Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/De l’or

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DE L’OR


Autant nous avons vu le fer subir de transformations et prendre d’états différents, soit par les causes naturelles, soit par les effets de notre art ; autant l’or nous paraîtra fixe, immuable et constamment le même, sous notre main comme sous celle de la nature : c’est de toutes les matières du globe la plus pesante, la plus inaltérable, la plus tenace, la plus extensible, et c’est par la réunion de ces caractères prééminents que, dans tous les temps, l’or a été regardé comme le métal le plus parfait et le plus précieux ; il est devenu le signe universel et constant de la valeur de toute autre matière, par un consentement unanime et tacite de tous les peuples policés. Comme il peut se diviser à l’infini sans rien perdre de son essence, et même sans subir la moindre altération, il se trouve disséminé sur la surface entière du globe, mais en molécules si ténues que sa présence n’est pas sensible. Toute la couche de la terre qui recouvre le globe en contient, mais c’est en si petite quantité qu’on ne l’aperçoit pas et qu’on ne peut le recueillir ; il est plus apparent, quoique encore en très petite quantité, dans les sables entraînés par les eaux et détachés de la masse des rochers qui le recèlent ; on le voit quelquefois briller dans ces sables dont il est aisé de le séparer par des lotions réitérées : ces paillettes charriées par les eaux, ainsi que toutes les autres particules de l’or qui sont disséminées sur la terre, proviennent également des mines primordiales de ce métal. Ces mines gisent dans les fentes du quartz où elles se sont établies peu de temps après la consolidation du globe ; souvent l’or y est mêlé avec d’autres métaux sans en être altéré ; presque toujours il est allié d’argent, et néanmoins il conserve sa nature dans le mélange, tandis que les autres métaux, corrompus et minéralisés, ont perdu leur première forme avant de voir le jour, et ne peuvent ensuite la reprendre que par le travail de nos mains : l’or, au contraire, vrai métal de nature, a été formé tel qu’il est ; il a été fondu ou sublimé par l’action du feu primitif, et s’est établi sous la forme qu’il conserve encore aujourd’hui ; il n’a subi d’autre altération que celle d’une division presque infinie ; car il ne se présente nulle part sous une forme minéralisée ; on peut même dire que, pour minéraliser l’or, il faudrait un concours de circonstances qui ne se trouvent peut-être pas dans la nature, et qui lui feraient perdre ses qualités les plus essentielles ; car il ne pourrait prendre cette forme minéralisée qu’en passant auparavant par l’état de précipité, ce qui suppose précédemment sa dissolution par la réunion des acides nitreux et marin ; et ces précipités de l’or ne conservent pas les grandes propriétés de ce métal ; ils ne sont plus inaltérables et ils peuvent être dissous par les acides simples ; ce n’est donc que sous cette forme de précipité que l’or pourrait être minéralisé ; et, comme il faut la réunion de l’acide nitreux et de l’acide marin pour en faire la dissolution[NdÉ 1], et ensuite un alcali ou une matière métallique pour opérer le précipité, ce serait par le plus grand des hasards que ces combinaisons se trouveraient réunies dans le sein de la terre, et que ce métal pourrait être dans un état de minéralisation naturelle.

L’or ne s’est établi sur le globe que quelque temps après sa consolidation, et même après l’établissement du fer, parce qu’il ne peut pas supporter un aussi grand degré de feu, sans se sublimer ou se fondre : aussi ne s’est-il point incorporé dans la matière vitreuse ; il a seulement rempli les fentes du quartz, qui toujours lui sert de gangue ; l’or s’y trouve dans son état de nature, et sans autre caractère que celui d’un métal fondu ; ensuite il s’est sublimé par la continuité de cette première chaleur du globe, et il s’est répandu sur la superficie de la terre en atomes impalpables et presque imperceptibles.

Les premiers dépôts ou mines primitives de cette matière précieuse ont donc dû perdre de leur masse et diminuer de quantité, tant que le globe a conservé assez de chaleur pour en opérer la sublimation ; et cette perte continuelle, pendant les premiers siècles de la grande chaleur du globe, a peut-être contribué plus qu’aucune autre cause à la rareté de ce métal et à sa dissémination universelle en atomes infiniment petits : je dis universelle, parce qu’il y a peu de matières à la surface de la terre qui n’en contiennent une petite quantité ; les chimistes en ont trouvé dans la terre végétale, et dans toutes les autres terres qu’ils ont mises à l’épreuve[1].

Au reste, ce métal, le plus dense de tous, est en même temps celui que la nature a produit en plus petite quantité : tout ce qui est extrême est rare, par la raison même qu’il est extrême ; l’or pour la densité, le diamant pour la dureté, le mercure pour la volatilité, étant extrêmes en qualité, sont rares en quantité. Mais, pour ne parler ici que de l’or, nous observerons d’abord que, quoique la nature paraisse nous le présenter sous différentes formes, toutes néanmoins ne diffèrent les unes des autres que par la quantité et jamais par la qualité, parce que ni le feu, ni l’eau, ni l’air, ni même tous ces éléments combinés, n’altèrent pas son essence, et que les acides simples qui détruisent les autres métaux ne peuvent l’entamer[2].

En général, on trouve l’or dans quatre états différents, tous relatifs à sa seule divisibilité, savoir, en poudre, en paillettes, en grains et en filets séparés ou conglomérés. Les mines primordiales de ce métal sont dans les hautes montagnes, et forment des filons dans le quartz jusqu’à d’assez grandes profondeurs ; elles se sont établies dans les fentes perpendiculaires de cette roche quartzeuse, et l’or y est toujours allié d’une plus ou moins grande quantité d’argent ; ces deux métaux y sont simplement mélangés et font masse commune ; ils sont ordinairement incrustés en filets ou en lames dans la pierre vitreuse, et quelquefois ils s’y trouvent en masses et en faisceaux conglomérés : c’est à quelque distance de ces mines primordiales que se trouve l’or en petites masses, en grains, en pépites, etc., et c’est dans les ravines des montagnes qui en recèlent les mines, qu’on le recueille en plus grande quantité. On le trouve aussi en paillettes et en poudre dans les sables que roulent les torrents et les rivières qui descendent de ces mêmes montagnes, et souvent cette poudre d’or est dispersée et disséminée sur les bords de ces ruisseaux et dans les terres adjacentes[3] ; mais soit en poudre, en paillettes, en grains, en filets ou en masses, l’or de chaque lieu est toujours de la même essence, et ne diffère que par le degré de pureté ; plus il est divisé, plus il est pur, en sorte que, s’il est à 20 carats dans sa mine en montagne, les poudres et les paillettes qui en proviennent sont souvent à 22 et 23 carats, parce qu’en se divisant, ce métal s’est épuré et purgé d’une partie de son alliage naturel : au reste, ces paillettes et ces grains qui ne sont que des débris des mines primordiales, et qui ont subi tant de mouvements, de chocs et de rencontres d’autres matières, n’en ont rien souffert qu’une plus grande division ; elles ne sont jamais intérieurement altérées, quoique souvent recouvertes à l’extérieur de matières étrangères.

L’or le plus fin, c’est-à-dire le plus épuré par notre art, est, comme l’on sait, à 24 carats ; mais l’on n’a jamais trouvé d’or à ce titre dans le sein de la terre, et dans plusieurs mines il n’est qu’à 22, et même à 16 et 11 carats, en sorte qu’il contient souvent un quart, et même un tiers de mélange ; et cette matière étrangère qui se trouve originairement alliée avec l’or est une portion d’argent, lequel, quoique beaucoup moins dense, et par conséquent moins divisible que l’or, se réduit néanmoins en molécules très ténues : l’argent est, comme l’or, inaltérable, inaccessible aux efforts des éléments humides, dont l’action détruit tous les autres métaux ; et c’est par cette prérogative de l’or et de l’argent qu’on les a toujours regardés comme des métaux parfaits, et que le cuivre, le plomb, l’étain et le fer, qui sont tous sujets à plus ou moins d’altération par l’impression des agents extérieurs, sont des métaux imparfaits en comparaison des deux premiers. L’or se trouve donc allié d’argent, même dans sa mine la plus riche et sur sa gangue quartzeuse ; ces deux métaux presque aussi parfaits, aussi purs l’un que l’autre, n’en sont que plus intimement unis ; le haut ou bas aloi de l’or natif dépend donc principalement de la petite ou grande quantité d’argent qu’il contient : ce n’est pas que l’or ne soit aussi quelquefois mêlé de cuivre et d’autres substances métalliques[4] ; mais ces mélanges ne sont pour ainsi dire qu’extérieurs, et, à l’exception de l’argent, l’or n’est point allié, mais seulement contenu et disséminé dans toutes les autres matières métalliques ou terreuses.

On serait porté à croire, vu l’affinité apparente de l’or avec le mercure et leur forte attraction mutuelle, qu’ils devraient se trouver assez souvent amalgamés ensemble ; cependant rien n’est plus rare, et à peine y a-t-il un exemple d’une mine où l’on ait trouvé l’or pénétré de ce minéral fluide : il me semble qu’on peut en donner la raison d’après ma théorie ; car, quelque affinité qu’il y ait entre l’or et le mercure, il est certain que la fixité de l’un et la grande volatilité de l’autre ne leur ont guère permis de s’établir en même temps ni dans les mêmes lieux, et que ce n’est que par des hasards postérieurs à leur établissement primitif, et par des circonstances très particulières, qu’ils ont pu se trouver mélangés.

L’or répandu dans les sables, soit en poudre, en paillettes ou en grains plus ou moins gros, et qui provient du débris des mines primitives, loin d’avoir rien perdu de son essence, a donc encore acquis de la pureté ; les sels acides, alcalins et arsenicaux, qui rongent toutes les substances métalliques, ne peuvent entamer celle de l’or : ainsi dès que les eaux ont commencé de détacher et d’entraîner les minerais des différents métaux, tous auront été altérés, dissous, détruits par l’action de ces sels ; l’or seul a conservé son essence intacte, et il a même défendu celle de l’argent, lorsqu’il s’y est trouvé mêlé en suffisante quantité.

L’argent, quoique aussi parfait que l’or à plusieurs égards, ne se trouve pas aussi communément en poudre ou en paillettes, dans les sables et les terres : d’où peut provenir cette différence à laquelle il me semble qu’on n’a pas fait assez d’attention ? pourquoi les terrains au pied des montagnes à mines sont-ils semés de poudre d’or ? pourquoi les torrents qui s’en écoulent roulent-ils des paillettes et des grains de ce métal, et que l’on trouve si peu de poudre, de paillettes ou de grains d’argent dans ces mêmes sables, quoi que les mines d’où découlent ces eaux contiennent souvent beaucoup plus d’argent que d’or ? n’est-ce pas une preuve que l’argent a été détruit avant de pouvoir se réduire en paillettes, et que les sels de l’air, de la terre et des eaux l’ont saisi, dissous dès qu’il s’est trouvé réduit en petites parcelles, au lieu que ces mêmes sels ne pouvant attaquer l’or, sa substance est demeurée intacte lors même qu’il s’est réduit en poudre ou en atomes impalpables ?

En considérant les propriétés générales et particulières de l’or, on a d’abord vu qu’il était le plus pesant, et par conséquent le plus dense des métaux[5] qui sont eux-mêmes les substances les plus pesantes de toutes les matières terrestres ; rien ne peut altérer ou changer dans l’or cette qualité prééminente : on peut dire qu’en général la densité constitue l’essence réelle de toute matière brute, et que cette première propriété fixe en même temps nos idées sur la proportion de la quantité de l’espace à celle de la matière sous un volume donné. L’or est le terme extrême de cette proportion, toute autre substance occupant plus d’espace ; il est donc la matière par excellence, c’est-à-dire la substance qui de toutes est la plus matière, et néanmoins, ce corps si dense et si compact, cette matière dont les parties sont si rapprochées, si serrées, contient peut-être encore plus de vide que de plein, et par conséquent nous démontre qu’il n’y point de matière sans pores, que le contact des atomes matériels n’est jamais absolu ni complet, qu’enfin il n’existe aucune substance qui soit pleinement matérielle, et dans laquelle le vide ou l’espace ne soit interposé, et n’occupe autant et plus de place que la matière même.

Mais, dans toute matière solide, ces atomes matériels sont assez voisins pour se trouver dans la sphère de leur attraction mutuelle, et c’est en quoi consiste la ténacité de toute matière solide ; les atomes de même nature sont ceux qui se réunissent de plus près : ainsi la ténacité dépend en partie de l’homogénéité. Cette vérité peut se démontrer par l’expérience ; car tout alliage diminue ou détruit la ténacité des métaux : celle de l’or est si forte qu’un fil de ce métal, d’un dixième de ligne de diamètre, peut porter avant de se rompre, cinq cents livres de poids ; aucune autre matière métallique ou terreuse ne peut en supporter autant.

La divisibilité et la ductilité ne sont que des qualités secondaires, qui dépendent en partie de la densité et en partie de la ténacité, ou de la liaison des parties constituantes. L’or qui, sous un même volume, contient plus du double de matière que le cuivre, sera par cela seul une fois plus divisible ; et, comme les parties intégrantes de l’or sont plus voisines les unes des autres que dans toute autre substance, sa ductilité est aussi la plus grande, et surpasse celle des autres métaux[6] dans une proportion bien plus grande que celle de la densité ou de la ténacité, parce que la ductilité, qui est le produit de ces deux causes, n’est pas en rapport simple à l’une ou à l’autre de ces qualités, mais en raison composée des deux : la ductilité sera donc relative à la densité multipliée par la ténacité, et c’est ce qui dans l’or rend cette ductilité encore plus grande, à proportion, que dans tout autre métal.

Cependant la forte ténacité de l’or, et sa ductilité encore plus grande, ne sont pas des propriétés aussi essentielles que sa densité : elles en dérivent et ont leur plein effet, tant que rien n’intercepte la liaison des parties constituantes, tant que l’homogénéité subsiste, et qu’aucune force ou matière étrangère ne change la position de ces mêmes parties ; mais ces deux qualités, qu’on croirait essentielles à l’or, se perdent dès que sa substance subit quelque dérangement dans son intérieur ; un grain d’arsenic ou d’étain, jeté sur un marc d’or en fonte ou même leur vapeur, suffit pour altérer toute cette quantité d’or, et le rend aussi fragile qu’il était auparavant tenace et ductile : quelques chimistes ont prétendu qu’il perd de même sa ductilité par les matières inflammables, par exemple, lorsque étant en fusion, il est immédiatement exposé à la vapeur du charbon[7] ; mais je ne crois pas que cette opinion soit fondée.

L’or perd aussi sa ductilité par la percussion ; il s’écrouit, devient cassant, sans addition ni mélange d’aucune matière ni vapeur, mais par le seul dérangement de ses parties intégrantes : ainsi ce métal, qui de tous est le plus ductile, n’en perd pas moins aisément sa ductilité, ce qui prouve que ce n’est point une propriété essentielle et constante à la matière métallique, mais seulement une qualité relative aux différents états où elle se trouve, puisqu’on peut lui ôter par l’écrouissement, et lui rendre par le recuit au feu, cette qualité ductile alternativement, et autant de fois qu’on le juge à propos. Au reste, M. Brisson, de l’Académie des sciences, a reconnu par des expériences très bien faites qu’en même temps que l’écrouissement diminue la ductilité des métaux, il augmente leur densité, qu’ils deviennent par conséquent d’une plus grande pesanteur spécifique, et que cet excédent de densité s’évanouit par le recuit[8].

La fixité au feu, qu’on regarde encore comme une des propriétés essentielles de l’or, n’est pas aussi absolue, ni même aussi grande qu’on le croit vulgairement, d’après les expériences de Boyle et de Kunckel ; ils ont, disent-ils, tenu pendant quelques semaines de l’or en fusion, sans aucune perte sur son poids ; cependant je suis assuré, par des expériences faites dès l’année 1747[9] à mon miroir de réflexion, que l’or fume et se sublime en vapeurs, même avant de se fondre ; on sait d’ailleurs qu’au moment où ce métal devient rouge, et qu’il est sur le point d’entrer en fusion, il s’élève à sa surface une petite flamme d’un vert léger, et M. Macquer, notre savant professeur de chimie, a suivi les progrès de l’or en fonte au foyer d’un miroir réfringent, et a reconnu de même qu’il continuait de fumer et de s’exhaler en vapeur ; il a démontré que cette vapeur était métallique, qu’elle saisissait et dorait l’argent ou les autres matières qu’on tenait au-dessus de cet or fumant[10]. Il n’est donc pas douteux que l’or ne se sublime en vapeurs métalliques, non seulement après, mais même avant sa fonte au foyer des miroirs ardents ; ainsi ce n’est pas la très grande violence de ce feu du soleil qui produit cet effet, puisque la sublimation s’opère à un degré de chaleur assez médiocre et avant que ce métal entre en fusion : dès lors, si les expériences de Boyle et de Kunckel sont exactes, l’on sera forcé de convenir que l’effet de notre feu sur l’or n’est pas le même que celui du feu solaire, et que, s’il ne perd rien au premier, il peut perdre beaucoup, et peut-être tout au second ; mais je ne puis m’empêcher de douter de la réalité de cette différence d’effets du feu solaire et de nos feux, et je présume que ces expériences de Boyle et de Kunckel n’ont pas été suivies avec assez de précision pour en conclure que l’or est absolument fixe au feu de nos fourneaux.

L’opacité est encore une de ces qualités qu’on donne à l’or par excellence au-dessus de toute autre matière ; elle dépend, dit-on, de la grande densité de ce métal ; la feuille d’or la plus mince ne laisse passer de la lumière que par les gerçures accidentelles qui s’y trouvent[11] ; si cela était, les matières les plus denses seraient toujours les plus opaques ; mais souvent on observe le contraire, et l’on connaît des matières très légères qui sont entièrement opaques, et des matières pesantes qui sont transparentes ; d’ailleurs, les feuilles de l’or battu laissent non seulement passer de la lumière par leurs gerçures accidentelles, mais à travers leurs pores ; et Boyle a, ce me semble, observé le premier que cette lumière qui traverse l’or est bleue ; or les rayons bleus sont les plus petits atomes de la lumière solaire ; ceux des rayons rouges et jaunes sont les plus gros, et c’est peut-être par cette raison que les bleus peuvent passer à travers l’or réduit en feuilles, tandis que les autres, qui sont plus gros, ne sont point admis ou sont tous réfléchis ; et cette lumière bleue étant uniformément apparente sur toute l’étendue de la feuille, on ne peut douter qu’elle n’ait passé par ses pores, et non par les gerçures. Ceci n’a rapport qu’à l’effet ; mais, pour la cause, si l’opacité, qui est le contraire de la transparence, ne dépendait que de la densité, l’or serait certainement le corps le plus opaque, comme l’air est le plus transparent : mais combien n’y a-t-il pas d’exemples du contraire ! Le cristal de roche, si transparent, n’est-il pas plus dense que la plupart des terres ou pierres opaques ? Et, si l’on attribue la transparence à l’homogénéité, l’or, dont les parties paraissent être homogènes, ne devrait-il pas être très transparent ? Il me semble donc que l’opacité ne dépend ni de la densité de la matière, ni de l’homogénéité de ses parties, et que la première cause de la transparence est la disposition régulière des parties constituantes et des pores ; que, quand ces mêmes parties se trouvent disposées en formes régulières et posées de manière à laisser entre elles des vides situés dans la même direction, alors la matière doit être transparente ; et qu’elle est au contraire nécessairement opaque dès que les pores ne sont pas situés dans des directions correspondantes.

