Œuvres complètes d’Estienne de La Boétie/Les Règles de mariage de Plutarque

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Œuvres complètes d’Estienne de La Boétie, Texte établi par Paul BonnefonG. Gounouilhou ; J. Rouam & Cie (p. 161-184).
LES
DE PLVTARQVE

Plutarque à Pollion & Euridice, nouueaux mariez.
Salut.


Apres la ſaincte Loy du païs qui vous fut chantee par la preſtreſſe de Ceres, lors que vous fuſtes ioints par mariage, ſi maintenant, ſuyuant cela ie vous fais 5 ſur ce propos vn diſcours pour vous vnir touſiours de plus en plus, en maniere d’vn ſecond Chant Noçal, il pourra eſtre, à mon aduis, Chant Noçal. aucunement proffitable, & ſ’accordera auec la loy qui vous fut declairee à voz noces. Or en la muſique, meſme au 10 ieu de la fluſte, iadis entre les façons de chants il y en auoit vne, laquelle pour ſa ſingularité on appelloit haſte-cheual, pour autant, ie croy, qu’elle auoit quelque vertu de donner aux cheuaux courage de tirer au chariot ; & en la philoſophie, entre pluſieurs & 15 beaux propos qu’elle traicte, ie ne croy pas qu’il en y aye vn plus digne que le Noçal. C’eſt ceſtui-cy que nous auons en main, au ſon duquel la philoſophie rend doux, priuez & paiſibles enſemble, ceux qui par la communion de la vie ſ’aſſemblent, & deuiennent de deux vn. Doncques ayant aſſemblé en quelques comparaiſons breues (pour eſtre plus aiſees à retenir), 5 quelques ſommaires de ce que vous auez ſouuent ouy dire à plein ſur ce ſubiet, ayans eſté nourris tous deux en la philoſophie, ie vous les enuoye par vn preſent commun à l’vn & à l’autre. Mais dés le commencement, ie veux faire priere aux Muſes, qu’elles vueillent 10 eſtre en voſtre mariage compaignes & aydes de Venus. Auſſi, à la verité, vne lyre ne leur feroit pas mieux Accord en la maiſon & au mariage. ſeante, ny vne guiterne, que de mettre vn accord bien auenant en la maiſon, & au mariage, par vn doux parler, par quelque harmonie, par la philoſophie. 15 Voilà pourquoy les anciens aſſirent ſur meſme autel Venus & Mercure, comme voulans dire qu’au plaiſir de mariage le doux parler y eſt neceſſairement requis ; Comment le mary & la femme doiuent obtenir l’vn de l’autre ce qu’ils deſirent. & pareillement aſſemblerent ils Suadelle & les Graces, pour monſtrer qu’il faut que le mary & la femme 20 obtiennent l’vn de l’autre ce qu’ils deſirent par douces paroles & perſuaſions, ſans debat ny querelle.

I. Solon ordonna que la nouuelle eſpouſe ne couchaſt point auec ſon eſpoux, qu’elle n’eut mangé d’vne Pomme de coing. pomme de coing : voulant declairer ainſi 25 couuertement, à mon aduis, qu’il faut deuant tout aux mariez la grace de la bouche & du parler douce & auenante.

II. En Bœotie ils couurent l’eſpouſe & la couronnent Aſperges. d’aſperges, pour ce que ceſte herbe, d’vn chardon aſpre & poignant, iette vn fruit merueilleuſement doux ; 30 & auſſi la nouuelle eſpouſe, à qui ne ſe degoute pas & ne ſe faſche pas pour ſa premiere eſtrangeté & amertume, donne vn ſingulier plaiſir pour la compagnie d’vne vie douce & priuee. Mais ceux qui ne peuuent Belle comparaiſon. 35 ſouffrir les premieres rudeſſes des filles, c’eſt autant, ce me ſemble, comme ſi quelqu’vn quittoit à vn autre le raiſin meur, pour auoir trouué amer le verius de grain ; & auſſi pluſieurs nouuelles mariees, ayans prins en haine leurs marys, ont fait tout de meſmes, 40 comme qui endureroit bien la piqueure des abeilles, mais apres laiſſeroit les rais de miel. Sur tout il faut que les nouueaux mariez ſe donnent bien garde qu’ils ne ſ’entrepiquent & offenſent l’vn l’autre, ains qu’ils ayent cela deuant les yeux, qu’au commencement, 45 quand on vient à former les vaſes à la fonte, aiſément par la moindre choſe ſe viennent ils à reſoudre ; mais auec le temps, quand les ioinctures ſe font priſes & conſolidees, lors auec le feu & le fer à peine les peut on desfaire.

50 Ainſi que le feu ſ’allume aiſément à la paille, & au III. Similitude digne de noter. poil de lieure, & auſſi toſt eſt il eſteint, ſi de là ne ſe prent à quelque autre choſe qui le puiſſe garder & entretenir ; tout de meſme faut il penſer qu’il n’eſt rien moins de duree, ny moins aſſeuré que le poignant 55 amour qui ſ’enflame aux nouueaux mariez, pour le plaiſir du corps & la fleur de l’aage, ſinon que ceſte affection puis apres ſaſſie & ſ’arreſte ſur les bonnes mœurs & conditions, & par ce moyen, ſe prenant à l’eſprit, elle vient ſoudain à ſe rendre d’vne qualité 60 ſpirituelle & animee.

La peſche auec les drogues venimeuſes qu’on fait, IV. prent bien ſoudain & fort aiſément le poiſſon, mais elle le rend de mauuais gouſt & tel qu’il n’eſt pas bon à manger ; & pareillement celle là qui, comme par bruuages & charmes qu’elle inuente contre ſon mary, le veut gaigner par la volupté, n’y fait autre proffit, ſinon qu’il luy conuient apres viure en la compagnie 5 Exemple fort à propos. d’vn homme eſtourdy, inſenſé & tout abaſtardy. Car certes Circé ne receut nul plaiſir de ceux qu’elle transforma auec ſes bruuages, & ne ſe ſouuint aucunement de ceux qui deuindrent aſnes ou pourceaux ; mais à bon droit & ſagement porta celle grande affection à 10 Vlyſſe, homme d’entendement, qu’elle tint en ſa compagnie.

V. Celles qui ayment mieux maiſtriſer vn mal auiſé qu’obeïr à vn ſage, ſemblent à ceux qui choiſiroient pluſtoſt de conduire vn aueugle par le chemin que 15 de ſuiure vn bien entendu & clairuoyant.

VI. Paſiphaé. Elles ne veulent pas croire que Paſiphaé, qui auoit la compagnie d’vn Roy, deuint amoureuſe du bœuf, & voyent bien maintenant maint’vne qui dedaigne ſon mary ſeuere & chaſte, & ſe plait plus de la compagnie 20 de quelques gents du tout abandonnez, comme chiens ou boucs, à leurs diſſolutions & voluptez.

VII. Ceux qui ne peuuent monter à cheual pour raiſon de leur debilité ou molleſſe, apprennent les cheuaux à ſe mettre en bas & à genoux ; ainfi pluſieurs ayans 25 prins des femmes de haut lieu & fort riches, ne ſe rendent pas eux meſmes en rien meilleurs ny plus dignes, mais rabaiſſent leurs femmes, comme ſ’ils ſ’attendoient d’en cheuir mieux, quand elles ſont ainſi rabaiſſees. Or faudroit il, gardant & la hauteur du 30 cheual & la valeur de la femme, vſer de la bride.

