Pourquoi ces fleurs ? est-ce ma fête ?
Non ; ce bouquet vient m’annoncer
Qu’un demi-siècle sur ma tête
Achève aujourd’hui de passer.
Oh ! combien nos jours sont rapides !
Oh ! combien j’ai perdu d’instants !
Oh ! combien je me sens de rides !
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.
À cet âge, tout nous échappe ;
Le fruit meurt sur l’arbre jauni.
Mais à ma porte quelqu’un frappe ;
N’ouvrons point : mon rôle est fini.
C’est, je gage, un docteur qui jette
Sa carte où s’est logé le temps.
Jadis, j’aurais dit : c’est Lisette.
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.
En maux cuisants vieillesse abonde :
C’est la goutte qui nous meurtrit ;
La cécité, prison profonde ;
La surdité dont chacun rit.
Puis la raison, lampe qui baisse,
N’a plus que des feux tremblotants.
Enfants, honorez la vieillesse !
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.
Ciel ! j’entends la mort qui, joyeuse,
Arrive en se frottant les mains.
À ma porte, la fossoyeuse
Frappe ; adieu, messieurs les humains !
En bas, guerre, famine et peste ;
En haut, plus d’astres éclatants.
Ouvrons, tandis que Dieu me reste.
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.
Mais non ! c’est vous ! vous, jeune amie !
Sœur de charité des amours !
Vous tirez mon âme endormie
Du cauchemar des mauvais jours.
Semant les roses de votre âge
Partout, comme fait le printemps,
Parfumez les rêves d’un sage.
Hélas ! hélas ! j’ai cinquante ans.