Et cette disposition qui fait la transparence s’oppose à la ténacité : aussi les corps transparents sont en général plus friables que les corps opaques ; et l’or, dont les parties sont fort homogènes et la ténacité très grande, n’a pas ses parties ainsi disposées ; on voit en le rompant qu’elles sont pour ainsi dire engrenées les unes dans les autres ; elles présentent au microscope de petits angles prismatiques, saillants et rentrants ; c’est donc de cette disposition de ses parties constituantes que l’or tient sa grande opacité, qui, du reste, ne paraît en effet si grande que parce que sa densité permet d’étendre en une surface immense une très petite masse, et que la feuille d’or, quelque mince qu’elle soit, est toujours plus dense que toute autre matière. Cependant, cette disposition des vides ou pores dans les corps n’est pas la seule cause qui puisse produire la transparence : le corps transparent n’est, dans ce premier cas, qu’un crible par lequel peut passer la lumière ; mais, lorsque les vides sont trop petits, la lumière est quelquefois repoussée au lieu d’être admise ; il faut qu’il y ait attraction entre les parties de la matière et les atomes de la lumière pour qu’ils la pénètrent ; car l’on ne doit pas considérer ici les pores comme des gerçures ou des trous, mais comme des interstices, d’autant plus petits et plus serrés que la matière est plus dense ; or, si les rayons de lumière n’ont point d’affinité avec le corps sur lequel ils tombent, ils seront réfléchis et ne le pénétreront pas ; l’huile dont on humecte le papier pour le rendre transparent en remplit et bouche en même temps les pores ; elle ne produit donc la transparence que parce qu’elle donne au papier plus d’affinité qu’il n’en avait avec la lumière, et l’on pourrait démontrer, par plusieurs autres exemples, l’effet de cette attraction de transmission de la lumière ou des autres fluides dans les corps solides ; et peut-être l’or, dont la feuille mince laisse passer les rayons bleus de la lumière, à l’exclusion tous les autres rayons, a-t-il plus d’affinité avec ces rayons bleus, qui dès lors sont admis, tandis que les autres sont tous repoussés !

Toutes les restrictions que nous venons de faire sur la fixité, la ductilité et l’opacité de l’or, qu’on a regardées comme des propriétés trop absolues, n’empêchent pas qu’il n’ait au plus haut degré toutes les qualités qui caractérisent la noble substance du plus parfait métal ; car il faut encore ajouter à sa prééminence en densité et en ténacité, celle d’une essence indestructible et d’une durée presque éternelle : il est inaltérable, ou du moins plus durable, plus impassible qu’aucune autre substance ; il oppose une résistance invincible à l’action des éléments humides, à celle du soufre et des acides les plus puissants, et des sels les plus corrosifs ; néanmoins, nous avons trouvé par notre art non seulement les moyens de le dissoudre, mais encore ceux de le dépouiller de la plupart de ses qualités, et si la nature n’en a pas fait autant, c’est que la main de l’homme, conduite par l’esprit, a souvent plus fait qu’elle : et, sans sortir de notre sujet, nous verrons que l’or dissous, l’or précipité, l’or fulminant, etc., ne se trouvant pas dans la nature, ce sont autant de combinaisons nouvelles toutes résultantes de notre intelligence. Ce n’est pas qu’il soit physiquement impossible qu’il y ait dans le sein de la terre de l’or dissous, précipité et minéralisé, puisque nous pouvons le dissoudre et le précipiter de sa dissolution, et puisque dans cet état de précipité il peut être saisi par les acides simples comme les autres métaux et se montrer par conséquent sous une forme minéralisée ; mais, comme cette dissolution suppose la réunion de deux acides, et que ce précipité ne peut s’opérer que par une troisième combinaison, il n’est pas étonnant qu’on ne trouve que peu ou point d’or minéralisé dans le sein de la terre[12], tandis que tous les autres métaux se présentent presque toujours sous cette forme, qu’ils reçoivent d’autant plus aisément qu’ils sont plus susceptibles d’être attaqués par les sels de la terre et par les impressions des éléments humides.

On n’a jamais trouvé de précipités d’or, ni d’or fulminant dans le sein de la terre ; la raison en deviendra sensible si l’on considère en particulier chacune des combinaisons nécessaires pour produire ces précipités : d’abord on ne peut dissoudre l’or que par deux puissances réunies et combinées, l’acide nitreux avec l’acide marin, ou le soufre avec l’alcali ; et la réunion de ces deux substances actives doit être très rare dans la nature, puisque les acides et les alcalis, tels que nous les employons, sont eux-mêmes des produits de notre art, et que le soufre natif n’est aussi qu’un produit des volcans. Ces raisons sont les mêmes, et encore plus fortes pour les précipités d’or ; car il faut une troisième combinaison pour le tirer de sa dissolution, au moyen du mélange de quelque autre matière avec laquelle le dissolvant ait plus d’affinité qu’avec l’or ; et ensuite, pour que ce précipité puisse acquérir la propriété fulminante, il faut encore choisir une matière entre toutes les autres qui peuvent également précipiter l’or de sa dissolution : cette matière est l’alcali volatil, sans lequel il ne peut devenir fulminant ; cet alcali volatil est le seul intermède qui dégage subitement l’air et cause la fulmination ; car, s’il n’est point entré d’alcali volatil dans la dissolution de l’or, et qu’on le précipite avec l’alcali fixe ou toute autre matière, il ne sera pas fulminant : enfin, il faut encore lui communiquer une assez forte chaleur pour qu’il exerce cette action fulminante ; or toutes ces conditions réunies ne peuvent se rencontrer dans le sein de la terre, et dès lors il est sûr qu’on n’y trouvera jamais de l’or fulminant. On sait que l’explosion de cet or fulminant est beaucoup plus violente que celle de la poudre à canon, et qu’elle pourrait produire des effets encore plus terribles, et même s’exercer d’une manière plus insidieuse, parce qu’il ne faut ni feu, ni même une étincelle, et que la chaleur seule, produite par un frottement assez léger, suffit pour causer une explosion subite et foudroyante.

On a, ce me semble, vainement tenté l’explication de ce phénomène prodigieux ; cependant, en faisant attention à toutes les circonstances et en comparant leurs rapports, il me semble qu’on peut au moins en tirer des raisons satisfaisantes et très plausibles sur la cause de cet effet : si, dans l’eau régale, dont on se sert pour la dissolution de l’or, il n’est point entré d’alcali volatil, soit sous sa forme propre, soit sous celle du sel ammoniac, de quelque manière et avec quelque intermède qu’on précipite ce métal, il ne sera ni ne deviendra fulminant, à moins qu’on ne se serve de l’alcali volatil pour cette précipitation ; lorsqu’au contraire, la dissolution sera faite avec le sel ammoniac, qui toujours contient de l’alcali volatil, de quelque manière et avec quelque intermède que l’on fasse la précipitation, l’or deviendra toujours fulminant ; il est donc assez clair que cette qualité fulminante ne lui vient que de l’action ou du mélange de l’alcali volatil, et l’on ne doit pas être incertain sur ce point, puisque ce précipité fulminant pèse un quart de plus que l’or dont il est le produit ; dès lors, ce quart en sus de matière étrangère, qui s’est alliée avec l’or dans ce précipité, n’est autre chose, du moins en grande partie, que de l’alcali volatil ; mais cet alcali contient, indépendamment de son sel, une grande quantité d’air inflammable, c’est-à-dire d’air élastique mêlé de feu ; dès lors, il n’est pas surprenant que ce feu ou cet air inflammable, contenu dans l’alcali volatil, qui se trouve pour un quart incorporé avec l’or, ne s’enflamme en effet par la chaleur, et ne produise une explosion d’autant plus violente, que les molécules de l’or dans lesquelles il est engagé sont plus massives et plus résistantes à l’action de cet élément incoercible, et dont les effets sont d’autant plus violents que les résistances sont plus grandes. C’est par cette même raison de l’air inflammable contenu dans l’or fulminant que cette qualité fulminante est détruite par le soufre mêlé avec ce précipité ; car le soufre qui n’est que la matière du feu, fixée par l’acide, a la plus grande affinité avec cette même matière du feu contenue dans l’alcali volatil ; il doit donc lui enlever ce feu, et dès lors, la cause de l’explosion est ou diminuée, ou même anéantie par ce mélange du soufre avec l’or fulminant.

Au reste, l’or fulmine avant d’être chauffé jusqu’au rouge, dans les vaisseaux clos comme en plein air ; mais, quoique cette chaleur nécessaire pour produire la fulmination ne soit pas très grande, il est certain qu’il n’y a nulle part, dans le sein de la terre, un tel degré de chaleur, à l’exception des lieux voisins des feux souterrains, et que par conséquent, il ne peut se trouver d’or fulminant que dans les volcans dont il est possible qu’il ait quelquefois augmenté les terribles effets ; mais, par son explosion même, cet or fulminant se trouve tout à coup anéanti, ou du moins perdu et dispersé en atomes infiniment petits[13]. Il n’est donc pas étonnant qu’on n’ait jamais trouvé d’or fulminant dans la nature, puisque d’une part le feu ou la chaleur le détruit en le faisant fulminer, et que d’autre part, il ne pourrait exercer cette action fulminante dans l’intérieur de la terre, au degré de sa température actuelle. Au reste, on ne doit pas oublier qu’en général les précipités d’or, lorsqu’ils sont réduits, sont à la vérité toujours de l’or ; mais que, dans leur état de précipité et avant la réduction, ils ne sont pas, comme l’or même, inaltérables, indestructibles, etc. ; leur essence n’est donc plus la même que celle de l’or de nature ; tous les acides minéraux ou végétaux[14], et même les simples acerbes, tels que la noix de galle[15], agissent sur ces précipités et peuvent les dissoudre, tandis que l’or en métal n’en éprouve aucune altération : les précipités de l’or ressemblent donc à cet égard aux métaux imparfaits, et peuvent par conséquent être altérés de même et minéralisés ; mais nous venons de prouver que les combinaisons nécessaires pour faire des précipités d’or n’ont guère pu se trouver dans la nature, et c’est sans doute par cette raison qu’il n’existe réellement que peu ou point d’or minéralisé dans le sein de la terre ; et s’il en existait, cet or minéralisé serait en effet très différent de l’autre ; on pourrait le dissoudre avec tous les acides, puisqu’ils dissolvent les précipités dont se serait formé cet or minéralisé.

Il ne faut qu’une petite quantité d’acide marin, mêlé à l’acide nitreux, pour dissoudre l’or ; mais la meilleure proportion est de quatre parties d’acide nitreux et une partie de sel ammoniac. Cette dissolution est d’une belle couleur jaune, et, lorsque ces dissolvants sont pleinement saturés, elle devient claire et transparente ; dans tout état, elle teint en violet plus ou moins foncé toutes les substances animales : si on la fait évaporer, elle donne en se refroidissant des cristaux d’un beau jaune transparent ; et si l’on pousse plus loin l’évaporation au moyen de la chaleur, les cristaux disparaissent, et il ne reste qu’une poudre jaune et très fine qui n’a pas le brillant métallique.

Quoiqu’on puisse précipiter l’or dissous dans l’eau régale avec tous autres les métaux, avec les alcalis, les terres calcaires, etc., c’est l’alcali volatil qui, de toutes les matières connues, est la plus propre à cet effet ; il réduit l’or plus promptement que les alcalis fixes ou les métaux : ceux-ci changent la couleur du précipité ; par exemple, l’étain lui donne la belle couleur pourpre qu’on emploie sur nos porcelaines.

L’or pur a peu d’éclat, et sa couleur jaune est assez mate ; le mélange de l’argent le blanchit, celui du cuivre le rougit ; le fer lui communique sa couleur ; une partie d’acier fondue avec cinq parties d’or pur lui donne la couleur du fer poli : les bijoutiers se servent avec avantage de ces mélanges pour les ouvrages où ils ont besoin d’or de différentes couleurs. L’on connaît, en chimie[16], des procédés par lesquels on peut donner aux précipités de l’or les plus belles couleurs, propre, rouge, verte, etc. : ces couleurs sont fixes et peuvent s’employer dans les émaux ; le borax blanchit l’or plus que tout autre mélange, et le nitre lui rend la couleur jaune que le borax avait fait disparaître.

Quoique l’or soit le plus compacte et le plus tenace des métaux, il n’est néanmoins que peu élastique et peu sonore : il est très flexible et plus mou que l’argent, le cuivre et le fer, qui de tous est le plus dur ; il n’y a que le plomb et l’étain qui aient plus de mollesse que l’or, et qui soient moins élastiques ; mais, quelque flexible qu’il soit, on a beaucoup de peine à le rompre[NdÉ 2]. Les voyageurs disent que l’or de Malaca, qu’on croit venir de Madagascar, et qui est presque tout blanc, se fond aussi promptement que du plomb. On assure aussi qu’on trouve dans les sables de quelques rivières de ces contrées des grains d’or que l’on peut couper au couteau, et que même cet or est si mou qu’il peut recevoir aisément l’empreinte d’un cachet[17] ; il se fond à peu près comme du plomb, et l’on prétend que cet or est le plus pur de tous : ce qu’il y a de certain, c’est que plus ce métal est pur et moins il est dur ; il n’a dans cet état de pureté, ni odeur ni saveur sensible, même après avoir été fortement frotté ou chauffé. Malgré sa mollesse, il est cependant susceptible d’un assez grand degré de dureté par l’écrouissement, c’est-à-dire par la percussion souvent réitérée du marteau, ou par la compression successive et forcée de la filière ; il perd même alors une grande partie de sa ductilité et devient assez cassant. Tous les métaux acquièrent de même un excès de dureté par l’écrouissement ; mais on peut toujours détruire cet effet en les faisant recuire au feu, et l’or qui est le plus doux, le plus ductile de tous, ne laisse pas de perdre cette ductilité par une forte et longue percussion ; il devient non seulement plus dur, plus élastique, plus sonore, mais même il se gerce sur ses bords lorsqu’on lui fait subir une extension forcée sous les rouleaux du laminoir : néanmoins il perd par le recuit ce fort écrouissement plus aisément qu’aucun autre métal ; il ne faut pour cela que le chauffer, pas même jusqu’au rouge, au lieu que le cuivre et le fer doivent être pénétrés de feu pour perdre leur écrouissement.

Après avoir exposé les principales propriétés de l’or, nous devons indiquer aussi les moyens dont on se sert pour le séparer des autres métaux ou des matières hétérogènes avec lesquelles il se trouve souvent mêlé. Dans les travaux en grand, on ne se sert que du plomb, qui, par la fusion, sépare de l’or toutes ces matières étrangères en les scorifiant : on emploie aussi le mercure, qui, par amalgame, en fait pour ainsi dire l’extrait en s’y attachant de préférence. Dans les travaux chimiques, on fait plus souvent usage des acides. « Pour séparer l’or de toute autre matière métallique, on le traite, dit mon savant ami, M. de Morveau, soit avec des sels qui attaquent les métaux imparfaits à l’aide d’une chaleur violente, et qui s’approprient même l’argent qui pourrait lui être allié, tels que le vitriol, le nitre et le sel marin ; soit par le soufre ou par l’antimoine qui en contient abondamment ; soit enfin par la coupellation, qui consiste à mêler l’or avec le double de son poids environ de plomb, qui, en se vitrifiant, entraîne avec lui et scorifie tous les autres métaux imparfaits ; de sorte que le bouton de fin reste seul sur la coupelle, qui absorbe dans ses pores la litharge de plomb et les autres matières qu’elle a scorifiées[18]. » La coupellation laisse donc l’or encore allié d’argent : mais on peut les séparer par le moyen des acides, qui n’attaquent que l’un ou l’autre de ces métaux ; et comme l’or ne se laisse dissoudre par aucun acide simple, ni par le soufre, et que tous peuvent dissoudre l’argent, on a, comme l’on voit, plusieurs moyens pour faire la séparation ou le départ de ces deux métaux : on emploie ordinairement l’acide nitreux, il faut qu’il soit pur, mais non pas trop fort ou concentré ; c’est de tous les acides celui qui dissout l’argent avec plus d’énergie, et sans aide de la chaleur, ou tout au plus avec une petite chaleur pour commencer la dissolution.

En général, pour que toute dissolution s’opère, il faut non seulement qu’il y ait une grande affinité entre le dissolvant et la matière à dissoudre, mais encore que l’une de ces deux matières soit fluide pour pouvoir pénétrer l’autre, en remplir tous les pores et détruire par la force d’affinité celle de la cohérence des parties de la matière solide. Le mercure, par sa fluidité et par sa très grande affinité avec l’or, doit être regardé comme l’un de ses dissolvants, car il le pénètre et semble le diviser dans toutes ses parties ; cependant ce n’est qu’une union, une espèce d’alliage, et non pas une dissolution, et l’on a eu raison de donner à cet alliage le nom d’amalgame, parce que l’amalgame se détruit par la seule évaporation du mercure, et que d’ailleurs tous les vrais alliages ne peuvent se faire que par le feu, tandis que l’amalgame peut se faire à froid, et qu’il ne produit qu’une union particulière, qui est moins intime que celle des alliages naturels ou faits par la fusion ; et, en effet, cet amalgame ne prend jamais d’autre solidité que celle d’une pâte assez molle, toujours participant de la fluidité du mercure, avec quelque métal qu’on puisse l’unir ou le mêler. Cependant l’amalgame se fait encore mieux à chaud qu’à froid ; le mercure, quoique du nombre des liquides, n’a pas la propriété de mouiller les matières terreuses, ni même les chaux métalliques, il ne contracte d’union qu’avec les métaux, qui sont sous leur forme de métal : une assez petite quantité de mercure suffit pour les rendre friables, en sorte qu’on peut dans cet état les réduire en poudre par une simple trituration, et avec une plus grande quantité de mercure on en fait une pâte, mais qui n’a ni cohérence ni ductilité ; c’est de cette manière très simple qu’on peut amalgamer l’or, qui, de tous les métaux, a la plus grande affinité avec le mercure ; elle est si puissante qu’on la prendrait pour une espèce de magnétisme ; l’or blanchit dès qu’il est touché par le mercure, pour peu qu’il en reçoive les émanations ; mais dans les métaux qui ne s’unissent avec lui que difficilement, il faut pour le succès de l’amalgame employer le secours du feu, en réduisant d’abord le métal en poudre très fine et faisant ensuite chauffer le mercure à peu près au point où il commence à se volatiliser ; on fait en même temps et séparément rougir la poudre du métal, et tout de suite on la triture avec le mercure chaud ; c’est de cette manière qu’on l’amalgame avec le cuivre ; mais l’on ne connaît aucun moyen de lui faire contracter union avec le fer.

Le vrai dissolvant de l’or est, comme nous l’avons dit, l’eau régale composée de deux acides, le nitreux et le marin ; et comme s’il fallait toujours deux puissances réunies pour dompter ce métal, on peut encore le dissoudre par le foie de soufre, qui est un composé de soufre et d’alcali fixe : cependant cette dernière dissolution a besoin d’être aidée et ne se fait que par le moyen du feu. On met l’or en poudre très fine ou en feuilles brisées dans un creuset avec du foie de soufre, on les fait fondre ensemble, et l’or disparaît dans le produit de cette fusion ; mais en laissant dissoudre dans l’eau ce même produit, l’or y reste en parfaite dissolution, et il est aisé de le tirer par précipitation.

