Oui, chanson, Muse ma fille,
J’ai déclaré net
Qu’avec Charle et sa famille
On te détrônait i*.
Mais chaque loi qu’on nous donne
Te rappelle ici.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Je croyais qu’on allait faire
Du grand et du neuf ;
Même étendre un peu la sphère
De Quatre-vingt-neuf.
Mais point ! on rebadigeonne
Un trône noirci.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Depuis les jours de décembre j*,
Vois, pour se grandir,
La Chambre vanter la Chambre ;
La Chambre applaudir.
À se prouver qu’elle est bonne
Elle a réussi.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Basse-cour des ministères
Qu’en France on honnit,
Nos chapons héréditaires
Sauveront leur nid k*.
Les petits que Dieu leur donne
Y pondront aussi.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Gloire à la garde civique,
Piédestal des lois !
Qui maintient la paix publique
Peut venger nos droits.
Là haut, quelqu’un, je soupçonne,
En a du souci.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
La planète doctrinaire
Qui sur Gand brillait,
Veut servir de luminaire
Aux gens de juillet.
Fi d’un froid soleil d’automne,
De brume obscurci !
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Nos ministres, qu’on peut mettre
Tous au même point,
Voudraient que le baromètre
Ne variât point.
Pour peu que là bas il tonne,
On se signe ici.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Pour être en état de grâce,
Que de grands peureux
Ont soin de laisser en place
Les hommes véreux !
Si l’on ne touche à personne,
C’est afin que si…
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Te voilà donc restaurée,
Chanson mes amours.
Tricolore et sans livrée
Montre-toi toujours.
Ne crains plus qu’on t’emprisonne,
Du moins à Poissy.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
Mais pourtant laisse en jachère
Mon sol fatigué.
Mes jeunes rivaux, ma chère,
Ont un ciel si gai !
Chez eux la rose foisonne,
Chez moi le souci.
Chanson, reprends ta couronne.
— Messieurs, grand merci !
À la fin de juillet 1830, j’avais dit : On vient de détrôner Charles X et la chanson. Ce mot fut répété à la tribune par je ne sais quel député du centre.