Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/De l’étain

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DE L’ÉTAIN


Ce métal, le plus léger de tous[1], n’est pas à beaucoup près aussi répandu que les cinq autres ; il paraît affecter des lieux particuliers, et dans lesquels il se trouve en grande quantité ; il est aussi très rarement mêlé avec l’argent, et ne se trouve point avec l’or ; nulle part il ne se présente sous sa forme métallique[2], et, quoiqu’il y ait d’assez grandes variétés dans ses mines, elles sont toutes plus ou moins mêlées d’arsenic. On en connaît deux sortes principales : la mine en pierre vitreuse ou roche quartzeuse, dans laquelle l’étain est disséminé, comme le fer l’est dans ses mines primordiales ; et la mine cristallisée qui est ordinairement plus riche que la première.

Les cristaux de ces mines d’étain sont très apparents, très distincts, et ont quelquefois plus d’un pouce de longueur. Dans chaque minière, et souvent dans la même, ils sont de couleurs différentes ; il y en a de noirs, de blancs, de jaunes et de rouges comme le grenat ; les cristaux noirs sont les plus communs et les plus riches en métal : il paraît que le foie de soufre, qui noircit la surface de l’étain, a eu part à la minéralisation de mines en cristaux noirs ; quelques-unes de ces mines donnent soixante-dix, et jusqu’à quatre-vingts livres d’étain par quintal[3]. Les cristaux blancs pèsent plus qu’aucun des autres, et cependant ils ne rendent que trente ou quarante livres de métal pour cent ; dans les mines de Saxe, les cristaux rouges et les jaunes sont plus rares que les noirs et les blancs : toutes ces mines en cristaux se réduisent aisément en étain, par la simple addition de quelques matières inflammables, ce qui démontre que ce ne sont que des chaux, c’est-à-dire du métal calciné, et qui s’est ensuite cristallisé par l’intermède de l’eau.

Dans la seconde sorte de mines d’étain, c’est-à-dire celles qui sont en pierre ou roche, le métal, ou plutôt la chaux de l’étain est si intimement incorporée avec la pierre, que ces mines sont très dures et très difficiles à fondre. La plupart des mines de Cornouailles en Angleterre, celles de Bohême et quelques-unes de la Saxe sont de cette nature ; elles se trouvent quelquefois mêlées de mines en cristaux ; mais d’ordinaire ces mines en pierres sont seules et se trouvent en filons, en couches, en rognons, en grenailles : souvent le roc qui les renferme est si dur qu’on ne peut le faire éclater qu’en le pétardant avec la poudre, et qu’on est quelquefois obligé de le calciner auparavant pour l’attendrir, en faisant un grand feu pendant plusieurs jours dans l’excavation de la mine ; ensuite, lorsqu’on a tiré les blocs, on est obligé de les faire griller avant de les broyer sous le bocard, où la mine se lave en même temps qu’elle se réduit en poudre ; et il faut encore faire griller cette poudre métallique avant qu’on ne puisse la réduire en métal.

Si la mine d’étain, ce qui est assez rare, se trouve mêlée d’argent, on ne peut séparer ces deux métaux qu’en faisant vitrifier l’étain[4] ; si elle est mêlée de minerai de cuivre, la mine d’étain, plus pesante que celle de cuivre, s’en sépare par le lavage ; mais, lorsqu’elle est mêlée avec la mine de fer, on n’a pas trouvé d’autre moyen de séparer ces deux métaux qu’en les broyant à sec, et en tirant ensuite le fer au moyen de l’aimant.

Après que le minerai d’étain a été grillé et lavé, on le porte au fourneau de fusion qu’on a eu soin de bien chauffer auparavant ; on le remplit en parties égales de charbon et de mine humectée ; on donne le feu pendant dix ou douze heures, après quoi l’on perce le creuset du fourneau pour laisser couler l’étain qu’on reçoit dans des lingotières ; on recueille aussi les scories pour les refondre et en retirer le métal qu’elles ont retenu, et qu’on ne peut obtenir en entier que par plusieurs fusions. En Saxe, l’on fond ordinairement dix-huit ou vingt quintaux de mines en vingt-quatre heures, mais il est très nécessaire de faire bien griller et calciner le minerai avant de le porter au fourneau de fusion, afin d’en faire sublimer, autant qu’il est possible, l’arsenic qui s’y trouve si intimement mêlé qu’on n’a pu trouver encore les moyens de l’enlever en entier et de le séparer parfaitement de l’étain ; et, comme les mines de ce métal sont toutes plus ou moins arsenicales, il faut non seulement les griller, les broyer et les laver une première fois, mais réitérer ces mêmes opérations deux, trois et quatre fois, selon que le minerai est plus ou moins chargé d’arsenic, qui, dans l’état de nature, paraît faire partie constituante de ces mines : ainsi l’étain et l’arsenic, dès les premiers temps de la formation des mines par l’action du feu primitif, ont été incorporés ensemble ; et, comme il ne faut qu’un très médiocre degré de chaleur pour tenir l’étain en fusion, il aura été entièrement calciné par la violente chaleur du feu primitif, et c’est par cette raison qu’on ne le trouve nulle part dans le sein de la terre sous sa forme métallique ; et, comme il a plus d’affinité avec l’arsenic qu’avec toute autre matière, leurs parties calcinées et leurs vapeurs sublimées se seront mutuellement saisies, et ont formé les mines primordiales dans lesquelles l’étain n’est mêlé qu’avec l’arsenic seul. Celles qui contiennent des parties pyriteuses sont de seconde formation, et ne se sont établies qu’après les premières ; elles doivent, comme toutes les mines pyriteuses, leur formation et leur position à l’action et au mouvement des eaux : les premières mines d’étain se trouvent par cette raison en filons dans les montagnes quartzeuses produites par le feu, et les secondes dans les montagnes à couches formées par le dépôt des eaux.

Lorsque l’on jette la mine d’étain au fourneau de fusion, il faut tâcher de la faire fondre le plus vite qu’il est possible, pour empêcher la calcination du métal[5], qu’on doit aussi avoir soin de couvrir de poudre de charbon au moment qu’il est réduit en fonte ; car à peine est-il en fusion, que sa surface se change en chaux grise, qui devient blanche en continuant le feu. Cette chaux, dans le premier état, s’appelle cendre d’étain, et dans le second on la nomme potée. Lorsque cette dernière chaux ou potée d’étain a été bien calcinée, elle est aussi réfractaire au feu que les os calcinés : on ne peut la fondre seule qu’a un feu long et très violent ; elle s’y convertit en un verre laiteux semblable par la couleur à la calcédoine, et, lorsqu’on la mêle avec du verre, elle entre à la vérité dans l’émail qui résulte de cette fusion, mais sans être vitrifiée[6] ; c’est avec cette potée d’étain, mêlée de matières vitrifiables, que l’on fait l’émail le plus blanc de nos belles faïences.

Lorsque les mines d’étain contiennent beaucoup d’arsenic, et qu’on est obligé de les griller et calciner à plusieurs reprises, on recueille l’arsenic en faisant passer la fumée de cette mine en calcination par des cheminées fort inclinées. Les parties arsenicales s’attachent aux parois de ces cheminées, dont il est ensuite aisé de les détacher en les raclant.

On peut imiter artificiellement ces mines d’étain[7], en mêlant avec ce métal de l’arsenic calciné ; et même ce minéral ne manque jamais d’opérer la calcination de l’étain, et de se mêler intimement avec sa chaux lorsqu’on le traite au feu avec ce métal[8], ce qui nous prouve que c’est de cette manière que la nature a produit ces mines d’étain, et que c’est à la calcination de ces deux substances par le feu primitif qu’est due leur origine ; les parties métalliques de l’étain se seront réunies avec l’arsenic, et de la décomposition de ces mines par les éléments humides ont résulté les mines de seconde formation, qui toutes sont mêlées de pyrites décomposées et d’arsenic : ainsi, dans toutes ces mines, l’étain n’est ni dans son état de métal, ni même minéralisé par les principes du soufre ; il est toujours dans son état primitif de chaux, et il est simplement uni avec l’arsenic. Dans les mines de seconde formation, la chaux d’étain est non seulement mêlée d’arsenic, mais encore de fer et de quelques autres matières métalliques, telles que le cuivre, le zinc et le cobalt.