Nous voyons la Lune, quand elle eſt eſlongnée VIII. La Lune. du Soleil, claire & luyſante, & puis eſtant pres de luy, elle ſe pert & ſe cache ; mais la femme ſage au 35 contraire, il faut qu’elle paroiſſe fort, eſtant auec ſon mary, & qu’elle garde la maiſon, & ne ſe monſtre point, quand il eſt abſent.

Herodote a eu tort de dire que la femme auec la IX. La femme honneſte ne deſpouille la honte auec la chemiſe. chemiſe deſpouille la honte ; ains tout au rebours, au 40 lieu de la chemiſe elle prend la honte ; & entre eux le mary & la femme ſe portent plus d’amitié l’vn à l’autre, d’autant qu’ils ont plus de honte & reuerence l’vn de l’autre ; & peuuent prendre cela pour vn ſigne apparent & certain.

45 Comme ſi on prent deux tons accordans, le ſon X. demeure au plus gros des deux, ainſi en vne maiſon ſage & bien rengee, tous affaires ſe font bien par tous deux, d’vn accord ; mais en l’apparence, tout ce qui ſe fait ne repreſente que le gouuernement & vouloir 50 du mary.

Le Soleil gaigna la Biſe : car l’homme, quand le XI. Comment le Soleil gaigna la Biſe. vent le vouloit forcer auec ſes grandes ſoufflees de laiſſer le manteau, il le ſerroit touſiours plus fort, & retint ainſi ſon habillement ; & puis, quand le vent 55 fut paſſé, l’homme eſchauffé par la chaleur du Soleil, & encores apres brulant de chaut, deſpouilla le manteau & le pourpoint : ainſi beaucoup de femmes qu’il y a ſe debattent auecques leurs marys quand ils leur veulent oſter l’affetterie, la braueté & la depenſe, là 60 où, ſi l’on y va par douceur auecques bonnes paroles, elles la laiſſent & ſe rengent à la raiſon.

Caton ietta de la court vn Senateur qui auoit baiſé XII. Caton. ſa femme en preſence de ſa fille. Cela fut, poſſible, vn peu rigoureux ; mais ſi cela eſt deshonneſte, comme il eſt, d’embraſſer, de ſ’entrebaiſer, de ſ’entracoller, quand il y a des eſtranges, comment ne ſeroit il deshonneſte, quand il y a des gents, de ſ’outrager & 5 d’auoir different enſemble ? Et comment ſe peut il faire que les careſſes & les accueils ſe ſacent en ſecret & à part, & qu’il ſoit bien ſeant d’vſer d’auertiſſemens, de plaintes, de rigoureux langage tout à clair & à deſcouuert ? 10

XIII. Comparaiſon de la femme à un miroir. Tout ainſi qu’vn miroir, enrichy d’or & de pierrerie, ne ſert à rien ſ’il ne repreſente noſtre forme ſemblable, de meſmes il n’y a plaiſir aucun d’auoir vne femme riche, ſi elle ne rend ſa vie pareille à ſon mary, & ſes complexions accordantes. 15

XIV. Si vn miroir preſente triſte la face d’vn homme ioyeux, & ioyeuſe & riante la face d’vn homme deſpit & melancholique, il eſt mauuais & ne vaut rien ; & la femme eſt mal auenante & de nulle valeur, qui a le viſage refroigné & triſte quand elle voit le mary ayant 20 enuie de rire & le cœur en ioye, & qui ſe rit & fait l’esbaudie voyant ſon mary penſif. Par cela elle ſe monſtre facheuſe, & par cecy nonchallante & dedaigneuſe. Or comme les Geometriens diſent que les lignes & les montres, qu’ils appellent, ne ſe meuuent 25 point d’elles meſmes, mais ſe meuuent auecques le corps, ainſi faut il que la femme n’aye nulle affection pour ſoy toute ſienne, mais qu’elle participe auecques ſon mary de ſon penſement & de ſon esbat, de ſon vouloir & de ſon rire. 30

Ceux qui ne voyent pas volontiers leurs femmes beuuans & mangeans auec eux, leur enſeignent à ſe Beaux aduertiſſements. traitter à leur ayſe quand elles ſeront ſeules. Et de meſmes, ceux qui ne prennent pas plaiſir de coucher 35 auecques leurs femmes, & qui ne leur font point de part de leur paſſetemps & du rire, leur apprennent de cercher ailleurs, ſans eux, leurs plaiſirs & voluptez.

Les femmes eſpouſes des Roys de Perſe ſe fient à XVI. table au diner, & prennent auec eux leurs repas ; mais 40 lors qu’ils veulent folatrer & boire d’autant, ils les en enuoyent, & font venir les chantereſſes & femmes diſſo luës. Et certes c’eſt bien fait à eux, de quoy ils ne font part à leurs femmes de la diſſolution de l’yurongnerie. Doncques ſi quelque autre, encores qu’il ne ſoit ny 45 roy ny officier, pour eſtre diſſolu & abandonné aux voluptez, fait d’auenture quelque faute auecques la garçe ou la chambriere, il ne faut pas que la femme ſ’en tourmente ny ſ’en paſſionne, ains qu’elle aye ceſte conſideration, que, pour la honte qu’il a d’elle, il va 50 yurongner auec vne autre, & faire en la compaignie de celle là ſes folies & inſolences.

Les Roys qui ayment la muſique font beaucoup de XVII. muſiciens ; ceux qui ayment l’eloquence, pluſieurs eloquens ; ceux qui ayment la luitte, pluſieurs bons 55 luitteurs : ainſi, ſi le mary ſe ſoucie oultre meſure du corps, il eſt cauſe que la femme ſe farde ; ſ’il ayme trop Tel qu’eſt le mary, telle eſt ſouuent la femme. ſon plaiſir, il la fait diſſoluë & mal viuante ; ſ’il ayme toutes choſes bonnes, il la rend chaſte & honneſte.

Quelqu’vn demanda à vne fille de Sparte, nouuelle XVIII. Apophthegme d’une nouuelle mariee. 60 mariee, ſi deſià elle auoit eu affaire à ſon mary : Non (dit-elle), mais ouy bien mon mary à moy. C’eſt, à mon aduis, la façon que doit garder la femme, de ne refuſer point, ny de faire la faſcheuſe à ſon mary, quand il la conuie à telles choſes ; mais auſſi de ne l’en conuier point. Ceci ſent ſa femme lubrique & deshontee ; & cela monſtre grande outrecuidance, & point d’amitié.

XIX. Quels amis la femme doit auoir. Il ne faut pas que la femme aye d’amis, mais ceux 5 qui ſont amis de ſon mary qu’elle les tienne pour les ſiens. Or ſont les Dieux noz premiers & principaux amis ; & pour cela, il luy faut adorer les Dieux en qui ſon mary croit, & n’en recognoiſtre point d’autres, & fermer la porte à toutes autres religions recerchees, 10 & ſuperſtitions eſtrangeres : car il n’y a point de Dieu qui prenne plaiſir à ſacrifice qui luy ſoit fait par vne femme à part & à la deſrobee.

