un passeport signé Maignet, excellente sauvegarde au moyen de laquelle Fontanes se crut, au moins pour quelque temps, en sûreté. Il alla à Paris et y fit venir madame de Fontanes. Ils y étaient depuis un mois : mais voilà que le 20 décembre 1793 (30 frimaire an II), sortant tout à coup de leur stupeur, les Lyonnais envoient à la barre de la Convention quatre hommes du peuple[4], quatre hommes grossièrement vêtus qui, semblables au paysan du Danube, retraçant au sénat de Rome les cruautés de ses préteurs et lui disant avec l’autorité du désespoir : Retirez-les, viennent, dans un discours énergique et adroit, demander au sénat régicide la cessation des massacres et le rappel de Collot-d’Herbois. Déjà les tyrans de la France. d’abord étonnés d’un pareil langage, se sentent en dépit d’eux émus de pitié pour leurs victimes. Le décret de rappel est rendu. Mais Collot-d’Herbois, instruit à temps du départ des députés lyonnais, arrive lui-même à Paris et fait rapporter le décret (séance du 21 décembre). Le chef de la députation est arrêté ; l’écrivain qui lui avait prêté son éloquence est deviné et menacé ; c’était Fontanes[5]. Il dut se dérober au danger. Madame de Fontanes et lui se retirèrent à Sevran, près de Livry, chez madame Dufrénoy leur amie, femme d’un talent poétique élégant et naturel, où ils vécurent paisiblement jusqu’au 9 thermidor.

Bientôt après, la Convention créa l’Institut, qu’elle composa d’abord d’écrivains, de savants et d’artistes pris, comme de raison, dans son propre sein, tels que Lakanal, Fourcroy, David, etc., auxquels furent successivement adjoints les plus grands noms scientifiques et littéraires de l’époque. Fontanes alors ne fut point oublié. On le nomma de plus professeur de belles-lettres à l’école centrale des Quatre-Nations.

Une heureuse réaction politique et littéraire s’opérait dans les esprits, mais elle marchait lentement : il fallait y aider par le moyen de la presse périodique. Quoique déjà plus d’une fois punis de leur courage, quelques publicistes, hommes d’esprit et de oœur, tels que M. Michaud[6], se remirent à l’œuvre. La Harpe, converti à la religion et à la cause royale par une longue détention, reprit la plume et devint éloquent. Il s’associa Fontanes et l’abbé Bourlet de Vauxcelles pour la rédaction du Mémorial. Les noms des trois principaux rédacteurs figuraient en tête de ce journal, et chacun d’eux signait ses articles de la lettre initiale de son nom. Un article signé F. parut à la date du 15 août 1797. C’était une lettre au général Bonaparte, commandant alors en Italie et dont les proclamations semblaient menacer les Parisiens peu républicains d’un nouveau canon de vendémiaire. Voici quelques fragments de cette pièce singulière : « Brave général, tout a changé et tout doit changer encore, a dit un écrivain politique de ce siècle, à la tête d’un ouvrage fameux. Vous hâtez de plus en plus l’accomplissement de cette prophétie de Raynal. J’ai déjà annoncé que je ne vous craignais pas, quoique vous commandiez quatre-vingt mille hommes et qu’on veuille nous faire peur en votre nom. Vous aimez la gloire, et cette passion ne s’accommode pas de petites intrigues et du rôle d’un conspirateur subalterne auquel on voudrait vous réduire. Il me parait que vous aimez mieux monter au Capitole, et cette place est plus digne de vous. Je crois bien que votre conduite n’est pas conforme aux règles d’une morale très sévère ; mais l’héroïsme à ses licences, et Voltaire ne manquerait pas de vous dire que vous faites votre métier d’illustre brigand comme Alexandre et comme Charlemagne : cela peut suffire à un guerrier de vingt-neuf ans… En vérité, brave général, vous devez bien rire quelquefois, du haut de votre gloire, des cabinets de l’Europe et des dupes que vous faites… Vous préparez de mémorables événements à l’histoire. Il faut l’avouer, si les rentes étaient payées et si on avait de l’argent, rien ne serait plus intéressant au fond que d’assister aux grands spectacles que vous allez donner au monde : l’imagination s’en accommode fort, si l’équité en murmure un peu… Vous aimez les lettres et les arts ; c’est un nouveau compliment à vous faire. Les guerriers instruits sont humains ; je souhaite que le même goût se communique à tous vos lieutenants…

« J’aime fort les héros, s’ils aiment les poëtes… »


« Suivez vos grands projets, et ne revenez surtout à Paris que pour y recevoir des fêtes et des applaudissements. »

Nous ne savons pas si le général Bonaparte eut connaissance du Mémorial et de cette lettre curieuse. Il s’en serait sans doute amusé. Mais le Directoire la lut et ne s’en amusa pas. Quinze jours après, arriva le 18 fructidor, véritable Saint-Barthélemi des journalistes, où furent compris les trois rédacteurs du Mémorial. Condamné à la déportation, Fontanes fut de plus rayé de l’Institut ainsi que l’abbé Sicard et M. de Pastoret, depuis chancelier de France. Craignant de compromettre les amis qui lui donnèrent asile dans les premiers moments du danger, il se réfugia en Angleterre. C’est là qu’il retrouva M. de Châteaubriand qu’il avait connu à Paris vers la fin de 1790. Il faut lire, dans M. de Châteaubriand lui-même[7], comment les deux exilés renouèrent cette amitié constante, inaltérable, qui a fait l’honneur et le charme de leur vie, quelles touchantes consolations leurs entretiens apportaient incessamment à leurs douleurs communes, et avec quelle noble franchise l’homme de génie, que Fontanes eut le premier la gloire de deviner, proclame les obligations qu’il eut à l’homme de goût.

