Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1/Vie de Blaise Pascal

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Hachette (tome Ip. 1-22).


VIE DE BLAISE PASCAL,

PAR Mme PÉRIER (GILBERTE PASCAL).


Mon frère naquit à Clermont, le 19 juin de l’année 1623. Mon père s’appeloit Étienne Pascal, président de la cour des aides ; et ma mère, Antoinette Begon. Dès que mon frère fut en âge qu’on lui pût parler, il donna des marques d’un esprit extraordinaire par les petites reparties qu’il faisoit fort à propos, mais encore plus par les questions qu’il faisoit sur la nature des choses, qui surprenoient tout le monde. Ce commencement, qui donnoit de belles espérances, ne se démentit jamais ; car à mesure qu’il croissoit il augmentoit toujours en force de raisonnement, en sorte qu’il étoit toujours beaucoup au-dessus de son âge.

Cependant ma mère étant morte dès l’année 1626, que mon frère n’avoit que trois ans, mon père se voyant seul s’appliqua plus fortement au soin de sa famille ; et comme il n’avoit point d’autre fils que celui-là, cette qualité de fils unique, et les grandes marques d’esprit qu’il reconnut dans cet enfant, lui donnèrent une si grande affection pour lui, qu’il ne put se résoudre à commettre son éducation à un autre, et se résolut dès lors à l’instruire lui-même, comme il l’a fait, mon frère n’ayant jamais entré dans aucun collége, et n’ayant jamais eu d’autre maître que mon père.

En l’année 1631, mon père se retira à Paris, nous y mena tous, et y établit sa demeure. Mon frère, qui n’avoit que huit ans, reçut un grand avantage de cette retraite, dans le dessein que mon père avoit de l’élever ; car il est sans doute qu’il n’auroit pas pu prendre le même soin dans la province, où l’exercice de sa charge et les compagnies continuelles qui abordoient chez lui l’auroient beaucoup détourné ; mais il étoit à Paris dans une entière liberté ; il s’y appliqua tout entier, et il eut tout le succès que purent avoir les soins d’un père aussi intelligent et aussi affectionné qu’on le puisse être.

Sa principale maxime dans cette éducation étoit de tenir toujours cet enfant au-dessus de son ouvrage ; et ce fut par cette raison qu’il ne voulut point commencer à lui apprendre le latin qu’il n’eût douze ans, afin qu’il le fît avec plus de facilité.

Pendant cet intervalle il ne le laissoit pas inutile, car il l’entretenoit de toutes les choses dont il le voyoit capable. Il lui faisoit voir en général ce que c’étoit que les langues, il lui montroit comme on les avoit réduites en grammaires sous de certaines règles ; que ces règles avoient encore des exceptions qu’on avoit eu soin de remarquer, et qu’ainsi l’on avoit trouvé le moyen par là de rendre toutes les langues communicables d’un pays en un autre.

Cette idée générale lui débrouilloit l’esprit, et lui faisoit voir la raison des règles de la grammaire, de sorte que, quand il vint à l’apprendre, il savoit pourquoi il le faisoit, et il s’appliquoit précisément aux choses à quoi il falloit le plus d’application.

Après ces connoissances, mon père lui en donna d’autres ; il lui parloit souvent des effets extraordinaires de la nature, comme de la poudre à canon, et d’autres choses qui surprennent quand on les considère. Mon frère prenoit grand plaisir à cet entretien, mais il vouloit savoir la raison de toutes choses ; et comme elles ne sont pas toutes connues, lorsque mon père ne les disoit pas, ou qu’il disoit celles qu’on allègue d’ordinaire, qui ne sont proprement que des défaites, cela ne le contentoit pas : car il a toujours eu une netteté d’esprit admirable pour discerner le faux ; et on peut dire que toujours et en toutes choses la vérité a été le seul objet de son esprit, puisque jamais rien ne l’a pu satisfaire que sa connoissance. Ainsi dès son enfance il ne pouvoit se rendre qu’à ce qui lui paroissoit vrai évidemment ; de sorte que, quand on ne lui disoit pas de bonnes raisons, il en cherchoit lui-même, et quand il s’étoit attaché à quelque chose, il ne la quittoit point qu’il n’en eût trouvé quelqu’une qui le pût satisfaire. Une fois entre autres quelqu’un ayant frappé à table un plat de faïence avec un couteau, il prit garde que cela rendoit un grand son, mais qu’aussitôt qu’on eut mis la main dessus, cela l’arrêta. Il voulut en même temps en savoir la cause, et cette expérience le porta à en faire beaucoup d’autres sur les sons. Il y remarqua tant de choses, qu’il en fit un traité à l’âge de douze ans, qui fut trouvé tout à fait bien raisonné.

Son génie à la géométrie commença à paroître lorsqu’il n’avoit encore que douze ans, par une rencontre si extraordinaire, qu’il me semble qu’elle mérite bien d’être déduite en particulier.

Mon père étoit homme savant dans les mathématiques, et avoit habitude par là avec tous les habiles gens en cette science, qui étoient souvent chez lui ; mais comme il avoit dessein d’instruire mon frère dans les langues, et qu’il savoit que la mathématique est une science qui remplit et qui satisfait beaucoup l’esprit, il ne voulut point que mon frère en eût aucune connoissance, de peur que cela ne le rendît négligent pour la langue latine, et les autres [sciences] dans lesquelles il vouloit le perfectionner. Par cette raison il avoit serré tous les livres qui en traitent, et il s’abstenoit d’en parler avec ses amis en sa présence ; mais cette précaution n’empêchoit pas que la curiosité de cet enfant ne fût excitée, de sorte qu’il prioit souvent mon père de lui apprendre la mathématique ; mais il le lui refusoit, lui promettant cela comme une récompense. Il lui promettait qu’aussitôt qu’il sauroit le latin et le grec, il la lui apprendroit. Mon frère, voyant cette résistance, lui demanda un jour ce que c’étoit que cette science, et de quoi on y traitoit : mon père lui dit, en général, que c’étoit le moyen de faire des figures justes, et de trouver les proportions qu’elles avoient entre elles, et en même temps lui défendit d’en parler davantage et d’y penser jamais. Mais cet esprit qui ne pouvoit demeurer dans ces bornes, dès qu’il eut cette simple ouverture, que la mathématique donnoit des moyens de faire des figures infailliblement justes, il se mit lui-même à rêver sur cela à ses heures de récréation ; et étant seul dans une salle où il avoit accoutumé de se divertir, il prenoit du charbon et faisoit des figures sur des carreaux, cherchant des moyens de faire, par exemple, un cercle parfaitement rond, un triangle dont les côtés et les angles fussent égaux, et autres choses semblables. Il trouvoit tout cela lui seul ; ensuite il cherchoit les proportions des figures entre elles. Mais comme le soin de mon père avoit été si grand de lui cacher toutes ces choses, il n’en savoit pas même les noms. Il fut contraint de se faire lui-même des définitions ; il appeloit un cercle un rond, une ligne une barre, et ainsi des autres. Après ces définitions il se fit des axiomes, et enfin il fit des démonstrations parfaites ; et comme l’on va de l’un à l’autre dans ces choses, il poussa les recherches si avant, qu’il en vint jusqu’à la trente-deuxième proposition du premier livre d’Euclide[1]. Comme il en étoit là-dessus, mon père entra dans le lieu où il étoit, sans que mon frère l’entendît ; il le trouva si fort appliqué, qu’il fut longtemps sans s’apercevoir de sa venue. On ne peut dire lequel fut le plus surpris, ou le fils de voir son père, à cause de la défense expresse qu’il lui en avoit faite, ou le père de voir son fils au milieu de toutes ces choses. Mais la surprise du père fut bien plus grande, lorsque, lui ayant demandé ce qu’il faisoit, il lui dit qu’il cherchoit telle chose, qui étoit la trente-deuxième proposition du premier livre d’Euclide. Mon père lui demanda ce qui l’avoit fait penser à chercher cela : il dit que c’étoit qu’il avoit trouvé telle autre chose ; et sur cela lui ayant fait encore la même question, il lui dit encore quelques démonstrations qu’il avoit faites ; et enfin, en rétrogradant et s’expliquant toujours par les noms de rond et de barre, il en vint à ses définitions et à ses axiomes.

Mon père fut si épouvanté de la grandeur et de la puissance de ce génie, que sans lui dire mot il le quitta, et alla chez M. Le Pailleur, qui étoit son ami intime, et qui étoit aussi fort savant. Lorsqu’il y fut arrivé, il y demeura immobile comme un homme transporté. M. Le Pailleur voyant cela, et voyant même qu’il versoit quelques larmes, fut épouvanté, et le pria de ne lui pas celer plus longtemps la cause de son déplaisir. Mon père lui répondit : « Je ne pleure pas d’affliction, mais de joie. Vous savez les soins que j’ai pris pour ôter à mon fils la connoissance de la géométrie, de peur de le détourner de ses autres études : cependant voici ce qu’il a fait. » Sur cela il lui montra tout ce qu’il avoit trouvé, par où l’on pouvoit dire en quelque façon qu’il avoit inventé les mathématiques. M. Le Pailleur ne fut pas moins surpris que mon père l’avoit été, et lui dit qu’il ne trouvoit pas juste de captiver plus longtemps cet esprit, et de lui cacher encore cette connoissance ; qu’il falloit lui laisser voir les livres, sans le retenir davantage.