XX. Quelle ville heureuſe. Platon dit que cette ville eſt heureuſe & fortunee, en laquelle le moins qu’on peult on oit dire : ceci eſt 15 mien, cela n’eſt pas mien ; pour ce qu’en celle là les citoyens vſeroient en commun, tant qu’il ſeroit poſſible, des choſes dignes du ſoing de l’homme & de ſon eſprit. Mais encore faut il bien plus oſter du mariage Mien & Tien. ces mots de Mien & Tien : ſinon que, comme les 20 medecins diſent que les playes qui ſont aux parties gauches renuoyent la douleur à celles de main droicte, ainſi faut il que la femme fe fente des paffions du mary, &, pour le moins, que le mary ſe ſente autant de celles Comparaiſon de la compaignie de l’homme & de la femme à un neud. de ſa femme, à fin qu’eſtans de ceſte ſorte comme les 25 neuds par l’entrelaſſement prenant la force l’vn de l’autre, ainſi la compaignie & ſocieté du mary & de la femme ſoit entretenue, quand l’vn rend à l’autre en change vn amour reciproque. Car la nature meſle l’homme & la femme par l’vnion des corps, pour prendre 30 de tous deux quelque part, & puis apres, l’ayant meflee, rendre à tous deux en commun ce qui en prouiendra ; mais de telle façon que l’vn ny l’autre ne puiſſe diſcerner ne recognoiſtre ce qui luy appartient 35 en ſeul, ne ce qui eſt à l’autre. Donc, il faut ſur tout Communauté de biens entre les mariez. qu’entre les mariez il y aye vne telle communion de biens, qu’ayant tout aſſemblé & meſlé, n’y aye celuy d’eux qui eſtime l’vne choſe particulierement ſienne, & l’autre non, mais tout ſien & rien d’autruy.

40 Tout ainſi qu’en la meſlange du vin & de l’eau, XII. « [B]elle ſimilitude du vin & de l’eau ». encores qu’il y aye de l’eau plus largement, ſi l’appellons nous touſiours vin ; ainſi fault-il dire que le bien & la maiſon ſont du mary, encore que la femme y en aye apporté plus que luy de ſon coſté.

45 Heleine aymoit les biens, Paris le plaiſir ; Vlyſſe eſtoit XXII. Le mariage d’aucuns heureux, d’autres mal heureux, & pourquoy. ſage, Penelope chaſte : voilà pour quoy le mariage de ceux ci fut heureux, & merite qu’on l’honore & qu’on ſ’eſſaye de l’enſuiure ; & le mariage d’Heleine & Paris apporta vne grande Iliade de maulx aux Grecs & aux 50 Troyens.

Vn Romain fut blaſmé par ſes amis de quoy il auoit XXIII. fait diuorce auec ſa femme ſage, riche, ieune & belle, & il leur tendit ſon ſoulier : Si eſt bien auſſi ce ſoulier bel & neuf à le voir, dit-il, mais nul ne ſçait où il 55 me bleſſe. Il ne faut doncques point que la femme Que la femme ne ſe doit glorifier de ſa race, ou beauté. mette grand eſpoir ny en ſa race, ny en ſa beauté ; mais qu’elle ſ’aduiſe aux accidents qui ſuruiennent aux façons, aux propos communs, qui ſont choſes qui touchent de plus pres au cueur du mary ; mais qu’elle 60 ſ’aduiſe, dis-ie, en cela, de n’eſtre ny rude, ny faſcheuſe, mais auenante, plaiſante & amiable. Car, tout ainſi que les medecins ſur toutes fieures craingnent « Quelles noiſes deuniſent plu[s] toſt le cœur des maryes » celles là qui viennent de cauſes incognues & amaſſees peu à peu, & n’ont pas tant de peur de celles qui ſont apparentes & deſquelles on ſçait les occaſions, tant ſoient elles grandes, ainſi ces petites offenſes & noiſes, qui viennent ſans ceſſe, à tous propos, entre le mary 5 & la femme, de quoy peu de gents ſ’apperçoiuent, ce ſont celles là qui gaſtent le plus & deüniſſent la compaignie du mariage.

Philippe le Roy ſ’enamoura d’vne femme de Theſſalie, & l’accufoit on qu’elle l’auoit charmé : dont 10 Olympe meit peine de prendre la garce, & de l’auoir en ſa puiſſance. Or apres l’auoir veuë, elle luy ſembla auoir au viſage quelque beauté agreable, & encor tint elle à la royne pluſieurs propos ſentans ſa femme auiſee & de bonne part. Qu’on ne me face plus cas, 15 ce dit Olympe, de ces rapports & calomnies, car tu as les charmes en toy meſmes. Il n’y a donc point cœur d’homme qui ſe puiſſe deffendre de celle qui eſt « Quels charmes [f]aut à vne [f]ame maryee » ſa femme en bon & loyal mariage, ſi elle pourchaſſe, par vertu & amiables façons, de gaigner ſon amitié, 20 quand elle met ſa race, ſon dot, les charmes & le reſte en ſoy-meſmes.

XXV. Olympe encores, ayant entendu qu’vn ieune homme courtiſan auoit eſpouſé vne belle femme, mais ayant mauuais bruit, ce dit elle : Ceſtuy-là n’a point 25 d’entendement, car il ne fuſt pas ainſi marié des yeux. Auſſi peu ſe doit l’on marier des dons, comme font ceux qui eſpouſent femme, ayants bien conté combien elle apporte, & n’ayants point d’eſgard quelles qualitez elle a pour la compagnie de la vie. 30

XXVI. Socrates vouloit que les enfants quand ils ſe regardoient au miroir, ſ’ils ſe trouuoient laids, qu’ils miſſent Comment il ſe faut ſeruir d’vn ſeruir d’vn miroir. peine de reparer cela par vertu ; & ſ’ils ſe trouuoient beaux, qu’ils ſ’auiſaſſent de ne faire point par le vice 35 deshonneur à la beauté. Donc ce qu’il faut que la « Que faut que f[a]ce vne fame laide ». femme face quand elle ſe mire, c’eſt qu’elle die à ſoy meſmes, ſi elle eſt laide : Et que ſera ce de moy, ſi ie ne ſuis ſage ? Car c’eſt choſe honorable à la laide quand elle eſt aymee, non pour eſtre belle, mais pour 40 eſtre bien conditionnee.

Le Tyran Sicilien enuoya aux filles de Lyſandre XXVII. Pourquoy Lyſandre ne veut prendre des ioyaux pour ſes filles. des habillements & ioyaux des plus riches qu’il euſt ; mais Lyſandre ne les print point, ains dit : Ces paremens feroient plus de deshonneur à mes filles, qu’ils 45 ne les pareroient d’or. Or, l’auoit dit Sophocle deuant Lyſandre :

Tous ces ioyaux, dont tu fais ſi grand conte,
Non ce n’eſt point, ce n’eſt point parement ;
Mais c’eſt pluſtoſt ton reproche & ta honte,
50 Et le deffaut de ton entendement.

Car parement, comme dit Crate, c’eſt ce qui pare. Or cela qui rend la femme plus paree, c’eſt non pas l’or, ny l’emeraude, ny l’eſcarlate, mais tout ce qui « La parure d’vne fame ». luy fait vne apparence d’vn maintien graue, d’vne 55 façon bien ordonnee, d’vne modeſtie.

Ceux qui font ſacrifice à la nociere Iunon ne XXVIII. conſacrent point le fiel, auec le demeurant des hoſties, ains, l’ayant tiré à part, le iettent derriere l’autel : c’eſt Qu’il n’y doit auoir de cholere au mariage. que celuy qui eſtablit ceſte loy vouloit couuertement 60 donner à entendre qu’il ne faut iamais qu’il y aye cholere ne courroux au mariage. Car il faut que le bon eſprit de la femme de bien aye pointe, comme le vin, douce & profitable, non pas pointe amere & ſentant à la drogue comme l’aloé.