Enfin brumaire vint ; le général Bonaparte monta au Capitole, suivant la prédiction de Fontanes ; la France espéra, et Fontanes, rentré en France peu de temps auparavant, ne fut plus réduit à s’y cacher. Quoique le décret de déportation pesât toujours sur sa tête, il vivait à Paris, fort retiré, mais paisible, dans un petit logement de la rue Saint-Honoré, près de Saint-Roch, lorsque, apprenant la mort de Washington, Bonaparte résolut de faire prononcer son éloge funèbre. Voici sur cet incident quelques détails curieux, qui nous furent transmis au moment même par le témoin le plus digne de foi : « Washington, dit le premier Consul, est le seul homme qui soit sur ma ligne… j’ai été un instant sur celle de Cromwell… je veux qu’il soit loué dignement publiquement… qui choisir ? » M. Maret (depuis duc de Bassano), homme lettré, toujours prêt à inspirer comme à concevoir des idées généreuses, répond sans hésiter : Fontanes. Un troisième personnage ayant fait observer que Fontanes est sur la liste des déportés : « N’est-ce que cela, réplique vivement Bonaparte ; je le raye de cette liste ; c’est lui qui prononcera l’oraison funèbre, et je veux que ce soit le 20 de ce mois[8], dans le temple de Mars (la chapelle des Invalides). » Trois jours seulement furent donnés à l’orateur pour remplir cette difficile et noble tache ; difficile en effet, quand on songe à la position respective du panégyriste et de celui qui commandait le panégyrique, aux opinions politiques de l’un, et aux desseins ambitieux de l’autre. Nul ne doutait en France que l’illustre guerrier, despote naissant, sous le titre modeste et hypocrite de consul, n’attendit de Fontanes autre chose que l’éloge de Washington. Aujourd’hui même encore, on ne relit point sans étonnement ce chef-d’œuvre de goût, d’adresse et d’éloquence tempérée où, parcourant les vertus de Washington, l’orateur met au-dessus de toutes les autres sa modération et son bon sens. On est surtout frappé de ce passage qui rappelait si vivement, dans un tel lien et à une telle époque, au souvenir de tous les cœurs français, le nom et la royale bonté de l’infortunée Marie-Antoinette… « Ô jeune Asgill ! toi dont le malheur sut intéresser l’Angleterre, la France et l’Amérique ! avec quels soins compatissants Washington ne retarda-t-il pas un jugement que le droit de la guerre permettait de précipiter ! Il attendit qu’une voix alors toute-puissante franchit l’étendue des mers et demandât une grâce qu’il ne pouvait lui refuser ; il se laissa toucher sans peine par cette voix conforme aux inspirations de son cœur ; et le jour qui sauva une victime innocente doit être inscrit parmi les plus beaux de l’Amérique indépendante et victorieuse. »

Les portes de l’Institut s’ouvrirent pour Fontanes une seconde fois. Il travailla alors à la rédaction, et l’on peut dire à la résurrection du Mercure de France. Ses articles sur la Littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, par madame de Staël, sur le Génie du Christianisme, et sur les œuvres de Thomas, sont d’une critique éloquent et polie, inconnue jusqu’à lui.

Ici commence pour Fontanes une nouvelle carrière. Le premier Consul, en homme habile, s’était montré fort satisfait de l’éloge de Washington. Il recevait fréquemment Fontanes tête à tête, à dix heures du soir, et l’auteur de cette notice a vu entre les mains de celui-ci une carte d’entrée particulière, à l’aide de laquelle il était introduit par une petite porte extérieure du Pavillon Marsan. Là se tenaient des conversations dont le but était évidemment d’entretenir dans l’esprit de Fontanes les illusions des royalistes, afin de rallier lui, et eux par lui, au pouvoir nouveau. Fontanes crut de bonne foi, et pendant longtemps, que l’homme pour qui la gloire militaire avait tant d’attraits, pourrait bien n’être pas insensible à une gloire plus vraie et plus solide ; que son propre intérêt pourrait lui suggérer, sinon de généreux sacrifices, au moins des idées d’ordre et de décence publique, dont la patrie avait tant besoin, et qu’il serait même possible de les faire naître et se développer par des conseils mêlés de louanges habiles. Le plus grave des historiens, selon l’expression de Bossuet, ne blâme point Agricola d’avoir cherché, par amour du bien public, à captiver l’esprit de l’empereur, et cet empereur était Domitien. Il l’en remercie au contraire ; il le félicite de ne point s’être précipité vers une mort certaine et sans fruit, par une opiniâtreté inflexible et une vaine jactance de liberté. Qui aurait le droit d’être plus sévère que Tacite ? Ne soyons donc pas surpris que, quand même l’imagination de Fontanes n’aurait pas dû naturellement être frappée du spectacle d’un homme si extraordinaire et d’événements si merveilleux, il se soit laissé facilement séduire par la pensée de devenir le conseiller de cet homme, et de le pousser à l’anéantissement de la révolution, seule espérance qui ne fût pas alors sans fondement.

C’est dans la même idée qu’il accepta, ainsi qu’un de ses amis (le comte Beugnot), une place importante au ministère de l’intérieur, où ces deux hommes remarquables se flattaient d’avoir, sur l’esprit du frère du premier Consul, une influence heureuse pour l’administration de la France[9]. Mais ni l’un ni l’autre n’étaient destinés à y rester longtemps. Nommé membre du Corps législatif pour le département des Deux-Sevres, en février 1802, puis porté sur la liste des cinq candidats à la présidence annuelle, Fontanes fut choisi pour président au mois de janvier 1804 (nivose an XII). On a vu, par ce qui précède, combien il est absurde de supposer que, pour arriver à cette dignité, Fontanes ait eu besoin de l’appui qu’il aurait trouvé en effet dans quelques personnes de la famille Bonaparte. Quelle autre protection lui fallait-il, que son talent, que l’estime dont il jouissait dans l’assemblée, et que le besoin qu’avait le premier Consul de donner au moins une apparence de dignité et de liberté à cette législature muette, par le choix du seul personnage qui avait le droit d’y parler ? Ce n’est pas que Fontanes eût le don de l’improvisation. Il avait beaucoup de mouvement dans l’esprit ; il exprimait ses idées avec vivacité et en termes excellents dans la conversation ; et pourtant une timidité invincible le rendait incapable de prononcer à la tribune publique une ou deux phrases qu’il n’aurait pas écrites. Mais aussi, pourvu qu’il lui fût accordé quelques instants de préparation, sa pensée s’exhalait en accents pleins de noblesse et de courage.

