Notre allégresse est trop vive ;
Amis, pendant nos ébats,
Sachez qu’un joli convive
Sent approcher son trépas.
Faut-il qu’à la fleur de l’âge
Il ait ce pressentiment ?
Tous nos billets de mariage
Sont des billets d’enterrement.
Il sait que l’Amour le guette
Pour se venger aujourd’hui
D’une querelle secrète
Qu’il eut vingt fois avec lui :
Rien que d’y penser, je gage
Qu’il meurt presque, en ce moment.
Tous nos billets de mariage
Sont des billets d’enterrement.
Bientôt il prendra la fuite,
En tremblant se cachera ;
Mais l’Amour, à sa poursuite,
Dans son réduit l’atteindra.
L’un pousse un trait plein de rage,
L’autre un long gémissement.
Tous nos billets de mariage
Sont des billets d’enterrement.
Par pitié l’Amour hésite :
Mais enfin, moins généreux,
Du trait que l’obstacle irrite
Il lui porte un coup affreux.
Dans son sang le pauvret nage :
Adieu donc, défunt charmant !
Tous nos billets de mariage
Sont des billets d’enterrement.
On versera quelques larmes
Que le plaisir essuîra ;
Mais, pour l’honneur de ses armes,
Le vainqueur en parlera.
Car, mes amis, dans notre âge,
En dépit du sacrement,
Peu de billets de mariage
Sont des billets d’enterrement.