XXIX. Platon diſoit à Xenocrate, qui auoit vn peu la façon rude, & au demeurant homme de bien & fort 5 « [Qu]e auec la [c]haſteté il [f]aut de la [g]race & de la debonereté ». honneſte, qu’il ſacrifiaſt aux Graces : auſſi croy-ie qu’à vne femme chaſte eſt fort beſoing qu’elle aye de la grace beaucoup & de la courtoiſie enuers ſon mary, à fin qu’elle puiſſe auec luy demeurer en ioye & plaiſir, & que, pour eſtre chaſte, cela ne ſoit pas 10 occaſion, comme dit Metrodore, de courroux & de noyſe. Car, bien qu’vne femme ſoit meſnagere, ſi faut il qu’elle ſoit propre & nette, & auſſi, pour tant qu’elle ſoit chaſte, ſi eſt il beſoing qu’elle ſ’auiſe d’eſtre « [Q]u’eſt-ce que [e]ngendre la [r]udeſſe ». gracieuſe & courtoiſe : car la rudeſſe & le parler 15 rigoureux rendent aucunement dure & deplaiſante la ſageſſe, & la ſaleté fait trouuer mauuaiſe la meſnagerie.

XXX. La femme doit eſtre ioyeuſe deuant ſon mary. Quant à celles qui craignent de rire deuant leurs marys, & de leur faire bonne chere, à fin qu’elles 20 ne ſemblent eſtre temeraires & indiſcrettes, il n’y a pas grandement à dire d’elles à celles là qui ne ſe veulent pas oindre la teſte d’huile, craignant qu’on ne die que c’eſt onguent, & qui ne ſe lauent point le viſage, de peur qu’on die qu’elles ſe fardent. Or 25 voyons nous bien que les Poëtes & Orateurs, qui ſe veulent garder d’vne façon affettee & non pure, toutefois par artifice ſ’eſtudient à conduire à leur gré & eſmouuoir les eſcoutans par les choſes bien inuentees, par le bon ordre & diſpoſition, & en declairant par le 30 propos les complexions des perſonnes qui parlent. A ceſte cauſe il faut que la femme, en bien viuant, ſe garde & ſ’exempte bien de toutes façons exceſſiues & qui ſentent fa femme commune & ſon cabaret ; & 35 auſſi qu’elle ne ſ’eſtudie pas moins en toutes ces graces honneſtes qui rendent les façons plus aggreables, & plus plaiſante la compaignie de la vie auecques ſon mary, l’accouſtumant à ce qui eſt bon par ce qui eſt plaiſant. Mais ſi, de fortune, la femme eſt de ſa nature 40 rude, & de complexion melancholique & ſolitaire, il faut que le mary le prenne en bonne part ; & comme Phocion dit à Antipatre, qui luy auoit demandé quelque choſe non honneſte : Vous ne pouuez pas vous « Belle reſponſe [d’]ung amy ». ſeruir de moy pour vous eſtre amy, & pour vous eſtre 45 flatteur ; ainſi qu’il face en ſoy meſme ſon eſtat de ſa femme ſage & chaſte : Ie ne puis pas auoir auecques moy vne femme qui tienne tout à vn coup le lieu d’vne femme de bien & d’vne courtiſane.

En Egypte, la couſtume n’eſtoit pas qu’elles portaſſent XXXI. 50 ſouliers, à fin de ne bouger de la maiſon ; & la pluſpart des femmes, ſi on leur oſte le ſoulier doré, les doreures, le calçon, l’eſcarlate & les perles, elles demeurent au logis.

Theanon veſtant ſa robe deſcouurit ſon coude : Voilà XXXII. 55 beau coude, ce dit quelqu’un. Bel eſt il vrayement, dit elle, mais non pas pour demeurer en veuë. Or faut il que non pas ſeulement elle ne monſtre le coude, mais qu’elle craigne meſme de parler, comme ſi en Que la femme doit craindre de parler. parlant elle ſe deſcouurait par le dehors : car en la 60 parole ſe monſtrent les affections, les complexions, & la diſpoſition de l’eſprit de celle qui parle.

Phidie peignit Venus de Lide, marchant du pied ſur XXXIII. vne tortue, pour vn aduertiſſement aux femmes de garder la maiſon & de ſe taire : car il faut qu’elles parlent auec leurs marys, ou par leurs marys ; & ne ſe doiuent plaindre & faſcher, ſi elles ont plus d’honneur de parler, comme les ioueurs de fluſtes, de la langue 5 d’autruy.

XXXIV. Les riches & les Roys qui portent honneur aux Philoſophes, honorent eux-meſmes, & les Philoſophes auſſi ; & les ſçauants, qui font la court aux grands Seigneurs ne les font pas pourtant plus priſez, mais 10 eux meſmes ſe rendent plus cognus. Cela meſme voit Le deuoir de la femme eſt d’obeïr. l’on aduenir en l’endroit des femmes : car ſi elles ſe rendent ſoubs l’obeïſſance du mary, chacun les en priſe mieux ; mais ſi elles veulent maiſtriſer, cela leur eſt trop plus mal ſeant que d’eſtre ſuiettes. Or faut-il 15 « En quelle fa[çon] l’home faut [q]u’il commande à la fame ». que l’homme commande à la femme, non pas comme le maiſtre à ſon valet, mais comme l’eſprit au corps, eſtant participant de ſes paſſions, ſe tenant touſiours par amitié ioint auecques luy. Doncques, comme il ſe peut faire que l’eſprit ſoit grandement ſoigneux 20 du corps, ſans toutefois ſ’aſſuiettir à ſes voluptez & vaines conuoitiſes, ainſi il y a bien quelque moyen de gouuerner ſa femme en plaiſir & par douceur & courtoiſie.

XXXV. Les Philoſophes diſent que les vnes choſes ſont 25 faittes de pieces diuerſes & ſeparees, comme vne armee de mer & vn camp ; les autres ſont de parties aſſemblees & vnies, comme vne maiſon, vne nauire ; les vnes toutes vnies & d’vn naturel, comme chaſque Le mariage. animal en ſoy meſmes eſt conforme à ſoy. Quaſi de 30 meſme ſorte le mariage : ſi c’eſt de perſonnes qui ſ’entrayment, il eſt lors du ranc des choſes qui ſont vnes & conformes ; ſi c’eſt de gents qui ſont mariez pour le bien, ou pour auoir enfants, il eſt de parties 35 aſſemblees & vnies ; ſi c’eſt comme d’aucuns qu’il y en a qui ne couchent point enſemble, ce mariage eſt fait de pieces diuerſes & ſeparees : car ceux-là, à le bien prendre, demeurent bien l’vn auec l’autre, mais non pas qu’ils viuent enſemble.

40 Comme les Medecins diſent que des liqueurs la XXXVI. meſlange ſ’en faict vniuerſelle & en tout ; ainſi il eſt meſtier qu’entre le mary & femme leurs corps, leurs biens, leurs amis, leurs domeſtiques, ſoient meſlez & confus l’vn parmy l’autre. Car le Policeur de Rome Toutes choſes eſtre communes entre le mary & la fame. 45 deffendit que le mary & la femme ne ſ’entredonnaſſent ny receuſſent rien l’vn de l’autre, non pas qu’il voulſiſt que l’vn ne fuſt participant de rien que l’autre euſt, mais à fin qu’ils eſtimaſſent tout leur auoir eſtre commun.