Ici les faits sont si nombreux qu’on n’èprouve que l’embarras du choix. Le 17 février 1804, deux commissaires du gouvernement viennent proposer un décret portant que tout individu qui recevrait George et Pichegru serait puni de six années de fers, si le récèlement avait eu lieu avant la promulgation du décret, et de la peine de mort, s’il avait lieu postérieurement. Fontanes, sans s’expliquer (et il ne le pouvait pas) sur le fond de cette odieuse proposition, n’en flétrit pas moins la création des commissions extraordinaires et des tribunaux spéciaux : Les lois, dit-il, ont seules le droit de condamner ou d’absoudre, et le corps qui les sanctionne doit attendre leur jugement. Le 24 mars de la même année, le Corps législatif, ayant reçu le complément du code civil, décrète qu’il sera élevé dans le lieu de ses séances une statue en marbre à l’auteur de ce bienfait. Fontanes, orateur de la députation chargée d’annoncer cette décision au premier Consul, affectant de ne parler que de la confection du Code et d’éviter toute allusion. même indirecte, à l’attentat commis trois jours auparavant sur la personne du duc d’Enghien, Fontanes s’exprime ainsi : « La sage uniformité de vos lois va réunir de plus en plus tous les habitants de cet empire immense, etc., etc. » Bonaparte, dans le Moniteur du lendemain, substitue à vos lois, ces mots perfides : vos mesures. Fontanes, indigné, court aux bureaux du Moniteur, et y exige impérieusement un erratum, qui est imprimé le 27 mars (n° 186), et qui rétablit le texte du discours. Veut-on savoir maintenant jusqu’à quel point cette imposture était audacieuse ? On va l’apprendre par la révélation d’un fait qui suffirait seul pour peindre et Bonaparte et Fontanes. Le 21 mars, avant le jour, le premier Consul expédie à Fontanes l’ordre de se rendre auprès de lui, à six heures du matin. — « Eh bien ! (lui dit-il avec un calme apparent) vous savez que le duc d’Enghien est arrêté ? — Je ne puis encore y croire, même en l’apprenant par vous. — Pourquoi cela ? — C’est le plus grand malheur qui ait pu vous arriver. — Que feriez-vous donc à ma place ? — Je me hàterais de le renvoyer libre. — Libre ! quand je sais qu’il a pénétré plusieurs fois sur le territoire français et qu’il y conspirait contre moi ! — Cela fût-il vrai, c’est une raison de plus pour un homme tel que vous de le mettre en liberté. — Les lois veulent qu’il soit jugé, et je l’ai traduit à un conseil de guerre. — Non ! vous ne ternirez pas ainsi votre gloire. — Il faut qu’il porte la peine de son crime. — Ô ciel ! c’est impossible ! c’est vous livrer aux jacobins… c’est vous perdre !… Vous ne le tuerez pas ! non, vous ne le tuerez pas ! — Il n’est plus temps ! il est mort. »

Jamais Fontanes n’a cessé d’exprimer franchement à Bonaparte son opinion sur ce lâche assassinat. « Pensez-vous toujours à votre duc d’Enghien ? lui dit un jour l’empereur. — Mais il me semble, répondit-il, que l’empereur y pense autant que moi. » — « Faible politique que vous êtes (lui disait-il une autre fois, à propos du même crime), lisez cette note diplomatique, et voyez si le cabinet qui me l’envoie juge ma conduite aussi sévèrement que vous. » Fontanes lit la note et répond : « Cela ne prouve rien, sinon qu’on croit dans ce cabinet que vous serez avant peu le conquérant du pays. »

Quelques esprits prévenus ou peu éclairés, révoquant en doute les sentiments légitimistes de Fontanes, ont poussé l’ignorance ou la mauvaise foi jusqu’ã lui reprocher ces paroles si célèbres de son discours du 14 janvier 1805 : « Il (Bonaparte) n’a détrôné que l’anarchie qui régnait seule dans l’absence de tous Les pouvoirs légitimes. » Acceptant l’usurpation comme un fait, Fontanes pouvait-il consacrer plus positivement le principe de la légitimité ? Le même sentiment, et l’on peut dire les mêmes regrets et les mêmes espérances, se retrouvent dans un autre paragraphe de ce discours : « Quand le corps politique tombe en ruines, tout ce qui fut obscur attaque tout ce qui fut illustre. La bassesse et l’envie parcourent les places publiques en outrageant les images révérées qui les décorent. On persécute la gloire des grands hommes jusque dans le marbre et l’airain qui en reproduisent les traits. Leurs statues tombent ; on ne respecte pas même leurs tombeaux. Le citoyen fidèle ose à peine dérober en secret quelques-uns de ces restes sacrés. Il y cherche en pleurant l’ancienne gloire de la patrie, et leur demande pardon de tant d’ingratitude. Cependant il ne désespère jamais du salut de l’État, et, même au milieu de tous les excès, il attend le réveil de tous les sentiments généreux. »