Les alliages de l’or avec l’argent et le cuivre sont fort en usage pour les monnaies et pour les ouvrages d’orfévrerie ; on peut de même l’allier avec tous les autres métaux ; mais tout alliage lui fait perdre plus ou moins de sa ductilité[19], et la plus petite quantité d’étain ou même la seule vapeur de ce métal suffisent pour le rendre aigre et cassant : l’argent est celui de tous qui diminue le moins sa très grande ductilité.

L’or naturel et natif est presque toujours allié d’argent en plus ou moins grande proportion : cet alliage lui donne de la fermeté et pâlit sa couleur ; mais le mélange du cuivre l’exalte, le rend d’un jaune plus rouge, et donne à l’or un assez grand degré de dureté ; c’est par cette dernière raison que, quoique cet alliage du cuivre avec l’or en diminue la densité au delà des proportions du mélange, il est néanmoins fort en usage pour les monnaies qui ne doivent ni se plier, ni s’effacer, ni s’étendre, et qui auraient tous ces inconvénients si elles étaient fabriquées d’or pur.

Suivant M. Geller, l’alliage de l’or avec le plomb devient spécifiquement plus pesant, et il y a pénétration entre ces deux métaux, tandis que le contraire arrive dans l’alliage de l’or et de l’étain, dont la pesanteur spécifique est moindre : l’alliage de l’or avec le fer devient aussi spécifiquement plus léger ; il n’y a donc nulle pénétration entre ces deux métaux, mais une simple union de leurs parties, qui augmente le volume de la masse, au lieu de le diminuer comme le fait la pénétration. Cependant ces deux métaux, dont les parties constituantes ne paraissent pas se réunir d’assez près dans la fusion, ne laissent pas d’avoir ensemble une grande affinité, car l’or se trouve souvent, dans la nature, mêlé avec le fer, et de plus il facilite au feu la fusion de ce métal. Nos habiles artistes devraient donc mettre à profit cette propriété de l’or et le préférer au cuivre pour souder les petits ouvrages d’acier qui demandent le plus grand soin et la plus grande solidité ; et ce qui semble prouver encore la grande affinité de l’or avec le fer, c’est que quand ces deux métaux se trouvent alliés, on ne peut les séparer en entier par le moyen du plomb, et il en est de même de l’argent allié au fer ; on est obligé d’y ajouter du bismuth pour achever de les purifier[20].

L’alliage de l’or avec le zinc produit un composé dont la masse est spécifiquement plus pesante que la somme des pesanteurs spécifiques de ces deux matières composantes ; il y a donc pénétration dans le mélange de ce métal avec ce demi-métal, puisque le volume en devient plus petit ; on a observé la même chose dans l’alliage de l’or et du bismuth : au reste on a fait un nombre prodigieux d’essais du mélange de l’or avec toutes les autres matières métalliques, que je ne pourrais rapporter ici sans tomber dans une trop grande prolixité.

Les chimistes ont recherché avec soin les affinités de ce métal, tant avec les substances naturelles qu’avec celles qui ne sont que le produit de nos arts ; et il s’est trouvé que ces affinités étaient dans l’ordre suivant : 1o l’eau régale, 2o le foie de soufre, 3o le mercure, 4o l’éther, 5o l’argent, 6o le fer, 7o le plomb. L’or a aussi beaucoup d’affinité avec les substances huileuses, volatiles et atténuées, telles que les huiles essentielles des plantes aromatiques, l’esprit-de-vin, et surtout l’éther[21] : il en a aussi avec les bitumes liquides, tels que le naphte et le pétrole ; d’où l’on peut conclure qu’en général c’est avec les matières qui contiennent le plus de principes inflammables et volatils que l’or a le plus d’affinité, et dès lors on n’est pas en droit de regarder comme une chimère absurde l’idée que l’or rendu potable peut produire quelque effet dans les corps organisés, qui, de tous les êtres, sont ceux dont la substance contient la plus grande quantité de matière inflammable et volatile, et que par conséquent l’or extrêmement divisé puisse y produire de bons ou de mauvais effets, suivant les circonstances et les différents états où se trouvent ces mêmes corps organisés. Il me semble donc qu’on peut se tromper en prononçant affirmativement sur la nullité des effets de l’or pris intérieurement, comme remède, dans certaines maladies, parce que le médecin, ni personne, ne peut connaître tous les rapports que ce métal très atténué peut avoir avec le feu qui nous anime.

il en est de même de cette fameuse recherche appelée le grand œuvre, qu’on doit rejeter en bonne morale, mais qu’en saine physique l’on ne peut pas traiter d’impossible ; on fait bien de dégoûter ceux qui voudraient se livrer à ce travail pénible et ruineux, qui, même fût-il suivi du succès, ne serait utile en rien à la société ; mais pourquoi prononcer d’une manière décidée que la transmutation des métaux soit absolument impossible, puisque nous ne pouvons douter que toutes les matières terrestres, et même les éléments, ne soient tous convertibles ; qu’indépendamment de cette vue spéculative, nous connaissons plusieurs alliages dans lesquels la matière des métaux se pénètre et augmente de densité ? l’essence de l’or consiste dans la prééminence de cette qualité, et toute matière qui, par le mélange, obtiendrait le même degré de densité, ne serait-elle pas de l’or ? ces métaux mélangés, que l’alliage rend spécifiquement plus pesants par leur pénétration réciproque, ne semblent-ils pas nous indiquer qu’il doit y avoir d’autres combinaisons où cette pénétration étant encore plus intime, la densité deviendrait plus grande ?

On ne connaissait ci-devant rien de plus dense que le mercure après l’or, mais on a récemment découvert le platine ; ce minéral nous présente l’une de ces combinaisons où la densité se trouve prodigieusement augmentée, et plus que moyenne entre celle du mercure et celle de l’or ; mais nous n’avons aucun exemple qui puisse nous mettre en droit de prononcer qu’il y ait dans la nature des substances plus denses que l’or, ni des moyens d’en former par notre art ; notre plus grand chef-d’œuvre serait en effet d’augmenter la densité de la matière, au point de lui donner la pesanteur de ce métal ; peut-être ce chef-d’œuvre n’est-il pas impossible, et peut-être même y est-on parvenu ; car dans le grand nombre des faits exagérés ou faux, qui nous ont été transmis au sujet du grand œuvre, il y en a quelques-uns[22] dont il me paraît assez difficile de douter ; mais cela ne nous empêche pas de mépriser, et même de condamner tous ceux qui, par cupidité, se livrent à cette recherche, souvent même sans avoir les connaissances nécessaires pour se conduire dans leurs travaux ; car il faut avouer qu’on ne peut rien tirer des livres d’alchimie : ni la Table hermétique, ni la Tourbe des philosophes, ni Philalète et quelques autres que j’ai pris la peine de lire[23], et même d’étudier, ne m’ont présenté que des obscurités, des procédés inintelligibles où je n’ai rien aperçu, et dont je n’ai pu rien conclure, sinon que tous ces chercheurs de pierre philosophale ont regardé le mercure comme la base commune des métaux, et surtout de l’or et de l’argent. Beccher, avec sa terre mercurielle, ne s’éloigne pas beaucoup de cette opinion ; il prétend même avoir trouvé le moyen de fixer cette base commune des métaux ; mais, s’il est vrai que le mercure ne se fixe en effet que par un froid extrême, il n’y a guère d’apparence que le feu des fourneaux de tous ces chimistes ait produit le même effet ; cependant on aurait tort de nier absolument la possibilité de ce changement d’état dans le mercure, puisque, malgré la fluidité qui lui paraît être essentielle, il est dans le cinabre sous une forme solide, et que nous ne savons pas si sa substance ou sa vapeur, mêlée avec quelque autre matière que le soufre, ne prendrait pas une forme encore plus solide, plus concrète et plus dense. Le projet de la transmutation des métaux et celui de la fixation du mercure doivent donc être rejetés, non comme des idées chimériques ni des absurdités, mais comme des entreprises téméraires, dont le succès est plus que douteux : nous sommes encore si loin de connaître tous les effets des puissances de la nature, que nous ne devons pas les juger exclusivement par celles qui nous sont connues, d’autant que toutes les combinaisons possibles ne sont pas à beaucoup près épuisées, et qu’il nous reste sans doute plus de choses à découvrir que nous n’en connaissons.

En attendant que nous puissions pénétrer plus profondément dans le sein de cette nature inépuisable, bornons-nous à la contempler et à la décrire par les faces qu’elle nous présente : chaque sujet, même le plus simple, ne laisse pas d’offrir un si grand nombre de rapports que l’ensemble en est encore très difficile à saisir ; ce que nous avons dit jusqu’ici sur l’or n’est pas à beaucoup près tout ce qu’on pourrait en dire ; ne négligeons, s’il est possible, aucune observation, aucun fait remarquable sur ses mines, sur la manière de les travailler, et sur les lieux où on les trouve. L’or, dans ses mines primitives, est ordinairement en filets, en rameaux, en feuilles, et quelquefois cristallisé en très petits grains de forme octaèdre ; cette cristallisation, ainsi que toutes ces ramifications, n’ont pas été produites par l’intermède de l’eau, mais par l’action du feu primitif qui tenait encore ce métal en fusion ; il a pris toutes ces formes dans les fentes du quartz, quelque temps après sa consolidation : souvent ce quartz est blanc, et quelquefois il est teint d’un jaune couleur de corne, ce qui a fait dire à quelques minéralogistes[24] qu’on trouvait l’or dans la pierre de corne comme dans le quartz ; mais la vraie pierre de corne étant d’une formation postérieure à celle du quartz, l’or qui pourrait s’y trouver ne serait lui-même que de seconde formation. L’or primordial, fondu ou sublimé par le feu primitif, s’est logé dans les fentes que le quartz, déjà décrépité par les agents extérieurs, lui offrait de toutes parts, et communément il s’y trouve allié d’argent[25], parce qu’il ne faut qu’à peu près le même degré de chaleur pour fondre et sublimer ces deux métaux : ainsi l’or et l’argent ont occupé en même temps les fentes perpendiculaires de la roche quartzeuse, et ils y ont en commun formé les mines primordiales de ces métaux ; toutes les mines secondaires en ont successivement tiré leur origine quand les eaux sont venues dans la suite attaquer ces mines primitives, et en détacher les grains et les parcelles qu’elles ont entraînés et déposés dans le lit des rivières et dans les terres adjacentes ; et ces débris métalliques, rapprochés et rassemblés, ont quelquefois formé des agrégats, qu’on reconnaît être des ouvrages de l’eau, soit par leur structure, soit par leur position dans les terres et les sables.

Il n’y a donc point de mines dont l’or soit absolument pur, il est toujours allié d’argent ; mais cet alliage varie en différentes proportions, suivant les différentes mines[26], et dans la plupart, il y a beaucoup plus d’argent que d’or ; car, comme la quantité de l’argent s’est trouvée surpasser de beaucoup celle de l’or, les alliages naturels, résultant de leur mélange, sont presque tous composés d’une bien plus grande quantité d’argent que d’or.

Ce métal mixte de première formation est, comme nous l’avons dit, engagé dans un roc quartzeux auquel il est étroitement uni : pour l’en tirer, il faut donc commencer par broyer la pierre, en laver la poudre pour en séparer les parties moins pesantes que celles du métal, et achever cette séparation par le moyen du mercure, qui, s’amalgamant avec les particules métalliques, laisse à part le restant de la matière pierreuse ; on enlève ensuite le mercure en donnant à cette masse amalgamée un degré de chaleur suffisant pour le volatiliser, après quoi il ne reste plus que la portion métallique, composée d’or et d’argent[27] ; on sépare enfin ces deux métaux, autant qu’il est possible, par les opérations du départ, qui cependant ne laissent jamais l’or parfaitement pur[28], comme s’il était impossible à notre art de séparer en entier ce que la nature a réuni ; car, de quelque manière que l’on procède à cette séparation de l’or et de l’argent, qui, dans la nature, ne font le plus souvent qu’une masse commune, ils restent toujours mêlés d’une petite portion du métal qu’on tâche d’en séparer[29], de sorte que ni l’or ni l’argent ne sont jamais dans un état de pureté absolue.

Cette opération du départ, ou séparation de l’or et de l’argent, suppose d’abord que la masse d’alliage ait été purifiée par le plomb, et qu’elle ne contienne aucune autre matière métallique, sinon de l’or et de l’argent ; on peut y procéder de trois manières différentes, en se servant des substances qui, soit à chaud, soit à froid, n’attaquent pas l’or, et peuvent néanmoins dissoudre l’argent : 1o l’acide nitreux n’attaque pas l’or et dissout l’argent ; l’or reste donc seul après la dissolution de l’argent ; 2o l’acide marin a[30], comme l’acide nitreux, la vertu de dissoudre l’argent sans attaquer l’or, et par conséquent la puissance de les séparer ; mais le départ par l’acide nitreux est plus complet et bien plus facile ; il se fait par la voie humide et à l’aide d’une très petite chaleur ; au lieu que le départ par l’acide marin, qu’on appelle départ concentré, ne peut se faire que par une suite de procédés assez difficiles ; 3o le soufre a aussi la même propriété de dissoudre l’argent sans toucher à l’or, mais ce n’est qu’à l’aide de la fusion, c’est-à-dire d’une chaleur violente ; et, comme le soufre est très inflammable et qu’il se brûle et se volatilise en grande partie, en se mêlant au métal fondu, on préfère l’antimoine pour faire cette espèce de départ sec, parce que le soufre étant uni dans l’antimoine aux parties régulines de ce demi-métal, il résiste plus à l’action du feu, et pénètre le métal en fusion dans lequel il scorifie l’argent et laisse l’or au-dessous. De ces trois agents l’acide nitreux est celui qu’on doit préférer[31], la manipulation des deux autres étant plus difficile et la purification plus incomplète que par le premier.

On doit observer que, pour faire par l’acide nitreux le départ avec succès, il ne faut pas que la quantité d’or contenue dans l’argent soit de plus de deux cinquièmes ; car alors cet acide ne pourrait dissoudre les parties d’argent qui, dans ce cas, seraient défendues et trop couvertes par celles de l’or pour être attaquées et saisies ; s’il se trouve donc plus de deux cinquièmes d’or dans la masse dont on veut faire le départ, on est obligé de la faire fondre et d’y ajouter autant d’argent qu’il en faut pour qu’il n’y ait en effet que deux cinquièmes d’or dans cette nouvelle masse ; ainsi l’on s’assurera d’abord de cette proportion, et il me semble que cela serait facile par la balance hydrostatique, et que ce moyen serait bien plus sûr que la pierre de touche et les aiguilles alliées d’or et d’argent à différentes doses, dont se servent les essayeurs pour reconnaître cette quantité dans la masse de ces métaux alliés : on a donc eu raison de proscrire cette pratique dans les monnaies de France[32] ; car ce n’est qu’au vrai un tâtonnement dont il ne peut résulter qu’une estimation incertaine, tandis que, par la différente pesanteur spécifique de ces deux métaux, on aurait un résultat précis de la proportion de la quantité de chacun dans la masse alliée dont on veut faire le départ. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on s’est à peu près assuré de cette proportion, et que l’or n’y est que pour un quart ou au-dessous, on doit employer de l’eau-forte ou acide nitreux bien pur, c’est-à-dire exempt de tout autre acide, et surtout du vitriolique et du marin : on verse cette eau-forte sur le métal, réduit en grenailles ou en lames très minces ; il en faut un tiers de plus qu’il n’y a d’argent dans l’alliage ; on aide la dissolution par un peu de chaleur, et on la rend complète en renouvelant deux ou trois fois l’eau-forte, qu’on fait même bouillir avant de la séparer de l’or, qui reste seul au fond du vaisseau, et qui n’a besoin que d’être bien lavé dans l’eau chaude pour achever de se nettoyer des petites parties de la dissolution d’argent attachées à sa surface, et, lorsqu’on a obtenu l’or, on retire ensuite l’argent de la dissolution, soit en le faisant précipiter, soit en distillant l’eau-forte pour la faire servir une seconde fois.

Toute masse dont on veut faire le départ par cette voie ne doit donc contenir que deux cinquièmes d’or au plus sur trois cinquièmes d’argent ; et dans cet état, la couleur de ces deux métaux alliés est presque aussi blanche que l’argent pur, et, loin qu’une plus grande quantité de ce dernier métal nuisît à l’effet du départ, il est au contraire d’autant plus aisé à faire que la proportion de l’argent à l’or est plus grande : ce n’est que quand il y a environ moitié d’or dans l’alliage qu’on s’en aperçoit à sa couleur qui commence à prendre un œil de jaune faible.

Pour reconnaître au juste l’aloi ou le titre de l’or, il faut donc faire deux opérations : d’abord le purger au moyen du plomb de tout mélange étranger, à l’exception de l’argent, qui lui reste uni, parce que le plomb ne les attaque ni l’un ni l’autre ; et, ensuite, il faut faire le départ par le moyen de l’eau-forte. Ces opérations de l’essai et du départ, quoique bien connues des chimistes, des monnayeurs et des orfèvres, ne laissent pas d’avoir leurs difficultés par la grande précision qu’elles exigent, tant pour le régime du feu que pour le travail des matières, d’autant que par le travail le mieux conduit on ne peut arriver à la séparation entière de ces métaux ; car il restera toujours une petite portion d’argent dans l’or le plus raffiné, comme une portion de plomb dans l’argent le plus épuré[33].

Nous ne pouvons nous dispenser de parler des différents emplois de l’or dans les arts et de l’usage ou plutôt de l’abus qu’on en fait par un vain luxe pour faire briller nos vêtements, nos meubles et nos appartements, en donnant la couleur de l’or à tout ce qui n’en est pas et l’air de l’opulence aux matières les plus pauvres ; et cette ostentation se montre sous mille formes différentes. Ce qu’on appelle or de couleur n’en a que l’apparence ; ce n’est qu’un simple vernis qui ne contient point d’or, et avec lequel on peut néanmoins donner à l’argent et au cuivre la couleur jaune et brillante de ce précieux métal ; les garnitures en cuivre de nos meubles, les bras, les feux de cheminée, etc., sont peints de ce vernis couleur d’or, ainsi que les cuirs qu’on appelle dorés, et qui ne sont réellement qu’étamés et peints ensuite avec ce vernis doré. À la vérité, cette fausse dorure diffère beaucoup de la vraie, et il est très aisé de les distinguer ; mais on fait avec le cuivre, réduit en feuilles minces, une autre espèce de dorure qui peut en imposer lorsqu’on la peint avec ce même vernis couleur d’or. La vraie dorure est celle où l’on emploie de l’or : il faut pour cela qu’il soit réduit en feuilles très minces ou en poudre fine, et pour dorer tout métal, il suffit d’en bien nettoyer la surface, de le faire chauffer et d’y appliquer exactement ces feuilles ou cette poudre d’or, par la pression et le frottement doux d’une pierre hématite, qui le brillante et le fait adhérer. Quelque simple que soit cette manière de dorer, il y en a une autre peut-être encore plus facile : c’est d’étendre sur le métal qu’on veut dorer un amalgame d’or et de mercure, de le chauffer ensuite assez pour faire exhaler en vapeurs le mercure qui laisse l’or sur le métal, qu’il ne s’agit plus que de frotter avec le brunissoir pour le rendre brillant ; il y a encore d’autres manières de dorer ; mais c’est peut-être déjà trop en histoire naturelle que de donner les principales pratiques de nos arts[NdÉ 3].