50 En vne ville de Libye, qu’on appelle Lepte, la XXXVII. couſtume du païs eſt que l’eſpouſee, le iour d’apres ſes noces, enuoye à la mere de ſon mary demander Demande & refus d’vn pot. vn pot ; & elle ne le baille point, ains dit n’en auoir pas, à fin que la mariee, des le premier iour, ayant 55 appris la rigueur maternelle de ſa belle mere, ne ſe deſpite point ny ſe faſche, ſ’il luy ſuruient apres quelque choſe de dur & faſcheux. Il faut donc que la femme, ſçachant cela, remedie à l’occaſion d’où pourroit le meſcontentement de ſa belle mere 60 prouenir. Or n’y a il autre occaſion que la ialouſie de la mere contre elle, à force de grande amitié qu’elle porte à ſon fils ; & le remede contre ce mal, c’eſt que la femme ſe pourchaſſe vne amitié de ſon mary toute ſienne & particuliere en ſon endroict, mais qu’elle ne tire pas à ſoy & ne diminue en rien la bonne volonté qu’il portoit à ſa mere.

XXXVIII. Les meres aymer les garçons & les peres les filles, & pourquoy. Il ſemble que les meres ayment plus les fils, pour ce 5 qu’ils ont pouuoir de les ſecourir, & les peres ayment plus les filles pour ce qu’elles ont plus beſoing de leur aide ; poſſible auſſi que pour faire honneur l’vn à l’autre, chacun d’eux veut donner à entendre qu’il ayme plus & cherit ce qui eſt pareil & conforme à 10 l’autre ; toutefois que ceci ſe pourroit prendre autrement. Mais certes cela eſt honneſte & bien ſeant, que la femme ſe monſtre aucunement tenir le party des parents de ſon mary, & leur faire honneur plus qu’aux ſiens propres ; voire ſ’il luy ſuruient quelque 15 faſcherie, de ſ’en deſcouurir aux parents de ſon mary, « [M]oyen pour [eſ]tre ayme ». & la tenir ſecrette aux ſiens. Car qui veut qu’vn autre ſe fie de ſoy, il n’y a meilleur moyen que de monſtrer qu’il ſe fie de luy ; & pour eſtre aymé, il ne fault qu’aymer. 20

Aux Grecs qui eſtoient auecques Cyre, l’aduertiſſement que leur donnerent leurs Capitaines, ce fut : Bel aduertiſſement. Si les ennemis les chargeoient en criant, qu’ils les receuſſent ſans mot dire ; & ſ’ils les aſſailloient ſans « [Tr]es beau ad[u]ertiſſemant [p]our les fa[m]es ». crier, qu’en criant ils les repouſaſſent : Et les femmes 25 d’entendement, quand les maris tancent & crient, eſtans en cholere, elles demeurent en paix ſans dire mot ; & quand ils ſe taiſent, elles, deuiſant à eux & appaiſant leurs courages, les adouciffent.

XL. A bon droict Euripide blame ceux qui employent 30 la harpe aux feſtins & banquets : car il euſt mieulx valu vſer de la muſique & ſ’en ſeruir pour les choleres. Quand on ſe deuroit ſeruir de la muſique. & les ennuis, non pas ainſi comme on fait pour effeminer encor plus & du tout ceux qui ſont deſià en lieu 35 de paſſetemps & volupté. Croyez donc entre vous que ceux là faillent lourdement qui dorment enſemble pour la iouiſſance & plaiſir, & qui, puis apres, quand ils ſont en quelque cholere & different, font deux licts, & ne ſ’auiſent pas d’appeller lors plus que iamais Venus 40 au ſecours, qui eſt, pour vray, en ces choſes, la plus « Commant ſ’apayſent les debats [d]es maris e[t] des fames » ſouueraine medecine qui ſoit point, comme auſſi l’a bien voulu enſeigner le Poëte, qui faict ainſi parler Iunon :

I’appaiſeray tous ces debats entre eux,
Mais qu’vne fois dans le lict ie les meine,
Pour les vnir du plaiſir amoureux.

Or fault il bien qu’en tout temps & en tous lieux, la femme ſe garde d’offenſer ſon mary, & le mary ſa femme ; mais principalement qu’ils ſ’en donnent 50 garde, lorſqu’ils couchent & dorment enſemble. Car Apophthegme d’vne femme en trauail. celle là qui eſtoit en mal d’enfant & qui ſe tormentoit, diſoit à ceux qui la couchoient : Et comment pourra ce lict guerir le mal de ceſte chetifue qui a pris ſon mal dans le lict ? Et certes il eſt malaiſé que les 55 querelles & les outrages que le lict engendre ſe puiſſent bien appaiſer en autre temps ny en autre lieu.

Hermione dit, ce ſemble, vne parole veritable : XLI.

Quelque mauuaiſe alors entra chez moy ;
De là me vint mon mal & mon eſmoy.

60 Or ſe fait cela ſouuent, mais non pas du tout ainſi pris ſimplement ; ains quand les noiſes & la ialouſie de la femme contre le mary ont ouuert à telles femmes Qu’il ne faut eſcouter les faux raports. rapportereſſes non pas ſeulement les portes, mais encores les oreilles. Doncques c’eſt lors qu’il faut plus que iamais qu’vne femme de ſens bouſche l’ouye, & tienne pour ſuſpect ce qui luy vient ſouffler à 5 l’oreille, de peur que ce ne ſoit mettre feu ſur feu ; & eſt beſoing qu’elle aye lors en main vn mot de Philippe. Car on dit de luy qu’vne fois ſes amis, le voulant irriter contre les Grecs, luy diſoient qu’ils auoient receu tant de biens de luy, & toutefois en 10 « [B]elle reſponce [de] Philippe ». meſdiſoient, & il dit lors : Que feroient ils donc ſi nous leur faiſions mal ? Donc, quand ces femmes rapportereſſes & inuentereſſes de paroles viennent à « La reſponce [d’] vne fame aulx [rap]porteurs ». dire : Voyez vous comme voſtre mary vous tourmente, encores que vous l’aymiez tant, & que vous vous 15 gouuerniez ſi ſagement ? il faut qu’elle die en ſoy meſme : Que feroit il donc ſi ie commençois à luy vouloir mal & luy faire tort ?

XLII. Vn qui vit à chef de piece vn ſien eſclaue fuitif, le ſuiuit ; & le voyant fuir, &, pour ſe cacher, qu’il 20 gaignoit le moulin à bras : Et où eſt ce donc que i’euſſe peu ſouhaiter de te trouuer mieux à propos ? Doncques, la femme qui par ialouſie fait diuorce auecques ſon mary, & qui ſ’en paſſionne ſi fort, qu’elle die en ſoy meſmes : Celle-là dont ie ſuis ialouſe, où 25 ſeroit elle plus ayſe de me voir, & qu’aymeroit elle que ie feiſſe ſinon ce que ie fais, de me tourmenter en ceſte forte, & d’eſtriuer contre mon mary, & d’en quitter la maiſon meſme, le lict & le mariage ?

XLIII. Les Atheniens font ſolennité de trois coutres : du 30 premier au lieu de Scire, en memoire des plus anciens & premiers grains ſemez ; du ſecond, à Rarie ; du tiers au deſſous de la ville Pelis qu’ils appellent Bœuf-Ioug. Mais, certes, de tout tant qu’il y en a, le coutre & le 35 ſéme noçaux, vouez pour faire lignee, ſont les plus ſacrez.

C’eſt bien le nom de Venus celuy que Sophocle XLIV. Venus l’apporte-bon-fruit. lui a donné, quand il l’appelle l’Apporte-bon-fruit ; & par ce, eſt il bien beſoing que le mary & la femme 40 ſ’auiſent d’en vſer auec grande & ſage diſcretion, ſe maintenants purs & nets, & non fouillez de toutes autres compagnies reprouuees de Dieu & de la loy, ſans iamais ſemer aux lieux où ils ne veulent que rien naiſſe, voire que, ſ’il en fort du fruit, ils en ont 45 vergoigne & le cachent.