Le 5 mars 1806, les ministres, demandant de nouveaux impôts, étaient venus vanter au Corps législatif les victoires de l’empereur, et Fontanes leur avait répondu : « Quelle que soit au dehors la renommée de nos armes, le corps législatif craindrait presque de s’en féliciter, si la prospérité intérieure n’en était la suite : notre premier vœu est pour le peuple, et nous devons lui souhaiter le bonheur avant la gloire. » Le 11 mai de la même année, lors qu’ayant chassé du trône une royale maison pour y essayer un roi de sa famille, le vainqueur envoie au Corps législatif les drapeaux conquis ; lorsqu’on fait retentir autour de ces trophées les plus violentes injures contre les Bourbons de Naples et principalement contre la reine, voici comment répond Fontanes, en présence de tout le corps diplomatique et de toute la famille impériale : « Malheur à moi, si je foulais aux pieds la grandeur abattue, et si, sur le berceau d’une dynastie nouvelle, je venais insulter aux derniers moments des dynasties mourantes ! Je respecte la majesté royale jusque dans ses humiliations ; et, même quand elle n’est plus, je trouve je ne sais quoi de vénérable dans ses débris. » Le même discours invite le nouveau gouvernement de Naples à légitimer ses droits en rendant les Napolitains heureux. Puis Fontanes finit par cette péroraison remarquable : « J’aime à le dire en finissant, à l’aspect de ces drapeaux, devant ces braves qui ne me désavoueront pas, et surtout au pied de cette statue qu’on invoque toutes les fois qu’il faut parler de la gloire ; j’aime à dire que l’amour et le bonheur des peuples sont les premiers titres à la puissance ; que seuls ils peuvent expier les malheurs set les crimes de la guerre, et que sans eux la postérité ne confirmerait pas les éloges que les contemporains donnent aux vainqueurs. »

Les hautes leçons données par Fontanes à Napoléon étaient toujours sans doute assaisonnées de louanges. Il admirait et louait sincèrement en lui le restaurateur de l’ordre et de la religion, et cette volonté puissante qui, disait-il, avait plus fondé qu’on avait détruit. Mais son encens n’avait rien de commun avec l’encens grossier et nauséabond de la plupart des orateurs auxquels il avait à répondre. C’était un hommage délicat, plein de convenance et de mesure ; c’était enfin l’hommage d’un homme de goût, supposant spirituellement que le personnage auquel il l’adresse est homme de goût comme lui[10].

Le moment vint pourtant où le despotisme affermi ne crut plus avoir besoin des éloges de Fontanes et s’irrita de ses leçons. Un discours de clôture (31 décembre 1808), où le président repoussait avec une courageuse dignité un bulletin impérial daté de Benavente (Espagne), bulletin insolent pour le Corps législatif et injurieux pour toute la nation, décida son éloignement. Mais comment et par qui le remplacer ? Ce ne fut pas pour l’empereur un médiocre sujet d’embarras et de souci. Les dernières paroles de Fontanes avaient excité à tel point l’enthousiasme de l’assemblée, qu’il était plus que probable qu’à la prochaine session il serait réélu candidat à la présidence, d’autant que cette élection se faisait au scrutin secret, moyen commode de se montrer courageux. En effet, Napoléon essaya vainement de faire porter à la candidature le comte de Montesquiou ; Fontanes l’emporta à la presque unanimité, et il fallut bien le nommer président pour l’année 1809. Mais en 1810 il échappa à la nécessité de le conserver en le faisant sénateur. Alors disparut du Corps législatif jusqu’au dernier fantôme de liberté. Une seule voix avait pu s’y faire entendre, et quand elle se tut, quel silence jusqu’au moment où, ranimé par le danger de la patrie et par le rapport de Laîné[11], ce corps silencieux commença d’ébranler le colosse qui pesait sur le monde !

Transporté du Corps législatif dans le Sénat, Fontanes, n’étant point obligé d’y parler et peut-être s’en félicitant, s’y montra prudent et réservé. Avouons même, avec l’impartialité que nous avons gardée jusqu’ici, que son courage politique sembla presque se démentir dans la circonstance où le public en espérait le plus. Chargé par le Sénat de la même mission, qu’avait si bien remplie Lainé au Corps législatif, Fontanes y demeura faible et embarrassé. Il s’interdit toutes vérités sévères et se contenta d’insister sur la nécessité de la paix. Mais qui aurait le courage de blâmer un reste de faiblesse, et nous dirions presque un reste d’admiration pour l’homme auquel il devait tant, et dont la chute lui paraissait prochaine ?

Venons enfin à Fontanes grand-maître de l’Université. Cette institution avait été créée dès 1806. C’était assurément le plus vaste instrument de pouvoir qui pût être inventé par l’homme le plus profond et le mieux exercé dans la science du pouvoir. Toutefois le grand-maître ne fut nommé qu’en septembre 1808, et n’entra en fonctions qu’en 1809, soit que Napoléon reculât devant une œuvre qui déléguait à un seul homme l’empire de la jeunesse, soit qu’il voulût seulement se donner le temps d’y réfléchir. « Le Temps, dit-il un jour à Fontanes, le Temps, monsieur, je le vénère ; je lui ôte mon chapeau ! » Le conseil de l’Université devait se composer de dix conseillers titulaires, et de vingt conseillers ordinaires. Fontanes, comprenant de quelle importance étaient ces choix, se hâta de présenter et fit accepter à Napoléon, non sans des débats très vifs, trois hommes dont le choix, lui dit-il, devait le plus rassurer les pères de famille : l’abbé Emery, directeur du séminaire de Saint-Sulpice, M. de Beausset, ancien évêque d’Alais, et M. de Bonald. Pour marquer encore plus la tendance religieuse de ses vues, Fontanes appela successivement auprès de lui, comme inspecteurs généraux et conseillers ordinaires, de vénérables membres de l’Oratoire, de la Doctrine chrétienne, ou de l’ordre des Bénédíctins, dom Despeaux, les pères Ballan, Dahuron, Roman, le spirituel et vertueux Joubert, etc., etc. L’abbé Adry, l’abbé Gallard, oncle de M. l’évêque actuel de Meaux, furent adjoints à la commission des livres classiques. Enfin M. l’abbé Frayssinous, aujourd’hui évêque d’Hermopolis, dont les éloquentes conférences avaient longtemps alarmé la philosophie moderne, fut nommé par Fontanes inspecteur de l’Académie de Paris. Si ces choix honorables devaient faire espérer une éducation religieuse, l’instruction, proprement dite, avait d’illustres garanties dans les Cuvier, les Jussieu, les Legendre, les Gueroult, les Laromiguière, etc… etc… appelés au conseil ou dans les facultés ; les noms de Delille et de Larcher figuraient en tête de la faculté des lettres de Paris.