La nature n’ayant produit l’étain qu’en chaux[NdÉ 1], et point du tout sous sa forme métallique, c’est uniquement à nos recherches et à notre art que nous devons la connaissance et la jouissance de ce métal utile : il est d’un très beau blanc, quoique moins brillant que l’argent ; il a peu de dureté, il est même, après le plomb, le plus mou des métaux ; on est obligé de mêler un peu de cuivre avec l’étain, pour lui donner la fermeté qu’exigent les ouvrages qu’on en veut faire ; par ce mélange, il devient d’autant plus dur qu’on augmente davantage la proportion du cuivre ; et, lorsqu’on mêle avec ce dernier métal une certaine quantité d’étain, l’alliage qui en résulte, auquel on donne le nom d’airain ou de bronze, est beaucoup plus dur, plus élastique et plus sonore que le cuivre même.

Quoique tendre et mou lorsqu’il est pur, l’étain ne laisse pas de conserver un peu d’aigreur, car il est moins ductile que les métaux plus durs, et il fait entendre, lorsqu’on le plie, un petit cri ou craquement qui n’est produit que par le frottement entre ses parties constituantes, et qui semble annoncer leur désunion ; cependant on a quelque peine à le rompre, et on peut le réduire en feuilles assez minces, quoique la ténacité ou la cohérence de ses parties ne soit pas grande ; car un fil d’étain d’un dixième de pouce de diamètre se rompt sous moins de cinquante livres de poids ; sa densité, quoique moindre que celle des cinq autres métaux, est cependant proportionnellement plus grande que sa ténacité ; car un pied cube d’étain pèse 510 ou 511 livres. Au reste, la pesanteur spécifique de l’étain qui est dans le commerce varie suivant les différents endroits où on le fabrique ; celui qui nous vient d’Angleterre est plus pesant que celui d’Allemagne et de Suède.

L’étain rend par le frottement une odeur désagréable ; mis sur la langue, sa saveur est déplaisante : ces deux qualités peuvent provenir de l’arsenic dont il est très rare qu’il soit entièrement purgé ; l’on s’en aperçoit bien par la vapeur que ce métal répand en entrant en fusion ; c’est une odeur à peu près semblable à celle de l’ail, qui, comme l’on sait, caractérise l’odeur des vapeurs arsenicales.

L’étain résiste plus que les autres métaux imparfaits à l’action des éléments humides ; il ne se convertit point en rouille comme le fer, le cuivre et le plomb, et, quoique sa surface se ternisse à l’air, l’intérieur demeure intact, et sa superficie se ternit d’autant moins qu’il est plus épuré ; mais il n’y a point d’étain pur dans le commerce : celui qui nous vient d’Angleterre est toujours mêlé d’un peu de cuivre, et celui que l’on appelle étain fin ne laisse pas d’être mêlé de plomb.

Quoique l’étain soit le plus léger des métaux, sa mine, dans laquelle il est toujours en état de chaux, est spécifiquement plus pesante qu’aucune de celles des autres métaux minéralisés, et il paraît que cette grande pesanteur provient de son intimité d’union avec l’arsenic ; car, en traitant ces mines, on a observé que les plus pesantes sont celles qui contiennent en effet une plus grande quantité de ce minéral. Les minerais d’étain, soit en pierre, soit en cristaux, soit en poudre ou sablon, sont donc toujours mêlés d’arsenic, mais souvent ils contiennent aussi du fer : ils sont de différentes couleurs, les plus communs sont les noirs et les blancs ; mais, lorsqu’on les broie, leurs couleurs s’exaltent et ils deviennent plus ou moins rouges par cette comminution. Au reste, les sables ou poudres métalliques qu’on trouve souvent dans les mines d’étain n’en sont que des détriments, et quelquefois ces détriments sont si fort altérés qu’ils ont perdu toute consistance, et presque toutes les propriétés métalliques. Les mineurs ont appelé mundick cette poussière qu’ils rejettent comme trop appauvrie, et dont en effet on ne peut tirer, avec beaucoup de travail, qu’une très petite quantité d’étain ; la substance de ce mundick n’est pour la plus grande partie que de l’arsenic décomposé[9].

Comme l’étain ne se trouve qu’en quelques contrées particulières, et que ses mines, en général, sont assez difficiles à extraire et à traiter, on peut croire avec fondement que ce métal n’a été connu et employé que longtemps après l’or, l’argent et le cuivre, qui se sont présentés dès les premiers temps sous leur forme métallique ; on peut dire la même chose du plomb et du fer ; ces métaux n’ont vraisemblablement été employés que les derniers ; néanmoins, la connaissance et l’usage des six métaux date de plus de trois mille cinq cents ans ; ils sont tous nommés dans les livres sacrés ; les armes d’Achille, faites par Vulcain, étaient de cuivre allié d’étain[10] : les Hébreux et les anciens Grecs ont donc employé ce dernier métal[11], et comme les grandes Indes leur étaient inconnues, et qu’ils n’avaient commerce avec les nations étrangères que par les Phéniciens[12], il est à présumer qu’ils tiraient cet étain d’Angleterre, ou qu’il y avait, dans ce temps, des mines de ce métal en exploitation dans l’Asie Mineure, lesquelles depuis ont été abandonnées[13]. Actuellement, on ne connaît en Europe, ou plutôt on ne travaille les mines d’étain qu’en Angleterre et en quelques provinces de l’Allemagne ; ces mines sont très abondantes et comme accumulées les unes auprès des autres dans ces contrées : ce n’est pas qu’il n’y en ait ailleurs, mais elles sont si pauvres, en comparaison de celles de Cornouailles en Angleterre, et de celles de Bohême et de Saxe, qu’on les a négligées ou tout à fait oubliées.

En France, on a reconnu des mines d’étain dans la province de Bretagne, et, comme elle n’est pas fort éloignée de Cornouailles, il paraît qu’on pourrait y chercher ces mines avec espérance de succès : on en a aussi trouvé des indices en Anjou, au Gévaudan et dans le comté de Foix[14]. On en a reconnu en Suisse[15] ; mais aucune de ces mines de France et de Suisse n’a été suivie ni travaillée. En Suède, on a découvert et exploité deux mines d’étain qui se sont trouvées assez riches en métal[16] ; mais les plus riches de toute l’Europe sont celles des provinces de Cornouailles[17] et de Dévon, en Angleterre, et néanmoins ces mines paraissent être de seconde ou de troisième formation[18] ; car on y a trouvé des débris de végétaux, et même des arbres entiers[19] : elles sont en couches ou veines très voisines, et d’une longue étendue, toutes dans la même direction de l’est à l’ouest[20], comme sont aussi toutes les veines de charbon de terre et autres matières anciennement entraînées et déposées par le mouvement des mers ; et ces veines d’étain courent pour la plupart à la surface du terrain, et ne descendent guère qu’a quarante ou cinquante toises de profondeur ; elles gisent dans des montagnes à couches de médiocre hauteur, et leurs débris, entraînés par les eaux pluviales, se retrouvent dans les vallons en si grande quantité, qu’il y a souvent plus de profit à les ramasser qu’à fouiller les mines dont ils proviennent[21]. Ces veines, très longues en étendue, n’ont que peu de largeur ; il y en a qui n’ont que quelques pouces, et les plus larges n’ont que six ou sept pieds[22] ; elles sont dans un roc dur, dans lequel on trouve quelquefois des cristaux blancs et transparents, qu’on nomme improprement diamants de Cornouailles. M. Jars et M. le baron de Dietrich, qui ont observé la plupart de ces mines, ont reconnu qu’elles étaient quelquefois mêlées de minerais de cuivre[23], et que souvent les mines de cuivre sont voisines de celles d’étain[24] ; et on a remarqué, de plus, que, comme toutes les mines d’étain contiennent de l’arsenic, les vapeurs qui s’élèvent de leurs fosses sont très nuisibles, et quelquefois mortelles[25].