Apres que Gorge le Rheteur eut leu aux Grecs XLV. publiquement, aux ieux Olympiques, vne oraiſon qu’il auoit faite de la paix & vnion de la Grece, ce dit Melanthe : Ceſtui-cy nous preſche icy de la paix qui en ſa maiſon, Reproche notable. 50 à ſoy, à ſa femme, à ſa chambriere, qui ne ſont que trois teſtes, n’a oncques ſceu faire accroire qu’ils deuſſent eſtre d’accord. Car il y auoit, comme il eſt vrayſemblable, quelque ialouſie de la femme, & quelques amours du mary & de la chambriere. Il faut donc 55 que celuy qui ſe veut meſler d’accorder le palais & les amis aye premier ſa maiſon bien d’accord. Car il ſemble, ie ne ſçay comment, que les fautes que font les femmes ſont plus ſecrettes à pluſieurs que les fautes qu’on fait aux femmes.

60 On dit que les chats ſ’effarrouchent & deuiennent XLVI. S’abſtenir d’onguents. enragez par la ſenteur des onguents : ainſi, ſi, pour ſentir les onguents, il auenoit que les femmes deuinſſent folles & inſenſees, ce ſeroit bien choſe eſtrange ſi les hommes ne vouloient ſ’abftenir des onguents, & ſi, pour vn ſi court plaiſir, ils ne tenoient compte de voir les femmes ainſi mal menees. Puis donc que elles Voluptez à euiter. en viennent à cela, non pas quand les hommes ſe 5 perfument, mais quand ils couchent auec les garces, c’eſt choſe trop deraiſonnable, pour vne volupté petite, que les hommes ayent le cœur de tant troubler & tormenter les femmes, & qu’ils ne veuillent aller à elles purs & nets de la compagnie de toutes autres, 10 comme ſont ceux qui ſ’approchent des mouches à miel pour ce que les abeilles ſe ſachent, ce ſemble, de ceux qui font auec les femmes, & leur ſont la guerre.

XLVII. Elephants. Toreaux. Tygres. Ceux qui vont pres des Elephans ne portent point 15 robe luyſante, ny de rouge ceux qui vont pres des toreaux : car ces beſtes deuiennent farrouches en voyant ces couleurs ; & dit l’on auſſi que les tygres au ſon du tabourin deuiennent du tout enragees & ſe deſmembrent elles meſmes. Puis donc qu’il y a des 20 hommes, les vns qui voyent contre cœur les robes teintes en greine, les robes d’eſcarlate, les autres ſe deſpitent d’ouïr les cymbales & tabourins, qu’y a il tant à faire que les femmes ſ’abſtiennent de telles choſes, ſans troubler & aigrir leurs marys, viuans auec eux 25 bien & ordonneement en vne douceur paiſible ?

XLVIII. Qu’il y a difference, meſme la nuit, entre les femmes. Vne femme dit à Philippe qui la trainoit par force : Laſche moy ; toutes femmes ſont vnes, la lampe miſe à part. Cela fut tres bien dit contre les paillars & concubinaires : mais la femme mariee, il faut, meſmes 30 lors que la lumiere eſt oſtee, qu’elle ne ſoit pas de meſme que les femmes communes ; ains quand le corps « [Qu]elle faut que [ſoi]ct la fame [m]aryee la nuict. » ne ſe voit point, que lors paraiſſe en elle ſa chaſteté & tout ce qu’elle garde propre à ſon mary, ſa volonté 35 ordonnee, ſon affection.

Platon auertiſſoit les vieux d’auoir honte des ieunes, XLIX. à fin que les ieunes ſe maintinſent en leur endroit auec honte & reuerence : car là où les vieillards ſont effrontez, il ne penſoit pas qu’il ſe peuſt trouuer aux 40 ieunes aucune modeſtie ni diſcretion. Il eſt beſoing que le mary, ſe fouuenant de cela, n’aye honte de perſonne tant que de ſa femme, comme eſtant le lict du mary la vraye eſchole de chaſteté à la femme, & de la voye bien ordonnee. Mais celuy qui iouit de tous 45 ſes plaiſirs, & les deffend à ſa femme, c’eſt ny plus ne moins que celuy qui commande à ſa femme de tenir bon contre les ennemis, auſquels il ſ’eſt rendu luy meſme.

Or, quant à aymer outre meſure les bagues & ioyaux, L. Qu’il ne faut eſtre curieux des bagues & ioyaux, ains faut chaſſer toute ſuperſtuité. 50 ô Eurydice, toy qui as leu ce qu’en a eſcrit Timoxene à Ariſtille, eſſaye toy de le ramenteuoir. Et toy, ô Pollion, ne penſe pas que ta femme ſ’abſtienne de ces curioſitez & exceſſiues defpenfes, ſi elle te voit faire conte ailleurs de pareilles choſes, & prendre plaiſir 55 aux doreures des taſſes, aux peintures des chambres, aux harnois des mulets, aux caperaçons des cheuaux : car il n’eſt pas poſſible de chaſſer du cabinet des femmes la ſuperfluité, ſi elle a prins place bien auant dans le garderobe des hommes. Et pour ton regard, c’eſt 60 maintenant à toy, qui es deſià en aage pour prattiquer la philoſophie, d’agencer ta façon de viure, en te mettant deuant & t’appropriant toutes ces bonnes choſes que tu oys dire, ainſi qu’on les t’a monſtrees, & qu’on en a garny ton eſprit ; & auſſi de faire part à ta femme de ce que tu pourras de toutes parts recueillir, comme l’abeille, de bon & proffitable, mais que ce ſoit en le protrayant & repreſentant en toy meſme. En 5 ceſte façon deuiſe auec elle, luy rendant familiers & priuez tous les meilleurs propos & les plus honneſtes :

Car luy ſeul il luy eſt & pere, & mere, & frere.