Mon père, ayant trouvé cela à propos, lui donna les Élémens d’Euclide pour les lire à ses heures de récréation. Il les vit et les entendit tout seul, sans avoir jamais eu besoin d’aucune explication ; et pendant qu’il les voyoit, il composoit et alloit si avant, qu’il se trouvoit régulièrement aux conférences qui se faisoient toutes les semaines, où tous les habiles gens de Paris s’assembloient pour porter leurs ouvrages, ou pour examiner ceux des autres[2]. Mon frère y tenoit fort bien son rang, tant pour l’examen que pour la production ; car il étoit de ceux qui y portoient le plus souvent des choses nouvelles. On voyoit souvent aussi dans ces assemblées-là des propositions qui étoient envoyées d’Italie, d’Allemagne, et d’autres pays étrangers, et l’on prenoit son avis sur tout avec autant de soin que de pas un des autres ; car il avoit des lumières si vives, qu’il est arrivé quelquefois qu’il a découvert des fautes dont les autres ne s’étoient point aperçus. Cependant il n’employoit à cette étude de géométrie que ses heures de récréation ; car il apprenoit le latin sur des règles que mon père lui avoit faites exprès. Mais comme il trouvoit dans cette science la vérité qu’il avoit si ardemment recherchée, il en étoit si satisfait, qu’il y mettoit son esprit tout entier ; de sorte que, pour peu qu’il s’y appliquât, il y avançoit tellement, qu’à l’âge de seize ans il fit un traité des Coniques qui passa pour un si grand effort d’esprit, qu’on disoit que depuis Archimède on n’avoit rien vu de cette force. Les habiles gens étoient d’avis qu’on les imprimât dès lors, parce qu’ils disoient qu’encore que ce fût un ouvrage qui seroit toujours admirable, néanmoins, si on l’imprimoit dans le temps que celui qui l’avoit inventé n’avoit encore que seize ans, cette circonstance ajouteroit beaucoup à sa beauté : mais comme mon frère n’a jamais eu de passion pour la réputation, il ne fit pas de cas de cela ; et ainsi cet ouvrage n’a jamais été imprimé.

Durant tous ces temps-là il continuoit toujours d’apprendre le latin et le grec ; et outre cela, pendant et après le repas, mon père l’entretenoit tantôt de la logique, tantôt de la physique, et des autres parties de la philosophie ; et c’est tout ce qu’il en a appris, n’ayant jamais été au collége, ni eu d’autres maîtres pour cela non plus que pour le reste. Mon père prenoit un plaisir tel qu’on le peut croire de ces grands progrès que mon frère faisoit dans toutes les sciences, mais il ne s’aperçut pas que les grandes et continuelles applications dans un âge si tendre pouvoient beaucoup intéresser sa santé ; et en effet elle commença d’être altérée dès qu’il eut atteint l’âge de dix-huit ans. Mais comme les incommodités qu’il ressentoit alors n’étoient pas encore dans une grande force, elles ne l’empêchèrent pas de continuer toujours dans ses occupations ordinaires ; de sorte que ce fut en ce temps-là et à l’âge de dix-huit ans qu’il inventa cette machine d’arithmétique par laquelle on fait non-seulement toutes sortes de supputations sans plumes et sans jetons, mais on les fait même sans savoir aucune règle d’arithmétique, et avec une sûreté infaillible.

Cet ouvrage a été considéré comme une chose nouvelle dans la nature, d’avoir réduit en machine une science qui réside tout entière dans l’esprit, et d’avoir trouvé le moyen d’en faire toutes les opérations avec une entière certitude, sans avoir besoin de raisonnement. Ce travail le fatigua beaucoup, non pas pour la pensée ou pour le mouvement, qu’il trouva sans peine, mais pour faire comprendre aux ouvriers toutes ces choses. De sorte qu’il fut deux ans à le mettre dans cette perfection où il est à présent[3].

Mais cette fatigue, et la délicatesse où se trouvoit sa santé depuis quelques années, le jetèrent dans des incommodités qui ne l’ont plus quitté ; de sorte qu’il nous disoit quelquefois que depuis l’âge de dix-huit ans il n’avoit pas passé un jour sans douleur. Ces incommodités néanmoins n’étant pas toujours dans une égale violence, dès qu’il avoit un peu de repos et de relâche, son esprit se portoit incontinent à chercher quelque chose de nouveau.

Ce fut dans ce temps-là et à l’âge de vingt-trois ans qu’ayant vu l’expérience de Torricelli, il inventa ensuite et exécuta les autres expériences qu’on nomme ses expériences : celle du vide qui prouvoit si clairement que tous les effets qu’on avoit attribués jusque-là à l’horreur du vide sont causés par la pesanteur de l’air. Cette occupation fut la dernière où il appliqua son esprit pour les sciences humaines ; et quoiqu’il ait inventé la roulette après, cela ne contredit point à ce que je dis ; car il la trouva sans y penser, et d’une manière qui fait bien voir qu’il n’y avoit pas d’application, comme je dirai dans son lieu.

Immédiatement après cette expérience, et lorsqu’il n’avoit pas encore vingt-quatre ans, la Providence ayant fait naître une occasion qui l’obligea à lire des écrits de piété, Dieu l’éclaira de telle sorte par cette lecture, qu’il comprit parfaitement que la religion chrétienne nous oblige à ne vivre que pour Dieu, et à n’avoir point d’autre objet que lui ; et cette vérité lui parut si évidente, si nécessaire et si utile, qu’elle termina toutes ses recherches : de sorte que dès ce temps-là il renonça à toutes les autres connoissances pour s’appliquer uniquement à l’unique chose que Jésus-Christ appelle nécessaire.

Il avoit été jusqu’alors préservé, par une protection de Dieu particulière, de tous les vices de la jeunesse ; et ce qui est encore plus étrange à un esprit de cette trempe et de ce caractère, il ne s’étoit jamais porté au libertinage pour ce qui regarde la religion, ayant toujours borné sa curiosité aux choses naturelles. Il m’a dit plusieurs fois qu’il joignoit cette obligation à toutes les autres qu’il avoit à mon père, qui, ayant lui-même un très-grand respect pour la religion, le lui avoit inspiré dès l’enfance, lui donnant pour maxime que tout ce qui est l’objet de la foi ne le sauroit être de la raison, et beaucoup moins y être soumis. Ces maximes, qui lui étoient souvent réitérées par un père pour qui il avoit une très-grande estime, et en qui il voyoit une grande science accompagnée d’un raisonnement fort net et fort puissant, faisoient une si grande impression sur son esprit, que quelques discours qu’il entendît faire aux libertins, il n’en étoit nullement ému ; et quoiqu’il fût fort jeune, il les regardoit comme des gens qui étoient dans ce faux principe, que la raison humaine est au-dessus de toutes choses, et qui ne connoissoient pas la nature de la foi ; et ainsi cet esprit si grand, si vaste et si rempli de curiosité, qui cherchoit avec tant de soin la cause et la raison de tout, étoit en même temps soumis à toutes les choses de la religion comme un enfant ; et cette simplicité a régné en lui toute sa vie : de sorte que, depuis même qu’il se résolut de ne plus faire d’autre étude que celle de la religion, il ne s’est jamais appliqué aux questions curieuses de la théologie, et il a mis toute la force de son esprit à connoître et à pratiquer la perfection de la morale chrétienne, à laquelle il a consacré tous les talens que Dieu lui avoit donnés, n’ayant fait autre chose dans tout le reste de sa vie que de méditer la loi de Dieu jour et nuit. Mais, quoiqu’il n’eût pas fait une étude particulière de la scolastique, il n’ignoroit pourtant pas les décisions de l’Église contre les hérésies qui ont été inventées par la subtilité de l’esprit ; et c’est contre ces sortes de recherches qu’il étoit le plus animé, et Dieu lui donna dès ce temps-là une occasion de faire paroître le zèle qu’il avoit pour la religion.

Il étoit alors à Rouen, où mon père étoit employé pour le service du roi, et il y avoit aussi en ce même temps un homme qui enseignoit une nouvelle philosophie qui attiroit tous les curieux. Mon frère, ayant été pressé d’y aller par deux jeunes hommes de ses amis, y fut avec eux : mais ils furent bien surpris, dans l’entretien qu’ils eurent avec cet homme, qu’en leur débitant les principes de sa philosophie, il en tiroit des conséquences sur des points de foi, contraires aux décisions de l’Église. Il prouvoit par ses raisonnemens que le corps de Jésus-Christ n’étoit pas formé du sang de la sainte Vierge, mais d’une autre matière créée exprès, et plusieurs autres choses semblables. Ils voulurent le contredire ; mais il demeura ferme dans ce sentiment. De sorte qu’ayant considéré entre eux le danger qu’il y avoit de laisser la liberté d’instruire la jeunesse à un homme qui avoit des sentimens erronés, ils résolurent de l’avertir premièrement, et puis de le dénoncer s’il résistoit à l’avis qu’on lui donnoit. La chose arriva ainsi, car il méprisa cet avis : de sorte qu’ils crurent qu’il étoit de leur devoir de le dénoncer à M. du Bellay[4], qui faisoit pour lors les fonctions épiscopales dans le diocèse de Rouen, par commission de M. l’archevêque. M. du Bellay envoya querir cet homme, et, l’ayant interrogé, il fut trompé par une confession de foi équivoque qu’il lui écrivit et signa de sa main, faisant d’ailleurs peu de cas d’un avis de cette importance qui lui étoit donné par trois jeunes hommes.