De temps immémorial, les Anglais ont su tirer grand parti de leurs mines d’étain ; ils savent les traiter pour le plus grand profit ; ils ne font pas de commerce, ni peut-être d’usage de l’étain pur ; ils le mêlent toujours avec une petite quantité de plomb ou de cuivre. « Lorsque la mine d’étain, dit M. Geoffroy, a reçu toutes les préparations qui doivent la disposer à être fondue, on procède à cette dernière opération dans un fourneau à manche… On refond cet étain, qui est en gâteaux, pour le couler dans des moules de pierre carrés et oblongs, et c’est ce qu’on appelle saumons… Ces saumons sont plus ou moins fins, suivant les endroits où l’on en coupe pour faire des épreuves ; le dessus ou la crème du saumon est très douce et si pliante qu’on ne peut la travailler seule ; on est obligé d’y mêler du cuivre dont elle peut porter jusqu’à trois livres sur cent, et quelquefois jusqu’à cinq livres. Le milieu du saumon est plus dur, et ne peut porter que deux livres de cuivre, et le fond est si aigre qu’il y faut joindre du plomb pour le travailler. L’étain ne sort point d’Angleterre dans sa pureté naturelle ou tel qu’il a coulé dans le fourneau ; il y a des défenses très rigoureuses de le transporter dans les pays étrangers, avant qu’il ait reçu l’alliage porté par la loi[26]. »

Quelques-uns de nos habiles chimistes, et particulièrement MM. Bayen et Charlard, ont fait un grand nombre d’expériences sur les différents étains qui sont dans le commerce : ils ont reconnu que l’étain d’Angleterre en gros saumons, ainsi qu’en petits lingots, mis dans une retorte, ou dans un vaisseau clos pour subir l’action du feu, laisse échapper une petite quantité de matière blanche qui s’attache au col de la retorte, et qui n’est point du tout arsenicale ; ils ont trouvé que cet étain n’est pas allié de cuivre pur, mais de laiton ; car ils en ont tiré non seulement un sel à base de cuivre, mais un nitre à base de zinc : cette dernière remarque de MM. Bayen et Charlard s’accorde très bien avec l’observation de M. Jars, qui dit que, outre le plomb et le cuivre, les ouvriers mêlent quelquefois du zinc avec l’étain, et qu’ils préfèrent la limaille du laiton, qu’il n’en faut qu’une demi-livre sur trois cents pesant d’étain pour le dégraisser, c’est-à-dire pour le rendre facile à planer[27] ; mais je ne puis me persuader que cette poudre blanche, que l’étain laisse échapper, ne soit point du tout arsenicale, puisqu’elle s’est sublimée, et que ce n’est point une simple chaux ; et quand même ce ne serait qu’une chaux d’étain, elle contiendrait toujours de l’arsenic ; d’ailleurs, en traitant cet étain d’Angleterre avec l’eau régale, ou seulement avec l’acide marin, ces habiles chimistes ont trouvé qu’il contenait une petite quantité d’arsenic ; ceci paraît donc infirmer leur première assertion sur cette matière blanche qui s’attache au col de la retorte, et qu’ils disent n’être nullement arsenicale. Quoi qu’il en soit, on leur a obligation d’avoir recherché quelle pouvait être la quantité d’arsenic contenue dans l’étain dont nous faisons usage : ils sont assurés qu’il n’y en a tout au plus qu’un grain sur une once, et l’on peut, en suivant leurs procédés[28], connaître au juste la quantité d’arsenic que tout étain contient.

Les mines d’étain de Saxe, de Misnie, de Bohême et de Hongrie gisent, comme celles d’Angleterre, dans les montagnes à couches, et à une médiocre profondeur ; elles ne sont ni aussi riches ni aussi étendues que celles de Cornouailles : l’étain qu’on en tire est néanmoins aussi bon, et même les Allemands prétendent qu’il est meilleur pour l’étamage ; on peut douter que cette prétention soit fondée, et le peu de commerce qui se fait de cet étain d’Allemagne prouve assez qu’il n’est pas supérieur à celui d’Angleterre.

Les cantons où se trouvent les meilleures mines de Saxe sont les montagnes de Masterberg vers Boles-schau : les veines sont à vingt-quatre toises de profondeur dans des rochers d’ardoise ; elles n’ont qu’une toise en largeur. Une de ces mines d’étain est couchée sur une mine très riche de cuivre, que l’on en sépare en la cassant ; une autre à Breytenbrun vers la ville de Georgenstadt, qui est fort riche en étain, et néanmoins mêlée d’une grande quantité de fer, que l’on en tire au moyen de l’aimant après l’avoir réduite en poudre : le canton de Furstemberg est entouré de mines d’étain, et dans le centre de cette même contrée, il y a des mines d’argent[29]. Les mines d’étain d’Eibenstok s’étendent dans une longueur de quelques lieues, et se fouillent à dix toises de profondeur ; elles sont mêlées de fer, et on y a quelquefois trouvé des paillettes d’or. Toute la montagne de Goyer est remplie de mines d’étain ; mais le roc qui les renferme est si dur qu’on est obligé de le faire calciner par le feu avant d’en tirer les blocs. On trouve aussi des mines d’étain à Schnéeberg ; enfin, à Anersberg, la plus haute montagne de toute la Saxe, il y en a une à vingt-huit toises de profondeur sur trois toises de largeur, dans un rocher d’ardoise : cette mine a produit, en 1741, cinq cents quintaux d’étain[30].

En Bohême, à trois quarts de lieue de Platen, il se trouve une mine d’étain voisine d’une mine de fer, qui toutes deux sont dans un banc de grès à gros grains[31] ; et, comme le minerai d’étain est mêlé de parties ferrugineuses, on le fait griller après l’avoir broyé pour en séparer le fer au moyen de l’aimant ; il se trouve aussi des mines d’étain dans le district d’Ellebagen et dans celui de Salznet ; une autre à Schlac-Kenwald, qui s’enfonce assez profondément[32]. Enfin, il y a aussi quelques veines d’étain dans les mines de Hongrie[33] : on assure de même qu’il s’en trouve en Pologne ; mais nous n’avons aucune notice assez circonstanciée de ces mines pour pouvoir en parler.

L’Asie est peut-être plus riche que l’Europe en étain ; il s’en trouve en abondance à la Chine[34], au Japon[35] et à Siam[36] ; il y en a aussi à Macassar[37], à Malaca[38], Banca, etc. ; cependant les Asiatiques ne font pas de ce métal autant d’usage que les Européens ; ils ne s’en servent guère que pour étamer le cuivre[39] ou faire de l’airain, en alliant ces deux métaux ensemble ; mais ils font commerce de l’étain avec nous, et cet étain qui nous vient des Indes est plus fin que celui que nous tirons de l’Angleterre, parce qu’il est moins allié ; car l’on a observé que, dans leur état de pureté, ces étains d’Angleterre et des Indes sont également souples et difficiles à rompre : cette flexibilité tenace donne un moyen facile de reconnaître si l’étain est purgé d’arsenic ; car, dès qu’il contient une certaine quantité de cette mauvaise matière, il se rompt facilement.

Ainsi l’étain, comme tous les métaux, est un dans la nature ; et les étains qui nous viennent de différents pays ne diffèrent entre eux que par le plus ou moins de pureté : ils seraient absolument les mêmes s’ils étaient dépouillés de toute matière étrangère ; mais, comme ce métal, lorsqu’il est pur, ne peut être employé que pour l’étamage, et qu’il est trop mou pour pouvoir le planer et le travailler en lames, on est obligé de l’allier avec d’autres matières métalliques pour lui donner de la fermeté, et c’est par cette raison que dans le commerce il n’y a point d’étain pur[40].

Nous n’avons que peu ou point de connaissances des mines d’étain qui peuvent se trouver en Afrique : les voyageurs ont seulement remarqué quelques ouvrages d’étain chez les peuples de la côte de Natal[41], et il est dit, dans les Lettres édifiantes, qu’au royaume de Queba, il y a de l’étain aussi blanc que celui d’Angleterre, mais qu’il n’en a pas la solidité, et qu’on en fabrique des pièces de monnaie qui pèsent une livre et ne valent que sept sous[42] ; cet étain, qui n’a pas la solidité de celui d’Angleterre, est sans doute de l’étain dans son état de pureté.

En Amérique, les Mexicains ont autrefois tiré de l’étain des mines de leur pays[43] ; on en a trouvé au Chili dans le corrégiment de Copiago[44]. Au Pérou, les Incas en ont fait exploiter cinq mines dans le district de Charcas. « Il s’est trouvé quelquefois, dit Alphonse Barba, des minerais d’argent dans les mines d’étain, et toujours quantité de minerais de cuivre : il ajoute qu’une des quatre principales veines de la mine de Potosi s’appelle étain, à cause de la quantité de ce métal qu’on trouve sur la superficie de la veine, laquelle peu à peu devient tout argent[45]. » On voit encore par cet exemple que l’étain, comme le plus léger des métaux, les a presque toujours surmontés dans la fusion ou calcination par le feu primitif, et que les mines primordiales de ce métal servent pour ainsi dire de toit ou de couvert aux mines des autres métaux plus pesants.