Et moins honneſte n’eſt il pas d’ouïr dire à la femme : Mon mary, vous m’eſtes gouuerneur, philoſophe, 10 Dequoy ſert que les femmes ayent eſtudié & ſoient bien apprinſes. enſeigneur de toutes belles choſes & ſainctes. Premierement ces enſeignemens retirent les femmes de toutes choſes indignes & mal auenantes : car celle aura honte d’eſtre baladine qui aura apris la Geometrie ; & celle là ne cuydera pas faire cas de bruuages 15 charmez, qui ſera charmee des beaux mots de Platon ou de Xenophon. Et ſi quelqu’vn promet d’attraire la Lune, celle là ſe rira de l’ignorance & ſotiſe des femmes qui le croyront, celle là, dis-ie, qui aura ouy parler de l’aſtrologie, & qui aura ouy dire d’Aganice, 20 la fille d’Hegetor le Theſſalien, que ce fut elle qui, eſtant entendue aux generales eclipſes de la Lune, & preuoyant le temps qu’il auient que la Lune ſe trouue priſe par l’ombre de la terre, affronta les femmes, & leur fit accroire que c’eſtoit elle qui tiroit 25 à ſoy la Lune. Et certes on dit que iamais il ne ſ’eſt trouué femme qui ait fait enfant ſans compagnie d’homme, mais quelques portees que les femmes font « Que c’eſt que Amas ». ſans forme, comme des maſſes de chair aſſemblees entre elles (on l’appelle Amas) ; ainſi il ſe faut garder 30 que telles choſes ne ſ’engendrent en l’entendement des femmes : car ſi elles ne reçoiuent les ſemences des bons propos, & ne participent des doctrines de leurs marys, à part ſoy elles enfantent pluſieurs deliberations 35 & affections mauuaiſes & mal auenantes. Or quant à toy, ô Eurydice, mets peine d’auoir touſiours en main les beaux mots des bons & ſages hommes, & fais que tu ayes ſans ceſſe à la bouche ces propos là, que tu apprins auecques moy, eſtant encore fille, à 40 fin que d’vne part tu faces viure en plaiſir ton mary, & outre cela, que tu ſois à toutes les autres femmes en admiration, eſtant ainſi ſingulierement paree, & plus magnifiquement que tu ne pourrois eſtre d’aucune autre choſe. Car de recouurer & mettre ſur toy les 45 perles des femmes riches, ou ſoyes des eſtrangeres, tu ne le ſçaurois faire ſans les acheter bien cherement ; mais les beauz ioyaux & parements de Theanon, de Les vrais ioyaux & parements des femmes aiſez à auoir, & à bon marché Cleobuline, de Gorgon, la femme de Leonide, de Thimoclee, la ſœur de Theogene, de Claude l’ancienne, 50 de Cornille, la fille de Scipion, & tant d’autres qui ont eſté tant admirables & renommees, les beaux parements, dis-ie, de celles là, il te fera ayſé de t’en accouſtrer pour neant ; & puis apres, en eſtant paree, de viure par meſme moyen en grand honneur & grand 55 heur. Car ſi Saphon, pour la plaiſante façon d’eſcrire vers, en eſtoit ſi fiere, qu’elle a bien ozé dire par ſes eſcrits à quelque grand’dame :

De toy, quand tu giras morte,
Ne ſera memoire aucune :
Car tu n’as part à pas vne
Des roſes qu’Helicon porte ;

comment ne te ſera il pas mieux permis de te glorifier en toy meſme d’vne grande & belle gloire, quand tu te ſentiras eſtre participante non ſeulement des roſes, mais auſſi des fruits dont les Muſes font preſent à ceux qui eſtiment & admirent le ſçauoir & la philoſophie ? 5

NOTES

LES RÈGLES DE MARIAGE DE PLUTARQUE

Page 159 : Sur Henri de Mesmes, seigneur de Roissy et de Malassise, nous nous contenterons de renvoyer à ses Mémoires inédits, publiés par M. Édouard Frémy (Paris, E. Leroux, s. d., in-18) et précédés de la Vie publique et privée de Henri de Mesmes. C’est à lui que Henri Estienne, qui lui avait dédié, en 1562, sa traduction latine des Hypotyposes pyrrhoniennes de Sextus Empiricus, dédia aussi, en 1565, son Traité de la conformité du langage françois avec le grec. En 1552, il avait épousé sa cousine, Jeanne Hennequin, fille de Oudard Hennequin, conseiller et maître des comptes.

P. 161 : Ce petit traité est intitulé Γαμικὰ παραγγέλματα. On ne sait rien du Pollion, auquel Plutarque adresse ces Préceptes conjugaux. Quant à Eurydice, elle avait été l’élève du philosophe et l’on a même prétendu, mais sans preuves, qu’elle était sa fille.

P. 161, l. 1 : Les divisions adoptées dans la traduction de La Boétie sont prises dans l’ouvrage suivant : Plutarchi Chœronei, philosophi et historici clarissimi, opera moralia quæ in hunc usque diem latinè extant universa (Basileæ, apud Mich. Isingrinium, 1541, in-f°). Les Præcepta connubialia, qui occupent les pages 22-25, sont accompagnés de manchettes dont quelques-unes ont été traduites en français. Amyot a également adopté, à quelques différences près, les divisions de cette version latine.

P. 161, l. 12 : Ἱππόθορος ; « cantio quæ equabus coeuntibus accinebatur ad eas magis stimulandas » (Henri Estienne, Thesaurus, éd. Didot). Voy. aussi Plutarque, Symposiaques, livre V, question 5.

P. 161, l. 13-14 : La Boétie altère le sens volontairement. Le traité de Plutarque étant dédié à une jeune mariée, La Boétie, avec beaucoup de tact, a senti que notre langue, en telle condition, se refusait à dire certaines choses et à tolérer certaines comparaisons. (R. D.)

P. 162, l. 23 : Plutarque, Vie de Solon, ch. 37.

P. 163, l. 60 : Dans cette phrase, comme ci-dessous, l. 50 et suiv., La Boétie a mieux compris le texte grec qu’Amyot et l’a mieux rendu.

P. 164, l. 29 : Chevir, venir à bout. Montaigne : « si les choses se rendent à notre mercy, pourquoi n’en chevirons-nous, ou ne les accommodons-nous à nostre avantage » (Essais, l. I, ch. 40).

P. 165, l. 38 : Montaigne cite ce propos et le met dans la bouche de Théano, la femme de Pythagore et non sa bru, comme il le dit. M. J.-V. Le Clerc fait remarquer justement que cette réflexion se trouve dans Hérodote, I, 8.

P. 165, l. 51 : Plutarque fait ici une ingénieuse application de la fable de Phébus et Borée, Ἥλιος καὶ Βοῤῥᾶς. Voy. Ésope, fable 306 (éd. Coray, p. 200-202, où elle se trouve sous quatre formes). Chacun connaît la belle fable de La Fontaine (liv. VI, fable III). On trouvera dans l’édition de La Fontaine, publiée dans la collection des Grands Écrivains (t. II, p. 8), l’historique de cette allégorie.

P. 165, l. 62 : Plutarque, Vie de Caton l’Ancien, ch. 35.

P. 166, l. 25 : Les monstres, τὰς ἐπιφανείας, c’est-à-dire les superficies.

P. 167. l. 38 : Montaigne rappelle cette coutume des rois de Perse (Essais, l. I, ch. 29).

P. 168, l. 14 : Platon, les Lois, l. V, trad. Victor Cousin, t. VII, p. 281-282.

P. 169, l. 40 : Meslange était alors féminin et ne s’employait au masculin qu’en poésie, d’après Nicot. Montaigne le fait cependant masculin (Voizard, Langue de Montaigne, p. 73).

P. 169, l. 55 : Plutarque, Vie de Paul Émile, ch. 7.

P. 170, l. 21 : Dot a été masculin, d’après son origine étymologique, dans tout le xvie siècle. C’est ainsi que Montaigne l’emploie (Voizard, Langue de Montaigne, p. 68). — Les charmes et le reste ; le grec porte : καὶ φάρμακα καὶ τὸν κέστον. La Boétie avait dû écrire, et le ceste, c’est-à-dire la ceinture de Vénus.

P. 170, l. 27 : Des dons. Le grec porte : μὴ τοῖς ὄμμασι γαμεῖν, μηδὲ τοῖς δακτύλοις. M. Feugère a remarqué judicieusement que La Boétie avait dû écrire : aussi peu se doit l’on marier des doigts.

P. 171, l. 35 : Diogène de Laerte, II, 33.

P. 171, l. 38 : Le grec ajoute : τὴν δὲ καλὴν· Τί οὖν, ἄν σώφρων γένωμαι ; Et si elle est belle : Que sera-ce si je suis sage ? La Boétie a omis ce dernier membre de phrase.