Cependant, aussitôt qu’ils virent cette confession de foi, ils connurent ce défaut ; ce qui les obligea d’aller trouver à Gaillon M. l’archevêque de Rouen, qui, ayant examiné toutes ces choses, les trouva si importantes, qu’il écrivit une patente à son conseil, et donna un ordre exprès à M. du Bellay de faire rétracter cet homme sur tous les points dont il étoit accusé, et de ne recevoir rien de lui que par la communication de ceux qui l’avoient dénoncé. La chose fut exécutée ainsi, et il comparut dans le conseil de M. l’archevêque, et renonça à tous ses sentimens : et on peut dire que ce fut sincèrement ; car il n’a jamais témoigné de fiel contre ceux qui lui avoient causé cette affaire : ce qui fait croire qu’il étoit lui-même trompé par de fausses conclusions qu’il tiroit de ses faux principes. Aussi étoit-il bien certain qu’on n’avoit eu en cela aucun dessein de lui nuire, ni d’autres vues que de le détromper par lui-même, et l’empêcher de séduire les jeunes gens qui n’eussent pas été capables de discerner le vrai d’avec le faux dans des questions si subtiles. Ainsi cette affaire se termina doucement ; et mon frère continuant de chercher de plus en plus le moyen de plaire à Dieu, cet amour de la perfection chrétienne s’enflamma de telle sorte dès l’âge de vingt-quatre ans, qu’il se répandoit sur toute la maison. Mon père même, n’ayant pas de honte de se rendre aux enseignemens de son fils, embrassa pour lors une manière de vie plus exacte par la pratique continuelle des vertus jusqu’à sa mort, qui a été tout à fait chrétienne ; et ma sœur, qui avoit des talens d’esprit tout extraordinaires, et qui étoit dès son enfance dans une réputation où peu de filles parviennent, fut tellement touchée des discours de mon frère, qu’elle se résolut de renoncer à tous les avantages qu’elle avoit tant aimés jusqu’alors, pour se consacrer à Dieu tout entière, comme elle a fait depuis, s’étant faite religieuse dans une maison très-sainte et très-austère, où elle a fait un si bon usage des perfections dont Dieu l’avoit ornée, qu’on l’a trouvée digne des emplois les plus difficiles, dont elle s’est toujours acquittée avec toute la fidélité imaginable, et où elle est morte saintement le 4 octobre 1661, âgée de trente-six ans.

Cependant mon frère, de qui Dieu se servoit pour opérer tous ces biens, étoit travaillé par des maladies continuelles, et qui alloient toujours en augmentant. Mais comme alors il ne connoissoit pas d’autre science que la perfection, il trouvoit une grande différence entre celle-là et celle qui avoit occupé son esprit jusqu’alors ; car, au lieu que ses indispositions retardoient le progrès des autres, celle-ci au contraire le perfectionnoit dans ces mêmes indispositions par la patience admirable avec laquelle il les souffroit. Je me contenterai, pour le faire voir, d’en rapporter un exemple.

Il avoit entre autres incommodités celle de ne pouvoir rien avaler de liquide qu’il ne fût chaud ; encore ne le pouvoit-il faire que goutte à goutte : mais, comme il avoit outre cela une douleur de tête insupportable, une chaleur d’entrailles excessive, et beaucoup d’autres maux, les médecins lui ordonnèrent de se purger de deux jours l’un durant trois mois ; de sorte qu’il fallut prendre toutes ces médecines, et pour cela les faire chauffer et les avaler goutte à goutte : ce qui étoit un véritable supplice, qui faisoit mal au cœur à tous ceux qui étoient auprès de lui, sans qu’il s’en soit jamais plaint.

La continuation de ces remèdes, avec d’autres qu’on lui fit pratiquer, lui apporta quelque soulagement, mais non pas une santé parfaite ; de sorte que les médecins crurent que pour se rétablir entièrement il falloit qu’il quittât toute sorte d’application d’esprit, et qu’il cherchât autant qu’il pourroit les occasions de se divertir. Mon frère eut de la peine à se rendre à ce conseil, parce qu’il y voyoit du danger : mais enfin il le suivit, croyant être obligé de faire tout ce qui lui seroit possible pour remettre sa santé, et il s’imagina que les divertissemens honnêtes ne pourroient pas lui nuire ; et ainsi il se mit dans le monde. Mais, quoique par la miséricorde de Dieu il se soit toujours exempté des vices, néanmoins, comme Dieu l’appeloit à une grande perfection, il ne voulut pas l’y laisser, et il se servit de ma sœur pour ce dessein, comme il s’étoit autrefois servi de mon frère lorsqu’il avoit voulu retirer ma sœur des engagemens où elle étoit dans le monde.

Elle étoit alors religieuse, et elle menoit une vie si sainte, qu’elle édifioit toute la maison : étant en cet état, elle eut de la peine de voir que celui à qui elle étoit redevable, après Dieu, des grâces dont elle jouissoit, ne fût pas dans la possession de ces grâces ; et comme mon frère la voyoit souvent, elle lui en parloit souvent aussi ; et enfin elle le fit avec tant de force et de douceur, qu’elle lui persuada ce qu’il lui avoit persuadé le premier, de quitter absolument le monde ; en sorte qu’il se résolut de quitter tout à fait les conversations du monde, et de retrancher toutes les inutilités de la vie au péril même de sa santé, parce qu’il crut que le salut étoit préférable à toutes choses.

Il avoit pour lors trente ans, et il étoit toujours infirme ; et c’est depuis ce temps-là qu’il a embrassé la manière de vivre où il a été jusqu’à la mort[5].

Pour parvenir à ce dessein et rompre toutes ses habitudes, il changea de quartier, et fut demeurer quelque temps à la campagne ; d’où étant de retour, il témoigna si bien qu’il vouloit quitter le monde, qu’enfin le monde le quitta ; et il établit le règlement de sa vie dans cette retraite sur deux maximes principales, qui furent de renoncer à tout plaisir et à toutes superfluités ; et c’est dans cette pratique qu’il a passé le reste de sa vie. Pour y réussir, il commença dès lors, comme il fit toujours depuis, à se passer du service de ses domestiques autant qu’il pouvoit. Il faisoit son lit lui-même, il alloit prendre son dîner à la cuisine et le portoit à sa chambre, il le rapportoit ; et enfin il ne se servoit de son monde que pour faire sa cuisine, pour aller en ville, et pour les autres choses qu’il ne pouvoit absolument faire. Tout son temps étoit employé à la prière et à la lecture de l’Écriture sainte : et il y prenoit un plaisir incroyable. Il disoit que l’Écriture sainte n’étoit pas une science de l’esprit, mais une science du cœur, qui n’étoit intelligible que pour ceux qui ont le cœur droit, et que tous les autres n’y trouvent que de l’obscurité.

C’est dans cette disposition qu’il la lisoit, renonçant à toutes les lunières de son esprit ; et il s’y étoit si fortement appliqué, qu’il la savoit toute par cœur ; de sorte qu’on ne pouvoit la lui citer à faux ; car lorsqu’on lui disoit une parole sur cela, il disoit positivement : « Cela n’est pas de l’Écriture sainte, » ou : « Cela en est ; » et alors il marquoit précisément l’endroit. Il lisoit aussi les commentaires avec grand soin ; car le respect pour la religion où il avoit été élevé dès sa jeunesse étoit alors changé en un amour ardent et sensible pour toutes les vérités de la foi ; soit pour celles qui regardent la soumission de l’esprit, soit pour celles qui regardent la pratique dans le monde, à quoi toute la religion se termine ; et cet amour le portoit à travailler sans cesse à détruire tout ce qui se pouvoit opposer à ces vérités.

Il avoit une éloquence naturelle qui lui donnoit une facilité merveilleuse à dire ce qu’il vouloit ; mais il avoit ajouté à cela des règles dont on ne s’étoit pas encore avisé, et dont il se servoit si avantageusement, qu’il étoit maître de son style ; en sorte que non-seulement il disoit tout ce qu’il vouloit, mais il le disoit en la manière qu’il vouloit, et son discours faisoit l’effet qu’il s’étoit proposé. Et cette manière d’écrire naturelle, naïve et forte en même temps, lui étoit si propre et si particulière, qu’aussitôt qu’on vit paroître les Lettres au provincial, on vit bien qu’elles étoient de lui, quelque soin qu’il ait toujours pris de le cacher, même à ses proches. Ce fut dans ce temps-là qu’il plut à Dieu de guérir ma fille d’une fistule lacrymale qui avoit fait un si grand progrès dans trois ans et demi, que le pus sortoit non-seulement par l’œil, mais aussi par le nez et par la bouche. Et cette fistule étoit d’une si mauvaise qualité, que les plus habiles chirurgiens de Paris la jugeoient incurable. Cependant elle fut guérie en un moment par l’attouchement de la sainte épine[6] ; et ce miracle fut si authentique, qu’il a été avoué de tout le monde, ayant été attesté par de très-grands médecins et par les plus habiles chirurgiens de France, et ayant été autorisé par un jugement solennel de l’Église.

Mon frère fut sensiblement touché de cette grâce, qu’il regardoit comme faite à lui-même, puisque c’étoit sur une personne qui, outre sa proximité, étoit encore sa fille spirituelle dans le baptême ; et sa consolation fut extrême de voir que Dieu se manifestoit si clairement dans un temps où la foi paroissoit comme éteinte dans le cœur de la plupart du monde. La joie qu’il en eut fut si grande, qu’il en étoit pénétré ; de sorte qu’en ayant l’esprit tout occupé, Dieu lui inspira une infinité de pensées admirables sur les miracles, qui, lui donnant de nouvelles lumières sur la religion, lui redoublèrent l’amour et le respect qu’il avoit toujours eus pour elle[7].