Mais nous laisserions imparfaite cette histoire de l’or si nous ne rapportions pas ici tous les renseignements que nous avons recueillis sur les différents lieux où se trouve ce métal : il est, comme nous l’avons dit, universellement répandu, mais en atomes infiniment petits, et il n’y a que quelques endroits particuliers où il se présente en particules sensibles et en masses assez palpables pour être recueillies. En parcourant dans cette vue les quatre parties du monde, on verra qu’il n’y a que peu de mines d’or proprement dites dans les régions du nord, quoiqu’il y ait plusieurs mines d’argent, qui presque toujours est allié d’une petite quantité d’or. Il se trouve aussi très peu de vraies mines d’or dans les climats tempérés ; il y en a seulement quelques-unes où l’on a rencontré de petits morceaux de ce métal massif ; mais dans presque toutes l’or n’est qu’en petite quantité dans l’argent avec lequel il est toujours mêlé. Les mines d’or les plus riches sont dans les pays les plus chauds, et particulièrement dans ceux où les hommes ne sont pas anciennement établis en société policée, comme en Afrique et en Amérique, car il est très probable que l’or est le premier métal dont on se soit servi : plus remarquable par son poids qu’aucun autre, et plus fusible que le cuivre et le fer, il aura bientôt été reconnu, fondu, travaillé ; on peut citer pour preuve les Péruviens et les Mexicains, dont les vases et les instruments étaient d’or, et qui n’en avaient que peu de cuivre et point du tout de fer, quoique ces métaux soient abondants dans leur pays ; leurs arts n’étaient pour ainsi dire qu’ébauchés, parce qu’eux-mêmes étaient des hommes nouveaux et qui n’étaient qu’à demi policés depuis cinq ou six siècles. Ainsi, dans les premiers temps de la civilisation de l’espèce humaine, l’or, qui de tous les métaux s’est présenté le premier à la surface de la terre ou à de petites profondeurs, a été recueilli, employé et travaillé, en sorte que dans les pays peuplés et civilisés plus anciennement que les autres, c’est-à-dire dans les régions septentrionales et tempérées, il n’est resté pour la postérité que le petit excédent de ce qui n’a pas été consommé ; au lieu que dans ces contrées méridionales de l’Afrique et de l’Amérique, qui n’ont été peuplées que les dernières, et où les hommes n’ont jamais été policés, la quantité de ce métal s’est trouvée tout entière, et telle pour ainsi dire que la nature l’avait produite et confiée à la terre encore vierge ; l’homme n’en avait pas encore déchiré les entrailles[34] ; son sein était à peine effleuré lorsque les conquérants du nouveau monde en ont forcé les habitants à la fouiller dans toutes ses parties par des travaux immenses : les Espagnols et les Portugais ont en moins d’un siècle plus tiré d’or du Mexique et du Brésil que les naturels du pays n’en avaient recueilli depuis le premier temps de leur population. La Chine, dira-t-on, semble nous offrir un exemple contraire ; ce pays, très anciennement policé, est encore abondant en mines d’or qu’on dit être assez riches ; mais ne dit-on pas en même temps, avec plus de vérité, que la plus grande partie de l’or qui circule à la Chine vient des pays étrangers ? Plusieurs empereurs chinois assez sages, assez humains pour épargner la sueur et ménager la vie de leurs sujets, ont défendu l’extraction des mines dans toute l’étendue de leur domination[35] : ces défenses ont subsisté longtemps et n’ont été qu’assez rarement interrompues ; il se pourrait donc en effet qu’il y eût encore à la Chine des mines intactes et riches, comme dans les contrées heureuses où les hommes n’ont pas été forcés de les fouiller ; car les travaux des mines, dans le nouveau monde, ont fait périr en moins de deux ou trois siècles plusieurs millions d’hommes[36] ; et cette plaie énorme faite à l’humanité, loin de nous avoir procuré des richesses réelles, n’a servi qu’à nous surcharger d’un poids aussi lourd qu’inutile. Le prix des denrées étant toujours proportionnel à la quantité du métal qui n’en est que le signe, l’augmentation de cette quantité est plutôt un mal qu’un bien : vingt fois moins d’or et d’argent rendraient le commerce vingt fois plus léger, puisque tout signe en grosse masse, toute représentation en grand volume, est plus pénible à transporter, coûte plus à manier, et circule moins aisément qu’une petite quantité qui représenterait également et aussi bien la valeur de toute chose. Avant la découverte du nouveau monde, il y avait réellement vingt fois moins d’or et d’argent en Europe, mais les denrées coûtaient vingt fois moins : qu’avons-nous donc acquis avec ces millions de métal ? La charge de leur poids.

Et cette surcharge de quantité deviendrait encore plus grande et peut-être immense, si la cupidité ne s’opposait pas à elle-même des obstacles et n’était arrêtée par des bornes qu’elle ne peut franchir : quelque ardente qu’ait été dans tous les temps la soif de l’or, on n’a pas toujours eu les mêmes moyens de l’étancher, ces moyens ont même diminué d’autant plus qu’on s’en est plus servi ; par exemple, en supposant, comme nous le faisons ici, qu’avant la conquête du Mexique et du Pérou, il n’y eût en Europe que la vingtième partie de l’or et de l’argent qui s’y trouve aujourd’hui, il est certain que le profit de l’extraction de ces mines étrangères, dans les premières années pendant lesquelles on a doublé cette première quantité, a été plus grand que le profit d’un pareil nombre d’années pendant lesquelles on l’a triplé, et encore bien plus grand que celui des années subséquentes ; le bénéfice réel a donc diminué en même proportion que le nombre des années s’est augmenté, en supposant égalité de produit dans chacune, et, si l’on trouvait actuellement une mine assez riche pour en tirer autant d’or qu’il y en avait en Europe avant la découverte du nouveau monde, le profit de cette mine ne serait aujourd’hui que d’un vingtième, tandis qu’alors il aurait été du double ; ainsi, plus on a fouillé ces mines riches, et plus on s’est appauvri : richesse toujours fictive, et pauvreté réelle dans le premier comme le dernier temps ; masses d’or et d’argent, signes lourds, monnaies pesantes, dont, loin de l’augmenter, on devrait diminuer la quantité en fermant ces mines comme autant de gouffres funestes à l’humanité, d’autant qu’aujourd’hui leur produit suffit à peine pour la subsistance des malheureux qu’on y emploie ou condamne ; mais jamais les nations ne se confédéreront pour un bien général à faire au genre humain, et rien ici ne peut nous consoler, sinon l’espérance très fondée que dans quelques siècles, et peut-être plus tôt, on sera forcé d’abandonner ces affreux travaux, que l’or même, devenu trop commun, ne pourra plus payer.

En attendant, nous sommes obligés de suivre le torrent, et je manquerais à mon objet si je ne faisais pas ici mention de tous les lieux qui nous fournissent, ou peuvent nous fournir ce métal, lequel ne deviendra vil que quand les hommes s’ennobliront par des vues de sagesse dont nous sommes encore bien éloignés. On continuera donc à chercher l’or partout où il pourra se trouver, sans faire attention que, si la recherche coûte à peu près autant que tout autre travail, il n’y a nulle raison d’y employer des hommes qui, par la culture de la terre, se procureraient une subsistance aussi sûre, et augmenteraient en même temps la richesse réelle, le vrai bien de toute société, par l’abondance des denrées, tandis que celle du métal ne peut y produire que le mal de la disette et d’un surcroît de cherté.

Nous avons en France plusieurs rivières ou ruisseaux qui charrient de l’or en paillettes, que l’on recueille dans leurs sables, et il s’en trouve aussi en paillettes et en poudre dans les terres voisines de leurs bords ; les chercheurs de cet or, qu’on appelle arpailleurs, gagneraient autant, et plus, à tout autre métier, car à peine la récolte de ces paillettes d’or va-t-elle à vingt-cinq ou trente sous par jour. Cette même recherche, ou plutôt cet emploi du temps était, comme nous venons de le dire, vingt fois plus profitable du temps des Romains[37], puisque l’arpailleur pouvait alors gagner vingt fois sa subsistance ; mais, à mesure que la quantité du métal s’est augmentée, et surtout depuis la conquête du nouveau monde, le même travail des arpailleurs a moins produit, et produira toujours de moins en moins, en sorte que ce petit métier, déjà tombé, tombera tout à fait, pour peu que cette quantité de métal augmente encore : l’or d’Amérique a donc enterré l’or de France, en diminuant vingt fois sa valeur ; il a fait le même tort à l’Espagne, dont les intérêts bien entendus auraient exigé qu’on n’eût tiré des mines de l’Amérique qu’autant d’or qu’il en fallait pour fournir les colonies, et en maintenir la valeur numéraire en Europe toujours sur le même pied à peu près. Jules César cite l’Espagne et la partie méridionale des Gaules[38] comme très abondantes en or ; elles l’étaient en effet, et le seraient encore, si nous n’avions pas nous-mêmes changé cette abondance en disette, et diminué la valeur de notre propre bien en recevant celui de l’étranger : l’augmentation de toute quantité ou denrée nécessaire aux besoins, ou utile au service de l’homme, est certainement un bien ; mais l’augmentation du métal, qui n’en est que le signe, ne peut pas être un bien, et ne fait que du mal, puisqu’elle réduit à rien la valeur de ce même métal dans toutes les terres et chez tous les peuples qui s’en sont laissé surcharger par des importations étrangères.

Autant il serait nécessaire de donner de l’encouragement à la recherche et aux travaux des mines des matières combustibles et des autres minéraux, si utiles aux arts et au bien de la société, autant il serait sage de faire fermer toutes celles d’or et d’argent, et de laisser consommer peu à peu ces masses trop énormes sous lesquelles sont écrasées nos caisses, sans que nous en soyons plus riches ni plus heureux.

Au reste, tout ce que nous venons de dire ne doit dégrader l’or qu’aux yeux de l’homme sage, et ne lui ôte pas le haut rang qu’il tient dans la nature : il est le plus parfait des métaux, la première substance entre toutes les substances terrestres, et il mérite à tous égards l’attention du philosophe naturaliste ; c’est dans cette vue que nous recueillerons ici les faits relatifs à la recherche de ce métal, et que nous ferons l’énumération des différents lieux où il se trouve.

En France, le Rhin, le Rhône, l’Arve[39], le Doubs, la Cèse, le Gardon, l’Ariège, la Garonne, le Salat[40], charrient des paillettes et des grains d’or qu’on trouve dans leurs sables, surtout aux angles rentrants de ces rivières. Ces paillettes ont souvent leurs bords arrondis ou repliés, et c’est par là qu’on les distingue encore plus aisément que par le poids, des paillettes de mica, qui quelquefois sont de la même couleur, et ont même plus de brillant que celles d’or. On trouve aussi d’assez gros grains d’or dans les rigoles formées par les eaux pluviales, dans les terrains montagneux de Fériés et de Bénagues : on a vu de ces grains, dit M. Guettard, qui pesaient une demi-once ; ces grains et paillettes d’or sont accompagnés d’un sable ferrugineux : il ajoute que, dès qu’on s’éloigne de ces montagnes, seulement de cinq ou six lieues, on ne trouve plus de grains d’or, mais seulement des paillettes très minces. Cet académicien fait encore mention de l’or en paillettes qu’on a trouvé en Languedoc et dans le pays de Foix[41]. M. de Gensane dit aussi qu’il y en a dans plusieurs rivières des diocèses d’Uzès et de Montpellier[42] : ces grains et paillettes d’or, qui se trouvent dans les rivières et terres adjacentes, viennent, comme je l’ai dit, des mines renfermées dans les montagnes voisines ; mais on ne connaît actuellement qu’un très petit nombre de ces mines en montagnes[43] : il y en a une dans les Vosges près de Steingraben, où l’on a trouvé des feuilles d’or vierge d’un haut titre, dans un spath fort blanc[44] ; une autre à Saint-Marcel-lez-Jussey en Franche-Comté, que l’éboulement des terres n’a pas permis de suivre. Les Romains ont travaillé des mines d’or à la montagne d’Orel en Dauphiné ; et l’on connaît encore aujourd’hui une mine d’argent tenant or, à l’Hermitage, au-dessus de Tain, et dans la montagne du Pontel en Dauphiné : on en a aussi reconnu à Banjoux en Provence ; à Londat, à Rivière et à la montagne d’Argentière, dans le comté de Foix, dans le Bigorre, en Limousin, en Auvergne, et même en Normandie et dans l’Île-de-France[45] ; toutes ces mines et plusieurs autres étaient autrefois bien connues et même exploitées ; mais l’augmentation de la quantité du métal venu de l’étranger a fait abandonner le travail de ces mines, dont le produit n’aurait pu payer la dépense, tandis qu’anciennement ce même travail était très profitable.

En Hongrie, il y a plusieurs mines d’or dont on tirerait un grand produit, si ce métal n’était pas devenu si commun ; la plupart de ces mines sont travaillées depuis longtemps, surtout dans les montagnes de Cremnitz et de Schemnitz[46], où l’on trouve encore de temps en temps quelques nouveaux filons : il y en avait sept en exploitation dans le temps d’Alphonse Barba, qui dit que la plus riche était celle de Cremnitz[47] ; elle est d’une grande étendue, et l’on assure qu’on y travaille depuis plus de mille ans ; on l’a fouillée dans plusieurs endroits à plus de cent soixante brasses de profondeur. Il y a aussi des mines d’or en Transylvanie, dans lesquelles on a trouvé de l’or vierge[48]. Rzaczynski parle des mines des monts Krapacks, et entre autres d’une veine fort riche dont l’or est en poudre[49]. En Suède, on a découvert quelques mines d’or, mais le minerai n’a rendu que la trente-deuxième partie d’une once par quintal[50] ; enfin on a aussi reconnu de l’or en Suisse, dans plusieurs endroits de la Valteline, et particulièrement dans la montagne de l’Oro, qui en a tiré son nom. L’on en trouve aussi dans le canton d’Underwald ; plusieurs rivières, dans les Alpes, en routent des paillettes ; le Rhin, dans le pays des Grisons, la Reuss, l’Aar et plusieurs autres, aux cantons de Lucerne, de Soleure, etc.[51]. Le Tage et quelques autres fleuves d’Espagne ont été célébrés par les anciens, à cause de l’or qu’ils roulent, et il n’est pas douteux que toutes ces paillettes et grains d’or, que l’on trouve dans les eaux qui découlent des Alpes, des Pyrénées et des montagnes intermédiaires, ne proviennent des mines primitives renfermées dans ces montagnes et que, si l’on pouvait suivre ces courants d’eau chargés d’or jusqu’à leur source, on ne serait pas éloigné du lieu qui les recèle ; mais, je le répète, ces travaux seraient maintenant très inutiles, et leur produit bien superflu. J’observerai seulement, d’après l’exposition qui vient d’être faite, que les rivières aurifères sont plus souvent situées au couchant qu’au levant des montagnes. La France, qui est à l’ouest des Alpes, a beaucoup plus de cet or de transport que l’Italie et l’Allemagne, qui sont situées à l’est. Nous verrons, par l’examen des autres régions où l’on recueille l’or en paillettes, si cette observation doit être présentée comme un fait général.

La plupart des peuples d’Asie ont anciennement tiré de l’or du sein de la terre, soit dans les montagnes qui produisent ce métal, soit dans les rivières qui en charrient les débris. Il y en a une mine en Turquie, à peu de distance du chemin de Salonique à Constantinople, qui, du temps du voyageur Paul Lucas, était en pleine exploitation et affermée par le Grand-Seigneur[52]. L’île de Thasos, aujourd’hui Thaso dans l’Archipel, était célèbre chez les anciens, à cause de ses riches mines d’or : Hérodote en parle, et dit aussi qu’il y avait beaucoup d’or dans les montagnes de la Thrace, dont l’une s’éboula par la sape des grands travaux qu’on y avait faits pour en tirer ce métal[53]. Ces mines de l’île de Thaso sont actuellement abandonnées ; mais il y en a une dans le milieu de l’île de Chypre, près de la ville de Nicosie, d’où l’on tire encore beaucoup d’or[54].

Dans la Mingrélie, à six journées de Teflis, il y a des mines d’or et d’argent[55] : on en trouve aussi dans la Perse, auxquelles il paraît qu’on a travaillé anciennement ; mais on les a abandonnées comme en Europe, parce que la dépense excédait le produit, et aujourd’hui tout l’or et l’argent de Perse vient des pays étrangers[56].

Les montagnes qui séparent le Mogol de la Tartarie sont riches en mines d’or et d’argent ; les habitants de la Buckarie recueillent ces métaux dans le sable des torrents qui tombent de ces montagnes[57]. Dans le Thibet, au delà du royaume de Cachemire, il y a trois montagnes, dont l’une produit de l’or, la seconde des grenats, et la troisième du lapis ; il y a aussi de l’or au royaume de Tipra[58] et dans plusieurs rivières de la dépendance du Grand Lama, et la plus grande partie de cet or est transportée à la Chine[59]. On a reconnu des mines d’or et d’argent dans le pays d’Azem, sur les frontières du Mogol[60]. Le royaume de Siam est l’un des pays du monde où l’or paraît être le plus commun[61] ; mais nous n’avons aucune notice sur les mines de cette contrée : la partie de l’Asie où l’on trouve le plus d’or est l’île de Sumatra ; les habitants d’Achem en recueillent sur le penchant des montagnes, dans les ravines creusées par les eaux : cet or est en petits morceaux et passe pour être très pur[62] : d’autres voyageurs disent, au contraire, que cet or d’Achem est de très bas aloi, même plus bas que celui de la Chine ; ils ajoutent qu’il se trouve à l’ouest ou sud-ouest de l’île, et que quand les Hollandais vont y chercher le poivre, les paysans leur en apportent une bonne quantité[63] : d’autres mines d’or, dans la même île, se trouvent aux environs de la ville de Tikon[64] ; mais aucun voyageur n’a donné d’aussi bons renseignements sur ces mines que M. Herman Grimm, qui a fait sur cela, comme sur plusieurs autres sujets d’histoire naturelle, de très bonnes observations[65].

L’île de Célèbes ou de Macassar produit aussi de l’or que l’on tire du sable des rivières[66] : il en est de même de l’île de Bornéo[67], et dans les montagnes de l’île de Timor, il se trouve de l’or très pur[68]. Il y a aussi quelques mines d’or et d’argent aux Maldives[69], à Ceylan[70], et dans presque toutes les îles de la mer des Indes jusqu’aux îles Philippines, d’où les Espagnols en ont tiré une quantité assez considérable[71].

Dans la partie méridionale du continent de l’Asie, on trouve, comme dans les îles, de très riches mines d’or, à Camboye[72], à la Cochinchine[73], au Tunquin[74], à la Chine où plusieurs rivières en charrient[75] ; mais, selon les voyageurs, cet or de la Chine est d’assez bas aloi[76] : ils assurent que les Chinois apportent à Manille de l’or qui est très blanc, très mou, et qu’il faut allier avec un cinquième de cuivre rouge, pour lui donner la couleur et la consistance nécessaire dans les arts. Les îles du Japon[77] et celle de Formose[78], sont peut-être encore plus riches en mines d’or que la Chine ; enfin l’on trouve de l’or jusqu’en Sibérie[79], en sorte que ce métal, quoique plus abondant dans les contrées méridionales de l’Asie, ne laisse pas de se trouver aussi dans toutes les régions de cette grande partie du monde.

