Œuvres complètes de Béranger/La Restauration de la Chanson

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LA RESTAURATION
DE LA CHANSON


JANVIER 1831


Air : J’arrive à pied de province (Air noté )


Oui, chanson, Muse ma fille,
        J’ai déclaré net
Qu’avec Charle et sa famille
        On te détrônait i*.
Mais chaque loi qu’on nous donne
        Te rappelle ici.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

Je croyais qu’on allait faire
        Du grand et du neuf ;
Même étendre un peu la sphère
        De Quatre-vingt-neuf.
Mais point ! on rebadigeonne
        Un trône noirci.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !


Depuis les jours de décembre j*,
        Vois, pour se grandir,
La Chambre vanter la Chambre ;
        La Chambre applaudir.
À se prouver qu’elle est bonne
        Elle a réussi.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

Basse-cour des ministères
        Qu’en France on honnit,
Nos chapons héréditaires
        Sauveront leur nid k*.
Les petits que Dieu leur donne
        Y pondront aussi.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

Gloire à la garde civique,
        Piédestal des lois !
Qui maintient la paix publique
        Peut venger nos droits.
Là haut, quelqu’un, je soupçonne,
        En a du souci.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

La planète doctrinaire
        Qui sur Gand brillait,
Veut servir de luminaire
        Aux gens de juillet.

Fi d’un froid soleil d’automne,
        De brume obscurci !
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

Nos ministres, qu’on peut mettre
        Tous au même point,
Voudraient que le baromètre
        Ne variât point.
Pour peu que là bas il tonne,
        On se signe ici.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

Pour être en état de grâce,
        Que de grands peureux
Ont soin de laisser en place
        Les hommes véreux !
Si l’on ne touche à personne,
        C’est afin que si…
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !

Te voilà donc restaurée,
        Chanson mes amours.
Tricolore et sans livrée
        Montre-toi toujours.
Ne crains plus qu’on t’emprisonne,
        Du moins à Poissy.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !


Mais pourtant laisse en jachère
        Mon sol fatigué.
Mes jeunes rivaux, ma chère,
        Ont un ciel si gai !
Chez eux la rose foisonne,
        Chez moi le souci.
Chanson, reprends ta couronne.
        — Messieurs, grand merci !




i*. On te détrônait.

À la fin de juillet 1830, j’avais dit : On vient de détrôner Charles X et la chanson. Ce mot fut répété à la tribune par je ne sais quel député du centre.

j*. Depuis les jours de décembre.

Le jugement des ministres de Charles X. La Chambre alors ne voulait point entendre parler de sa dissolution.

k*. Sauveront leur nid.

On craignait encore que l’hérédité de la pairie ne fût conservée.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LA RESTAURATION DE LA CHANSON.

Air : J’arrive à pied de province.
No 297.



\relative c'' {
  \time 2/2
  \key c \major
  \tempo "Allegro."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 2 e,4 a | gis a b c | b gis a b | c2 d 
b e,4 a | gis a b c | b g a b | g2 fis 
e e'4 d | c d e a, | gis e a b | c2 d 
% {page suivante}
b2 e4 d | c d e a, | gis e c' d | c2 b a r \bar "||"
}

\addlyrics {
Oui chan -- son Mu -- se ma fil -- le
J’ai dé -- cla -- ré net
Qu’a -- vec Charle et sa fa -- mil -- le
On te dé -- trô -- nait
Mais cha -- que loi qu’on nous don -- ne
Te rap -- pelle i -- ci
Chan -- son re -- prends ta cou -- ron -- ne
Mes -- sieurs grand mer -- ci.
}

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