Et ce fut cette occasion qui fit paroître cet extrême désir qu’il avoit de travailler à réfuter les principaux et les plus faux raisonnemens des athées. Il les avoit étudiés avec grand soin, et avoit employé tout son esprit à chercher tous les moyens de les convaincre. C’est à quoi il s’étoit mis tout entier. La dernière année de son travail a été toute employée à recueillir diverses pensées sur ce sujet : mais Dieu, qui lui avoit inspiré ce dessein et toutes ces pensées, n’a pas permis qu’il l’ait conduit à sa perfection, pour des raisons qui nous sont inconnues.

Cependant l’éloignement du monde, qu’il pratiquoit avec tant de soin, n’empêchoit point qu’il ne vît souvent des gens de grand esprit et de grande condition, qui, ayant des pensées de retraite, demandoient ses avis et les suivoient exactement ; et d’autres qui étoient travaillés de doutes sur les matières de la foi, et qui, sachant qu’il avoit de grandes lumières là-dessus, venoient à lui le consulter, et s’en retournoient toujours satisfaits ; de sorte que toutes ces personnes, qui vivent présentement fort chrétiennement, témoignent encore aujourd’hui que c’est à ses avis et à ses conseils, et aux éclaircissemens qu’il leur a donnés, qu’ils sont redevables de tout le bien qu’ils font.

Les conversations auxquelles il se trouvoit souvent engagé ne laissoient pas de lui donner quelque crainte qu’il ne s’y trouvât du péril ; mais comme il ne pouvoit pas aussi en conscience refuser le secours que des personnes lui demandoient, il avoit trouvé un remède à cela. Il prenoit dans les occasions une ceinture de fer pleine de pointes, il la mettoit à nu sur sa chair ; et lorsqu’il lui venoit quelque pensée de vanité, ou qu’il prenoit quelque plaisir au lieu où il étoit, ou quelque chose semblable, il se donnoit des coups de coude pour redoubler la violence des piqûres, et se faisoit ainsi souvenir lui-même de son devoir. Cette pratique lui parut si utile qu’il la conserva jusqu’à la mort, et même, dans les derniers temps de sa vie, où il étoit dans des douleurs continuelles, parce qu’il ne pouvoit écrire ni lire : il étoit contraint de demeurer sans rien faire et de s’aller promener. Il étoit dans une continuelle crainte que ce manque d’occupation ne le détournât de ses vues. Nous n’avons su toutes ces choses qu’après sa mort, et par une personne de très-grande vertu qui avoit beaucoup de confiance en lui, à qui il avoit été obligé de le dire pour des raisons qui la regardoient elle-même. Cette rigueur qu’il exerçoit sur lui-même étoit tirée de cette grande maxime de renoncer à tout plaisir, sur laquelle il avoit fondé tout le règlement de sa vie. Dès le commencement de sa retraite, il ne manquoit pas non plus de pratiquer exactement cette autre qui l’obligeoit de renoncer à toute superfluité ; car il retranchoit avec tant de soin toutes les choses inutiles, qu’il s’étoit réduit peu à peu à n’avoir plus de tapisserie dans sa chambre, parce qu’il ne croyoit pas que cela fût nécessaire, et de plus n’y étant obligé par aucune bienséance, parce qu’il n’y venoit que des gens à qui il recommandoit sans cesse le retranchement ; de sorte qu’ils n’étoient pas surpris de ce qu’il vivoit lui-même de la manière qu’il conseilloit aux autres de vivre.

Voilà comme il a passé cinq ans de sa vie, depuis trente ans jusqu’à trente-cinq[8] : travaillant sans cesse pour Dieu, pour le prochain, et pour lui-même, en tâchant de se perfectionner de plus en plus ; et on pourroit dire en quelque façon que c’est tout le temps qu’il a vécu : car les quatre années que Dieu lui a données après n’ont été qu’une continuelle langueur. Ce n’étoit pas proprement une maladie qui fût venue nouvellement, mais un redoublement des grandes indispositions où il avoit été sujet dès sa jeunesse. Mais il en fut alors attaqué avec tant de violence, qu’enfin il y a succombé ; et durant tout ce temps-là il n’a pu en tout travailler un instant à ce grand ouvrage qu’il avoit entrepris pour la religion, ni assister les personnes qui s’adressoient à lui pour avoir des avis, ni de bouche ni par écrit : car ses maux étoient si grands, qu’il ne pouvoit les satisfaire, quoiqu’il en eût un grand désir.

Ce renouvellement de ses maux commença par un mal de dents qui lui ôta absolument le sommeil. Dans ses grandes veilles il lui vint une nuit dans l’esprit, sans dessein, quelques pensées sur la proposition de la roulette. Cette pensée étant suivie d’une autre, et celle-ci d’une autre, enfin une multitude de pensées qui se succédèrent les unes aux autres lui découvrirent comme malgré lui la démonstration de toutes ces choses, dont il fut lui-même surpris. Mais comme il y avoit longtemps qu’il avoit renoncé à toutes ces connoissances, il ne s’avisa pas seulement de les écrire : néanmoins en ayant parlé par occasion à une personne à qui il devoit toute sorte de déférence, et par respect et par reconnoissance de l’affection dont il l’honoroit, cette personne[9], qui est aussi considérable par sa piété que par les éminentes qualités de son esprit et par la grandeur de sa naissance, ayant formé sur cela un dessein qui ne regardoit que la gloire de Dieu, trouva à propos qu’il en usât comme il fit, et qu’ensuite il le fît imprimer. Ce fut seulement alors qu’il l’écrivit, mais avec une précipitation extrême, en huit jours ; car c’étoit en même temps que les imprimeurs travailloient, fournissant à deux en même temps sur deux différens traités, sans que jamais il en ait eu d’autre copie que celle qui fut faite pour l’impression ; ce qu’on ne sut que six mois après, que la chose fut trouvée.

Cependant ses infirmités continuant toujours, sans lui donner un seul moment de relâche, le réduisirent, comme j’ai dit, à ne pouvoir plus travailler, et à ne voir quasi personne. Mais si elles l’empêchèrent de servir le public et les particuliers, elles ne furent point inutiles pour lui-même, et il les a souffertes avec tant de paix et tant de patience, qu’il y a sujet de croire que Dieu a voulu achever par là de le rendre tel qu’il le vouloit pour paroître devant lui : car durant cette longue maladie il ne s’est jamais détourné de ces vues, ayant toujours dans l’esprit ces deux grandes maximes, de renoncer à tout plaisir et à toute superfluité. Il les pratiquoit dans le plus fort de son mal avec une vigilance continuelle sur ses sens, leur refusant absolument tout ce qui leur étoit agréable : et quand la nécessité le contraignoit à faire quelque chose qui pouvoit lui donner quelque satisfaction, il avoit une adresse merveilleuse pour en détourner son esprit, afin qu’il n’y prit point de part : par exemple, ses continuelles maladies l’obligeant de se nourrir délicatement, il avoit un soin très-grand de ne point goûter ce qu’il mangeoit ; et nous avons pris garde que, quelque peine qu’on prît à lui chercher quelque viande agréable, à cause des dégoûts à quoi il étoit sujet, jamais il n’a dit : « Voilà qui est bon ; » et encore, lorsqu’on lui servoit quelque chose de nouveau selon les saisons, si l’on lui demandoit après le repas s’il l’avoit trouvé bon, il disoit simplement : « Il falloit m’en avertir devant, car je vous avoue que je n’y ai point pris garde.» Et lorsqu’il arrivoit que quelqu’un admiroit la bonté de quelque viande en sa présence, il ne le pouvoit souffrir ; il appeloit cela être sensuel, encore même que ce ne fût que des choses communes ; parce qu’il disoit que c’étoit une marque qu’on mangeoit pour contenter le goût, ce qui étoit toujours mal.

Pour éviter d’y tomber, il n’a jamais voulu permettre qu’on lui fît aucune sauce ni ragoût, non pas même de l’orange et du verjus, ni rien de tout ce qui excite l’appétit, quoiqu’il aimât naturellement toutes ces choses. Et, pour se tenir dans des bornes réglées, il avoit pris garde, dès le commencement de sa retraite, à ce qu’il falloit pour son estomac ; et depuis cela il avoit réglé tout ce qu’il devoit manger ; en sorte que, quelque appétit qu’il eût, il ne passoit jamais cela ; et, quelque dégoût qu’il eût, il falloit qu’il le mangeât : et lorsqu’on lui demandoit la raison pourquoi il se contraignoit ainsi, il disoit que c’étoit le besoin de l’estomac qu’il falloit satisfaire, et non pas l’appétit. La mortification de ses sens n’alloit pas seulement à se retrancher tout ce qui pouvoit leur être agréable, mais encore à ne leur rien refuser par cette raison qu’il pourroit leur déplaire, soit par sa nourriture, soit par ses remèdes. Il a pris quatre ans durant des consommés sans en témoigner le moindre dégoût ; il prenoit toutes les choses qu’on lui ordonnoit pour sa santé, sans aucune peine, quelque difficiles qu’elles fussent : et lorsque je m’étonnois qu’il ne témoignât pas la moindre répugnance en les prenant, il se moquoit de moi, et me disoit qu’il ne pouvoit pas comprendre lui-même comment on pouvoit témoigner de la répugnance quand on prenoit une médecine volontairement, après qu’on avoit été averti qu’elle étoit mauvaise, et qu’il n’y avoit que la violence ou la surprise qui dussent produire cet effet. C’est en cette manière qu’il travailloit sans cesse à la mortification.

