Œuvres complètes de Béranger/Le Ventru
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LE VENTRU
Électeurs de ma province,
Il faut que vous sachiez tous
Ce que j’ai fait pour le prince,
Pour la patrie et pour vous.
L’état n’a point dépéri :
Je reviens gras et fleuri.
Quels dînés, |
bis. |
Au ventre toujours fidèle,
J’ai pris, suivant ma leçon,
Place à dix pas de Villèle[1],
À quinze de D’Argenson ;
Car dans ce ventre étoffé
Je suis entré tout truffé.
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
Comme il faut au ministère
Des gens qui parlent toujours
Et hurlent pour faire taire
Ceux qui font de bons discours,
J’ai parlé, parlé, parlé ;
J’ai hurlé, hurlé, hurlé.
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
Si la presse a des entraves,
C’est que je l’avais promis ;
Si j’ai bien parlé des braves,
C’est qu’on me l’avait permis.
J’aurais voté dans un jour
Dix fois contre et dix fois pour.
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
J’ai repoussé les enquêtes,
Afin de plaire à la cour ;
J’ai, sur toutes les requêtes,
Demandé l’ordre du jour.
Au nom du roi, par mes cris,
J’ai rebanni les proscrits[2].
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
Des dépenses de police
J’ai prouvé l’utilité ;
Et non moins Français qu’un Suisse,
Pour les Suisses j’ai voté.
Gardons bien, et pour raison,
Ces amis de la maison.
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
Malgré des calculs sinistres,
Vous paîrez, sans y songer,
L’étranger et les ministres,
Les ventrus et l’étranger.
Il faut que, dans nos besoins,
Le peuple dîne un peu moins.
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
Enfin j’ai fait mes affaires :
Je suis procureur du roi ;
J’ai placé deux de mes frères,
Mes trois fils ont de l’emploi.
Pour les autres sessions
J’ai cent invitations.
Quels dînés,
Quels dînés,
Les ministres m’ont donnés !
Oh ! que j’ai fait de bons dînés !
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
↑ Haut
- ↑ À cette époque, M. de Villèle était le chef de l’opposition de droite, vers laquelle penchait toujours le pouvoir. Il est inutile de rappeler que M. d’Argenson était un des membres les plus avancés de l’opposition de gauche.
- ↑ Dans la session de 1818, un grand nombre d’adresses présentées à la Chambre en faveur du rappel des proscrits, amena une discussion extrêmement vive, que termina l’ordre du jour.