Les terres de l’Afrique sont plus intactes, et par conséquent plus riches en or que celles de l’Asie ; les Africains en général, beaucoup moins civilisés que les Asiatiques, se sont rarement donné la peine de fouiller la terre à de grandes profondeurs, et quelque abondantes que soient les mines d’or dans leurs montagnes, ils se sont contentés d’en recueillir les débris dans les vallées adjacentes, qui étaient, et même sont encore très richement pourvues de ce métal : dès l’année 1442, les Maures, voisins du cap Bajador, offrirent de la poudre d’or aux Portugais, et c’était la première fois que les Européens eussent vu de l’or en Afrique[80]. La recherche de ce métal suivit de près ces offres ; car, en 1461, on fit commerce de l’or de la Mina[81] (or de la mine) au cinquième degré de latitude nord, sur cette même côte qu’on a depuis nommée la Côte d’Or. Il y avait néanmoins de l’or dans les parties de l’Afrique anciennement connues, et dans celles qui avaient été découvertes longtemps avant le cap Bajador ; mais il y a toute apparence que les mines n’en avaient pas été fouillées ni même reconnues ; car le voyageur Roberts est le premier qui ait indiqué des mines d’or dans les îles du Cap-Vert[82]. La Côte d’Or est encore aujourd’hui l’une des parties de l’Afrique qui produisent la plus grande quantité de ce métal ; la rivière d’Axim en charrie des paillettes et des grains qu’elle dépose dans le sable en assez grande quantité pour que les Nègres prennent la peine de plonger et de tirer ce sable du fond de l’eau[83]. On recueille aussi beaucoup d’or par le lavage dans les terres du royaume de Kanon[84], à l’est et au nord-est de Galam, où il se trouve presque à la surface du terrain ; il y en a aussi dans le royaume de Tombut, ainsi qu’à Gago et à Zamfara : il y en a de même dans plusieurs endroits de la Guinée[85], et dans les terres voisines de la rivière de Gambra[86], ainsi qu’a la côte des Dents[87] ; il y a aussi un grand nombre de mines d’or dans le royaume de Butna, qui s’étend depuis les montagnes de la Lune jusqu’à la rivière de Maguika[88], et un plus grand nombre encore dans le royaume de Bambuk[89].

Tavernier fait mention d’un morceau d’or naturel, ramifié en forme d’arbrisseau, qui serait le plus beau morceau qu’on ait jamais vu dans ce genre, si son récit n’est pas exagéré[90]. Pyrard dit aussi avoir vu une branche d’or massif et pur, longue d’une coudée et branchue comme du corail, qui avait été trouvée dans la rivière de Couesme ou Couama, autrement appelée rivière Noire, à Sofala. Dans l’Abyssinie, la province de Goyame est celle où se trouvent les plus riches mines d’or[91] : on porte ce métal, tel qu’on le tire de la mine, à Gondar, capitale du royaume, et l’on y travaille pour le purifier et le fondre en lingots. Il se trouve aussi en Éthiopie, près d’Helem, de l’or disséminé dans les premières couches de la terre, et cet or est très fin[92] ; mais la contrée de l’Afrique la plus riche, ou du moins la plus anciennement célèbre par son or, est celle de Sofala et du Monomotapa[93] : on croit, dit Marmol, que le pays d’Ophir, où Salomon tirait l’or pour orner son temple, est le pays même de Sofala ; cette conjecture serait un peu mieux fondée en la faisant tomber sur la province de Monomotapa, qui porte encore actuellement le nom d’Ophur ou Ofur[94] ; quoi qu’il en soit, cette abondance d’or à Sofala et dans le pays d’Ofur ou Monomotapa ne paraît pas encore avoir diminué, quoiqu’il y ait toute apparence que, de temps immémorial, la plus grande partie de l’or qui circulait dans les provinces orientales de l’Afrique, et même en Arabie, venait de ce pays de Sofala. Les principales mines sont situées dans les montagnes, à cinquante lieues et plus de distance de la ville de Sofala : les eaux qui découlent de ces montagnes entraînent une infinité de paillettes d’or et de grains assez gros[95]. Ce métal est de même très commun à Mozambique[96] ; enfin l’île de Madagascar participe aussi aux richesses du continent voisin ; seulement il paraît que l’or de cette île est d’assez bas aloi, et qu’il est mêlé de quelques matières qui le rendent blanc, et lui donnent de la mollesse et plus de fusibilité[97].

L’on doit voir assez évidemment par cette énumération de toutes les terres qui ont produit et produisent encore de l’or, tant en Europe qu’en Asie et en Afrique, combien peu nous était nécessaire celui du nouveau monde ; il n’a servi qu’à rendre presque nulle la valeur du nôtre ; il n’a même augmenté que pendant un temps assez court la richesse de ceux qui le faisaient extraire pour nous l’apporter ; ces mines ont englouti les nations américaines et dépeuplé l’Europe : quelle différence pour la nature et pour l’humanité, si les myriades de malheureux qui ont péri dans ces fouilles profondes des entrailles de la terre eussent employé leurs bras à la culture de sa surface ! Ils auraient changé l’aspect brut et sauvage de leurs terres informes en guérets réguliers, en riantes campagnes aussi fécondes qu’elles étaient stériles et qu’elles le sont encore : mais les conquérants ont-ils jamais entendu la voix de la sagesse, ni même le cri de la pitié ? Leurs seules vues sont la déprédation et la destruction ; ils se permettent tous les excès du fort contre le faible ; la mesure de leur gloire est celle de leurs crimes, et leur triomphe l’opprobre de la vertu. En dépeuplant ce nouveau monde, ils l’ont défiguré et presque anéanti ; les victimes sans nombre qu’ils ont immolées à leur cupidité mal entendue auront toujours des voix qui réclameront à jamais contre leur cruauté : tout l’or qu’on a tiré de l’Amérique pèse peut-être moins que le sang humain qu’on y a répandu.

Comme cette terre était de toutes la plus nouvelle, la plus intacte et la plus récemment peuplée, elle brillait encore, il y a trois siècles, de tout l’or et l’argent que la nature y avait versé avec profusion ; les naturels n’en avaient ramassé que pour leur commodité, et non par besoin ni par cupidité ; ils en avaient fait des instruments, des vases, des ornements, et non pas des monnaies ou des signes de richesse exclusifs[98] ; ils en estimaient la valeur par l’usage, et auraient préféré notre fer s’ils eussent eu l’art de l’employer : quelle dut être leur surprise lorsqu’ils virent des hommes sacrifier la vie de tant d’autres hommes, et quelquefois la leur propre à la recherche de cet or, que souvent ils dédaignaient de mettre en œuvre ? Les Péruviens rachetèrent leur roi, que cependant on ne leur rendit pas, pour plusieurs milliers pesant d’or[99] : les Mexicains en avaient fait à peu près autant et furent trompés de même ; et, pour couvrir l’horreur de ces violations, ou plutôt pour étouffer les germes d’une vengeance éternelle, on finit par exterminer presque en entier ces malheureuses nations ; car à peine reste-t-il la millième partie des anciens peuples auxquels ces terres appartenaient, et sur lesquelles leurs descendants, en très petit nombre, languissent dans l’esclavage ou mènent une vie fugitive. Pourquoi donc n’a-t-on pas préféré de partager avec eux ces terres qui faisaient leur domaine ? Pourquoi ne leur en céderait-on pas quelque portion aujourd’hui, puisqu’elles sont si vastes et plus d’aux trois quarts incultes, d’autant qu’on n’a plus rien à redouter de leur nombre ? Vaines représentations, hélas ! en faveur de l’humanité. Le philosophe pourra les approuver, mais les hommes puissants daigneront-ils les entendre ?

Laissons donc cette morale affligeante, à laquelle je n’ai pu m’empêcher de revenir à la vue du triste spectacle que nous présentent les travaux des mines en Amérique : je n’en dois pas moins indiquer ici les lieux où elles se trouvent, comme je l’ai fait pour les autres parties du monde ; et, à commencer par l’île de Saint-Domingue, nous trouverons qu’il y a des mines d’or dans une montagne près de la ville de Sant-Iago-Cavallero, et que les eaux qui en descendent entraînent et déposent de gros grains d’or[100] : qu’il y en a de même dans l’île de Cuba[101] et dans celle de Sainte-Marie, dont les mines ont été découvertes au commencement du siècle dernier. Les Espagnols ont autrefois employé un grand nombre d’esclaves au travail de ces mines : outre l’or que l’on tirait du sable, il s’en trouvait d’assez gros morceaux, comme enchâssés naturellement dans les rochers[102]. L’île de la Trinité a aussi des mines et des rivières qui fournissent de l’or[103].

Dans le continent, à commencer par l’isthme de Panama, les mines d’or se trouvent en grand nombre ; celles du Darien sont les plus riches, et fournissent plus que celles de Veraguas et de Panama[104]. Indépendamment du produit des mines en montagnes, les rivières de cet isthme donnent aussi beaucoup d’or en grains, en paillettes et en poudre, ordinairement mêlé d’un sable ferrugineux qu’on en sépare avec l’aimant[105] ; mais c’est au Mexique que l’or s’est trouvé répandu avec le plus de profusion ; l’une des mines les plus fameuses est celle de Mezquital, dont nous avons déjà parlé : la pierre de cette mine, dit M. Bowles, est un quartz blanc mêlé, en moindre quantité, avec un quartz couleur de bois ou de corne, qui fait feu contre l’acier ; on y voit quelques petites taches vertes, lesquelles ne sont que des cristaux qui ressemblent aux émeraudes en groupes, et dont l’intérieur contient de petits grains d’or[106]. Presque toutes les autres provinces du Mexique ont aussi des mines d’or ou des mines d’argent[107] plus ou moins mêlé d’or ; selon le même M. Bolwes, celle de Mezquital, quoique la meilleure, ne donne au quintal que 30 onces d’argent et 22 1/2 grains d’or[108] ; mais il y a apparence qu’il a été mal informé sur la nature et le produit de cette mine ; car, si elle ne tenait en effet que 22 1/2 grains grains d’or, sur 30 onces d’argent par quintal, ce qui ne ferait pas 6 grains d’or par marc d’argent, on n’en ferait pas le départ à la monnaie de Mexico, puisqu’il est réglé par les ordonnances qu’on ne séparera que l’argent tenant par marc 27 grains d’or et au-dessus, et qu’autrefois il fallait 30 grains pour qu’on en fît le départ, ce qui est, comme l’on voit, une très petite quantité d’or en comparaison de celle de l’argent : et cet argent du Mexique, restant toujours mêlé d’un peu d’or, même après les opérations du départ, est plus estimé que celui du Pérou[109], surtout plus que celui des mines de Sainte-Pécaque, que l’on transporte à Compostelle.

Les relateurs s’accordent à dire que la province de Carthagène fournissait autrefois beaucoup d’or ; et l’on y voit encore des fouilles et des travaux très anciens, mais ils sont actuellement abandonnés[110] : c’est au Pérou que le travail de ces mines est aujourd’hui en pleine exploitation[111]. Frézier remarque seulement que les mines d’or sont assez rares dans la partie méridionale de ce royaume[112], mais que la province de Popayan en est remplie, et que l’ardeur pour les exploiter semble être toujours la même. M. d’Ulloa dit que chaque jour on y découvre de nouvelles mines qu’on s’empresse de mettre en valeur, et nous ne pouvons mieux faire que de rapporter ici ce que ce savant naturaliste péruvien a écrit sur les mines de son pays : « Les Partidos ou districts de Celi, de Buga, d’Amalguer et de Barbocoas sont, dit-il, les plus abondants en métal, avec l’avantage que l’or y est très pur, et qu’on n’a pas besoin d’y employer le mercure pour le séparer des parties étrangères ; les mineurs appellent Minas de Çaxa celles où le minéral est renfermé entre des pierres : celles de Popayan ne sont pas dans cet ordre ; car l’or s’y trouve répandu dans les terres et les sables… Dans le bailliage de Choco, outre les mines qui se traitent au lavoir, il s’en trouve quelques-unes où le minerai est enveloppé d’autres matières métalliques et de sacs bitumineux, dont on ne peut le séparer qu’au moyen du mercure. Le platine est un autre obstacle qui oblige quelquefois d’abandonner les mines : on donne ce nom à une pierre si dure que, ne pouvant la briser sur une enclume d’acier, ni la réduire par calcination, on ne peut tirer le minerai qu’elle renferme qu’avec un travail et des frais extraordinaires. Entre toutes ces mines, il y en a plusieurs où l’or est mêlé d’un tombac aussi fin que celui de l’Orient, avec la propriété singulière de ne jamais engendrer de vert-de-gris, et de résister aux acides.

» Dans le bailliage de Zaruma au Pérou, l’or des mines est de si bas aloi qu’il n’est quelquefois qu’à 18 et même à 16 carats, mais cette mauvaise qualité est réparée par l’abondance… Le gouvernement de Jaën de Bracamoros a des mines de la même espèce, qui rendaient beaucoup il y a un siècle[113]… Autrefois, il y avait quantité de mines d’or ouvertes dans la province de Quito, et plus encore de mines d’argent… On a recueilli des grains d’or dans les ruisseaux qui tirent leur source de la montagne de Pitchincha ; mais rien ne marque qu’on y ait ouvert des mines… Le pays de Pattactanga, dans la juridiction de Riobamba, est si rempli de mines, qu’en 1743, un habitant de cette ville avait fait enregistrer pour son seul compte dix-huit veines d’or et d’argent, toutes riches et de bon aloi ; l’une de ces mines d’argent rendait quatre-vingts marcs par cinquante quintaux de minerai, tandis qu’elles passent pour riches quand elles en donnent huit à dix marcs… Il y a aussi des mines d’or et d’argent dans les montagnes de la juridiction de Cuença, mais qui rendent peu. Les gouvernements de Quixos et de Macas sont riches en mines ; ceux de Marinas et d’Atamès en ont aussi d’une grande valeur… Les terres arrosées par quelques rivières qui tombent dans le Maragnon, et par les rivières de Sant-Lago et de Mira, sont remplis de veines d’or[114]. »

Les anciens historiens du nouveau monde, et entre autres le P. Acosta, nous ont laissé quelques renseignements sur la manière dont la nature a disposé l’or dans ces riches contrées ; on le trouve sous trois formes différentes : 1o en grains ou pépites, qui sont des morceaux massifs et sans mélange d’autre métal ; 2o en poudre ; 3o dans des pierres : « J’ai vu, dit cet historien, quelques-unes de ces pépites qui pesaient plusieurs livres[115]. L’or, dit-il, a par excellence sur les autres métaux de se trouver pur et sans mélange ; cependant, ajoute-t-il, on trouve quelquefois des pépites d’argent tout à fait pures ; mais l’or en pépites est rare, en comparaison de celui qu’on trouve en poudre. L’or en pierre est une veine d’or infiltrée dans la pierre, comme je l’ai vu à Caruma, dans le gouvernement des salines… Les anciens ont célébré les fleuves qui roulaient de l’or : savoir le Tage en Espagne, le Pactole en Asie, et le Gange aux Indes orientales. Il y a de même, dans les rivières des îles de Barlovento, de Cuba, Portorico et Saint-Domingue, de l’or mêlé dans leurs sables… Il s’en trouve aussi dans les torrents au Chili, à Quito et au nouveau royaume de Grenade. L’or qui a le plus de réputation est celui de Caranava au Pérou, et celui de Valdivia au Chili, parce qu’il est très pur et de vingt-trois carats et demi. L’on fait aussi état de l’or de Veragua qui est très fin ; celui de la Chine et des Philippines, qu’on apporte en Amérique, n’est pas à beaucoup près aussi pur[116]. »

Le voyageur Wafer raconte qu’on trouve de même une grande quantité d’or dans les sables de la rivière de Coquimbo au Pérou, et que le terrain voisin de la baie où se décharge cette rivière dans la mer est comme poudré de poussière d’or, au point, dit-il, que, quand nous y marchions, nos habits en étaient couverts, mais cette poudre était si menue, que c’eût été un ouvrage infini de vouloir la ramasser. « La même chose nous arriva, continue-t-il, dans quelques autres lieux de cette même côte où les rivières amènent de cette poudre avec le sable ; mais l’or se trouve en paillettes et en grains plus gros à mesure que l’on remonte ces rivières aurifères vers leurs sources[117]. »

Au reste, il paraît que les grains d’or que l’on trouve dans les rivières, ou dans les terres adjacentes, n’ont pas toujours leur brillant jaune et métallique ; ils sont souvent teints d’autres couleurs, brunes, grises, etc. : par exemple, on tire des ruisseaux du pays d’Arécaja de l’or en forme de dragées de plomb, et qui ressemblent à ce métal par leur couleur grise ; on trouve aussi de cet or gris dans les torrents de Coroyeo ; celui que les eaux roulent dans le pays d’Arécaja vient probablement des mines de la province de Carabaja qui en est voisine, et c’est l’une des contrées du Pérou qui est la plus abondante en or fin, qu’Alphonse Barba dit être de vingt-trois carats trois grains[118], ce qui serait à peu près aussi pur que notre or le mieux raffiné.

Les terres du Chili sont presque aussi riches en or que celles du Mexique et du Pérou : on a trouvé, à douze lieues vers l’est de la ville de la Conception, des pépites d’or, dont quelques-unes étaient du poids de huit ou dix marcs et de très haut aloi ; on tirait autrefois beaucoup d’or vers Angol, à dix ou douze lieues plus loin, et l’on pourrait en recueillir en mille autres endroits, car tout cet or est dans une terre qu’il suffit de laver[119]. Frézier, dont nous tirons cette indication, en a donné plusieurs autres avec un égal discernement sur les mines des diverses provinces du Chili[120] : on trouve encore de l’or dans les terres qu’arrosent le Maragnon, l’Orénoque, etc.[121] ; il y en a aussi dans quelques endroits de la Guyane[122]. Enfin les Portugais ont découvert et fait travailler depuis près d’un siècle les mines du Brésil et du Paraguay, qui se sont trouvées, dit-on, encore plus riches que celles du Mexique et du Pérou. Les mines les plus prochaines de Rio-Janeiro, où l’on apporte ce métal, sont à une assez grande distance de cette ville. M. Cook dit[123] qu’on ne sait pas au juste où elles sont situées, et que les étrangers ne peuvent les visiter, parce qu’il y a une garde continuelle sur les chemins qui conduisent à ces mines : on sait seulement qu’on en tire beaucoup d’or, et que les travaux en sont difficiles et périlleux ; car on achète annuellement, pour le compte du roi, quarante mille nègres qui ne sont employés qu’à les exploiter[124].