Il avoit un amour si grand pour la pauvreté, qu’elle lui étoit toujours présente ; en sorte que dès qu’il vouloit entreprendre quelque chose, ou que quelqu’un lui demandoit conseil, la première pensée qui lui venoit à l’esprit, c’étoit de voir si la pauvreté pouvoit être pratiquée. Une des choses sur lesquelles il s’examinoit le plus, c’étoit cette fantaisie de vouloir exceller en tout, comme se servir en toutes choses des meilleurs ouvriers, et autres choses semblables. Il ne pouvoit encore souffrir qu’on cherchât avec soin toutes les commodités, comme d’avoir toutes choses près de soi : et mille autres choses qu’on fait sans scrupule, parce qu’on ne croit pas qu’il y ait du mal. Mais il n’en jugeoit pas de même, et nous disoit qu’il n’y avoit rien de si capable d’éteindre l’esprit de pauvreté, comme cette recherche curieuse de ses commodités, de cette bienséance qui porte à vouloir toujours avoir du meilleur et du mieux fait ; et il nous disoit que pour les ouvriers, il falloit toujours choisir les plus pauvres et les plus gens de bien, et non pas cette excellence qui n’est jamais nécessaire, et qui ne sauroit jamais être utile. Il s’écrioit quelquefois : « Si j’avois le cœur aussi pauvre que l’esprit, je serois bien heureux ; car je suis merveilleusement persuadé que la pauvreté est un grand moyen pour faire son salut. »

Cet amour qu’il avoit pour la pauvreté le portoit à aimer les pauvres avec tant de tendresse, qu’il n’avoit jamais refusé l’aumône, quoiqu’il n’en fît que de son nécessaire, ayant peu de bien, et étant obligé de faire une dépense qui excédoit son revenu, à cause de ses infirmités. Mais lorsqu’on lui vouloit représenter cela quand il faisoit quelque aumône considérable, il se fâchoit et disoit : « J’ai remarqué une chose, que, quelque pauvre qu’on soit, on laisse toujours quelque chose en mourant. » Ainsi il fermoit la bouche : et il a été quelquefois si avant, qu’il s’est réduit à prendre de l’argent au change[10], pour avoir donné aux pauvres tout ce qu’il avoit, et ne voulant pas après cela importuner ses amis. Dès que l’affaire des carrosses fut établie[11], il me dit qu’il vouloit demander mille francs par avance sur sa part à des fermiers avec qui l’on traitoit, si l’on pouvoit demeurer d’accord avec eux, parce qu’ils étoient de sa connoissance, pour envoyer aux pauvres de Blois[12] ; et comme je lui dis que l’affaire n’étoit pas assez sûre pour cela, et qu’il falloit attendre à une autre année, il me fit tout aussitôt cette réponse : qu’il ne voyoit pas un grand inconvénient à cela, parce que, s’ils perdoient, elle leur rendroit de son bien, et qu’il n’avoit garde d’attendre à une autre année, parce que le besoin étoit trop pressant pour différer la charité. Et comme on ne s’accordoit pas avec ces personnes, il ne put exécuter cette résolution, par laquelle il nous faisoit voir la vérité de ce qu’il nous avoit dit tant de fois, qu’il ne souhaitait avoir du bien que pour en assister les pauvres ; puisqu’en même temps que Dieu lui donnoit l’espérance d’en avoir, il commençoit à le distribuer par avance, avant même qu’il en fût assuré.

Sa charité envers les pauvres avoit toujours été fort grande ; mais elle étoit si fort redoublée à la fin de sa vie, que je ne pouvois le satisfaire davantage que de l’en entretenir. Il m’exhortoit avec grand soin depuis quatre ans à me consacrer au service des pauvres, et à y porter mes enfans. Et quand je lui disois que je craignois que cela ne me divertît du soin de ma famille, il me disoit que ce n’étoit que manque de bonne volonté, et que, comme il y a divers degrés dans cette vertu, on peut bien la pratiquer en sorte que cela ne nuise point aux affaires domestiques. Il disoit que c’étoit la vocation générale des chrétiens, et qu’il ne falloit point de marque particulière pour savoir si on y étoit appelé, parce qu’il étoit certain ; que c’est sur cela que Jésus-Christ jugera le monde ; et que, quand on considérait que la seule omission de cette vertu est cause de la damnation, cette seule pensée étoit capable de nous porter à nous dépouiller de tout, si nous avions de la foi. Il nous disoit encore que la fréquentation des pauvres est extrêmement utile, en ce que, voyant continuellement les misères dont ils sont accablés, et que même dans l’extrémité de leurs maladies ils manquoient des choses les plus nécessaires, qu’après cela il faudroit être bien dur pour ne pas se priver volontairement des commodités inutiles et des ajustemens superflus.

Tous ces discours nous excitoient et nous portoient quelquefois à faire des propositions pour trouver des moyens pour des règlemens généraux qui pourvussent à toutes les nécessités ; mais il ne trouvoit pas cela bon, et il disoit que nous n’étions pas appelés au général, mais au particulier ; et qu’il croyoit que la manière la plus agréable à Dieu étoit de servir les pauvres pauvrement, c’est-à-dire chacun selon son pouvoir, sans se remplir l’esprit de ces grands desseins qui tiennent de cette excellence dont il blâmoit la recherche en toutes choses. Ce n’est pas qu’il trouvât mauvais l’établissement des hôpitaux généraux ; au contraire, il avoit beaucoup d’amour pour cela, comme il l’a bien témoigné par son testament ; mais il disoit que ces grandes entreprises étoient réservées à de certaines personnes que Dieu destinoit à cela, et qu’il conduisoit quasi visiblement ; mais que ce n’étoit pas la vocation générale de tout le monde, comme l’assistance journalière et particulière des pauvres.

Voilà une partie des instructions qu’il nous donnoit pour nous porter à la pratique de cette vertu qui tenoit une si grande place dans son cœur ; c’est un petit échantillon qui nous fait voir la grandeur de sa charité. Sa pureté n’étoit pas moindre ; et il avoit un si grand respect pour cette vertu, qu’il étoit continuellement en garde pour empêcher qu’elle ne fût blessée ou dans lui ou dans les autres ; et il n’est pas croyable combien il étoit exact sur ce point. J’en étois même dans la crainte ; car il trouvoit à redire à des discours que je faisois, et que je croyois très-innocens, et dont il me faisoit ensuite voir les défauts, que je n’aurois jamais connus sans ses avis. Si je disois quelquefois que j’avois vu une belle femme, il se fâchoit, et me disoit qu’il ne falloit jamais tenir ce discours devant des laquais ni des jeunes gens, parce que je ne savois pas quelles pensées je pourrois exciter par là en eux. Il ne pouvoit souffrir aussi les caresses que je recevois de mes enfans, et il me disoit qu’il falloit les en désaccoutumer, et que cela ne pouvoit que leur nuire ; et qu’on leur pouvoit témoigner de la tendresse en mille autres manières. Voilà les instructions qu’il me donnoit là-dessus, et voilà quelle étoit sa vigilance pour la conservation de la pureté dans lui et dans les autres.

Il lui arriva une rencontre, environ trois mois avant sa mort, qui en fut une preuve bien sensible, et qui fait voir en même temps la grandeur de sa charité. Comme il revenoit un jour de la messe de Saint-Sulpice, il vint à lui une jeune fille d’environ quinze ans, fort belle, qui lui demanda l’aumône ; il fut touché de voir cette personne exposée à un danger si évident ; il lui demanda qui elle étoit, et ce qui l’obligeoit sainsi à demander l’aumône ; et ayant su qu’elle étoit de la campagne, et que son père étoit mort, et que sa mère étant tombée malade, on l’avoit portée à l’Hôtel-Dieu ce jour-là même, il crut que Dieu la lui savoit envoyée aussitôt qu’elle avoit été dans le besoin ; de sorte que dès l’heure même il la mena au séminaire, où il la mit entre les mains d’un bon prêtre à qui il donna de l’argent, et le pria d’en avoir soin, et de la mettre en condition où elle pût recevoir de la conduite à cause de sa jeunesse, et où elle fût en sûreté de sa personne. Et pour le soulager dans ce soin, il lui dit qu’il lui enverroit le lendemain une femme pour lui acheter des habits, et tout ce qui lui seroit nécessaire pour la mettre en état de pouvoir servir une maîtresse. Le lendemain il lui envoya une femme qui travailla si bien avec ce bon prêtre, qu’après l’avoir fait habiller, ils la mirent dans une bonne condition. Et cet ecclésiastique ayant demandé à cette femme le nom de celui qui faisoit cette charité, elle lui dit qu’elle n’avoit point charge de le dire, mais qu’elle le viendroit voir de temps en temps pour pourvoir aux besoins de cette fille, et il la pria d’obtenir de lui la permission de lui dire son nom : « Je vous promets que je n’en parlerai jamais pendant sa vie ; mais si Dieu permettoit qu’il mourût avant moi, j’aurois de la consolation de publier cette action : car je la trouve si belle, que je ne puis souffrir qu’elle demeure dans l’oubli. » Ainsi par cette seule rencontre ce bon ecclésiastique, sans le connoître, jugeoit combien il avoit de charité et d’amour pour la pureté. Il avoit une extrême tendresse pour nous ; mais cette affection n’alloit pas jusqu’à l’attachement. Il en donna une preuve bien sensible à la mort de ma sœur, qui précéda la sienne de dix mois. Lorsqu’il reçut cette nouvelle il ne dit rien, sinon : « Dieu nous fasse la grâce d’aussi bien mourir ! » et il s’est toujours depuis tenu dans une soumission admirable aux ordres de la providence de Dieu, sans faire jamais réflexion que sur les grandes grâces que Dieu avoit faites à ma sœur pendant sa vie, et des circonstances du temps de sa mort ; ce qui lui faisoit dire sans cesse : « Bienheureux ceux qui meurent, pourvu qu’ils meurent au Seigneur ! » Lorsqu’il me voyoit dans de continuelles afflictions pour cette perte que je ressentois si fort, il se fâchoit, et me disoit que cela n’étoit pas bien, et qu’il ne falloit pas avoir ces sentimens pour la mort des justes, et qu’il falloit au contraire louer Dieu de ce qu’il l’avoit si fort récompensée des petits services qu’elle lui avoit rendus.