L’étain s’allie par la fusion avec toutes les matières métalliques ; il gâte l’argent, et l’or surtout, en leur ôtant leur ductilité, et ce n’est qu’en le calcinant qu’on peut le séparer de ces deux métaux ; il diminue aussi la ductilité du cuivre, et rend ces métaux aigres, sonores et cassants ; il s’unit très bien au fer chauffé à un degré de chaleur médiocre ; et, lorsqu’on le mêle par la fusion avec le fer, il ne le rend pas sensiblement plus aigre. Les métaux les plus ductiles sont ceux dont l’étain détruit le plus facilement la ténacité ; il ne faut qu’une très petite dose d’étain pour altérer l’or et l’argent, tandis qu’il faut le mêler en assez grande quantité avec le cuivre et le plomb pour les rendre aigres et cassants : en fondant l’étain à partie égale avec le plomb, l’alliage est ce que les plombiers appellent de la soudure, et ils l’emploient en effet pour souder leurs ouvrages en plomb. Au reste, cet alliage mi-partie de plomb et d’étain ne laisse pas d’avoir un peu de ductilité.

L’étain mêlé par la fusion avec le bismuth, qui se fond encore plus aisément que ce métal, en devient plus solide, plus blanc et plus brillant ; et c’est probablement cet alliage de bismuth et d’étain que l’on connaît aux Indes sous le nom de tutunac.

Le régule d’antimoine donne à l’étain beaucoup de dureté, et le rend en même temps très cassant : il n’en faut qu’une partie sur trois cents d’étain pour lui donner de la rigidité, et l’on ne peut employer ce mélange que pour faire des cuillers, fourchettes et autres ouvrages qui ne vont point sur le feu.

L’alliage de l’étain avec le zinc est d’une pesanteur spécifique moindre que la somme du poids des deux, tandis que l’alliage du zinc avec tous les autres métaux est au contraire d’une pesanteur spécifique plus grande que celle des deux matières prises ensemble.

L’étain s’unit avec l’arsenic et avec le cobalt ; il devient par ces mélanges plus dur, plus sonore et plus cassant. MM. Bayen et Charlard assurent qu’il ne faut qu’une deux cent cinquante-sixième partie d’arsenic, fondue avec l’étain, pour le rendre aigre et hors d’état d’être employé par les ouvriers[46] : si l’on mêle une partie d’arsenic sur cinq d’étain pur, l’alliage est si fragile qu’on ne peut l’employer à aucun usage, et une partie sur quinze forme un alliage qui présente de grandes facettes assez semblables à celles du bismuth, et qui est plus friable que le zinc et moins fusible que l’étain.

Ainsi l’étain peut s’allier avec tous les métaux et les demi-métaux, et l’ordre de ses affinités est le fer, le cuivre, l’argent et l’or ; et, quoiqu’il se mêle très bien par la fusion avec le plomb, il a moins d’affinité avec ce métal qu’avec les quatre autres.

L’étain n’a aussi que peu d’affinité avec le mercure, cependant ils adhèrent ensemble dans l’étamage des glaces ; le mercure reste interposé entre la feuille d’étain et le verre ; il donne aux glaces la puissance de réfléchir la lumière avec autant de force que le métal le mieux poli : cependant il n’adhère au verre que par simple contact, et son union avec la feuille d’étain est assez superficielle ; ce n’est point un amalgame aussi parfait que celui de l’or ou de l’argent, et les boules de mercure[47] auxquelles on attribue la propriété de purifier l’eau sont moins un alliage ou un amalgame qu’un mélange simple et peu intime d’étain et de mercure.

L’étain s’unit au soufre par la fusion, et le composé qui résulte de cette mixtion est plus difficile à fondre que l’étain ou le soufre pris séparément.

Tous les acides agissent sur l’étain, et quelques-uns le dissolvent avec la plus grande énergie ; on peut même dire qu’il est non seulement dissous, mais calciné par l’acide nitreux, et cet exemple, comme nombre d’autres, démontre assez que les acides n’agissent que par le feu qu’ils contiennent[48]. Le feu de l’acide nitreux exerce son action avec tant de violence sur l’étain qu’il le fait passer, sans fusion, de son état de métal à celui d’une chaux tout aussi blanche et tout aussi peu fusible que la potée, ou chaux produite par l’action d’un feu violent ; et, quoique cet acide semble dévorer ce métal, il le rend néanmoins avec autant de facilité qu’il s’en est saisi ; il l’abandonne en s’élevant en vapeurs, et il conserve si peu d’adhésion avec cette chaux métallique, qu’on ne peut pas en former un sel. Le nitre, projeté sur l’étain en fusion, s’enflamme avec lui et hâte sa calcination, comme il hâte aussi celle des autres métaux qui peuvent se calciner ou brûler.

L’acide vitriolique, au contraire, ne dissout l’étain que lentement et sans effervescence ; il faut même qu’il soit aidé d’un peu de chaleur pour que sa dissolution commence, et pendant qu’elle s’opère, il se forme du soufre qui s’élève en vapeurs blanches, et qui quelquefois surnage la liqueur comme de l’huile, et se précipite par le refroidissement. Cette dissolution de l’étain par l’acide vitriolique donne un sel composé de cristaux en petites aiguilles entrelacées.

L’acide marin exige plus de chaleur que l’acide vitriolique pour dissoudre l’étain ; il faut que ce premier acide soit fumant ; les vapeurs qui s’élèvent pendant cette dissolution assez lente ont une odeur arsenicale ; la liqueur de cette dissolution est sans couleur et limpide comme de l’eau ; elle se change presque tout entière en cristaux par le refroidissement. « L’étain, dit M. de Morveau, a une plus grande affinité avec l’acide marin que plusieurs autres substances métalliques, et même que l’argent, le mercure et l’antimoine, puisqu’il décompose leurs sels. L’étain, mêlé avec le sublimé corrosif, dégage le mercure, même sans le secours de la chaleur, et l’on tire de ce mélange, à la distillation, un esprit de sel très fumant, connu sous le nom de liqueur de Libavius[49]. » Au reste, les cristaux qui se forment dans la dissolution de l’étain par l’acide marin se résolvent en liqueur par la plus médiocre chaleur, et même par celle de la température de l’air en été.

L’eau régale n’a pas besoin d’être aidée de la chaleur pour attaquer l’étain, elle le dissout même en grande quantité ; une eau régale, faite de deux parties d’acide nitreux et d’une partie d’acide marin, dissout très bien moitié de son poids d’étain en grenailles[50], même à froid : en délayant cette dissolution dans une grande quantité d’eau, l’étain se sépare de l’acide sous la forme d’une chaux blanche ; et, lorsqu’on mêle cette dissolution avec une dissolution d’or, faite de même par l’eau régale, et qu’on les délaie dans une grande quantité d’eau, il se forme un précipité couleur de pourpre, connu sous le nom de pourpre de Cassius, et précieux par l’usage qu’on en fait pour les émaux : l’étain a donc non seulement la puissance d’altérer l’or dans son état de métal, mais même d’en faire une espèce de chaux dans sa dissolution, ce qu’aucun autre agent de la nature, ni même l’art, ne peuvent faire. C’est aussi avec cette dissolution d’étain dans l’eau régale que l’on donne aux étoffes de laine la couleur vive et éclatante de l’écarlate : sans cela, le cramoisi et le pourpre de la cochenille et de la gomme laque ne pourraient s’exalter en couleur de feu.

Les acides végétaux agissent aussi sur l’étain, on peut même le dissoudre avec le vinaigre distillé ; la crème de tartre l’attaque plus faiblement ; l’alcali fixe en corrode la surface à l’aide d’un peu de chaleur ; mais, selon M. de Morveau, il résiste constamment à l’action de l’alcali volatil[51].

Considérant maintenant les rapports de l’étain avec les autres métaux, nous verrons qu’il a tant d’affinité avec le fer et le cuivre, qu’il s’unit et s’incorpore avec eux, sans qu’ils soient fondus ni même rougis à blanc ; ils retiendront l’étain fondu dès que leurs pores seront ouverts par la chaleur, et qu’ils commenceront à rougir ; l’étain enduira leur surface, y adhérera, et même il la pénétrera et s’unira à leur substance plus intimement que par un simple contact ; mais il faut pour cela que leur superficie soit nette et pure, c’est-à-dire nettoyée de toute crasse ou matière étrangère ; car, en général, les métaux ne contractent d’union qu’entre eux, et jamais avec les autres substances ; il faut de même que l’étain, qu’on veut appliquer à la surface du fer ou du cuivre, soit purgé de toute matière hétérogène, et qu’il ne soit que fondu et point du tout calciné ; et, comme le degré de chaleur qu’on donne au fer et au cuivre pour recevoir l’étamage ne laisserait pas de calciner les parties de l’étain au moment de leur contact, on enduit ces métaux avec de la poix-résine ou de la graisse, qui revivifie les parties calcinées et conserve à l’étain fondu son état de métal assez de temps pour qu’on puisse l’étendre sur toute la surface que l’on veut étamer.

