Ah ! si j’étais jeune et vaillant,
Vrai hussard, je courrais le monde,
Retroussant ma moustache blonde,
Sous un uniforme brillant,
Le sabre au poing et bataillant.
Va, mon coursier, vole en Pologne ;
Arrachons un peuple au trépas.
Que nos poltrons en aient vergogne.
Hâtons-nous ; l’honneur est là bas. (bis.)
Si j’étais jeune, assurément
J’aurais maîtresse jeune et belle.
Vite en croupe, mademoiselle ;
Imitez le beau dévouement
Des femmes de ce peuple aimant.
Vendez vos parures ; oui, toutes.
En charpie emportons vos draps.
De son sang sauvez quelques gouttes.
Hâtons-nous ; l’honneur est là bas.
Bien plus ; si j’avais des millions,
J’irais dire aux braves Sarmates :
Achetons quelques diplomates,
Beaucoup de poudre, et rhabillons
Vos héroïques bataillons.
L’Europe qui marche à béquilles,
Riche goutteuse, ne croit pas
À la vertu sous des guenilles.
Hâtons-nous ; l’honneur est là bas.
Pour eux, si j’étais roi puissant,
Combien je ferais plus encore !
Mes vaisseaux, du Sund au Bosphore,
Iraient réveiller le Croissant,
Des Suédois réchauffer le sang ;
Criant : Pologne, on te seconde !
Un long sceptre au bout d’un bon bras
Peut atteindre aux bornes du monde.
Hâtons-nous ; l’honneur est là bas.
Si j’étais un jour, un seul jour,
Le dieu que la Pologne implore,
Sous ma justice, avant l’aurore,
Le czar pâlirait dans sa cour :
Aux Polonais tout mon amour !
Je saurais, trompant les oracles,
De miracles semer leurs pas.
Hélas ! il leur faut des miracles !
Hâtons-nous ; l’honneur est là bas.
Hâtons-nous ! mais je ne puis rien.
Ô Roi des cieux, entends ma plainte :
Père de la liberté sainte,
De ce peuple unique soutien,
Fais de moi son ange gardien.
Dieu, donne à ma voix la trompette
Qui doit réveiller du trépas,
Pour qu’au monde entier je répète :
Hâtez-vous ; l’honneur est là bas.