Selon l’amiral Anson, ce n’est qu’au commencement de ce siècle qu’on a trouvé de l’or au Brésil : on remarqua que les naturels du pays se servaient d’hameçons d’or pour la pêche, et on apprit d’eux qu’ils recueillaient cet or dans les sables et graviers que les pluies et les torrents détachaient des montagnes. « Il y a, dit le voyageur, de l’or disséminé dans les terres basses, mais qui paye à peine les frais de la recherche, et les montagnes offrent des veines d’or engagées dans les rochers ; mais le moyen le plus facile de se procurer de l’or, c’est de le prendre dans le limon des torrents qui en charrient. Les esclaves employés à cet ouvrage doivent fournir à leurs maîtres un huitième d’once par jour ; le surplus est pour eux, et ce surplus les a souvent mis en état d’acheter leur liberté. Le roi a droit de quint sur tout l’or que l’on extrait des mines, ce qui va à trois cent mille livres sterling par an ; et par conséquent, la totalité de l’or extrait des mines, chaque année, est d’un million cinq cent mille livres sterling, sans compter l’or qu’on exporte en contrebande, et qui monte peut-être au tiers de cette somme[125]. »

Nous n’avons aucun autre indice sur ces mines d’or si bien gardées par les ordres du roi de Portugal : quelques voyageurs nous disent seulement qu’au nord du fleuve Jujambi, il y a des montagnes qui s’étendent de trente à quarante lieues de l’est à l’ouest, sur dix à quinze lieues de largeur ; qu’elles renferment plusieurs mines d’or ; qu’on y trouve aussi ce métal en grains et en poudre, et que son aloi est communément de vingt-deux carats ; ils ajoutent qu’on y rencontre quelquefois des grains ou pépites qui pèsent deux ou trois onces[126].

Il résulte de ces indications qu’en Amérique comme en Afrique, et partout ailleurs où la terre n’a pas encore été épuisée par les recherches de l’homme, l’or le plus pur se trouve, pour ainsi dire, à la surface du terrain, en poudre, en paillettes ou en grains, et quelquefois en pépites qui ne sont que des grains plus gros, souvent aussi purs que des lingots fondus : ces pépites et ces grains, ainsi que les paillettes et les poudres, ne sont que les débris plus ou moins brisés et atténués par le frottement de plus gros morceaux d’or arrachés par les torrents et détachés des veines métalliques de première formation ; ils sont descendus en roulant du haut des montagnes dans les vallées. Le quartz et les autres gangues de l’or, entraînés en même temps par le mouvement des eaux, se sont brisés, et ont, par leur frottement, divisé, comminué ces morceaux de métal, qui dès lors se sont trouvés isolés, et se sont arrondis en grains ou atténués en paillettes par la continuité du frottement dans l’eau ; et enfin ces mêmes paillettes, encore plus divisées, ont formé les poudres plus ou moins fines de ce métal : on voit aussi des agrégats assez grossiers de parcelles d’or qui paraissent s’être réunies par la stillation et l’intermède de l’eau, et qui sont plus ou moins mélangées de sables ou de matières terreuses, rassemblées et déposées dans quelque cavité, où ces parcelles métalliques n’ont que peu d’adhésion avec la terre et le sable dont elles sont mélangées ; mais toutes ces petites masses d’or, ainsi que les grains, les paillettes et les poudres de ce métal, tirent également leur origine des mines primordiales, et leur pureté dépend en partie de la grande division que ces grains métalliques ont subie en s’exfoliant et se comminuant par les frottements qu’ils n’ont cessé d’essuyer depuis leur séparation de la mine, jusqu’aux lieux où ils ont été entraînés ; car cet or arraché de ses mines, et roulé dans le sable des torrents, a été choqué et divisé par tous les corps durs qui se sont rencontrés sur sa route ; et plus ces particules d’or ont été atténuées, plus elles auront acquis de pureté en se séparant de tout alliage par cette division mécanique, qui, dans l’or, va, pour ainsi dire, à l’infini : il est d’autant plus pur qu’il est plus divisé, et cette différence se remarque en comparant ce métal en paillettes ou en poudre avec l’or des mines, car il n’est qu’à vingt-deux carats dans les meilleures mines en montagnes, souvent à dix-neuf ou vingt, et quelquefois à seize et même à quatorze, tandis que, communément, l’or en paillettes est à vingt-trois carats, et rarement au-dessous de vingt. Comme ce métal est toujours plus ou moins allié d’argent dans ces mines primordiales, et quelquefois d’argent mêlé d’autres matières métalliques, la très grande division qu’il éprouve par les frottements, lorsqu’il est détaché de sa mine, le sépare de ces alliages naturels, et le rend d’autant plus pur qu’il est réduit en atomes plus petits ; en sorte qu’au lieu du bas aloi que l’or avait dans sa mine, il prend un plus haut titre à mesure qu’il s’en éloigne, et cela par la séparation et, pour ainsi dire, par le départ mécanique de toute matière étrangère.

Il y a donc double avantage à ne recueillir l’or qu’au pied des montagnes et dans les eaux courantes qui en ont entraîné les parties détachées des mines primitives ; ces parties détachées peuvent former, par leur accumulation, des mines secondaires en quelques endroits : l’extraction du métal qui, dans ces sortes de mines, ne sera mêlé que de sable ou de terre, sera bien plus facile que dans les mines primordiales, où l’or se trouve toujours engagé dans le quartz et le roc le plus dur : d’autre côté, l’or de ces mines de seconde formation sera toujours plus pur que le premier ; et, vu la quantité de ce métal dont nous sommes actuellement surchargés, on devrait au moins se borner à ne ramasser que cet or déjà purifié par la nature, et réduit en poudre, en paillettes ou en grains, et seulement dans les lieux où le produit de ce travail seraient évidemment au-dessus de sa dépense.


Notes de Buffon
  1. L’or trouvé par nos chimistes récents, dans la terre végétale, est une preuve de la dissémination universelle de ce métal, et ce fait paraît avoir été connu précédemment ; car Boërhaave parle d’un programme présenté aux États-Généraux, sous ce titre : De arte extrahendi aurum e qualibet terrâ arvensi.
  2. M. Tillet, savant physicien de l’Académie des sciences, s’est assuré que l’acide nitreux, rectifié autant qu’il est possible, ne dissout pas un seul atome de l’or qu’on lui présente : à la vérité, l’eau-forte ordinaire semble attaquer un peu les feuilles d’or par une opération forcée, en faisant bouillir, par exemple, quatre ou cinq onces de cet acide sur un demi-gros d’or pur réduit en une lame très mince, jusqu’à ce que toute la liqueur soit réduite au poids de quelques gros ; alors la petite quantité d’acide qui reste se trouve chargée de quelques particules d’or, mais le métal y est dans l’état de suspension, et non pas véritablement dissous ; puisqu’au bout de quelque temps, il se précipite au fond du flacon, quoique bien bouché, ou bien il surnage à la surface de la liqueur avec son brillant métallique, au lieu que dans une véritable dissolution, telle qu’on l’opère par l’eau régale, la combinaison du métal est si parfaite avec les deux acides réunis, qu’il ne les quitte jamais de lui-même (*) : d’après ce rapport de M. Tillet, il est aisé de concevoir que l’acide nitreux, forcé d’agir par la chaleur, n’agit ici que comme un corps qui en frotterait un autre, et en détacherait par conséquent quelques particules, et dès lors on peut assurer que cet acide ne peut ni dissoudre, ni même attaquer l’or par ses propres forces.

    (*) Remarque communiquée à M. de Buffon par M. Tillet, avril 1781.

  3. Wallerius compte douze sortes d’or dans les sables ; mais ces douze sortes doivent se réduire à une seule, parce ce qu’elles ne diffèrent les unes des autres que par la couleur, la grosseur ou la figure, et qu’au fond c’est toujours le même or.
  4. Par exemple, l’or de Guinée, de Sofala, de Malaca, contient du cuivre et très peu d’argent, et le cuivre des mines de Coquimbo au Pérou contient, à ce qu’on dit, de l’or sans aucun mélange d’argent.
  5. La densité de l’or a été bien déterminée par M. Brisson, de l’Académie des sciences. L’eau distillée étant supposée peser 10 000 livres, il a vu que l’or à 24 carats, fondu et non battu, pèse 192 581 livres 12 onces 3 gros 62 grains, et que par conséquent un pied cube de cet or pur, pèserait 1 348 livres 1 once 0 gros 61 grains ; et que ce même or à 24 carats, fondu et battu, pèse relativement à l’eau 193 617 livres 12 onces 4 gros 28 grains, en sorte que le pied cube de cet or, pèserait 1 355 livres 5 onces 0 gros 60 grains. L’or des ducats de Hollande approche de très près ce degré de pureté ; car la pesanteur spécifique de ces ducats est de 193 519 livres 12 onces 4 gros 25 grains, ce qui donne 1 354 livres 10 onces 1 gros 2 grains pour le poids d’un pied cube de cet or. Voyez la Table des pesanteurs spécifiques, par M. Brisson. — J’observerai que, pour avoir au juste les pesanteurs spécifiques de toutes les matières, il faut non seulement se servir d’eau distillée, mais que pour connaître exactement le poids de cet eau, il faudrait en faire distiller une assez grande quantité, par exemple, assez pour remplir un vaisseau cubique d’un pied de capacité, peser ensuite le tout, et déduire la tare du vaisseau ; cela serait plus juste que si l’on n’employait qu’un vaisseau de quelques pouces cubiques de capacité : il faudrait aussi que le métal fût absolument pur, ce qui n’est peut-être pas possible, mais au moins le plus pur qu’il se pourra ; je me suis beaucoup servi d’un globe d’or, raffiné avec soin, d’un pouce de diamètre, pour mes expériences sur le progrès de la chaleur dans les corps, et en le pesant dans l’eau commune, j’ai vu qu’il ne perdait pas 1/19 de son poids ; mais probablement cette eau était bien plus pesante que l’eau distillée. Je suis donc très satisfait qu’un de nos habiles physiciens ait déterminé plus précisément cette densité de l’or à 24 carats, qui, comme l’on voit, augmente de poids par la percussion ; mais était-il bien assuré que cet or fût absolument pur ? il est presque impossible d’en séparer en entier l’argent que la nature y a mêlé ; et d’ailleurs la pesanteur de l’eau, même distillée, varie avec la température de l’atmosphère, et cela laisse encore quelque incertitude sur la mesure exacte de la densité de ce métal précieux. Ayant sur cela communiqué mes doutes à M. de Morveau, il a pris la peine de s’assurer qu’un pied cube d’eau distillée pèse 71 livres 7 onces 5 gros 8 grains et 1/24 de grain, l’air étant à la température de 12 degrés. L’eau, comme l’on sait, pèse plus ou moins, suivant qu’il fait plus froid ou plus chaud, et les différences qu’on a trouvées dans la densité des différentes matières soumises à l’épreuve de la balance hydrostatique, viennent non seulement du poids absolu de l’eau à laquelle on les compare, mais encore du degré de la chaleur actuelle de ce liquide, et c’est par cette raison qu’il faut un degré fixe, tel que la température de 12 degrés, pour que le résultat de la comparaison soit juste. Un pied cube d’eau distillée, pesant donc toujours, à la température de 12 degrés, 71 livres 7 onces 5 gros 8 1/24 grains, il est certain que, si l’or perd dans l’eau 1/19 de son poids, le pied cube de ce métal pèse 1 358 livres 1 once 1 gros 8 19/29 grains, et je crois cette estimation trop forte, car, comme je viens de le dire, le globe d’or très fin, d’un pouce de diamètre, dont je me suis servi, ne perdait pas 1/19 de son poids dans de l’eau qui n’était pas distillée, et par conséquent, il se pourrait que dans l’eau distillée il n’eût perdu que 1/18 3/4, et dans ce cas (1/18 3/4) le pied cube d’or ne pèserait réellement que 1 340 livres 9 onces 2 gros 25 grains : il me paraît donc qu’on a exagéré la densité de l’or, en assurant qu’il perd dans l’eau plus de 1/19 de son poids, et que c’est tout au plus s’il perd 1/19, auquel cas le pied cube pèserait 1 358 livres ; ceux qui assurent qu’il n’en pèse que 1 348, et qui disent en même temps qu’il perd dans l’eau entre 1/19 et 1/20 de son poids, ne se sont pas aperçus que ces deux résultats sont démentis l’un par l’autre.
  6. « La ductilité de l’or est telle qu’une once de ce métal, qui ne fait qu’un très petit volume, peut couvrir et dorer très exactement un fil d’argent long de quatre cent quarante-quatre lieues. » Dictionnaire de chimie, article Or… « Une once d’or passée à la filière, peut s’étendre en un fil de soixante-treize lieues de longueur. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1713… Les batteurs d’or réduisent une once de ce métal en seize cents feuilles, chacune de trente-sept lignes de longueur et autant de largeur, ce qui fait à peu près cent six pieds carrés d’étendue, pour les seize cents feuilles.
  7. « J’ignore, m’écrit à ce sujet M. Tillet, si l’on a fait des expériences bien décidées pour prouver que l’or en fusion perd sa ductilité étant exposé à la vapeur du charbon ; mais je sais certainement qu’on est dans l’usage pour les travaux des monnaies, lorsque l’or est en fusion dans les creusets, de les couvrir de charbon afin qu’il s’y conserve une grande chaleur, et souvent on brasse l’or dans le creuset, en employant un charbon long et à demi-embrasé, sans que le métal perde rien de sa ductilité. »
  8. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1772, seconde partie.
  9. Voyez les Mémoires sur les miroirs ardents, t. II.
  10. Dictionnaire de chimie, article Or.
  11. Dictionnaire de chimie, article Or.
  12. L’or est minéralisé, dit-on, dans la mine de Nagiach : on prétend aussi que le zinopel ou sinople provient de la décomposition de l’or faite par la nature, sous la forme d’une terre ou chaux couleur de pourpre ; mais je doute que ces faits soient bien constatés.
  13. M. Macquer, après avoir cité quelques exemples funestes des accidents arrivés par la fulmination de l’or à des chimistes peu attentifs ou trop courageux, dit qu’ayant fait fulminer, dans une grande cloche de verre, une quantité de ce précipité, assez petite pour n’en avoir rien à craindre, on a trouvé, après la détonation, sur les parois de la cloche, l’or en nature que cette détonation n’avait point altéré. Comme cela pourrait induire en erreur, je crois devoir observer que cette matière qui avait frappé contre les parois du vaisseau, et s’y était attachée, n’était pas, comme il le dit, de l’or en nature, mais de l’or précipité, ce qui est fort différent, puisque celui-ci a perdu la principale propriété de sa nature, qui est d’être inaltérable, indissoluble par les acides simples, et que tous les acides peuvent au contraire altérer et même dissoudre ce précipité.
  14. « Le vinaigre n’attaque point l’or tant qu’il est en masse ; mais si, après avoir dissous ce métal dans l’eau régale, on le précipite par l’alcali fixe, le vinaigre dissout ce précipité : cette dissolution par le vinaigre est de même précipitée par l’alcali fixe et par l’alcali volatil, et le précipité formé par cette dernière substance est fulminant. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 18.
  15. La dissolution d’or est précipitée avec le temps par l’infusion de noix de galle ; il se forme insensiblement des nuages de couleur pourpre, qui se répandent dans toute la liqueur ; l’or ne se dépose au fond du vase qu’en très petite quantité, il se ramasse presque entièrement à la surface de la liqueur, où il paraît avec son éclat métallique. M. Monnet (Dissolution des métaux, p. 127) assure que l’or précipité par l’extrait acerbe est soluble dans l’acide nitreux, et que cette dissolution est très stable, de couleur bleuâtre, et qu’elle n’est pas précipitée par l’alcali fixe.
  16. « Les précipités que l’on obtient lorsqu’on décompose la dissolution de l’or dans l’eau régale, au moyen de l’argent, du cuivre, du fer et des régules de cobalt et de zinc, sont des molécules d’or revivifiées par la voie humide, au lieu que si on emploie l’étain, le plomb, l’antimoine, le bismuth et l’arsenic, les résultats de ces opérations sont des chaux d’or, susceptibles de se vitrifier au moyen des substances vitreuses qu’on y ajoute et qui en reçoivent une couleur pourpre… Les précipités que l’on obtient par l’intermède du plomb sont d’un gris noirâtre ; celui de l’étain est pourpre… Lorsqu’on fait fulminer de l’or sur de l’étain, du plomb, de l’antimoine, du bismuth et de l’arsenic, on obtient une chaux pourpre analogue au précipité de Cassius ; au lieu que l’or, en fulminant sur l’argent, le cuivre, le fer, le cobalt et le zinc, se revivifie et s’incruste sur ces régules métalliques. » Lettres du docteur Demeste, t. II, p. 459 et 461. — L’or est aussi calciné et réduit en chaux pourpre par une forte décharge électrique… Mais la même décharge revivifie l’or en chaux, comme elle réduit la chaux de plomb. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 85.
  17. Quelques chimistes ont assuré qu’on peut donner par l’art cette mollesse à l’or, que quelquefois il tient de la nature : Beccher, dans le second supplément à sa Physique souterraine, indique un procédé par lequel il prétend qu’on peut donner à l’or la mollesse du plomb, et ce procédé consiste à jeter un grand nombre de fois le même or fondu dans une liqueur composée d’esprit de sel ammoniac et d’esprit-de-vin rectifié. Je doute de ce résultat du procédé de Beccher, et il serait bon de le vérifier en répétant l’expérience… Brandt dit avoir obtenu un or blanc et fragile par une longue digestion avec le mercure ; il ajoute que dans cet état il n’est plus possible de séparer entièrement le mercure de l’or, ni par la calcination la plus forte avec le soufre, ni par la fonte répétée plusieurs fois au feu le plus violent. Lettres du docteur Demeste, t. II, p. 458.
  18. Éléments de chimie, article de l’Or.
  19. L’or s’unit au platine, et c’est la crainte de le voir falsifier par ce mélange qui a décidé le gouvernement d’Espagne à faire fermer les mines de platine. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 263.
  20. M. Poërner, cité dans le Dictionnaire de chimie, article de l’Affinage.
  21. L’éther a, de même que toutes les matières huileuses très ténues et très volatiles, la propriété d’enlever l’or de sa dissolution dans l’eau régale ; et comme l’éther est plus subtil qu’aucune de ces matières, il produit aussi beaucoup mieux cet effet : il suffit de verser de l’éther sur une dissolution d’or, de mêler les deux liqueurs en secouant la fiole ; aussitôt que le mélange est en repos, l’éther se débarrasse de l’eau régale et la surnage ; alors l’eau régale dépouillée d’or devient blanche, tandis que l’éther se colore en jaune : de cette manière on fait très promptement une teinture d’or ou or potable, mais peu de temps après l’or se sépare de l’éther, reprend son brillant métallique, et paraît cristallisé à la surface. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 316 et 317. — Les huiles essentielles, mêlées et agitées avec une dissolution d’or par l’eau régale, enlèvent ce métal et s’en emparent ; mais l’or nage seulement dans ce fluide, d’où il se précipite en grande partie : il n’y est point dans un état de dissolution parfaite, et conserve toujours une certaine quantité d’acide régalin. Idem, p. 356.
  22. Voyez entre autres le fait de transmutation du fer en or, cité par Model dans ses Récréations chimiques, traduites en français par M. Parmentier.
  23. Je puis même dire que j’ai vu un bon nombre de ces messieurs adeptes, dont quelques-uns sont venus de fort loin pour me consulter, disaient-ils, et me faire part de leurs travaux ; mais tous ont été bientôt dégoûtés de ma conversation par mon peu d’enthousiasme.
  24. « L’or vierge se trouve non seulement dans du quartz ou de la pierre de corne, mais encore dans des pierres de veines tendres, comme, par exemple, dans une terre ferrugineuse coagulée, et dans une terre de silex ou de limon blanche et tendre ; il y en a beaucoup d’exemples dans la Hongrie et dans la Transylvanie ; on a même reconnu que l’or vierge se montre dans ces veines sous toutes sortes de figures, quelquefois sous la forme de fil allongé : on en trouve aussi qui traverse de grandes pierres. » Instructions sur l’art des mines, par M. Delius, t. Ier, p. 101.
  25. En Hongrie, on rencontre assez souvent des mines d’argent qui contiennent une portion d’or si considérable, que, par rapport à l’argent qu’on en tire, elle monte jusqu’à un quart. M. de Justi, cité dans le Journal étranger, mois de septembre, année 1756, p. 45.
  26. Pline parle d’un or des Gaules qui ne contenait qu’un trente-sixième d’argent : en admettant le fait, cet or serait le plus pur qu’on eût jamais trouvé. « Omni auro inest argentum, vario pondere ; alibi denâ, alibi nonâ, alibi octavâ parte : in uno tantùm Galliæ metallo, quod vocant albicratense, tricesima sexta portio invenitur, et ideo cæteris præest. » Lib. xxxiii, cap. xxi.
  27. L’or se trouve rarement seul dans une mine ; il est presque toujours caché dans l’argent qui l’accompagne ; et pour le tirer de sa mine, il faut le traiter d’abord comme une mine d’argent… Ce précieux métal est souvent si divisé dans les mines, qu’à peine peut-on s’assurer par les essais ordinaires qu’elles tiennent de l’or,… et souvent il faut attendre que la mine ait été fondue en grand pour essayer par le départ l’argent qui en provient. Les mines de Rammelsberg, près de Goslar dans le Hartz, peuvent servir ici d’exemple : elles tiennent de l’or, mais en si petite quantité, que le grain ne peut se trouver par l’essai, puisque le marc d’argent de ces mines ne donne que trois quarts de grains d’or ; et il faut fondre ordinairement trente-cinq quintaux de ces mines pour avoir un marc d’argent. Ainsi, pour trouver dans l’essai seulement un quart de grain d’or, il faudrait essayer dix quintaux deux tiers de mine. Les essais de ces sortes de mine se font aisément dans les lieux où il y a des fonderies établies ; mais, quand on n’a pas la commodité de fondre ces mines en grand, il faut chercher quelque moyen de connaître leur produit par l’essai…