Malgré tant et de si sages préliminaires, l’adminístration de Fontanes eut à combattre, dès son origine, et la philosophie qui le trouvait trop religieux, et le clergé qui ne le trouvait pas assez. Telle est la destinée des hommes d’État comme des généraux d’armée : on les blâme également de ce qu’ils font et de ce qu’ils ne font pas. Mais le plus grand adversaire, contre lequel il eut à lutter pendant cinq années, ce fut Napoléon. Pour forcer tous les parents à envoyer leurs enfants aux lycées, l’empereur avait décidé que tous les pensionnats particuliers seraient fermés ; Fontanes fit révoquer cette décision. La rétribution universitaire était établie par une loi : Fontanes en diminua la rigueur par d’innombrables exemptions facilement accordées. S’il est évident que le despote ne lui cédait malheureusement pas toujours, il est également certain que nul, mieux que Fontanes, ne posséda le secret d’apprivoiser cet esprit inflexible, et de l’amener souvent à moins mal faire, et quelquefois à bien faire. En voici un exemple. Le grand-maître n’avait pu replacer, dans la nouvelle Université, ni tous les membres des anciennes universités de France, ni ceux des autres corporations enseignantes, l’âge et les infirmités les ayant rendus pour la plupart incapables de servir. Il fut donné à chacun d’eux une pension proportionnelle suffisante pour exister. Parmi les religieux pensionnés, se trouvait le père Viel, de la congrégation de l’oratoire, auteur de la traduction de Télémaque en vers latins, et ancien professeur de Fontanes. Cet acte de justice fut dénoncé à Napoléon comme un acte de faveur, et celui-ci, dans une audience publique, le reprocha au grand-maître comme un abus de pouvoir. Fontanes lui répondit qu’il n’avait agi dans cette circonstance qu’en vertu d’un article du décret constitutif de l’Université ; à quoi Napoléon répliqua que cela n’était pas vrai. Le lendemain, Fontanes devant retourner aux Tuileries, M. le chevalier de Langeac court chez un imprimeur, y fait imprimer l’article séparément et en gros caractères, et le remet au grand-maître avant son départ pour le château. Attaqué de nouveau devant toute la cour et même plus violemment que la veille, Fontanes soutient son droit, ou plutôt celui de tous les anciens professeurs, fondé sur le décret impérial ; puis, l’empereur s’obstinant dans ses dénégations, le grand-maître tire de sa poche l’article imprimé et le lui présente. L’empereur, furieux, le lui arrache des mains et lui tourne le dos. Alors tous les courtisans de s’éloigner de Fontanes comme d’un pestiféré. Lui, resté froidement jusqu’à la fin du lever, se retirait le dernier et avait déjà gagné l’extrémité de la galerie, lorsqu’un huissier de la chambre, courant après lui, l’invite à rentrer dans le cabinet de l’empereur. L’orage était dissipé ; le despote le reçoit en souriant ; « Vous êtes une mauvaise tête, lui dit-il ; vous avez raison au fond ; mais vous avez le tort de vouloir avoir raison contre moi en public. » Ils causèrent ensuite, pendant plus d’une heure, de littérature et de poésie.

Ces conversations plaisaient beaucoup à l’empereur. Parmi celles qui sont venues à notre connaissance, qu’il nous soit permis d’en citer une, où Fontanes n’eut presque point de part, mais qui fera connaître à la fois et le bon sens naturel de Napoléon, et cet orgueil presque insensé qu’il portait dans les questions le plus étrangères à son génie et à ses habitudes. « Vous aimez Voltaire ; vous avez tort ; c’est un brouillon, un boutefeu, un esprit moqueur et faux… Il a sapé par le ridicule les fondements de toute autorité divine et humaine ; il a perverti son siècle et fait la révolution qui nous a déshonorés et ruinés… Vous riez, monsieur ; mais rirez-vous encore quand je vous dirai que, sur vingt de mes jeunes officiers, il y en a dix-neuf qui ont un volume de ce démon dans leur porte-manteau ?… Vous vous retranchez sur ses tragédies… Il n’en a fait qu’une bonne, c’est Œdipe… Défendrez-vous son Oreste et son Brutus ? Est-ce ainsi qu’on doit peindre les changements de dynastie et de gouvernements ? C’étaient pourtant deux beaux sujets… Je veux les refaire… cet été, j’aurai du loisir[12] ; je ferai la prose et vous les vers. »