Au reste, cet art de l’étamage, quoique aussi universellement répandu qu’anciennement usité[52], et qu’on n’a imaginé que pour parer aux effets funestes du cuivre, devrait néanmoins être proscrit, ou du moins soumis à un règlement de police, si l’on avait plus de soin de la santé des hommes ; car les ouvriers mêlent ordinairement un tiers de plomb dans l’étain pour faire leur étamage sur le cuivre, que les graisses, les beurres, les huiles et les sels changent en vert-de-gris : or, le plomb produit des effets à la vérité plus lents, mais tout aussi funestes que le cuivre ; on ne fait donc que substituer un mal au mal qu’on voulait éviter, et que même on n’évite pas en entier ; car le vert-de-gris perce en peu de temps le mince enduit de l’étamage, et l’on serait épouvanté si l’on pouvait compter le nombre des victimes du cuivre dans nos laboratoires et nos cuisines. Aussi le fer est-il bien préférable pour ces usages domestiques : c’est le seul de tous les métaux imparfaits qui n’ait aucune qualité funeste ; mais il noircit les viandes et tous les autres mets ; il lui faut donc un étamage d’étain pur, et l’on pourrait, comme nous l’avons dit, s’assurer par l’eau régale[53] s’il est exempt d’arsenic, et n’employer à l’étamage du fer que de l’étain épuré et éprouvé.

On se sert de résine, de graisse, et plus efficacement encore de sel ammoniac, pour empêcher la calcination de l’étain au moment de son contact avec le fer. En plongeant une lame de fer polie dans l’étain fondu, elle se couvrira d’un enduit de ce métal ; et l’on a observé qu’en mettant de l’étain dans du fer fondu, ils forment ensemble de petits globules qui décrépitent avec explosion.

Au reste, lorsqu’on pousse l’étain, ou plutôt la chaux d’étain à un feu violent, elle s’allume et produit une flamme assez vive après avoir fumé ; on a recueilli cette fumée métallique qui se condense en poudre blanche. M. Geoffroy, qui a fait ces observations, remarque aussi que, dans la chaux blanche ou potée d’étain, il se forme quelquefois des parties rouges : ce dernier fait me paraît indiquer qu’avec un certain degré de feu, on viendrait à bout de faire une chaux rouge d’étain, puisque ce n’est qu’avec un certain degré de feu bien déterminé, et ni trop fort ni trop faible, qu’on donne à la chaux de plomb le beau rouge du minium.

Nous ne pouvons mieux finir cet article de l’étain qu’en rapportant les bonnes observations que MM. Bayen et Charlard ont faites sur les différents étains qui sont dans le commerce[54] ; ils en distinguent trois sortes : 1o l’étain tel qu’il sort des fonderies, et sans mélange artificiel ; 2o l’étain allié dans les fonderies, suivant l’usage ou la loi des différents pays[55] ; 3o l’étain ouvragé par les potiers[56]. Ces habiles chimistes ont reconnu, par des comparaisons exactes et multipliées, que les étains de Malaca et de Banca, ainsi que celui qu’ils ont reçu d’Angleterre, en petits échantillons de quatre à cinq onces, et aussi celui qui se vend à Paris, sous le nom d’étain doux, ont tous le plus grand et le même éclat, qu’ils résistent, également et longtemps, aux impressions de l’air sans se ternir ; qu’ils sont les uns et les autres si ductiles ou extensibles, qu’on peut aisément les réduire, sous le marteau, en feuilles aussi minces que le plus fin papier, sans y faire de gerçure ; qu’on en peut plier une verge d’une ligne de diamètre quatre-vingts fois à angle droit sans la rompre ; que le cri de ces étains doux est différent de celui des étains aigres, et qu’enfin ces étains doux, de quelque pays qu’ils viennent, sont tous de la même densité ou pesanteur spécifique[57].


Notes de Buffon
  1. Le pied cube d’étain pur de Cornouailles, fondu et non battu, pèse, suivant M. Brisson, 510 livres 6 onces 2 gros 68 grains, et lorsque ce même étain est battu ou écroui, le pied cube pèse 510 livres 15 onces 2 gros 45 grains ; ce qui démontre que ce métal n’est que peu susceptible de compression. L’étain de Melac ou de Malaca, fondu et non battu, pèse le pied cube 510 livres 11 onces 6 gros 61 grains, et lorsqu’il est battu ou écroui, il pèse 510 livres 7 onces 2 gros 17 grains : ainsi cet étain de Malaca peut se comprimer un peu plus que l’étain de Cornouailles. La pesanteur spécifique de l’étain fin et de l’étain commun est beaucoup plus grande, parce que ces étains sont plus ou moins alliés de cuivre et de plomb.
  2. Quelques auteurs ont écrit qu’on avait trouvé des morceaux d’étain natif dans les mines d’étain de Bohême et de Saxe, mais cela est très douteux ; et l’étain que l’on voit dans les Cabinets sous le nom d’étain natif, qui a une figure de stalactite non cylindrique, mais ondulée ou bouillonnée et argentine, et qu’on prétend qui se trouve dans la presqu’île de Malaca, nous paraît formé par le feu des volcans. Bomare, Minéralogie, t. II, article de l’Étain.
  3. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 215.
  4. De tous les moyens que l’on indique pour séparer l’argent de l’étain, le meilleur et le plus simple est d’employer le fer. M. Grosse a trouvé ce moyen en essayant une sorte de plomb, pour voir s’il pouvait être employé aux coupelles, car on s’était aperçu qu’il était allié d’étain. Il jeta dessus de la limaille de fer, et donna un bon feu… En peu de temps, le plomb se couvrit d’une nappe formée par l’étain et le fer ; alors il est bon d’ajouter un peu de sel alcali fixe pour faciliter la séparation de ces scories d’avec le régule. Cette pratique peut être employée à séparer l’étain de l’argent ; mais, avant d’y ajouter le fer, il faut y mettre le plomb, sans quoi la fonte se ferait difficilement et même imparfaitement, parce que l’étain se calcinerait sans se séparer de l’argent. Il n’y a point de meilleur moyen de remédier aux coupelles dont le plomb se hérisse ou végète à l’occasion de l’étain.

    Mais si on avait de l’or et de l’argent alliés d’étain, il faudrait calciner vivement ces métaux dans un creuset, afin de vitrifier l’étain et ensuite, pour enlever ce verre d’étain, ou même pour perfectionner sa vitrification, il suffirait de jeter dans le creuset un peu de verre de plomb. M. Grosse, cité par M. Hellot dans le Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 226. — Ce procédé pour la calcination de l’étain ne peut se faire dans un creuset que très lentement et par une manœuvre pénible, au lieu que cette opération se fait facilement, promptement et complètement sur un test à rôtir. Note communiquée par M. de Morveau.

  5. Les Anglais font rôtir trois fois la mine d’étain, et la lavent jusqu’à ce qu’il n’y paraisse plus rien de terreux ; ensuite ils la chauffent une quatrième fois jusqu’à la faire bien rougir. Ils la pèsent pour savoir ce qu’elle a perdu au lavage et à la calcination : à une partie de cette mine ainsi préparée, ils joignent trois parties de flux noir ; ils mettent ce mélange dans un creuset et le couvrent de sel commun. Ils fondent à un feu vif et prompt, et n’y laissent le creuset que le temps nécessaire pour faire fondre l’étain, tant parce qu’il se brûle aisément que parce que les sels en fusion le rongent et en dérobent.

    Quelquefois ils substituent au flux noir la même quantité de charbon de terre en poudre ; ils le mêlent et conduisent la fonte comme par le flux noir. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. Ier, p. 221.

