Air : Eh ! ma mère, est-c’que j’sais ça ? (Air noté ♫)
Jadis voyageant pour Rome,
Un pape, né sous le froc,
Pris sur mer, fut, le pauvre homme,
Mené captif à Maroc.
D’abord il tempête, il sacre,
Reniant Dieu bel et bien.
— Saint-Père, lui dit son diacre,
Vous vous damnez comme un chien.
Sur un pal que l’on aiguise
Croyant déjà qu’on le met,
Le fondement de l’église
Dit : Invoquons Mahomet.
Ce prophète en vaut bien d’autres ;
Je me fais son paroissien.
— Saint-Père, au nez des apôtres
Vous vous damnez comme un chien.
Aye ! aye ! on le circoncise.
Le voilà bon musulman,
Sinon parfois qu’il se grise
Avec un coquin d’iman.
Il fait de sa vieille Bible
Un usage peu chrétien.
— Saint-Père, c’est trop risible ;
Vous vous damnez comme un chien.
En vrai corsaire il s’équipe ;
Pour le Croissant il combat,
Prend le sorbet et la pipe ;
Dans un harem il s’ébat.
Près des femmes qu’il capture,
Voyez donc ce grand vaurien !
— Saint-Père, quelle posture !
Vous vous damnez comme un chien.
À Maroc survient la peste ;
Soudain fuit notre forban,
Qui dans Rome, d’un air leste,
Rentre avec son beau turban.
— Souffrez qu’on vous rebaptise.
— Non, dit-il, ça n’y fait rien.
— Saint-Père, quelle bêtise !
Vous vous damnez comme un chien.
Depuis, frondant nos mystères,
Ce renégat enragé
Veut vider les monastères,
Veut marier le clergé.
Sous lui l’église déchue
Ne brûle juif ni païen.
— Saint-Père, Rome est fichue ;
Vous vous damnez comme un chien.