    Si les mines qui contiennent de l’or sont chargées de pyrites ou de quelque fluor extrêmement dur à piler, il faut les griller, et ensuite les piler et les laver. On ne prend que huit quintaux de plomb pour un quintal de mine aisée à fondre, au lieu qu’il en faut seize quand elles sont rebelles à la fonte ; on les scorifie, puis on coupelle le plomb comme à l’ordinaire. Les scories de ces essais doivent avoir la fluidité de l’eau ; pour peu qu’elles filent, on n’a pas leur véritable produit en argent et en or.

    Lorsqu’on a coupellé le plomb, enrichi de cette scorification, on pèse le grain d’argent qu’il a laissé sur la coupelle, et qui est composé d’or et d’argent, que l’on départ par le moyen de l’eau-forte ; mais, avant de soumettre le bouton au départ, on le réduit en lamines, que l’on fait rougir au feu pour les recuire, afin que l’eau-forte les attaque plus aisément… Dans ces sortes de départs, où il s’agit d’avoir la petite portion d’or que contient chaque bouton de coupelle, on emploie l’eau-forte pure… Aussitôt que la première eau-forte a cessé de dissoudre, on la verse et on en remet de l’autre, qui achève de dissoudre l’argent qui pourrait encore se trouver avec l’or…

    S’il y a beaucoup d’or dans l’argent, c’est-à-dire la moitié, l’eau-forte, même en ébullition, ne l’attaque pas ; elle ne dissout que les parties de l’argent qui se trouvent à la surface des lamines, qu’il faut alors refondre avec deux fois leur poids d’argent pur, ou d’argent de départ purifié de tout cuivre… On aplatit le nouveau bouton en lamine, que l’on fait recuire, pour être ensuite soumise à l’opération du départ, qui alors se fait bien… Lorsqu’on a rassemblé tout l’or provenant du départ, on le fait rougir au feu dans un creuset pour achever de le débarrasser entièrement de l’acide du dissolvant, et pour lui faire prendre la couleur d’un vrai or… Ensuite on le laisse refroidir pour le peser, et connaître le produit de la mine qu’on a essayée. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. Ier, p. 177 et suiv.

  28. Je crois cependant qu’il n’est pas impossible de séparer absolument l’or et l’argent l’un de l’autre, en multipliant les opérations et les moyens, et qu’au moins on arriverait à une approximation si grande, qu’on pourrait regarder comme nulle la portion presque infiniment petite de celui qui resterait contenu dans l’autre.
  29. M. Cramer, dans sa Docimasie, assure que, si le départ se fait par l’eau-forte, il reste toujours une petite portion d’argent unie à l’or, et de même que, quand on fait le départ par l’eau régale, il reste toujours une petite portion d’or unie à l’argent, et il estime cette proportion depuis un deux centième jusqu’à un cent cinquantième. Dictionnaire de Chimie, article Départ. — M. Tillet observe qu’il est très vrai qu’on n’obtient pas de l’or parfaitement pur par la voie du départ, mais que cependant il est possible de parvenir à ce but par la dissolution de l’or fin dans l’eau régale, ou par des cémentations réitérées.
  30. « On peut purifier l’or, c’est-à-dire en séparer l’argent qu’il contient, par l’acide marin, au moyen d’une cémentation ; il faut d’abord qu’il soit réduit en lames minces ; on stratifie ces lames avec un cément fait de quatre parties de briques pilées et tamisées, d’une partie de colcothar et d’une partie de sel marin, le tout réduit en pâte ferme avec un peu d’eau : pendant cette opération, où il est très important que la chaleur ne soit pas assez forte pour fondre l’or, l’acide du colcothar et de l’argile dégage celui du sel marin et ce dernier, à raison de sa concentration et de l’état de vapeur où il se trouve, attaque l’argent, et, à la faveur de la dilatation que le feu occasionne, va chercher ce métal jusque dans des alliages où l’or serait en assez grande quantité pour le défendre de l’action de l’eau-forte. » Éléments de Chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 218.
  31. MM. Brandt, Schoeffer, Bergman et d’autres, ayant avancé que l’acide nitreux, quoique très pur, pouvait dissoudre une certaine quantité d’or, et cet effet paraissant devoir influer sur la sûreté de l’importante opération du départ, les chimistes de notre Académie des sciences ont été chargés de faire des expériences à ce sujet, et ces expériences ont prouvé que l’acide nitreux n’attaque point ou très peu l’or, puisque, après en avoir séparé l’argent qui y était allié, et dont on connaissait la proportion, on a toujours retrouvé juste la même quantité d’or. « Cependant ils ajoutent, dans le rapport de leurs épreuves, qu’il ne faut pas conclure que, dans aucun cas, l’acide nitreux ne puisse faire éprouver à l’or quelque très faible déchet. L’acide nitreux le plus pur se charge de quelques particules d’or ; mais nous pouvons assurer que les circonstances nécessaires à la production de cet effet sont absolument étrangères au départ d’essai ; que, dans ce dernier, lorsqu’on le pratique suivant les règles et l’usage reçu, il ne peut jamais y avoir le moindre déchet sur l’or. » Rapport sur l’opération du départ, dans le Journal de physique, février 1781, p. 142.
  32. M. Tillet m’écrit, à ce sujet, qu’on ne fait point usage des touchaux pour le travail des monnaies de France ; le titre des espèces n’y est constaté que par l’opération de l’essai ou du départ : les orfèvres emploient, il est vrai, le touchau dans leur maison commune, mais ce n’est que pour les menus ouvrages en si petit volume qu’ils offrent à peine la matière de l’essai en règle, et qui sont incapables de supporter le poinçon de marque.
  33. Pour faire l’essai de l’argent, on choisit deux coupelles égales de grandeur et de poids ; l’usage est de prendre des coupelles qui pèsent autant que le plomb qu’on emploie dans l’essai, parce qu’on a observé que ce sont celles qui peuvent boire toute la litharge qui se forme pendant l’opération ; on les place l’une à côté de l’autre, sous la moufle, dans un fourneau d’essai ; on allume le fourneau, on fait rougir les coupelles, et on les tient rouges pendant une demi-heure avant d’y rien mettre…

    Quand les coupelles sont rouges à blanc, on met dans chacune d’elles la quantité de plomb qu’on a déterminée, et qui doit être plus ou moins grande, suivant que l’argent a plus ou moins d’alliage ; on augmente le feu en ouvrant les portes du cendrier jusqu’à ce que le plomb soit rouge, fumant et agité d’un mouvement de circulation, et que sa surface soit nette et bien découverte.

    On met alors dans chaque coupelle l’argent réduit en petites lames, afin qu’il se fonde plus promptement, en soutenant toujours et même en augmentant le feu jusqu’à ce que l’argent soit bien fondu et mêlé avec le plomb… L’on voit autour du métal un petit cercle de litharge qui s’imbibe continuellement dans la coupelle, et à la fin de l’essai, le bouton de fin, n’étant plus couvert d’aucune litharge, paraît brillant et reste seul sur la coupelle ; et si l’opération a été bien conduite, les deux essais doivent donner le bouton de fin dans le même temps à peu près : au moment que ce bouton se fixe, on voit sur sa surface des couleurs d’iris, qui font des ondulations et se croisent avec beaucoup de rapidité… Il faut avoir grande attention à l’administration du feu, pour que la chaleur ne soit ni trop violente ni trop faible ; dans le premier cas, le plomb se scorifie trop vite et n’a pas le temps d’emporter toutes les impuretés de l’argent ; dans le second cas, et ce qui est encore pis, il n’entre pas assez dans la coupelle… mais la chaleur doit toujours aller en augmentant jusqu’à la fin de l’opération… Quand elle est achevée, on laisse encore les coupelles au même degré de chaleur pendant quelques moments, pour donner le temps aux dernières portions de litharge de s’imbiber ; après quoi, on les laisse refroidir doucement, surtout si le bouton de fin est gros, pour lui donner le temps de se consolider jusqu’au centre sans qu’il crève d’autre côté, ce qui arriverait s’il se refroidissait trop vite ; enfin il faut le détacher de la coupelle avant qu’elle ne soit trop refroidie, parce qu’alors il se détache plus facilement.

    On pèsera ensuite exactement les deux boutons de fin, et, si leur poids est le même, l’essai aura été bien fait, et l’on connaîtra au juste le titre de la masse de l’argent dans laquelle on a pris les morceaux pour les essayer ; le titre sera indiqué par la quantité que l’argent aura perdue par la coupelle. Dictionnaire de chimie, article Essais.

    J’observerai ici, avec M. Tillet, qu’on a tort de négliger la petite quantité d’argent que la litharge entraîne toujours dans la coupelle, car cette quantité négligée donne lieu à des rapports constamment faux de la quantité juste d’argent que contiennent intrinsèquement les lingots dont les essayeurs établissent le titre : ce point assez délicat de docimasie a été traité dans plusieurs Mémoires insérés dans ceux de l’Académie des sciences, et notamment dans un Mémoire de M. Tillet qui se trouve dans le volume de l’année 1769 ; on y voit clairement de quelle conséquence il pourrait être qu’on ne négligeât pas la petite quantité de fin que la coupelle absorbe.

    Comme il n’y a presque point de plomb qui ne contienne de l’argent, et que cet argent a dû se mêler dans le bouton de fin, il faut, avant de faire l’essai à la coupelle par le plomb, s’assurer de la quantité d’argent que ce plomb contient, et pour cela on passe à la coupelle une certaine quantité de plomb tout seul, et l’on voit ce qu’il fournit d’argent… Le plomb de Willach, en Carinthie, qui ne contient pas d’argent, est recherché pour faire les essais…

    Lorsqu’on veut faire l’essai d’un lingot d’or, on en coupe vingt-quatre grains qu’on pèse exactement à la petite balance d’essai : on pèse d’un autre côté soixante-douze grains d’argent fin ; on passe ces deux métaux ensemble à la coupelle en employant à peu près dix fois plus de plomb qu’il n’y a d’or ; on conduit cette coupellation comme celle pour l’essai de l’argent, si ce n’est qu’on chauffe un peu plus vivement sur la fin, lorsque l’essai est prêt à faire son éclair : l’or se trouve après cela débarrassé de tout autre alliage que de l’argent…

    Ensuite on aplatit le bouton de fin sur le tas d’acier, en le faisant recuire à mesure qu’il s’écrouit, de peur qu’il ne fende ; on le réduit par ce moyen en une petite lame qu’on roule ensuite en forme de cornet, puis on en fait le départ par l’eau-forte.

    La diminution qui se trouve sur le poids de l’or, après le départ, fait connaître la quantité d’alliage que cet or contient…

    On peut aussi purifier l’or par l’antimoine, qui emporte en même temps les métaux imparfaits et l’argent dont il est mêlé ; mais cette purification de l’or n’est pas assez parfaite pour pouvoir servir à la juste détermination du titre de l’or, et il vaut mieux employer la coupellation par le plomb pour séparer d’abord l’or de tous les métaux imparfaits, et ensuite le départ pour le séparer de l’argent. Dictionnaire de chimie, article Essais.

  34. « Regnaverat in Colchis Saleucis, qui terram virgineam nactus, plurimùm argenti aurique eruisse dicitur. » Pline, lib. xxxv.
  35. Les anciens Romains avaient eu la même sagesse : « Metallorum omnium fertilitate nullis cedit terris Italia, sed interdictum id vetere consulto patrum, Italiæ parci jubentium. » Pline, Hist. nat., lib. iii, cap. xxiv.
  36. Voyez le livre de Las Casas sur la destruction des Indiens.
  37. Pline dit qu’on tirait tous les ans, des Pyrénées et des provinces voisines, vingt mille livres pesant d’or, sans compter l’argent, le cuivre, etc. ; il dit ailleurs que Servius Tullius, roi des Romains, fut le premier qui fit de la monnaie d’or, et qu’avant lui on l’échangeait tout brut. — Strabon rapporte que, dans le temps d’Auguste et de Tibère, les Romains tiraient des Pyrénées une si grande quantité d’or et d’argent, que ces métaux devinrent infiniment plus communs qu’avant la conquête des Gaules par Jules-César ; mais ce n’était pas seulement des mines des Pyrénées que les Romains tiraient cette grande quantité d’or et d’argent, car Suétone reproche à César d’avoir saccagé les villes de la Gaule pour avoir leurs richesses, tellement qu’ayant pris de l’or en abondance, il le vendit en Italie, à trois mille petits sesterces la livre, ce qui, selon Budé, ne fait monter le marc qu’à soixante-deux livres dix sous de notre monnaie. — Tacite donne une idée de l’abondance de l’or et de l’argent dans les Gaules par ce qu’il fait dire à l’empereur Claude, séant dans le sénat : « Ne vaut-il pas mieux, dit ce prince, que les Gaulois nous apportent leurs richesses que de les en laisser jouir séparés de nous ? » Hellot, Mémoires sur l’exploitation des mines de Baygory.
  38. Les anciens ont écrit que l’Espagne, sur toutes les autres provinces du monde connu, était la plus abondante en or et en argent, et particulièrement le Portugal, la Galice et les Asturies. Pline dit qu’on apportait tous les ans d’Espagne à Rome plus de vingt mille livres d’or, et aujourd’hui les Espagnols tirent ces deux métaux d’Amérique. Histoire des Indes, par Acosta ; Paris, 1600, p. 136.
  39. Voyage de Misson, t. III, p. 73.
  40. Les rivières de France qui charrient de l’or sont : 1o le Rhin ; on trouve des paillettes d’or dans les sables de ce fleuve, depuis Strasbourg jusqu’à Philisbourg ; elles sont plus rares entre Strasbourg et Brissac, où le Rhin est plus rapide… L’endroit de ce fleuve où il en dépose davantage est entre le Fort-Louis et Guermesheim ; mais tout cela se réduit à une assez petite quantité, puisque, sur deux lieues d’étendue que le magistrat de Strasbourg donne à ferme pour en tirer les paillettes d’or, on ne lui en porte que quatre ou cinq onces par an, ce qui vient de ce que les arpailleurs sont en trop petit nombre, encore plus que de la disette d’or, car on en pourrait tirer une bien plus grande quantité : on paye les arpailleurs à raison de trente à quarante sous par jour ;

    2o Le Rhône roule, dans le pays de Gex, assez de paillettes d’or pour occuper pendant l’hiver quelques paysans, à qui les journées valent à peu près depuis douze jusqu’à vingt sous. Ils s’attachent principalement à lever les grosses pierres ; ils enlèvent le sable qui les environne, et c’est de ce sable qu’ils tirent les paillettes : on ne trouve ces paillettes que depuis l’embouchure de la rivière d’Arve dans le Rhône, jusqu’à cinq lieues au-dessous ;

    3o Le Doubs, mais les paillettes d’or y sont assez rares ;

    4o La petite rivière de Cèse, qui tire son origine d’auprès de Ville-Fort, dans les Cévennes : dans plusieurs lieues de son cours, on trouve partout à peu près également des paillettes, communément beaucoup plus grandes que celles du Rhône et du Rhin ;

    5o La rivière du Gardon, qui, comme celle de Cèse, vient des montagnes des Cévennes, entraîne aussi des paillettes d’or, à peu près de même grandeur et en aussi grand nombre ;

    6o L’Ariège, dont le nom indique assez qu’elle charrie de l’or : on en trouve en effet des paillettes dans le pays de Foix, mais c’est aux environs de Pamiers qu’elle en fournit le plus ; elle en route aussi dans le territoire de l’évêché de Mirepoix ;

    7o On fait tous les ans dans la Garonne, à quelques lieues de Toulouse, une petite récolte de paillettes d’or ; mais il y a lieu de croire qu’elle en tire la plus grande partie de l’Ariège, car ce n’est guère qu’au-dessous du confluent de cette dernière rivière qu’on les cherche. L’Ariège elle-même paraît tirer ses paillettes de deux ruisseaux supérieurs, savoir celui de Ferriet et celui de Benagues ;

    8o Le Salat, dont la source, comme celle de l’Ariège, est dans les Pyrénées, roule des paillettes d’or que les habitants de Saint-Giron ramassent pendant l’hiver. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1778, p. 69 et suiv.

    On sait, par des anecdotes certaines, que la monnaie de Toulouse recevait ordinairement chaque année deux cents marcs de cet or recueilli des rivières de l’Ariège, de la Garonne et du Salat : on en a porté dans le bureau de Pamiers, depuis 1750 jusqu’en 1760, environ quatre-vingts marcs, quoique ce bureau n’ait tout au plus que deux lieues d’arrondissement. Idem, année 1761, p. 197.