  6. Si l’on mêle la potée d’étain, au moyen de la fusion, avec du verre blanc transparent, bientôt il devient opaque et passe à l’état d’émail par l’interposition des molécules de cette chaux invitrifiable, même par l’intermède du verre de plomb ; aussi empêche-t-elle la coupellation en nageant à la surface du plomb fondu, et, lorsqu’on veut coupeller quelque matière métallique qui contient de l’étain, il faut, par une calcination préliminaire, en extraire ce dernier métal. Lettres de M. Demeste à M. Bernard, t. II, p. 406.
  7. M. Monnet fait entrer du fer en quantité dans la composition de la mine artificielle d’étain. On pourrait donc croire, avec quelque fondement, qu’il en est de l’étain comme du cuivre, et que l’arsenic ne leur adhère si fortement que par le fer que les mines de ces deux métaux contiennent.
  8. Une demi-once de rognures de feuilles d’étain acquit, par cette calcination dans une cucurbite de verre, vingt-six grains d’augmentation de poids, quoique la chaleur eût été assez modérée pour que l’arsenic se sublimât sans faire entrer le métal en fusion. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 330.
  9. On distingue aisément le mundick des autres mines par sa couleur brillante, mais cependant brune et sale, et dont elle teint les doigts… Les mineurs assurent qu’ils ne trouvent que peu ou point d’étain dans les endroits où ils rencontrent du mundick… Et il est sûr que, si on laisse du mundick parmi l’étain qu’on veut fondre, il le rend épais et moins ductile… Les mineurs regardent cette substance, mundick, comme un poison, et croient que c’est une espèce d’arsenic… Il en sort en effet une puanteur très dangereuse, lorsqu’on le brûle pour le séparer de l’étain. Merret, Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 480 et suiv. — On distingue aisément ce mundick du minerai d’étain, car le mundick s’attache aux doigts et les salit ; cette matière, si elle reste avec l’étain, le gâte, lui ôte son éclat et le rend cassant. Le feu dissipe le mundick et l’odeur en est pernicieuse. M. Hellot, ayant examiné cette matière, l’a trouvée presque en tout semblable à une mine bitumineuse d’arsenic qui fut envoyée de Sainte-Marie-aux-Mines. Minéralogie de M. de Bomare, t. II, p. 111 et suiv.
  10. Homère nous dit aussi que les héros de Troie couvraient de plaques d’étain la tête des chevaux attelés à leur char de bataille ; mais il ne paraît pas qu’au temps du siège de Troie, les Grecs se servissent de vases d’étain sur leur table, car Homère, si fidèle à représenter toutes les coutumes, ne dit rien à ce sujet, tandis qu’il fait plus d’une fois mention des chaudrons d’airain dans lesquels les capitaines et les soldats faisaient cuire leur viande.
  11. Les anciens Romains se servaient de miroirs d’étain que l’on fabriquait à Brindes, et il y a toute apparence que cet étain était mêlé de bismuth. « Specula ex stanno laudatissima Brundusii temperabantur, donec argenteis uti cœpere et ancillæ. » Pline, lib. xxxiv, cap. xvii.
  12. Le prophète Ézéchiel, en s’adressant à la ville de Tyr, lui dit : « Les Carthaginois trafiquaient avec vous ; ils vous apportaient toutes sortes de richesses et remplissaient vos marchés d’argent, de plomb et d’étain. » Chap. xxvii, v. 12.
  13. Woodward prétend, peut-être pour l’honneur de sa nation, que les anciens Bretons faisaient commerce avec les Phéniciens, et leur fournissaient de l’étain dès la plus haute antiquité ; mais ce savant naturaliste ne cite pas les garants de ce fait.
  14. Dans le Gévaudan, il y a dans la paroisse de Veuron, selon M. de Murville, une mine d’étain qu’on pourrait traiter avec succès… Suivant Malus, il y a de l’étain dans les montagnes de la vallée d’Uston, au comté de Foix… Et en Anjou, suivant Piganiol, il y a dans la paroisse de Courcelles des mines d’argent, de plomb et d’étain. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 24, 41 et 63.
  15. La montagne Aubrig, dans le canton Schwitz, en Suisse, renferme de l’étain qui est mêlé de pierres lenticulaires et de peignes. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1752, p. 330.
  16. On a découvert dans la province de Danmora une mine d’étain mêlée de fer, dont M. Richman a donné la description ; elle est plus dure et moins pesante que les mines d’étain de Saxe, et moins abondante en étain. M. Brandt en ajoute une autre, découverte auprès de Westanfors, dans la Werstmanie ; elle a encore moins d’étain, moins de pesanteur spécifique et plus de fer. Bibliothèque raisonnée, t. XLI, p. 27.
  17. Les mines de Cornouailles sont de couleurs différentes ; il y en a de six sortes : de la pâle, de la grise, de la blanche, de la brune, de la rouge et de la noire : cette dernière est la plus riche et la meilleure, et cependant les plus riches de toutes ne donnent que cinquante pour cent. On trouve dans le sparr, qui fait souvent la gangue de cette mine, des cristaux assez durs pour couper le verre, lesquels sont quelquefois d’un rouge transparent et ont l’éclat du rubis. Sur ce sparr on trouve aussi une autre sorte de substance semblable à une pierre blanche, tendre, que les mineurs appellent kelum, qui laisse une écume blanche lorsqu’on la lave dans l’eau en sortant de la mine : il semble que ce soit la même matière que le sparr, et qu’elle n’en diffère que par le degré de pétrification cristalline… et à l’égard des cristaux d’étain, on peut assurer qu’ils sont toujours mêlés d’arsenic, dont ils répandent l’odeur et même des particules farineuses par une simple calcination sur une pelle à feu… Les cristaux blancs sont ceux qui sont le plus mêlés d’arsenic ; ils sont les plus réfractaires au feu, et ce sont les plus rares. Il y a d’autres cristaux d’étain d’un jaune d’or qui sont aussi assez rares, autre part que dans la Hesse ; d’autres cristaux qui sont d’une couleur rouge tirant communément sur celle du spath rose ou du petit rubis ; ils sont pour l’ordinaire un peu transparents : il y a aussi des cristaux d’étain transparents de couleur violette ; ils produisent abondamment dans la fonte ; on en trouve en Hongrie dont la figure est presque cubique, et accompagnée quelquefois de pyrites sulfureuses ; il y a aussi des cristaux bruns qui ont souvent une figure fort bizarre, leur couleur est assez semblable à celle des grenats bruts ordinaires ; il y en a aussi de verts qui ne pèsent pas autant que les bruns, et qui cependant rendent beaucoup à la fonte ; ils forment des espèces de qu’illes à huit pans, d’un brun noirâtre en dehors, fort durs et d’un vert chatoyant intérieurement comme le spath vitreux et écailleux. Minéralogie de M. Bomare, t. II, p. 111 et suiv.
  18. L’étain est si abondant dans le pays de Cornouailles, qu’il est répandu presque partout, et que même les filons de cuivre les plus abondants contiennent de l’étain dans leur partie supérieure, c’est-à-dire proche la surface de la terre ; ce métal y est même assez abondant pour mériter l’extraction. D’autres fois, le minéral de cuivre et celui d’étain se trouvent dans le même filon, quoique séparément, ce qui ne continue pas ordinairement dans la profondeur.

    Presque joignant la ville de Redrath, on exploite une mine d’étain très considérable, nommée peduandrea. Cette mine fut d’abord commencée comme mine de cuivre ; on y a extrait une très grande quantité de minéral ; on y travaillait alors deux filons parallèles qui se touchaient presque l’un l’autre, de sorte qu’ils n’en formaient qu’un seul : l’un produisait du minéral jaune de cuivre ou pyrite cuivreuse, et l’autre du minéral d’étain. Le premier était joignant le toit, et le second joignant le mur ou rocher inférieur ; mais en allant dans la profondeur, le minéral de cuivre a cessé, de sorte qu’il ne reste plus que le filon d’étain, qui est fort abondant : cette mine a de cinquante à soixante toises de profondeur.

    À Godolphin-Ball, se trouve la mine d’étain la plus étendue qu’il y ait dans le pays de Cornouailles… La direction des filons est toujours de l’est à l’ouest, comme dans toutes les mines de ce pays, et son inclinaison au nord-est d’environ 70 degrés. Cette mine a, dit-on quatre-vingt-dix toises de profondeur perpendiculaire… On compte cinq filons parallèles sur cinquante à soixante toises d’étendue, mais qui ne sont point exploités également… il n’y a que le principal qu’on exploite en totalité.

    Ces filons sont renfermés dans un granit à gros grains, très dur ; mais il n’en est pas ici comme en Saxe et en Bohême : l’étain ne se trouve jamais réuni et confondu dans cette pierre, mais dans une espèce de roche bleuâtre qui paraît être la matrice générale du plus grand nombre des mines d’étain de Cornouailles. On rencontre communément, le long du filon joignant le mur, ce qu’on nomme le guide : c’est un quartz mêlé quelquefois de mica, lequel le rend peu solide. Le filon consiste lui-même en un quartz fort dur, qui n’est pas toujours parfaitement blanc, mais qui a un œil bleuâtre ; il est réuni à la roche bleue dans laquelle se trouve le minéral d’étain, mais presque toujours en petits grains cristallisés comme des grenats. On y trouve aussi quelquefois du quartz cristallisé en hexagone ; il y a des endroits du filon qui sont très riches, mais fort tendres : ce minéral est parsemé de beaucoup de mica et de petits grains de minéral d’étain, comme de grenats ; ce filon a 2, 3, 4, 5 pieds de large, plus ou moins. Observations sur les mines, par M. Jars ; Mémoires de l’Académie des sciences, année 1770.