C’est ainsi qu’il faisoit voir qu’il n’avoit nulle attache pour ceux qu’il aimoit ; car, s’il eût été capable d’en avoir, c’eût été sans doute pour ma sœur, parce que c’étoit assurément la personne du monde qu’il aimoit le plus. Mais il n’en demeura pas là ; car non-seulement il n’avoit point d’attache pour les autres, mais il ne vouloit point du tout que les autres en eussent pour lui. Je ne parle pas de ces attaches criminelles et dangereuses : car cela est grossier, et tout le monde le voit bien ; mais je parle de ces amitiés les plus innocentes : et c’étoit une des choses sur lesquelles il s’observoit le plus régulièrement, afin de n’y point donner de sujet, et même pour l’empêcher : et comme je ne savois pas cela, j’étois toute surprise des rebuts qu’il me faisoit quelquefois, et je le disois à ma sœur, me plaignant à elle que mon frère ne m’aimoit pas, et qu’il sembloit que je lui faisois de la peine, lors même que je lui rendois mes services les plus affectionnés dans ses infirmités. Ma sœur me disoit là-dessus que je me trompois, qu’elle savoit le contraire ; qu’il avoit pour moi une affection aussi grande que je pouvois souhaiter. C’est ainsi que ma sœur remettoit mon esprit, et je ne tardois guère à en voir des preuves ; car aussitôt qu’il se présentoit quelque occasion où j’avois besoin du secours de mon frère, il l’embrassoit avec tant de soin et de témoignages d’affection, que je n’avois pas lieu de douter qu’il ne m’aimât beaucoup ; de sorte que j’attribuois au chagrin de sa maladie les manières froides dont il recevoit les assiduités que je lui rendois pour le désennuyer ; et cette énigme ne m’a été expliquée que le jour même de sa mort, qu’une personne des plus considérables par la grandeur de son esprit et de sa piété, avec qui il avoit eu de grandes communications sur la pratique de la vertu[13], me dit qu’il lui avoit donné cette instruction entre autres, qu’il ne souffrît jamais de qui que ce fût qu’on l’aimât avec attachement ; que c’étoit une faute sur laquelle on ne s’examine pas assez, parce qu’on n’en conçoit pas assez la grandeur, et qu’on ne considéroit pas qu’en fomentant et souffrant ces attachemens, on occupoit un cœur qui ne devoit être qu’à Dieu seul : que c’étoit lui faire un larcin de la chose du monde qui lui étoit la plus précieuse. Nous avons bien vu ensuite que ce principe étoit bien avant dans son cœur ; car, pour l’avoir toujours présent, il l’avoit écrit de sa main sur un petit papier, où il y avoit ces mots : « Il est injuste qu’on s’attache à moi, quoiqu’on le fasse avec plaisir et volontairement. Je tromperois ceux à qui j’en ferois naître le désir ; car je ne suis la fin de personne et n’ai pas de quoi les satisfaire. Ne suis-je pas prêt à mourir ? et ainsi l’objet de leur attachement mourra donc. Comme je serois coupable de faire croire une fausseté, quoique je la persuadasse doucement, et qu’on la crût avec plaisir, et qu’en cela on me fît plaisir : de même, je suis coupable de me faire aimer, et si j’attire les gens à s’attacher à moi. Je dois avertir ceux qui seroient prêts à consentir au mensonge, qu’ils ne le doivent pas croire, quelque avantage qui m’en revînt ; et de même, qu’ils ne doivent pas s’attacher à moi ; car il faut qu’ils passent leur vie et leurs soins à plaire à Dieu ou à le chercher. »

Voilà de quelle manière il s’instruisoit lui-même, et comme il pratiquoit si bien ses instructions, que j’y avois été trompée moi-même. Par ces marques que nous avons de ses pratiques, qui ne sont venues à notre connoissance que par hasard, on peut voir une partie des lumières que Dieu lui donnoit pour la perfection de la vie chrétienne.

Il avoit un si grand zèle pour la gloire de Dieu, qu’il ne pouvoit souffrir qu’elle fût violée en quoi que ce soit ; c’est ce qui le rendoit si ardent pour le service du roi, qu’il résistoit à tout le monde lors des troubles de Paris, et toujours depuis il appeloit des prétextes toutes les raisons qu’on donnoit pour excuser cette rébellion ; et il disoit que, dans un État établi en république comme Venise, c’étoit un grand mal de contribuer à y mettre un roi, et opprimer la liberté des peuples à qui Dieu l’a donnée ; mais que, dans un État où la puissance royale est établie, on ne pouvoit violer le respect qu’on lui doit que par une espèce de sacrilége ; puisque c’est non-seulement une image de la puissance de Dieu, mais une participation de cette même puissance, à laquelle on ne pouvoit s’opposer sans résister visiblement à l’ordre de Dieu ; et qu’ainsi on ne pouvoit assez exagérer la grandeur de cette faute, outre qu’elle est toujours accompagnée de la guerre civile, qui est le plus grand péché que l’on puisse commettre contre la charité du prochain. Et il observoit cette maxime si sincèrement, qu’il a refusé dans ce temps-là des avantages très-considérables pour n’y pas manquer. Il disoit ordinairement qu’il avoit un aussi grand éloignement pour ce péché-là que pour assassiner le monde, ou pour voler sur les grands chemins ; et qu’enfin il n’y avoit rien qui fût plus contraire à son naturel, et sur quoi il fût moins tenté.

Ce sont là les sentimens où il étoit pour le service du roi : aussi étoit-il irréconciliable avec tous ceux qui s’y opposoient ; et ce qui faisoit voir que ce n’étoit pas par tempérament ou par attachement à ses sentimens, c’est qu’il avoit une douceur merveilleuse pour ceux qui l’offensoient en particulier ; en sorte qu’il n’a jamais fait de différence de ceux-là d’avec les autres ; et il oublioit si absolument ce qui ne regardoit que sa personne, qu’on avoit peine à l’en faire souvenir, et il falloit pour cela circonstancier les choses. Et comme on admiroit quelquefois cela, il disoit : « Ne vous en étonnez pas, ce n’est pas par vertu, c’est par oubli réel ; je ne m’en souviens point du tout. » Cependant il est certain qu’on voit par là que les offenses qui ne regardoient que sa personne ne lui faisoient pas grande impression, puisqu’il les oublioit si facilement ; car il avoit une mémoire si excellente, qu’il disoit souvent qu’il n’avoit jamais rien oublié des choses qu’il avoit voulu retenir.

Il a pratiqué cette douceur dans la souffrance des choses désobligeantes jusqu’à la fin ; car, peu de temps avant sa mort, ayant été offensé dans une partie qui lui étoit fort sensible, par une personne qui lui avoit de grandes obligations, et ayant en même temps reçu un service de cette personne, il la remercia avec tant de complimens et de civilités, qu’il en étoit confus : cependant ce n’étoit pas par oubli, puisque c’étoit dans le même temps ; mais c’est qu’en effet il n’avoit point de ressentiment pour les offenses qui ne regardoient que sa personne.

Toutes ces inclinations, dont j’ai remarqué les particularités, se verront mieux en abrégé par une peinture qu’il a faite de lui-même dans un petit papier écrit de sa main en cette manière :

« J’aime la pauvreté, parce que Jésus-Christ l’a aimée. J’aime les biens, parce qu’ils donnent le moyen d’en assister les misérables. Je garde fidélité à tout le monde. Je ne rends pas le mal à ceux qui m’en font, mais je leur souhaite une condition pareille à la mienne, où l’on ne reçoit pas de mal ni de bien de la part des hommes, et j’ai une tendresse de cœur pour ceux que Dieu m’a unis plus étroitement ; et soit que je sois seul, ou à la vue des hommes, j’ai en toutes mes actions la vue de Dieu qui doit les juger, et à qui je les ai toutes consacrées. Voilà quels sont mes sentimens ; et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, et qui, d’un homme plein de foiblesse, de misère, de concupiscence, d’orgueil et d’ambition, a fait un homme exempt de tous ces maux par la force de sa grâce, à laquelle toute la gloire en est due, n’ayant de moi que la misère et l’erreur. »

Il s’étoit ainsi dépeint lui-même, afin qu’ayant continuellement devant les yeux la voie par laquelle Dieu le conduisoit, il ne pût jamais s’en détourner. Les lumières extraordinaires jointes à la grandeur de son esprit n’empêchoient pas une simplicité merveilleuse qui paroissoit dans toute la suite de sa vie, et qui le rendoit exact à toutes les pratiques qui regardoient la religion. Il avoit un amour sensible pour l’office divin, mais surtout pour les petites Heures, parce qu’elles sont composées du psaume CXVIII, dans lequel il trouvoit tant de choses admirables, qu’il sentoit de la délectation à le réciter. Quand il s’entretenoit avec ses amis de la beauté de ce psaume, il se transportoit en sorte qu’il paroissoit hors de lui-même ; et cette méditation l’avoit rendu si sensible à toutes les choses par lesquelles on tâche d’honorer Dieu, qu’il n’en négligeoit pas une. Lorsqu’on lui envoyoit des billets tous les mois, comme on fait en beaucoup de lieux[14], il les recevoit avec un respect admirable ; il en récitoit tous les jours la sentence ; et dans les quatre dernières années de sa vie, comme il ne pouvoit travailler, son principal divertissement étoit d’aller visiter les églises où il y avoit des reliques exposées, ou quelque solennité ; et il avoit pour cela un almanach spirituel qui l’instruisoit des lieux où il y avoit des dévotions particulières ; et il faisoit tout cela si dévotement et si simplement, que ceux qui le voyoient en étoient surpris : ce qui a donné lieu à cette belle parole d’une personne très-vertueuse et très-éclairée, que la grâce de Dieu se fait connoître dans les grands esprits par les petites choses, et dans les esprits communs par les grandes.