Presque toutes les affaires de l’empire se délibéraient en conseil d’État. Les conseils privés étaient fort rares, et réservés pour les grandes occasions ; telles, par exemple, que le mode du couronnement de Napoléon, puis son divorce avec Josephine. Fontanes fut appelé à l’un et à l’autre de ces conseils. On sait que, dans le premier, il opina pour un sacre, au grand scandale des philosophes du conseil, et que, dans le second, il opina pour le divorce, auquel d’ailleurs l’autorité ecclésiastique avait donné d’avance son assentiment. Dans cette délibération, qui n’était probablement qu’une vaine formule, le sacrifice de Joséphine à la nécessité d’un héritier du trône fut unanimement résolu. « Nous savons, dit Fontanes, tout ce que ce sacrifice doit vous coûter ; mais c’est par cela même qu’il est plus digne de vous, et ce sera un jour une des belles pages de votre histoire. — Ce sera donc cous, monsieur, qui l’écrirez ! » lui répondit à l’instant l’empereur. Quel homme, et surtout quel écrivain n’aurait été flatté d’une louange si délicate, ajoutée à tant de bienfaits déjà reçus ? Aussi Fontanes ne dissimula jamais ni sa reconnaissance, ni son attachement personnel pour Bonaparte. De là le regret qui se mêla dans son âme à la satisfaction politique que lui donna la restauration. Quoiqu’il fût bien convaincu que le repos de la France et du monde était désormais impossible avec Napoléon, ce ne fut pas sans émotion qu’il vit s’approcher sa déchéance[13] ; et, quand il partit pour aller à Compiègne porter au roi de France l’adresse et les vœux de l’Université, il dit ingénument à un de ses amis : « J’aurais voulu qu’on me laissât du moins porter un deuil de quelques semaines. » Dès le 9 avril 1814, Fontanes avait reçu du gouvernement provisoire l’ordre de continuer ses fonctions de grand-maître. Au mois de mai, il fut nommé par le roi membre de la commission préparatoire de la charte. Le 4 juin, il fut créé pair. La dignité de grand-maître ayant été supprimée en février 1815, et remplacée par une simple présidence du conseil, sans force et sans puissance, Fontanes, en se retirant, n’éprouva qu’un regret, c’est de n’avoir pu réaliser sous la royauté tout le bien qu’il avait essayé sous l’empire. Le roi le nomma grand cordon de la Légion d’honneur.

Mais tout à coup quelle calamité frappa la France ! Bonaparte reparut. On se rappelle avec quel empressement il rechercha, dès le jour de son arrivée, tous ceux dont les intérêts plus ou moins froissés par la restauration lui faisaient supposer quelque retour secret vers son autorité ; il n’oublia pas Fontanes qui, pour toute réponse, quitta Paris.

À la rentrée du roi, Fontanes fut nommé ministre d’État. Deux discours seulement furent prononcés par lui dans la chambre des pairs, où la modération de son caractère le fit opiner avec le centre droit, et le porta à ne point voter la mort du maréchal Ney. Mais son éloquence eut ailleurs plusieurs occasions de briller. Vice-président de la séance d’installation des quatre académies, le 24 avril 1816, Fontanes rappelle dans son discours les services que l’Académie française a rendus dès son origine à la littérature, comme tribunal de la langue et du goût. Puis, établissant la nécessité de cette littérature et de ce tribunal, pour ramener la société actuelle au sentiment de toutes les bienséances, Fontanes conclut ainsi : « Je ne crains point de le dire, et je m’appuie en ce moment sur l’autorité de ces grands hommes qui portèrent une haute philosophie dans la culture des sciences : un peuple qui ne serait que savant pourrait demeurer barbare ; un peuple de lettres est nécessairement sociable et poli. »

Ne remplirons-nous pas un devoir en retraçant encore ici l’émotion profonde produite par Fontanes à l’Académie, le jour de la réception du comte de Sèze (26 août 1816) ? « Enfin l’arrêt fatal est porté contre Louis ; ses vertueux défenseurs se voilent le visage et se réfugient dans le désert ; tout a pâli d’effroi, jusqu’à ses juges ; une consternation universelle s’est répandue de la capitale jusqu’aux provinces les plus reculées ; et, ce jour-là, dans la France entière, il n’y eut de calme et de serein que le front de l’auguste victime. »

Ayant à juger Fontanes comme orateur, nous avons cité des fragments de ses discours prononcés dans des positions et dans des circonstances diverses. Nous avons beaucoup cité, pour mieux éclairer à la fois le lecteur et nous-même. Nous aurions voulu citer davantage, car presque toutes ses nobles paroles furent en même temps de nobles actions.

Fontanes était né tout ensemble orateur et poëte ; et pourtant, il faut le reconnaître, il fut moins poëte qu’orateur. Mais, si sa poésie n’a pas toujours le mouvement, la variété et l’allure naturelle de sa prose, si le travail s’y fait quelquefois trop sentir, si l’on y trouve moins d’idées, et nous dirions presque moins d’originalité, on respire, dans l’une comme dans l’autre, un sentiment du beau, du bon, du vrai, qui vous attire et vous attache, un parfum d’harmonie et d’élégance classique, peu commune au temps où il écrivait, méconnue et dédaignée de nos jours. Le caractère principal du talent de Fontanes, prosateur ou poëte, c’est la pureté, c’est la dignité ; non la dignité pédantesque, mais la dignité compagne assidue de la simplicité et de la grâce. « Le génie enfante, dit M. de Châteaubriand dans l’ouvrage que nous avons déjà cité[14] ; le goût conserve ; le goût est le bon sens du génie ; sans le goût, le génie n’est qu’une sublime folie. Ce toucher sûr par qui la lyre ne rend que le son qu’elle doit rendre est encore plus rare que la faculté qui crée. » Que pourrions-nous ajouter à ces paroles ? Ne sont-elles pas à la fois l’éloge et la définition exacte du talent de Fontanes ?