  19. Voyages historiques de l’Europe ; Paris, 1693, t. IV, p. 104.
  20. Les veines d’étain de Cornouailles ont une direction très étendue, puisqu’on rencontre plusieurs mines d’étain dans les îles de Seilly, qui sont situées dans les mêmes directions et latitude que la province de Cornouailles. M. Jars ; Mémoires de l’Académie des sciences, année 1770, p. 554.
  21. Dans les environs de la ville de Sainte-Austle, province de Cornouailles, on a travaillé anciennement beaucoup de mines d’étain ; mais il y en a peu en exploitation aujourd’hui, on se contente de prendre les terrains qui sont dans le fond des vallons, et de les laver pour en retirer les morceaux de minéral d’étain qui y sont répandus et dont les angles sont arrondis comme ayant été roulés, et probablement détachés des filons d’étain des montagnes voisines ; ces minéraux d’étain sont répandus dans les vallons sur de grandes étendues ; ils peuvent provenir aussi des détriments ou déblais des mines anciennement exploitées, et qui auront été entraînés et déposés par les eaux de pluie… Il y a toujours des filons sur les éminences voisines, dont le minerai est de la même nature que celui que l’on trouve répandu dans les vallons… Il est si commun dans les mines d’étain que le minéral se présente jusqu’à la surface de la terre ; il y en a qui sont en pierre très dure, mais il y en a aussi près de Saint-Austle qui est en roche très tendre. M. Jars ; Mémoires de l’Académie des sciences, année 1770, p. 540 et suiv.
  22. Merret, qui a écrit en 1678, dit que les pierres du pays de Cornouailles, d’où l’on tire l’étain, se trouvent quelquefois à un ou deux pieds au-dessous de la surface de la terre, le plus souvent disposées en veines entre deux murs de rocher, couleur de rouille, qui ne paraissent avoir que très peu d’affinité avec l’étain. Les veines ont depuis quatre jusqu’à dix-huit pouces environ de largeur, et elles sont le plus souvent dirigées de l’est à l’ouest… Les fosses ont quarante, cinquante et quelquefois soixante brasses de profondeur. Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 480 et suiv.
  23. M. le baron de Dietrich, qui a séjourné pendant plusieurs mois en Cornouailles, dit que la nature elle-même a mêlé ensemble le cuivre et l’étain… qu’il n’y a guère que les mines d’étain roulées par les torrents, et celles qui se trouvent dans le quartz granuleux qui renferme du schorl, qui ne soient pas mêlées avec de la mine de cuivre. Journal de Physique, mai 1780, p. 382.
  24. Aux environs de la ville de Marazion, on exploite plusieurs filons de minéral de cuivre et de celui d’étain, à peu près de la nature et dans la même roche schisteuse, nommée killas, que ceux des environs de la ville de Redrath… Il y a aussi des minéraux d’étain dans le granit, entre autres dans le rocher qui compose le mont Saint-Michel, qui n’est séparé de Marazion que par un petit bras de mer : on aperçoit dans ce rocher une fort grande quantité de filons d’un fort bon minéral d’étain…

    On estime le produit en étain de cette province à la valeur de cent quatre-vingt-dix à deux cent mille livres sterling chaque année, et qu’il se vend du minéral de cuivre pour cent quarante mille livres sterling. Observations sur les mines, par M. Jars ; Mémoires de l’Académie des sciences, année 1770, p. 540 et suiv.

  25. Lorsque la mine est riche, on trouve la veine à dix brasses de profondeur, et au-dessous on trouve une cavité vide ou fente de quelques pouces d’ouverture ; il sort de ces souterrains des vapeurs nuisibles et même mortelles. Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 480 et suiv.
  26. Recherches chimiques sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 99 et 100.
  27. Mémoires de M. Jars ; Académie des sciences, année 1770.
  28. Le vrai moyen de bien connaître la portion de l’arsenic mêlé à l’étain est de faire dissoudre ce dernier métal dans l’acide marin très pur ; s’il ne reste rien lorsque la dissolution est faite, l’étain est sans arsenic ; s’il reste un peu de poudre noire, il faut la séparer avec soin, la laver, la faire sécher et en jeter sur des charbons ardents pour reconnaître si elle est arsenicale ou non. L’est-elle ? qu’on l’expose à un degré de feu capable d’opérer la sublimation de l’arsenic ; si elle s’exhale en entier, elle est de pur régule d’arsenic ; s’il reste un peu de poudre dans le test qu’on emploie à l’opération, qu’on la pèse s’il est possible, ou qu’on l’évalue, et on saura ce qu’une quantité donnée d’étain quelconque contient réellement d’arsenic sous forme réguline… On dit sous forme réguline, parce qu’en effet la chaux d’arsenic ne peut se combiner avec l’étain, tandis qu’au contraire son régule s’y unit avec la plus grande facilité. Recherches sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 118 et suiv.
  29. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. II, p. 585.
  30. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. II, p. 588.
  31. Voyages métallurgiques de M. Jars, p. 71.
  32. Éphémérides d’Allemagne, année 1686.
  33. On trouve des mines d’étain dans plusieurs contrées de l’Europe, en Saxe, en Misnie, comme à Stolberg, Goyer, Anneberg, Altemberg, Freiberg, dans la montagne de Saint-André de la forêt Noire. En Bohême, dans les mines de Groupe près de Tœplitz, dans celles d’Aberdam, de Schoufeld, etc. Dans la Hongrie, aux mines de Schonmitz et du comté de Lyptow. M. Geoffroy ; Mémoires de l’Académie des sciences, année 1738, p. 103. — L’une des plus fameuses de toutes les mines d’Allemagne est celle d’Altemberg ; on n’en trouve point de semblable dans toute l’histoire des mines… elle fournit de la mine d’étain, depuis la superficie jusqu’à cent cinquante toises de profondeur perpendiculaire. Ces sortes de filons en masses n’ont que rarement une direction réglée, mais ils ont leurs bornes qui quelquefois est une pierre sèche, quelquefois un roc que les mineurs appellent le séparateur. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. II, p. 585 et suiv.
  34. On tirait autrefois à la Chine beaucoup d’étain aux environs de la ville d’U-si… L’étain est si commun dans cet empire, que le prix en est fort modique. Histoire générale des Voyages, t. VI, p. 484. — On voit à Dehly, aux Indes, un certain métal appelé utunac, qui approche de l’étain, mais qui est beaucoup plus beau et plus fin, et souvent on le prend pour de l’argent ; ce métal s’apporte de la Chine. Thévenot, Voyage au Levant ; Paris, 1664, t. III, p. 136.
  35. La province de Bungo au Japon produit de l’étain si blanc et si fin, qu’il n’est guère inférieur à l’argent, mais les Japonais n’en font presque aucun usage. Histoire générale des Voyages, t. X, p. 655.
  36. Les Siamois travaillent depuis très longtemps des mines d’étain et de plomb fort abondantes… Leur étain se débite dans toutes les Indes. Il est mou et mal purifié et tel qu’on le voit dans des boîtes à thé qui viennent des régions orientales ; et, pour le rendre plus dur et plus blanc, ils y mêlent de la calamine, espèce de pierre minérale qui se réduit facilement en poudre et qui, étant fondue avec le cuivre, sert à le rendre jaune ; mais elle rend l’un et l’autre de ces deux métaux plus cassants et plus aigres. Histoire générale des Voyages, t. X, p. 307.
  37. Quelques provinces de Macassar, dans l’île Célèbes, ont des mines d’étain. Idem, t. X, p. 458.
  38. On trouve de l’étain dans quelques endroits des Indes orientales, comme au royaume de Quidday, entre Tanasseri et le détroit de Malaca. M. Geoffroy ; Mémoires de l’Académie des sciences, année 1738, p. 103. — Les Hollandais apportent des Indes orientales des espèces d’étain qui passent pour étain fin ; celui de Malac ou Malaca et celui de Banca, qui n’est pas aussi parfait que celui de Malaca qu’on emploie de préférence pour les teintures en écarlate et pour étamer les glaces. Idem, p. 111.
  39. Il n’y a guère de mines d’argent en Asie, si ce n’est au Japon ; mais on a, dit Tavernier, découvert à Dalogore, à Sangore, à Bordalon et à Bata des mines très abondantes d’étain, ce qui a fait beaucoup de tort aux Anglais, parce qu’on n’a plus besoin de leur étain en Asie ; au reste, ce métal ne sert en ce pays-là qu’à étamer les pots, marmites et autres ustensiles de cuivre. Voyage de Tavernier ; Rouen, 1713, t. IV, p. 91.
  40. Nous croyons donc pouvoir conclure que les étains de Banca, de Malaca et d’Angleterre, doux, lorsqu’ils sortent du magasin d’un honnête marchand, sont purs ou privés de tout alliage naturel ou artificiel, qu’ils sont parfaitement égaux entre eux, c’est-à-dire qu’ils sont l’un à l’égard de l’autre comme de l’or à vingt-quatre carats ou de l’argent à douze deniers, tirés d’une mine d’Europe, seraient à de l’or ou de l’argent aux mêmes titres des mines de l’Amérique méridionale.