Cette grande simplicité paroissoit lorsqu’on lui parloit de Dieu, ou de lui-même : de sorte que, la veille de sa mort, un ecclésiastique qui est un homme d’une très-grande vertu[15] l’étant venu voir, comme il l’avoit souhaité, et ayant demeuré une heure avec lui, il en sortit si édifié, qu’il me dit : « Allez, consolez-vous, si Dieu l’appelle, vous avez bien sujet de le louer des grâces qu’il lui fait. J’avois toujours admiré beaucoup de grandes choses en lui, mais je n’y avois jamais remarqué la grande simplicité que je viens de voir : cela est incomparable dans un esprit tel que le sien ; je voudrois de tout mon cœur être en sa place. »

M. le curé de Saint-Étienne[16], qui l’a vu dans sa maladie, y voyoit la même chose, et disoit à toute heure : « C’est un enfant, il est humble, il est soumis comme un enfant. » C’est par cette même simplicité qu’on avoit une liberté tout entière pour l’avertir de ses défauts, et il se rendoit aux avis qu’on lui donnoit, sans résistance. L’extrême vivacité de son esprit le rendoit quelquefois si impatient qu’on avoit peine à le satisfaire ; mais, quand on l’avertissoit, ou qu’il s’apercevoit qu’il avoit fâché quelqu’un dans ses impatiences, il réparoit incontinent cela par des traitemens si doux et par tant de bienfaits, que jamais il n’a perdu l’amitié de personne par là. Je tâche tant que je puis d’abréger sans cela j’aurois bien des particularités à dire sur chacune des choses que j’ai remarquées ; mais, comme je ne veux pas m’étendre, je viens à sa dernière maladie.

Elle commença par un dégoût étrange qui lui prit deux mois avant sa mort : son médecin lui conseilla de s’abstenir de manger du solide, et de se purger ; pendant qu’il étoit en cet état, il fit une action de charité bien remarquable. Il avoit chez lui un bon homme avec sa femme et tout son ménage, à qui il avoit donné une chambre, et à qui il fournissoit du bois, tout cela par charité ; car il n’en tiroit point d’autre service que de n’être point seul dans sa maison. Ce bon homme avoit un fils, qui étant tombé malade, en ce temps-là, de la petite vérole, mon frère, qui avoit besoin de mes assistances, eut peur que je n’eusse de l’appréhension d’aller chez lui à cause de mes enfans. Cela l’obligea à penser de se séparer de ce malade ; mais, comme il craignoit qu’il ne fût en danger si on le transportoit en cet état hors de sa maison, il aima mieux en sortir lui-même, quoiqu’il fût déjà fort mal, disant : « Il y a moins de danger pour moi dans ce changement de demeure : c’est pourquoi il faut que ce soit moi qui quitte. » Ainsi il sortit de sa maison le 29 juin, pour venir chez nous, et il n’y rentra jamais ; car trois jours après il commença d’être attaqué d’une colique très-violente qui lui ôtoit absolument le sommeil. Mais comme il avoit une grande force d’esprit et un grand courage, il enduroit ses douleurs avec une patience admirable. Il ne laissoit pas de se lever tous les jours et de prendre lui-même ses remèdes, sans vouloir souffrir qu’on lui rendît le moindre service. Les médecins qui le traitoient voyoient que ses douleurs étoient considérables ; mais, parce qu’il avoit le pouls fort bon, sans aucune altération ni apparence de fièvre, ils assuroient qu’il n’y avoit aucun péril, se servant même de ces mots : « Il n’y a pas la moindre ombre de danger. » Nonobstant ce discours, voyant que la continuation de ses douleurs et de ses grandes veilles l’affoiblissoit, dès le quatrième jour de sa colique et avant même que d’être alité, il envoya querir M. le curé, et se confessa. Cela fit bruit parmi ses amis, et en obligea quelques-uns de le venir voir, tout épouvantés d’appréhension. Les médecins même en furent si surpris qu’ils ne purent s’empêcher de le témoigner, disant que c’étoit une marque d’appréhension à quoi ils ne s’attendoient pas de sa part. Mon frère, voyant l’émotion que cela avoit causée, en fut fâché, et me dit : « J’eusse voulu communier ; mais, puisque je vois qu’on est surpris de ma confession, j’aurois peur qu’on ne le fût davantage ; c’est pourquoi il vaut mieux différer. » M. le curé ayant été de cet avis, il ne communia pas ; Cependant son mal continuoit ; comme M. le curé le venoit voir de temps en temps par visite, il ne perdoit pas une de ces occasions pour se confesser, et n’en disoit rien, de peur d’effrayer le monde, parce que les médecins assuroient toujours qu’il n’y avoit nul danger à sa maladie ; et en effet il y eut quelque diminution en ses douleurs, en sorte qu’il se levoit quelquefois dans sa chambre. Elles ne le quittèrent jamais néanmoins tout à fait, et même elles revenoient quelquefois, et il maigrissoit aussi beaucoup, ce qui n’effrayoit pas beaucoup les médecins : mais, quoi qu’ils pussent dire, il dit toujours qu’il étoit en danger, et ne manqua pas de se confesser toutes les fois que M. le curé le venoit voir. Il fit même son testament durant ce temps-là, où les pauvres ne furent pas oubliés, et il se fit violence pour ne pas donner davantage, car il me dit que si M. Périer eût été à Paris, et qu’il y eût consenti, il auroit disposé de tout son bien en faveur des pauvres ; et enfin il n’avoit rien dans l’esprit et dans le cœur que les pauvres, et il me disoit quelquefois : « D’où vient que je n’ai jamais rien fait pour les pauvres, quoique j’aie toujours eu un si grand amour pour eux ? » Je lui dis : « C’est que vous n’avez jamais eu assez de bien pour leur donner de grandes assistances. » Et il me répondit : « Puisque je n’avois pas de bien pour leur donner, je devois leur avoir donné mon temps et ma peine ; c’est à quoi j’ai failli ; et si les médecins disent vrai, et si Dieu permet que je me relève de cette maladie, je suis résolu de n’avoir point d’autre emploi ni point d’autre occupation tout le reste de ma vie que le service des pauvres. » Ce sont les sentimens dans lesquels Dieu l’a pris.

Il joignoit à cette ardente charité pendant sa maladie une patience si admirable, qu’il édifioit et surprenoit toutes les personnes qui étoient autour de lui, et il disoit à ceux qui témoignoient avoir de la peine de voir l’état où il étoit, que, pour lui, il n’en avoit pas, et qu’il appréhendoit même de guérir ; et quand on lui en demandoit la raison, il disoit : « C’est que je connois les dangers de la santé et les avantages de la maladie. » Il disoit encore au plus fort de ses douleurs, quand on s’affligeoit de les lui voir souffrir : « Ne me plaignez point ; la maladie est l’état naturel des chrétiens, parce qu’on est par là comme on devroit toujours être, dans la souffrance des maux, dans la privation de tous les biens et de tous les plaisirs des sens, exempt de toutes les passions qui travaillent pendant tout le cours de la vie, sans ambition, sans avarice, dans l’attente continuelle de la mort. N’est-ce pas ainsi que les chrétiens devroient passer la vie ? Et n’est-ce pas un grand bonheur quand on se trouve par nécessité dans l’état où l’on est obligé d’être, et qu’on n’a autre chose à faire qu’à se soumettre humblement et paisiblement ? C’est pourquoi je ne demande autre chose que de prier Dieu qu’il me fasse cette grâce. » Voilà dans quel esprit il enduroit tous ses maux.

