Œuvres complètes de Béranger/L’Enrhumé

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L’ENRHUMÉ


VAUDEVILLE
SUR LES NOUVELLES LOIS D’EXCEPTION
MARS 1820


Air : Du petit mot pour rire (Air noté )


Quoi ! pas un seul petit couplet !
Chansonnier, dis-nous donc quel est
        Le mal qui te consume ?
— Amis, il pleut, il pleut des lois ;
L’air est malsain, j’en perds la voix.
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.

Chansonnier, quand vient le printemps,
Les oiseaux, plus gais, plus contents,
        De chanter ont coutume.
— Oui, mais j’aperçois des réseaux :
En cage on mettra les oiseaux.
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.


La Chambre regorge d’intrus ;
Peins-nous l’un de ces bas ventrus
        Aux dîners qu’il écume.
— Non ; car ces gens, si gras du bec,
Votent l’eau claire et le pain sec[1].
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.

Pour nos pairs fais des vers flatteurs ;
Des Français ce sont les tuteurs :
        Qu’à leur nez l’encens fume.
— Non, car ils ont mis de moitié
Leurs pupilles à la Pitié.
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.

Peins donc S...... l’anodin ;
Peins-nous sur-tout P...... Dandin,
        Si fort quand il résume.
— Non : Cicéron m’a convaincu.
P...... dirait : Il a vécu[2].
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.


Mais la Charte encor nous défend ;
Du roi c’est l’immortel enfant :
        Il l’aime, on le présume.
...........
...........[3].
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.

Qu’ai-je dit ? et que de dangers !
Le ministre des étrangers,
        Dandin, taille sa plume.
On va m’arrêter sans procès :
Le vaudeville est né français.
                Amis, c’est là,
                Oui, c’est cela,
        C’est cela qui m’enrhume.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


L’ENRHUMÉ.

Air : Le petit mot pour rire.
No 146.



\relative c'' {
  \time 6/8
  \key g \major
  \tempo "Allegro."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 4. g8 a b | a4 c8 b4 a8 | g4. g8 a b
a4 d8 c4 b8 | a4 a8 a4 a8 | a4 d8 cis4. | d a8 a a
c4 c8 b4 b8 | e4. d8 e d | c4 b8 a4 g8 | d4 g8 c4 c8
b4 b8 e4 e8 | d4. e8 fis g | g,4 c8 b4 (a8) | g4. \bar "||"
}

\addlyrics {
Quoi pas un seul pe -- tit cou -- plet
Chan -- son -- nier dis- nous donc quel est
Le mal qui te con -- su -- "me ?"
A -- mis il pleut il pleut des lois
L’air est mal -- sain j’en perds la voix
A -- mis c’est là
Oui c’est ce -- la
C’est ce -- la qui m’en -- rhu -- me.
}

Haut

  1. Messieurs du centre voulurent qu’on laissât aux ministres le droit de régler la nourriture des personnes arrêtées comme suspectes.
  2. Allusion à une citation, sans doute fort heureuse, mais peu rassurante, que s’est permise un ministre.
  3. On ne croit pas devoir rétablir ici les deux vers dont l’imprimeur exigea la suppression en 1821. L’auteur ne consentit à cette suppression que parce qu’il pressentit les interprétations malignes auxquelles elle donnerait lieu. Aussi Marchangy tonna-t-il contre ces deux lignes de points. Des points poursuivis en justice ! Il faut les conserver d’autant plus, que les deux vers supprimés ne seraient auprès qu’une froide épigramme.