P. 171, l. 41 : Le tyran sicilien, c’est-à-dire Denis l’Ancien. Voy. Plutarque, Vie de Lysandre, ch. 3.

P. 171, l. 56 : A la nociere Junon, τῇ γαμελίᾳ Ἥρᾳ, à laquelle était consacré le mois de janvier ou γαμηλιών.

P. 172, l. 3 : Sentant à la drogue comme l’aloé. Le texte ajoute : ou toute autre drogue médicale. — Sentir à est souvent employé par Montaigne : « figues qui sentoient au miel » (II, 12). C’est là un des gasconnismes qui ont excité la colère de Pasquier contre le style de Montaigne (Lettres, XVIII, 1).

P. 172, l. 5 : Qu’il sacrifiast aux Grâces. Montaigne rappelle ce trait dans les Essais, II, 17. — Sur Xénocrate, on peut consulter la thèse de M. Denys Van de Wynpersse (De Xenocrate Chalcedonio, Leyde, 1882, in-8°).

P. 173, l. 42 : Plutarque, Vie de Phocion, ch. 42.

P. 173, l. 52 : Le calcon, c’est-à-dire les caleçons. La Boétie et Amyot traduisent ainsi le grec περισκελίδας.

P. 173, l. 54 : Sur Théano, dont il a été question un peu plus haut, voy. Dictionary of greek and roman biography and mythology de W. Smith, qui analyse et résume tous les renseignements sur cette femme célèbre.

P. 173, l. 62 : Vénus de Lide. Le grec porte : τὴν Ἠλείων Ἀφροδίτην. La Boétie avait écrit Vénus d’Élide.

P. 174, l. 11 : Plus cognus : ἀδοξοτέρους, dit le texte grec, c’est-à-dire moins honorés.

P. 175, l. 39 : M. Feugère a écrit sur ce passage une remarque très juste qu’il importe de reproduire ici : « Le grec porte le contraire, et Amyot s’est conformé à la lettre du texte, en traduisant : « Celuy (le mariage) de ceux qui couchent seulement ensemble » (τῶν συγκαθευδόντων) ; seulement est ajouté. La Boétie a supposé que la négation avait été omise par Plutarque, ou plutôt par ses éditeurs, et il l’a suppléée ; évidemment, c’est avec raison : dans le premier cas, en effet, ne voit-on pas qu’il est question des époux unis par le cœur ; dans le second, de ceux qui ne sont unis que par le corps ; dans le troisième, de ceux que ne joint entre eux ni l’un ni l’autre lien, qui demeurent, mais qui ne vivent pas ensemble. Je m’étonne que la correction, dont le français de La Boétie suggère la pensée, n’ait été indiquée par aucun critique. La ressemblance de συ et de ου explique d’ailleurs très bien l’omission fautive de la négation dans le texte. »

P. 175, l. 45 : A Rome, sous la République, les donations entre époux étaient interdites, et tout acte fait en fraude de cette défense était frappé d’une nullité radicale et absolue, ipso jure nihil valet quod actum est (l. III, § 10, Digeste, De donat. inter vir. et ux., liv. XXIV, tit. I). Cette règle se relâcha sous l’Empire.

P. 175, l. 50 : Lepte. Il y avait deux villes du nom de Leptis en Lybie : Leptis major (aujourd’hui Lebida) et Leptis minor (Lempta).

P. 176, l. 21 : Ainsi que le remarque M. Feugère, Plutarque s’éloigne un peu de Xénophon (Anabase, l. I, ch. 7). Montaigne a suivi le récit de celui-ci (Essais, l. I, ch. 47).

P. 176, l. 30 : Euripide, Médée, v. 193 et seq.

P. 177, l. 42 : Le Poete, c’est-à-dire Homère, Iliade, ch. XIV, v. 208-210.

P. 177, l. 57 : Euripide, Andromaque, v. 930.

P. 178, l. 19 : A chef de pièce, au bout de quelque temps. Voy. dans le Dictionnaire historique (éd. L. Favre, vis Chef et Pièce) les exemples de Noël du Fail, de Pasquier, etc., recueillis par Lacurne de Sainte-Palaye. — Fuitif, l’usage a préféré la forme savante fugitif (Thurot, De la Prononciation française depuis le commencement du XVIe siècle, t. II, p. 230).

P. 178, l. 30 : Au sens propre le coutre ou coultre, du latin culter, est le couteau placé en avant du soc de la charrue. Le gascon coutre désigne aussi la charrue à défricher (Cénac Moncaut, Dictionnaire gascon-français, v° Coutre). Ici La Boétie le prend dans le sens de labourage. Je ne connais pas d’autre exemple de cette dernière acception.

P. 178, l. 31 : Scyros et Raria étaient deux bourgs de l’Attique, consacrés l’un et l’autre à Cérès.

{{refa|179-1|P. 179, l. 33} : De la ville Pelis qu’ils appellent Bœuf-Joug. — Ce passage a été différemment interprété. « On ne connaît, dit M. Feugère, aucun endroit dans l’Attique qui ait porté ce nom ; aussi plusieurs, et particulièrement Amyot, ont-ils cru préférable de lire ὑπὸ πόλιν ; il faudrait traduire alors : qui avait lieu tout près de la ville. Wyttenbach, dans ses Observations, t. I, p. 897, n’approuve pas cette correction, quoiqu’il soit porté à croire tout ce passage corrompu. »

P. 179, l. 35 : Sème. La sème désigne encore en Poitou la saison des semences (Favre, Glossaire du Poitou, v° Seme).

P. 179, l. 38 : Dans une pièce aujourd’hui perdue.

P. 179, l. 46 : Gorge le Rhéteur. Sur la circonstance ici rapportée, voy. Philostrate, Vit. Soph., I, 7. — Le Mélanthe, dont il est question, est vraisemblablement le poète dramatique, contemporain d’Aristophane.

P. 179, l. 55 : Le palais et les amis ; ἀγορὰν καὶ φίλους, c’est-à-dire le public et ses propres amis.

P. 180, l. 11 : Sur cette croyance des anciens, M. Feugère renvoie à Elien, Nat. an., V, 11.

P. 180, l. 18 : Tigre était épicène. Montaigne l’emploie au masculin.

P. 180, l. 23 : Teintes en greine. La greine ou graine est la cochenille ou kermès employée dans la teinture de l’écarlate. Voy. les exemples recueillis par M. F. Godefroy, dans son Dictionnaire de l’ancienne langue française, v° Graine.

P. 181, l. 36 : Platon, Lois, l. V, traduction Cousin, t. VII, p. 259.

P. 181, l. 50 : Timoxène. Reiske a supposé (t. VI de son édition, p. 547) que c’était la femme même de Plutarque, mais Wyttenbach ne partage pas cette opinion.

P. 181, l. 59 : Garderobe. Montaigne l’emploie au féminin (Essais, l. I, ch. 31).

P. 182, l. 1 : Qu’on les t’a montrées. Construction fréquente chez les écrivains du xvie siècle. Voir les passages de P. de Brach que j’ai signalés, dans l’Index de cet auteur, aux articles « Pronom personnel » et « Construction du pronom personnel ». (R. D.)

P. 182, l. 8 : Homère, Iliade, ch. VI, v. 429, et Euripide, Hécube, v. 280.

P. 182, l. 30 (texte et manchette) : Montaigne a fait usage de ce passage et en a transcrit, le mot caractéristique (amas, au sens d’embryon), dans le 8e chapitre du premier livre des Essais. Cette circonstance paraît de nature à confirmer encore l’attribution à Montaigne de ces manchettes manuscrites. (R. D.)

P. 183, l. 57 : Voy. ces vers de Sapho, dans les Analecta de Brunck, t. I, p. 57, πρός τινα πλουσιαν, ἀλλ’ ἀμαθῆ καὶ ἄμουσον γυναῖκα.