Il souhaitoit beaucoup de communier ; mais les médecins s’y opposoient, disant qu’il ne le pouvoit faire à jeun, à moins que de le faire la nuit, ce qu’il ne trouvoit pas à propos de faire sans nécessité, et que pour communier en viatique il falloit être en danger de mort ; ce qui ne se trouvant pas en lui, ils ne pouvoient pas lui donner ce conseil. Cette résistance le fâchoit, mais il étoit contraint d’y céder. Cependant sa colique continuant toujours, on lui ordonna de boire des eaux, qui en effet le soulagèrent beaucoup : mais au sixième jour de la boisson, qui étoit le quatorzième d’août, il sentit un grand étourdissement avec une grande douleur de tête ; et quoique les médecins ne s’étonnassent pas de cela, et qu’ils assurassent que ce n’étoit que la vapeur des eaux, il ne laissa pas de se confesser, et il demanda avec des instances incroyables qu’on le fît communier, et qu’au nom de Dieu on trouvât moyen de remédier à tous les inconvéniens qu’on lui avoit allégués jusqu’alors ; et il pressa tant pour cela, qu’une personne qui se trouva présente lui reprocha qu’il avoit de l’inquiétude, et qu’il devoit se rendre au sentiment de ses amis ; qu’il se portoit mieux, et qu’il n’avoit presque plus de colique ; et que, ne lui restant plus qu’une vapeur d’eau, il n’étoit pas juste qu’il se fît porter le saint sacrement ; qu’il valoit mieux différer, pour faire cette action à l’église. Il répondit à cela : « On ne sent pas mon mal, et on y sera trompé ; ma douleur de tête a quelque chose de fort extraordinaire. » Néanmoins voyant une si grande opposition à son désir, il n’osa plus en parler ; mais il dit : « Puisqu’on ne me veut pas accorder cette grâce, j’y voudrois bien suppléer par quelque bonne œuvre, et ne pouvant pas communier dans le chef, je voudrois bien communier dans ses membres[17] ; et pour cela j’ai pensé d’avoir céans un pauvre malade à qui on rende les mêmes services comme à moi, qu’on prenne une garde exprès, et enfin qu’il n’y ait aucune différence de lui à moi, afin que j’aie cette consolation de savoir qu’il y a un pauvre aussi bien traité que moi, dans la confusion que je souffre de me voir dans la grande abondance de toutes choses où je me vois. Car quand je pense qu’au même temps que je suis si bien, il y a une infinité de pauvres qui sont plus malades que moi, et qui manquent des choses les plus nécessaires, cela me fait une peine que je ne puis supporter ; et ainsi je vous prie de demander un malade à M. le curé pour le dessein que j’ai. »

J’envoyai à M. le curé à l’heure même, qui manda qu’il n’y en avoit point qui fût en état d’être transporté ; mais qu’il lui donneroit, aussitôt qu’il seroit guéri, un moyen d’exercer la charité, en se chargeant d’un vieux homme dont il prendroit soin le reste de sa vie : car M. le curé ne doutoit pas alors qu’il ne dût guérir.

Comme il vit qu’il ne pouvoit pas avoir un pauvre en sa maison avec lui, il me pria donc de lui faire cette grâce de le faire porter aux Incurables, parce qu’il avoit grand désir de mourir en la compagnie des pauvres. Je lui dis que les médecins ne trouvoient pas à propos de le transporter en l’état où il étoit : ce qui le fâcha beaucoup ; il me fit promettre que, s’il avoit un peu de relâche, je lui donnerois cette satisfaction.

Cependant cette douleur de tête augmentant, il la souffroit toujours comme tous les autres maux, c’est-à-dire sans se plaindre ; et une fois, dans le plus fort de sa douleur, le dix-septième d’août, il me pria de faire faire une consultation ; mais il entra en même temps en scrupule, et me dit : « Je crains qu’il n’y ait trop de recherche dans cette demande. » Je ne laissai pourtant pas de la faire ; et les médecins lui ordonnèrent de boire du petit-lait, lui assurant toujours qu’il n’y avoit nul danger, et que ce n’étoit que la migraine mêlée avec la vapeur des eaux. Néanmoins, quoi qu’ils pussent dire, il ne les crut jamais, et me pria d’avoir un ecclésiastique pour passer la nuit auprès de lui ; et moi-même je le trouvai si mal, que je donnai ordre, sans en rien dire, d’apporter des cierges et tout ce qu’il falloit pour le faire communier le lendemain matin.

Les apprêts ne furent pas inutiles, mais ils servirent plus tôt que nous n’avions pensé : car environ minuit, il lui prit une convulsion si violente, que, quand elle fut passée, nous crûmes qu’il étoit mort, et nous avions cet extrême déplaisir, avec tous les autres, de le voir mourir sans le saint sacrement, après l’avoir demandé si souvent avec tant d’instance. Mais Dieu, qui vouloit récompenser un désir si fervent et si juste, suspendit comme par miracle cette convulsion, et lui rendit son jugement entier, comme dans sa parfaite santé ; en sorte que M. le curé, entrant dans sa chambre avec le saint sacrement, lui cria : « Voici Celui que vous avez tant désiré. » Ces paroles achevèrent de le réveiller ; et comme M. le curé approcha pour lui donner la communion, il fit un effort, et il se leva seul à moitié pour le recevoir avec plus de respect ; et M. le curé l’ayant interrogé, suivant la coutume, sur les principaux mystères de la foi, il répondit distinctement : « Oui, monsieur, je crois tout cela de tout mon cœur. » Ensuite il reçut le saint viatique et l’extrême-onction avec des sentimens si tendres, qu’il en versoit des larmes. Il répondit à tout, remercia M. le curé ; et lorsqu’il le bénit avec le saint ciboire, il dit : « Que Dieu ne m’abandonne jamais ! » Ce qui fut comme ses dernières paroles ; car, après avoir fait son action de grâces, un moment après ses convulsions le reprirent, qui ne le quittèrent plus, et qui ne lui laissèrent pas un instant de liberté d’esprit : elles durèrent jusqu’à sa mort, qui fut vingt-quatre heures après, le dix-neuvième d’août 1662 à une heure du matin, âgé de trente-neuf ans deux mois.


  1. Que la somme des angles d’un triangle est égale à deux droits.
  2. Ces conférences, qui furent l’origine de l’Académie des sciences, se tenaient chez le P. Mersenne.
  3. On voit, au Conservatoire des arts et métiers, à Paris, un modèle de la machine arithmétique, avec ce certificat ; Esto probati instrumenti signaculum hoc, Blasius Pascal Arvernus, 1652.
  4. Camus, disciple de saint François de Sales. G. Pascal l’appelle M. du Bellay, par erreur ; il fallait dire M. de Belley : Camus, ancien évêque de Belley.
  5. Voici le texte d’un écrit de sa main, trouvé après sa mort cousu dans son habit :
    L’an de grâce 1654,

    Lundi, 23 novembre, jour de saint Clément, pape et martyr, et autres au martyrologe,

    Veille de saint Chrysogone, martyr, et autres,

    Depuis environ dix heures et demie du soir jusques environ minuit et demi,

    Feu.

    Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. (Exode, III, 6, etc. ; Matth., XXII, 32, etc.)

    Non des philosophes et des savans.

    Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix.

    Dieu de Jésus-Christ.

    Deum meum et Deum vestrum. (Jean, XX, 17.)

    « Ton Dieu sera mon Dieu. » (Ruth, i, 16.)

    Oubli du monde et de tout, hormis Dieu.

    Il ne se trouve que par les voies enseignées dans l’Évangile.

    Grandeur de l’âme humaine.

    « Père juste, le monde ne t’a point connu, mais je t’ai connu. » (Jean, XVII, 25.)

    Joie, joie, joie, pleurs de joie.

    Je m’en suis séparé :

    Dereliquerunt me fontem aquæ vivæ. (Jérém., II, 43.)

    « Mon Dieu, me quitterez-vous ? » (Matth., XXVII, 46.)

    Que je n’en sois pas séparé éternellement.

    « Cette est la vie éternelle, qu’ils te connoissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jean, XVII, 3.)

    Jésus-Christ.

    Jésus-Christ.

    Je m’en suis séparé ; je l’ai fui, renoncé, crucifié.

    Que je n’en sois jamais séparé.

    Il ne se conserve que par les voies enseignées dans l’Évangile : Renonciation totale et douce.

    Soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur.

    Éternellement en joie pour un jour d’exercice sur la terre.

    Non obliviscar sermones tuos. (Ps. CXVIII, 16) Amen.

    Mme Périer ne parle pas de l’accident du pont de Neuilly. En voici le récit, d’après un manuscrit des pères de l’Oratoire de Clermont : « M. Arnoul (de Saint-Victor), curé de Chambourcy, dit qu’il a appris de M. le prieur de Barillon, ami de Mme Périer, que M. Pascal, quelques années avant sa mort, étant allé, selon sa coutume, un jour de fêle, à la promenade au pont de Neuilly avec quelques-uns de ses amis, dans un carrosse à quatre ou six chevaux, les deux chevaux de volée prirent le frein aux dents à l’endroit du pont où il n’y avoit point de garde-fou ; et s’étant précipités dans l’eau, les laisses qui les attachoient au train de derrière se rompirent, en sorte que le carrosse demeura sur le bord du précipice. Ce qui fit prendre la résolution à M. Pascal de rompre ses promenades et de vivre dans une entière solitude. »

  6. Cette sainte épine est au Port-Royal du faubourg Saint-Jacques, à Paris.
  7. Voy., sur le miracle de la sainte épine, l’Abrégé de l’histoire de Port-Royal, par Racine, Ire part., édit. Ch. Lahure, t. II, p. 53 et suiv.
  8. Il fallait dire quatre ans ; depuis trente et un jusqu’à trente-cinq.
  9. Le duc de Roannez.
  10. Emprunter chez un banquier.
  11. Les carrosses à cinq sous. C’est la première entreprise d’Omnibus. Elle était dirigée par Pascal.
  12. En 1662, le pays de Blois fut désolé par la famine.
  13. Domat.
  14. C’était l’usage de plusieurs communautés, et entre autres, de celle de Port-Royal, d’envoyer tous les mois à certaines personnes des billets contenant une sentence et un sujet de méditation.
  15. M. deSainte Marthe.
  16. Le P. Beurrier, depuis abbé de Sainte-Geneviève.
  17. Le chef, c’est-à-dire Jésus-Christ ; ses membres, c’est-à-dire les pauvres.