La réputation de Fontanes, comme prosateur et surtout comme critique, n’a jamais été contestée ; mais on lui a reproché d’avoir trop peu fait pour sa gloire poétique. Quoique la postérité pèse et ne compte pas les ouvrages, il est certain que la traduction de Pope, le Jour des Morts et les autres poésies dont nous avons parlé[15], n’ont pas dû, malgré tout leur mérite et tout leur succès, suffire l’ambition du poëte. Aussi, dès 1790, Fontanes avait entrepris la composition d’un grand poëme épique (la Délivrance de la Grèce), dont plusieurs fragments, entre autres les portraits de Thémistocle et d’Aristide, furent lus à diverses séances de l’Institut, et dont nous-même avons vu plusieurs chants entièrement terminés. Qu’est devenue cette épopée ? Qu’est devenu le Vieux Château, charmant petit poëme que l’auteur, bien qu’il n’aimât guère à lire ses vers, a pourtant lu à quelques amis ? Que sont devenues enfin trente ou quarante belles odes, notamment celles qu’il a composés sur l’Assassinat du duc d’Enghien et sur l’enlèvement et la captivité de Pie VII ? Fontanes, en mourant, a-t-il ordonné de les brûler ; et, dans ce cas, ne devait-on pas lui désobéir, comme Auguste à Virgile ? Mais non, il n’a point donné de tels ordres. On nous assure au contraire, au moment même où nous terminons cette notice, que tous les ouvrages de Fontanes, inédits ou refaits, sont déposés dans les mains les plus fidèles et les plus dignes d’en faire jouir le public, dans les mains de sa fille, madame la comtesse Christine, et que, si les événements politiques et de longs voyages l’ont jusqu’ici empêchée de remplir ce devoir, elle va dès ce jour y consacrer tous ses soins. Rien ne viendrait plus à point qu’une pareille publication, à cette époque de décadence décorée du nom de progrès[16]. Quelle autorité d’exemple n’aurait-elle pas surtout si, en tête d’une édition des œuvres de Fontanes, son plus illustre ami plaçait quelques lignes seulement de recommandation à nos contemporains et à la postérité !

 « Du grand peintre de l’odyssée
 « Tous les trésors lui sont ouverts,
 « Et, dans sa prose cadencée,
 « Les soupirs de Cymodocée
 « Ont la douceur des plus beaux vers.

Fontanes.


En attendant que les lettres aient cette nouvelle obligation à M. de Châteaubriand, remercions-le d’avoir retenu et cité dans son dernier ouvrage deux strophes d’une ode inédite de Fontanes sur l’Anniversaire de sa naissance. « Elles ont (dit-il) tout le charme du Jour des Morts, avec un sentiment plus pénétrant et plus individuel. »

« La vieillesse déjà vient avec ses souffrances.
« Que m’offre l’avenir ? De courtes espérances.
« Que m’offre le passé ? Des fautes, des regrets.
« Tel est le sort de l’homme ; il s’instruit avec l’âge ;
« Mais que sert d’être sage,
« Quand le terme est si près ?

« Le passé, le présent, l’avenir, tout m’afflige ;
« La vie à son déclin est pour moi sans prestige ;
« Dans le miroir du temps elle perd ses appas.
« Plaisirs, allez chercher l’amour et la jeunesse ;
  « Laissez-moi ma tristesse,
  « Et ne l’insultez pas !


On voit, par cette seule citation, combien les derniers jours de Fontanes, quoique doux, paisibles et honorés, étaient loin de la gaieté, de la confiance de ses premières années, dont quelques esprits sévères lui ont reproché la dissipation. D’où lui venait cette mélancolie nouvelle, non mélancolie poétique, mais intime, mais personnelle à l’homme ? il faut bien l’avouer, elle venait uniquement du chagrin de vieillir. Il poussait cette faiblesse jusqu’au point de ne jamais dire son âge ; et pourtant, il avait encore à soixante-quatre ans la force et la vivacité d’un homme de quarante. Mais il craignait de ne pas plaire au monde nouveau qui l’entourait, comme il avait plu aux amis de sa jeunesse ; et cette idée le poursuivait au sein même des conversations littéraires ou politiques qu’il avait animées si longtemps de son esprit vif, orné et judicieux. Il ne retrouvait toute sa sérénité que dans un petit nombre de sociétés intimes, telles que celle de son vieil ami Joubert, où il rencontrait presque toujours M. de Châteaubriand, M. de Bonald, et M. Clausel de Coussergues qu’il appelait son théologien. Dans sa jeunesse, Fontanes avait connu d’Alembert, dont la philosophie était fort différente. Il alla le voir un jour, et, le trouvant malade et sans espérance, il adressa ces mots au philosophe : « Actuellement, que pensez-vous d’une autre vie ? » D’Alembert, laissant tomber sa tête sur sa poitrine et mettant en même temps la main sur le bras de Fontanes, lui répondit : « Jeune homme, je n’en sais trop rien. » Deux jours après, revenant chez d’Alembert, Fontanes rencontra Naigeon qui lui dit : « Il est mort, et il en était temps, car il aurait fait le plongeon. » Ces étranges paroles frappèrent vivement Fontanes et ranimèrent en lui les sentiments religieux que sa première éducation avait déposés dans son âme. Emporté par le tourbillon du monde, il avait une foi peu agissante, et pourtant une foi sincère. Souvent il répétait le vers d’Ovide, si bien traduit par Jean Racine :

« Je ne fais pas le bien que j’aime,
« Et je fais le mal que je hais.»

Il affectionnait particulièrement ceux de ses amis qui avaient le plus de religion. Il avait dit à Pie VII, dans l’audience publique de Fontainebleaux : « Toutes les pensées irréligieuses sont des pensées impolitiques ; tout attentat contre le christianisme est un attentat contre la société[17]. » — Lorsque l’abbé Duvoisin (depuis évêque de Nantes) publia, vers 1802, sa Démonstration évangélique, « Je conçois, nous disait Fontanes, qu’on puisse rester incrédule après avoir lu les Pensées de Pascal, mais non après avoir lu l’abbé Duroisin. » La Bible, qui lui a inspiré de si beaux vers, était son livre favori, surtout dans ses moments d’affliction et d’abattement : « On ne peut trouver, disait-il, quelques consolation que là. » Dès la première atteinte de la maladie qui l’emporta, madame de Fontanes donna l’ordre d’aller chercher le médecin : « Commencez, dit le malade, par aller chercher M. le curé ; » ce qui fut fait.

