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Œuvres complètes de Béranger/Le Prince de Navarre

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Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Prince de Navarre.


LE PRINCE DE NAVARRE


OU


MATHURIN BRUNEAU[1]


Air du ballet des Pierrots (Air noté )


Quoi ! tu veux régner sur la France !
Es-tu fou, pauvre Mathurin ?
N’échange point ton indigence
Contre tout l’or d’un souverain.
Sur un trône l’ennui se carre,
Fier d’être encensé par des sots.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

Des leçons que le malheur donne,
Tu n’as donc point tiré de fruit ?
Réclamerais-tu la couronne,
Si le malheur t’avait instruit ?

Cette ambition n’est point rare,
Même ailleurs que chez les héros.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

Dans le rang que toi-même espères,
Trompés par des flatteurs câlins,
Que de rois se disent les pères
D’enfants qui se croient orphelins !
Régner, c’est n’être point avare
De lois, de rubans, de grands mots.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

Quand tu combattrais avec gloire,
Sache que plus d’un conquérant
Se voit arracher la victoire
Par un général ignorant.
Un Anglais, aidé d’un Tartare,
Foule aux pieds de nobles drapeaux.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

Combien d’agents illégitimes
Servent la légitimité !
Trop tard sur les malheurs de Nîmes
On éclairerait ta bonté.
Le roi qu’au Pont-Neuf on répare[2]
Parle en vain pour les huguenots.

Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

De tes maux quel serait le terme,
Si quelques alliés sans foi
Prétendaient que tu tiens à ferme
Le trône que tu dis à toi !
De jour en jour leur ligue avare
Augmenterait le prix des baux.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

Enfin pourrais-tu sans scrupule,
Graissant la patte au Saint-Esprit,
Faire un concordat ridicule
Avec ton père en Jésus-Christ ?
Pour lui redorer sa tiare,
Tu nous surchargerais d’impôts.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.

D’ailleurs ton métier nous arrange :
Nos amis nous ont fait capot.
C’est pour que l’étranger la mange
Que nous mettons la poule au pot.
De nos souliers même on s’empare
Après avoir pris nos manteaux.
Croyez-moi, prince de Navarre,
Prince, faites-nous des sabots.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LE PRINCE DE NAVARRE.

Air du ballet des Pierrots.
No 123.



\relative c'' {
  \time 6/8
  \key g \major
  \tempo "Allegro."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
r4 g8 b4 c8 | d4 b8 a4 c8 | b a g b4 c8
d4 g,8 fis4 e8 | d4 g8 b4 c8 | d4 b8 a4 c8 | b a g b4 c8
% {page suivante}
d4 g,8 fis4 e8 | d4 a'8 b4 c8 | b4 a8 b4 c8
b8 b a c4 b8 | a[ (b)] g fis4 g8 | a4 a8 b4 c8
b4 a8 b4 c8 | b b a c4 b8 | a[ (fis)] g b4 a8 | g4 r8 r4 r8 \bar "||"
}

\addlyrics {
Quoi tu veux ré -- gner sur la Fran -- ce
Es- tu fou pau -- vre Ma -- thu -- rin
N’é -- chan -- ge point ton in -- di -- gen -- ce
Con -- tre tout l’or d’un sou -- ve -- rain
Sur un trô -- ne l’en -- nui se car -- re
Fier d’être en -- cen -- sé par des sots
Croy -- ez- moi prin -- ce de Na -- var -- re
Prin -- ce fai -- tes- nous des sa -- bots.
}

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  1. Tout le monde se rappelle que Mathurin Bruneau, reconnu pour être fils d’un sabotier, affectait de se donner le titre de prince de Navarre.
  2. On s’occupait alors de relever la statue de Henri IV.