Le curé de notre hameau
S’empresse à vider son tonneau,
Pour quand viendra l’automne.
Bénissant Dieu de ses présents,
À sa nièce, enfant de seize ans,
Il dit parfois : Mignonne,
Cache-moi bien ce qu’on fera ;
Le diable aura ce qu’il pourra.
Eh ! zon, zon, zon,
Baise-moi, Suzon,
Et ne damnons personne.
Fait pour chasser les loups gloutons,
Dois-je essayer sur les moutons
Si ma houlette est bonne ?
Non, mais à mon troupeau je dis :
La paix est un vrai paradis
Qu’ici-bas l’on se donne.
Surtout j’ai soin, tant qu’il se peut,
De ne prêcher que lorsqu’il pleut.
Eh ! zon, zon, zon,
Baise-moi, Suzon,
Et ne damnons personne.
Les dimanches, point ne défends
La joie à ces pauvres enfants ;
J’aime alors qu’on s’en donne.
Du chœur, où je suis seul souvent,
Je les entends rire en buvant
Chez la mère Simone ;
Ou j’y cours même, s’il le faut,
Les prier de chanter moins haut.
Eh ! zon, zon, zon,
Baise-moi, Suzon,
Et ne damnons personne.
Sans jamais en rien publier,
Je vois s’enfler le tablier
De plus d’une friponne.
S’épouse-t-on six mois trop tard ;
Faut-il baptiser un bâtard ;
C’est le ciel qui l’ordonne.
Les plaintes fort peu me siéraient,
Le ciel et Suzon en riraient.
Eh ! zon, zon, zon,
Baise-moi, Suzon,
Et ne damnons personne.
Notre maire, un peu mécréant,
À maint sermon répond : Néant.
Mais que Dieu lui pardonne !
Depuis qu’à sa table il m’admet,
J’ai su qu’à deux mains il semait,
Sans bruit faisant l’aumône ;
Or, la grâce ne peut faillir :
Puisqu’il sème, il doit recueillir.
Eh ! zon, zon, zon,
Baise-moi, Suzon,
Et ne damnons personne.
Je préside à tous les banquets,
À ma fête j’ai des bouquets,
Et l’on remplit ma tonne.
Mon évêque, triste et bigot,
Prétend que je sens le fagot ;
Mais pour qu’un jour, mignonne,
J’aille où les anges font leurs nids,
Revoir tous ceux que j’ai bénits,
Eh ! zon, zon, zon,
Baise-moi, Suzon,
Et ne damnons personne.
|