Fontanes était humain, compatissant, généreux, souvent jusqu’à la munificence. Il n’avait pas été toujours heureux, et ne l’avait point oublié. Il publiait lui-même les secours qu’il avait trouvés dans les appuis de sa première jeunesse. Il les nommait avec plaisir, et ne se croyait point quitte envers eux, en leur procurant à son tour de l’aisance dans leurs revers de fortune[18]. — Bienveillant pour tout le monde, il l’était surtout pour les jeunes gens dont les débuts littéraires annonçaient un talent véritable. Il les encourageait, il se faisait leur prôneur, leur patron, et, pour ainsi dire, leur père ; et, quand il les recommandait aux suffrages de l’Académie française (ce qu’il a fait en mourant pour M. Villemain, qui en effet l’y a remplacé), l’Académie était bien certaine d’élire un candidat digne d’elle et de lui.

Roger.
  1. On y lit l’avis suivant : « Je ne songeais point à réimprimer cette traduction. Elle serait restée longtemps dans mon portefeuille avec quelques ouvrages originaux. Mais on publie, après la mort de M. Delille, la version qu’il n’a point imprimée de son vivant : je dois donc aussi publier la mienne. Il y a plus de vingt ans qu’elle est dans sa forme actuelle. Si je paraissais plus tard, on pourrait croire que j’ai corrigé mon travail sur celui de M. Delillle. »
  2. Fontaines l’a refait depuis tout entier et en trois chants, au lieu d’un, sous le titre d’Essai sur la Maison rustique. Il est encore inédit.
  3. Flins auteur des comédies, le Réveil d’Épiménide et la jeune Hôtesse.
  4. Sain-Rousset. Changeux, Chanssat et Prost. Ce fut Changeux qui porta la parole. De ces quatre hommes de cœur il n’existe plus aujourd’hui que MM. Sain-Rousset et Prost.
  5. Nous racontons en peu de mots cet incident. Voyez, pour les détails, le Moniteur et les journaux d’alors, mais principalement le Journal de l’Anarchie, publié en 1821, par M. le chevalier de Langeac, au récit duquel nous avons emprunté quelques expressions ; voyez aussi l’éloquent discours de réception de M. Villemain à l’Académie française.
  6. M. Michaud l’aîné (auteur du Printemps d’un Proscrit, des Adieux à Bonaparte, de l’Histoire des Croisades, etc., etc.) n’a jamais cessé de rédiger la Quotidienne, durant toute la révolution, que quand il y a été forcé par un arrêt d’exil ou de mort.
  7. Voyez l’Essai sur la Littérature anglaise, t. II, p. 286.
  8. 20 pluviose an VIII (9 février 1800).
  9. Ce fut grâce à cette influence que Fontanes fit lever le scellé qui arrêtait la publication du poème de la Pitié, de Delille. — Un peu plus tard, le poëte aveugle ne pouvant terminer les notes qu’il avait promises pour sa traduction de L’Énéïde, Fontanes se chargea de faire, à son insu, les notes du 5e et du 6e livre. Quand l’éditeur, M. Michaud jeune, lui en donna lecture, sans pouvoir en nommer l’auteur, il s’écria : « Il n’y a que Fontanes ou Châteaubriand qui puisse les avoir faites ainsi. »
  10. Membre alors du Conseil législatif, l’auteur de cette notice peut affirmer avec certitude que jamais aucune des adresses ou des réponses du président ne fut communiquée d’avance au pouvoir. C’était l’expression libre et spontanée des sentiments de l’auteur. Aussi ces discours le rendirent souvent l’objet des attaques secrètes ou patentes des courtisans le plus en faveur, et les amis de Fontanes, voulant, en 1810, en faire imprimer la collection, la police impériale s’y opposa formellement.
  11. À la fin de 1812.
  12. Cet été, où le conquérant se promettait du loisir, était celui de 1809 !
  13. Il est faux qu’il ait rédigé le décret sénatorial de déchéance, ainsi que l’avance une biographie moderne ; il n’y a pas un mot de lui.
  14. Essai sur la Littérature anglaise, t. 1er , p. 291.
  15. Nous n’avons rien dit d’une fort jolie Épître à Boùjolín sur l’emploi du temps, de quelques odes traduites d’Horace, de plusieurs fragments de Lucrèce et de Virgile, etc. etc. Tout cela est disséminé dans des recueils et journaux littéraires, qu’il est presque impossible de se procurer aujourd’hui. Vers l’année 1800, Fontanes rassembla lui-même ses diverses poésies et les fit imprimer en 3 vol. in-12. Mais, par un motif que nous n’avons jamais connu, il retira tout aussitôt cette édition de l’imprimerie, la racheta, et elle ne fut point publiée. Nous croyons même qu’elle a été détruite.
  16. Les efforts infructueux que l’on a tentés dernièrement pour découvrir de nouvelles formes, pour trouver un nouveau nombre, une nouvelle œuvre, pour raviver la couleur, rajeunir le tour, le mot, l’idée ; pour envieillir la phrase, pour revenir au naïf et au populaire, ne semblent-ils pas prouver que le cercle est parcouru ? Au lieu d’avancer on a rétrogradé. on ne s’est pas aperçu qu’on retournait au balbutiement de la langue, aux contes des nourries, à l’enfance de l’art. Soutenir qu’il n’y a pas d’art, qu’il n’y a point d’idéal ; qu’il ne faut pas choisir, qu’il faut tout peindre ; que le laid est aussi beau que le beau ; c’est tout simplement un jeu d’esprit dans ceux-ci, une dépravation du goût dans ceux-là, un sophisme de la paresse dans les uns, de l’impuissance dans les autres. » (Châteaubriand, Essai sur la Littérature anglaise, t. 2, p. 253.)
  17. Voyez l’excellente Histoire de Pie VII, par M. le chevalier Artaud, 2e édition, t. Ier, pages 496 et 507.
  18. Nous ne citerons ici que M. le chevalier de Langeac, qu’il appela au conseil de l’Université 1809, et à la tête de son secrétariat. M. de Langeac, connu depuis longtemps par plusieurs ouvrages distingués, jouissait, avant la révolution de 1789, d’une fortune et d’un crédit considérables, dont il fit un noble usage pour plusieurs littérateurs de cette époque, et notamment pour Fontanes.