    Cependant ces étains si purs ne peuvent être d’aucune utilité dans nos ménages : leur mollesse, leur flexibilité y met un obstacle insurmontable ; il faut dont que l’art leur donne une certaine raideur, un certain degré de solidité qui les rendent propres à conserver toutes les formes que la nécessité ou les circonstances obligent le potier à donner à ce métal ; or, pour parvenir à ce but, on a eu recours à différents alliages. Recherches sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 95.

  41. Histoire générale des Voyages, t. Ier, p. 25.
  42. Lettres édifiantes, onzième Recueil, p. 165.
  43. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 650.
  44. Idem, t. XIII, p. 414.
  45. Métallurgie d’Alphonse Barba, t. Ier, p. 114.
  46. Recherches chimiques sur l’étain, p. 56.
  47. Trois parties de mercure ajoutées à douze parties d’étain de Malac, fondues dans une marmite de fer et coulées dans des moules sphériques, forment les boules de mercure, auxquelles on attribue la vertu de purifier l’eau et de faire périr les insectes qu’elle contient ; elles acquièrent, en se refroidissant, assez de solidité pour être transportées : lorsqu’on veut s’en servir, on les met dans un nouet que l’on suspend dans l’eau, et on la fait bouillir un instant. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 256 et 440.
  48. Je ne dois pas dissimuler que la raison des chimistes est ici bien différente de la mienne : ils disent que c’est en prenant le phlogistique de l’étain que l’acide nitreux le calcine, et ils prétendent le prouver par ce que, dans cette opération, l’acide prend les mêmes propriétés que lui donne le charbon, et que l’étain qui a passé dans l’acide nitreux, quoique non dissous, ne se laisse plus dissoudre, et que, par conséquent, en supposant dans cette opération que l’étain fût calciné par le feu de l’acide, il devrait brûler de nouveau, et que cependant il est de fait que la chaux d’étain et l’acide nitreux n’ont plus aucune action l’un sur l’autre. Cette raison des chimistes est tirée de leur système sur le phlogistique, qu’ils mettent en jeu partout, et lors même qu’il n’en est nul besoin. L’étain contient sans doute du feu et de l’air fixe, comme tous les autres métaux ; mais ici le feu contenu dans l’acide nitreux suffit, comme tout autre feu étranger, pour produire la calcination de ce métal sans rien emprunter de son phlogistique.
  49. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 238 et 239.
  50. Idem, p. 373. « Cette dissolution, ajoute ce savant chimiste, fournit quelquefois des cristaux en aiguilles par une évaporation très lente. »
  51. L’étain nous a paru constamment résister à l’action de l’alcali volatil caustique, malgré que quelques chimistes aient avancé que, dans la décomposition du vitriol ammoniacal par l’étain, l’alcali volatil entraîne un peu de ce métal qui s’en sépare à la longue, ou qui est précipité par un acide. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 256.
  52. Pline en parle : « Stannum illitum æneis vasis sapores gratiores facit, et compescit æruginis virus. » Hist. nat., lib. xxxiv, cap. xvi.
  53. Les étains que l’on appelle purs sont encore mélangés d’arsenic ; à peine sont-ils touchés par l’eau régale qu’ils se ternissent, deviennent noirs et se convertissent en une poudre de la même couleur, dont il est aisé de retirer tout l’arsenic en la lavant une ou deux fois avec un peu d’eau distillée, qui, dissolvant le sel formé par la calcination de avec l’acide régalisé, laissera au fond du vase environ deux grains d’une poudre noire qui est du véritable arsenic…

    L’arsenic, en quelque petite proportion qu’il soit mêlé avec l’étain, n’y en eût-il que 1/20481, se manifeste encore lorsqu’on expose ce mélange dans l’eau régale. Recherches chimiques sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 58 et suiv.

  54. Nous diviserons, disent-ils, tout l’étain qui se trouve dans le commerce intérieur du royaume :

    1o En étain pur et sans aucun mélange artificiel, tel enfin qu’il sort des fonderies ; 2o en étain allié dans les fonderies même avec d’autres métaux à des titres prescrits par l’usage ou par les lois du pays ; 3o en étain ouvragé par les potiers, qui sont tenus de se conformer, dans tout ce qu’ils font concernant leur art, à des règlements anciennement établis, et aujourd’hui trop peu suivis.

    L’étain pur ou sans mélange artificiel pourrait nous venir d’Angleterre, si, à ce qu’on assure, l’exportation n’en était pas prohibée par les lois du pays. Au défaut de celui d’Angleterre, il nous en est apporté en assez grande quantité des Indes… On nomme ce dernier étain de Banca ou de Malaca, ou simplement de Malac ; celui-ci nous arrive en petits lingots pesant une livre, et qui, à cause de leur forme, ont été appelés petits chapeaux ou écritoires.

    L’étain qui se vend sous le nom de Banca se fait distinguer du précédent, et par la forme de ses lingots qui sont oblongs, et par leur poids qui est de quarante-cinq à cinquante livres, et même au-dessus. Du reste, ces lingots de Banca et de Malaca n’ont point l’éclat ordinaire à l’étain ; ils sont recouverts d’une sorte de rouille grise ou crasse, d’autant plus épaisse qu’ils ont séjourné plus longtemps dans le fond des vaisseaux, dont ils faisaient vraisemblablement le lest…

    Il nous est arrivé de l’étain pur d’Angleterre en petits morceaux ou échantillons pesant chacun entre quatre et cinq onces ; leur aspect annonce qu’ils ont été détachés d’une grosse masse à l’aide du ciseau et du marteau… Les côtés par où ils ont été coupés ont conservé l’éclat métallique, tandis que le côté ou la superficie externe est mamelonnée et couverte d’une pellicule dorée, qui offre assez fréquemment les différentes couleurs de la gorge de pigeon…

    Nous avons trouvé chez un marchand de l’étain pur, qu’il nous assura venir d’Angleterre, et qui en effet ne différait en rien pour la qualité de celui dont nous venons de parler ; cependant il avait la forme de petits chapeaux qui pesaient chacun deux livres… Mais nous savons que les marchands sont dans l’habitude de réduire les gros lingots en petits, pour se faciliter le détail de l’étain. Tels sont les étains qui passent dans le commerce pour être les plus purs ou, ce qui est la même chose, pour n’avoir reçu artificiellement aucun alliage. Recherches chimiques sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 22 et suiv.

  55. La seconde classe de l’étain que nous examinons comprend celui que nous tirons en très grande quantité de l’Angleterre, d’où on nous l’envoie en lingots d’environ trois cents livres ; nous les appelons gros saumons. Cet étain est d’un grand usage parmi nous, et il se débite aux différents ouvriers en petites baguettes triangulaires de neuf à dix lignes de pourtour, et d’environ un pied et demi de long… Il n’est pas pur, et, selon M. Geoffroy, il a reçu en Angleterre même l’alliage prescrit par la loi du pays. Idem, p. 27.
  56. À l’égard de la troisième classe, elle renferme, comme nous l’avons dit, tous les étains ouvragés, et vendus par les potiers d’étain sous toutes sortes de formes. Le premier en rang est celui qu’ils vendent sous la marque d’étain fin ; le second sous celle d’étain commun, et le troisième sous le nom de claire étoffe ou simplement de claires. Idem, p. 28.
  57. Recherches sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 29 et 30.
Notes de l’éditeur
  1. C’est-à-dire à l’état d’oxyde.