  41. M. Pailhès a trouvé dans le Languedoc et dans le pays de Foix quantité de terres aurifères… Il dit que, lorsqu’on creuse dans la haute ou basse ville de Pamiers, pour des puits et des fondements, on en tire des terres remplies de paillettes d’or… Les plus grandes paillettes sont de trois à quatre lignes de longueur, et toujours plus longues que larges ; il y en a de si petites qu’elles sont imperceptibles, quelques-unes ont les angles aigus, mais la plupart les ont arrondis, il y en a même qui sont repliées : il y a aussi des grains de différentes grosseurs… Il y a des cailloux qui sont presque couverts et entourés par une lame d’or ; ils sont tous de la nature du quartz, mais ils sont de différentes couleurs… Il y a trois espèces de ces cailloux : les premiers sont ferrugineux et rougeâtres, et extrêmement durs ; les seconds sont aussi ferrugineux et colorés de roussâtre et de noir ; les troisièmes sont blanchâtres et fournissent les plus gros grains d’or. Pour en tirer les paillettes, on pile ces cailloux dans un mortier de fer, et on les réduit en poudre. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1761, p. 198 et suiv.
  42. Dans le diocèse de Montpellier, on cherche des paillettes d’or le long de la rivière de l’Hérault ; j’en ai vu une qui pesait près d’un gros, elle était fort mince, mais large, et les arpailleurs m’assurèrent qu’il y avait peu de temps qu’ils en avaient trouvé une qui pesait au delà d’une demi-once… Ces paillettes se trouvaient entre deux bancs de roche qui traversent la rivière, et ils ne pouvaient en avoir que lorsque les eaux étaient basses. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 193.
  43. Le pays des Tarbelliens, que quelques-uns disent être le territoire de Tarbes, d’autres celui de Dax, produisait autrefois de l’or, suivant le témoignage de Strabon : « Aquitaniæ solum, quod est ad littus Oceani, majore sui parte arenosum est et tenue… Ibi est etiam sinus isthmum efficiens, qui pertinet ad sinum Gallicum in Narbonensi orâ, idemque cum illo sinu hic sinus nomen habet : Tarbelli hunc sinum tenent, apud quos optima sunt auri metalla ; in fossis enim non altè actis inveniuntur auri laminæ manum implentes, aliquando exiguâ indigentes repurgatione ; reliquium ramenta et glebæ sunt, ipsæ quoque non multum operis desiderantes. » Strabon, lib. iv.
  44. Mémoires sur l’exploitation des mines, par M. de Gensane, dans ceux des Savants étrangers, t. IV, p. 141.
  45. Hellot, Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 1 jusqu’à 68.
  46. Gazette d’agriculture, article Pétersbourg, du 22 août 1775.
  47. Les sept mines d’or de Hongrie ne sont pas éloignées les unes des autres ; voici leurs noms : Cremnitz, Schemnitz, Newsol, Koningsberg, Bohentz, Libeten et Hin. On trouve dans celle de Cremnitz des morceaux de pur or. Métallurgie d’Alphonse Barba, t. II, p. 285.
  48. Dans plusieurs exploitations de la Transylvanie, les veines d’or ne produisent point de minerai tant qu’il y a du quartz bien blanc, peu dense, clair, et d’une couleur transparente comme de l’eau ; dès qu’il commence à avoir une couleur grisâtre ou brunâtre, qu’il devient plus dense et avec des cavités cristalliques, l’or commence à se faire voir. Instruction sur l’art des mines, par M. Délius, traduction, t. Ier, p. 52. — Beaucoup de veines dans la Transylvanie, dont on a retiré dans les moyennes hauteurs de l’or vierge, se sont changées, dans les profondeurs, en minerai de plomb ou en mine morte, ou bien elles sont devenues tout à fait stériles. Idem, p. 72.
  49. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 318.
  50. Mémoires de l’Académie de Suède, t. II.
  51. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 318. — Mémoire, sans nom d’auteur, sur les Curiosités de la Suisse.
  52. Troisième Voyage de Paul Lucas, Rouen, 1719, t. Ier, p. 60.
  53. Description de l’Archipel, par Dapper ; Amsterdam, 1703, p. 254.
  54. Idem, ibidem, p. 52.
  55. Voyages de Tavernier ; Rouen, 1713, t. Ier, p. 453.
  56. Les Persans ont cessé le travail de leurs mines depuis que l’or et l’argent sont devenus communs, tant par celui qu’on leur porte d’Europe que par la quantité d’or très considérable qui sort de l’Abyssinie, de l’île de Sumatra, de la Chine et du Japon. Voyages de Tavernier ; Rouen, 1713, t. II, p. 12 et 263.
  57. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 211.
  58. Voyages de Tavernier, etc., t. IV, p. 86.
  59. Histoire générale des Voyages, t. VI, p. 108.
  60. Voyages de Tavernier, etc., t. IV, p. 193.
  61. L’or paraît être extrêmement commun à Siam, si l’on en juge par la vaisselle du roi et de l’éléphant blanc, qui est toute d’or, et par plusieurs grandes pagodes et autres ornements qui sont d’or massif dans les temples et les palais. Histoire de Siam, par Gervaise ; Paris, 1688, p. 296.
  62. Lettres édifiantes ; Paris, 1703, troisième Recueil, p. 73.
  63. Voyages de Tavernier, t. IV, p. 85.
  64. Histoire générale des Voyages, t. IX, p. 34.
  65. Selon M. Herman-Nicolas Grimm, les mines de Sumatra se trouvent dans des montagnes qui sont à trois milles environ de Sillida ; elles appartiennent à la Compagnie hollandaise des Indes orientales : leur profondeur est de quatorze toises à peu près ; elles sont percées de routes souterraines… Les filons varient depuis un doigt jusqu’à deux palmes ; on y trouve : 1o une mine d’argent noirâtre dans du spath blanc ; elle est entremêlée de filets brillants couleur d’or… Cette mine est riche en or et en argent ;

    2o Une autre mine d’argent, entrecoupée de plusieurs stries d’or ; le filon n’a guère qu’un doigt de diamètre en certains endroits ;

    3o Une mine grise, semée de points noirâtres ; elle donne un marc d’argent, et près de deux onces d’or par quintal… ;

    4o Une mine qui se trouve par morceaux détachés, couverte d’efflorescence d’argent, de couleur bleuâtre ; elle contient aussi du fer : son produit est de dix à douze marcs d’argent, avec quelques onces d’or par quintal…

    Non loin de cette mine est un endroit appelé Tambumpuora, où les naturels du pays recueillent de l’or… Il y a une crevasse ou ravine dans la montagne par où l’eau tombe dans le vallon ; ils prennent la terre et le sable de cette ravine, en font la lotion, et trouvent l’or au fond des vaisseaux. Collection académique, t. VI, p. 296 et suiv.

  66. Voyages de Tavernier, t. IV, p. 85.
  67. Histoire générale des Voyages, t. XI, p. 485.
  68. Idem, ibidem, p. 249.
  69. Découvertes des Portugais, par le P. Laffiteau ; Paris, 1733, t. Ier, p. 553.
  70. Recueil des Voyages des Hollandais ; Amsterdam, 1702, t. II, p. 256 et 510.
  71. Dans les montagnes de l’île de Masbaste, l’une des Philippines, il y a de riches mines d’or à vingt-deux carats, et le contre-maître du galion le Saint-Joseph, sur lequel je passai à la Nouvelle-Espagne, y étant un jour descendu, en tira en peu de temps une once et un quart d’or très fin ; on ne travaille point aujourd’hui à ces mines. Gemelli Carreri, Voyages autour du monde, t. V, p. 89 et 90. — Dans plusieurs autres des îles Philippines, les montagnes contiennent aussi des mines d’or, et les rivières en charrient dans leurs sables : le gouverneur m’a dit que l’on ramasse en tout environ pour deux cent mille pièces de huit tous les ans, ce qui se fait sans le secours du feu ni de mercure, d’où l’on peut conjecturer quelle prodigieuse quantité on en tirerait, si les Espagnols voulaient s’y attacher comme ils ont fait en Amérique…

    La province de Paracule en a plus qu’aucune autre, aussi bien que les rivières de Boxtuan, des Pintados, de Cantanduam, de Masbaste et de Bool, ce qui faisait qu’autrefois un nombre infini de vaisseaux en venaient trafiquer. Idem, ibidem, t. V, p. 123 et 124. — Les habitants de Mindanao trouvent de fort bon or en creusant la terre et dans les rivières, en y faisant des fosses avant que le flot arrive. Idem, p. 208. — L’or se trouve presque dans toutes les îles Philippines ; on en trouvait autrefois beaucoup : on m’a assuré que la quantité qu’on en tirait, soit des mines, soit des sables que les rivières charrient, montait à deux cent mille piastres, année commune… Mais à présent le travail des mines est négligé… et malgré tous les encouragements que la cour de Madrid a accordés aux Manillois, on tire aujourd’hui très peu d’or des Philippines. Voyages dans les mers de l’Inde, par M. le Gentil, t. II, p. 30 et 31 ; Paris, 1781, in-4o.

  72. Mendez Pinto rapporte qu’entre les royaumes de Camboye et de Campa, en Asie, est une rivière qui se décharge dans la mer, à neuf degrés de latitude nord, et vient du lac Binator, qui est à deux cent cinquante lieues dans les terres, que ce lac est environné de hautes montagnes, au pied desquelles on trouve des mines d’or, dont la plus riche est auprès du village nommé Chincaleu, et que l’on tirait de ces mines chaque année pour la valeur de vingt-deux millions de notre monnaie. Histoire générale des Voyages, t. X, p. 327 et 328.
  73. Idem, t. IX, p. 34.
  74. Dans la partie septentrionale du Tunquin, il y a plusieurs montagnes qui produisent de l’or. Voyages de Dampier, t. III, p. 25.
  75. Dans la province de Kokonor, il y a une rivière nommée en langue mongole Altan-kol ou rivière d’or, qui est peu profonde et se rend dans les lacs de Tsing-fuhay ; les habitants du pays emploient tout l’été à recueillir l’or de Kokonor… Cet or, venu apparemment des montagnes voisines, est fort estimé, et se vend dix fois son poids d’argent… La rivière de Chy-chakyang, dont le nom chinois signifie rivière d’or, comme Altan-kol en langue mongole, charrie aussi de l’or. Hist. générale des Voyages, t. VII, p. 108. — Il y a non seulement à la Chine des rivières qui charrient de l’or, mais des minières dans les montagnes de Se-chuen et de Yun-nan, du côté de l’ouest ; la seconde de ces provinces passe pour la plus riche : elle reçoit beaucoup d’or d’un peuple nommé Lolo, qui occupe les parties voisines d’Ava, de Pégu et de Laor ; mais cet or n’est pas des plus beaux… Le plus beau se trouve dans les districts de Li-kiang-fu et de Yang-chang-fu. Idem, t. VI, p. 484.
  76. Il y a plusieurs mines d’or à la Chine, mais en général il est moins pur que celui du Brésil ; les Chinois en font néanmoins un très grand commerce. Voyages de le Gentil ; Paris, 1725, t. II, p. 15.
  77. Le Japon passe pour la contrée de toute l’Asie la plus riche en or, mais on croit que la plus grande partie vient de l’île de Formose. Voyages de Tavernier, t. IV, p. 85. — Quelques provinces de l’empire du Japon possèdent des mines d’or… Le commerce s’en fait en or de fonte et en or en poudre, que l’on tire des rivières… Les plus abondantes mines de l’or le plus pur ont été longtemps les mines de Sado, une des provinces septentrionales de Niphon : on y recueille encore quantité de poudre d’or. Les mines Suronga sont aussi très estimées ; mais les unes et les autres commencent à s’épuiser ; on en a découvert de nouvelles auxquelles il est défendu de travailler… Une montagne située sur le golfe d’Okas, s’étant écroulée dans la mer à la fin du siècle passé, on trouva que le sable du lieu qu’elle avait occupé était mêlé d’or pur… Dans la province de Chiango et dans l’île d’Amakusa, il y a aussi des mines d’or, mais on ne peut y travailler, à cause des eaux. Histoire générale des Voyages, t. X, p. 654.
  78. Il y a une grande quantité de mines d’or et d’argent dans l’île de Formose, et on en trouve de même beaucoup dans les îles des Voleurs et autres îles adjacentes ; mais l’or de l’île des Voleurs n’est pas un métal pur : il y a dans ces îles, sans parler de celle des Voleurs, trois mines d’or et trois mines d’argent fort abondantes… Ces insulaires estimaient plus l’argent que l’or, parce que ce précieux métal y était très commun… Tous leurs ustensiles étaient ordinairement d’or ou d’argent… Leurs temples, soit dans les villes, soit à la campagne, étaient pour la plupart couverts d’or ; mais, depuis que les Hollandais leur ont porté du fer pour en avoir de l’or, ils l’ont moins prodigué. Description de l’île Formose ; Amsterdam, 1705, p. 167 et 168.
  79. La Sibérie a des mines d’or, mais dont le produit ne vaut pas la dépense ; elles sont aux environs de Kathérinbourg : une terre blanche tirant sur le gris, mêlée de quelques couches de terre martiale, indique la mine d’or. À peine a-t-on creusé deux pieds que les filons paraissent… Ces mines sont dans des glaises bleues, et se terminent ordinairement à des couches d’ocre ; l’or est communément dans le quartz et souvent dans un ocre très friable : on le trouve par petites paillettes, qu’on sépare au lavage. Cette mine d’or et quatre autres se trouvent à peu près sous la même latitude, et elles sont à plus de deux cents toises au-dessus du niveau de la mer, et renfermées dans des matières vitrifiables, tandis que les mines de cuivre ne sont qu’à cent quatre-vingts toises du même niveau de la mer, et mêlées de matières calcaires. Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 475 et 476. — Les mines de Kathérinbourg rendent annuellement deux cents à deux cent quatre-vingts livres d’or. Journal politique, 15 février 1776, article Paris.
  80. « Gonzalez reçut, pour la rançon de deux jeunes gens qu’il y avait faits prisonniers, une quantité considérable de poudre d’or ; ce fut la première fois que l’Afrique fit luire ce précieux métal aux yeux des aventuriers portugais, et cette raison leur fit donner à un ruisseau, à environ six lieues dans les terres, le nom de Rio d’Oro. » Histoire générale des Voyages, t. Ier, p. 7.
  81. Desmarchais dit que les habitants du canton de Mina… tirent beaucoup d’or de leurs rivières et des ruisseaux ; il assure qu’à la distance de quelques lieues au nord et au nord-est du château, il y a plusieurs mines de ce métal, mais que les Nègres du pays n’ont pas plus d’habileté à les faire valoir que ceux de Bambuk et de Tombut en ont dans le royaume de Galam. Cependant, continue-t-il, elles doivent être fort riches, pour avoir fourni aussi longtemps autant d’or que les Portugais et les Hollandais en ont tiré. Pendant que les Portugais étaient en possession de Mina, ils ne prenaient pas la peine d’ouvrir leurs magasins, si les marchands nègres n’apportaient cinquante marcs d’or à la fois. Les Hollandais qui sont établis dans le même lieu, depuis plus d’un siècle, en ont apporté d’immenses trésors ; on prétend qu’ils ont fait de grandes découvertes dans l’intérieur des terres, mais qu’ils jugent à propos de les cacher au public. Idem, t. IV, p. 44.
  82. Dans l’île Saint-Jean, au cap Vert, le voyageur Roberts grimpa sur un des rochers, où il trouva de l’or en filets dans la pierre, et entre autres une partie plus grosse et longue comme le doigt, qu’il eut de la peine à tirer du roc dans lequel la veine d’or s’enfonçait beaucoup plus. Idem, t. II, p. 295.
  83. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 530 et suiv. — Sur la côte d’Or en Afrique, la rivière d’Axim, qui roule des paillettes d’or, est à peine navigable. Les habitants cherchent ce métal dans le fond de cette rivière, en s’y plongeant et ramassant une quantité de sable, dont ils remplissent une calebasse avant de reparaître sur l’eau ; ensuite ils cherchent l’or dans cette matière qu’ils ont rapportée dans leurs calebasses : il se trouve en paillettes et en grains après le lavage de cette matière. Dans la saison des pluies, où la rivière d’Axim et les ruisseaux qui y aboutissent se gonflent considérablement, on trouve dans leur sable des grains d’or plus gros et en plus grande quantité ; cet or est très pur. Bosman, ibid., t. IV, p. 19. — L’or le plus fin de la côte d’Or est celui d’Axim ; on assure qu’il est à vingt-deux et même vingt-trois carats : celui d’Acra ou de Tasor est inférieur ; celui d’Akanez et d’Achem suit immédiatement, et celui de Fétu est le pire… Les peuples d’Axim et d’Achem le tirent du sable de leurs rivières… L’or d’Acra vient de la montagne de Tafu, qui est à trente lieues dans l’intérieur des terres… L’or d’Akanez et de Fétu est tiré de la terre sans grande fatigue… mais l’or de ce pays ne passe jamais de vingt à vingt et un carats… Rien n’est si commun parmi ces Nègres que les bracelets et les ornements d’or… La vaisselle de leurs rois, leurs fétiches sont entièrement d’or… Ils distinguent de trois sortes d’or, le fétiche, les lingots et la poudre. L’or fétiche est fondu et communément allié à quelque autre métal ; les lingots sont des pièces de différents poids, tels, dit-on, qu’ils sont sortis de la mine, M. Phips en avait un qui pesait trente onces : cet or est aussi très sujet à l’alliage. La meilleure poudre d’or est celle qui vient des royaumes intérieurs de Dumkira, d’Akim et d’Akanez ; on prétend qu’elle est tirée du sable des rivières. Les habitants creusent des trous dans la terre, près des lieux où l’eau tombe des montagnes, et l’or y est arrêté par son poids… Les Nègres de cette côte ont des filières pour tirer de l’or en fil. Histoire générale des Voyages, t. IV, p. 215 et 216.
  84. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 530, 531 et 534.
  85. En Guinée, les Nègres recueillent les paillettes d’or, qui se trouvent en assez grande quantité dans la plupart des ruisseaux qui découlent des montagnes. Histoire générale des Voyages, t. Ier, p. 257. — Il y a trois endroits où les habitants du pays cherchent l’or : 1o dans les montagnes ; 2o auprès des rivières, où l’eau en entraîne de petites parties avec le sable ; 3o au bord de la mer, où l’on trouve de petites sources d’eau vive dans lesquelles il y a de l’or, et il s’en trouve beaucoup plus qu’à l’ordinaire dans le temps des grandes pluies. Cependant ce travail, qui se fait en lavant le sable de ces sources ou ruisseaux, ne produit souvent qu’une très petite quantité d’or, et quelquefois point du tout ; mais aussi il donne quelquefois par hasard des grains ou pépites un peu grosses. Voyage en Guinée, par Bosman, lettre vi, p. 82. — Dans la province de Dinkira, qui est à cinq ou six journées de distance de la côte de Guinée, et dans quelques autres contrées de cette même région, il y a des mines d’or, dont les Nègres font le commerce avec les marchands européens qui fréquentent cette côte ; l’or qu’apportent ceux de Dinkira est bon et pur… Ceux d’Acany apportent de l’or d’Asiant et d’Axim, et de celui qu’ils tirent dans leur pays ; cet or est d’une grande pureté… Il n’y a point de pays que nous connaissions dont il sorte tant d’or que de celui d’Axim, et c’est le meilleur de toute cette côte ; on le connaît aisément à sa couleur obscure… Il y a encore plus d’or à Asiant qu’à Dinkira ; il en est de même du pays d’Anamé, situé entre Asiant et Dinkira… On en tirait aussi beaucoup du pays d’Awiné, qui est situé sur la côte fort au-dessus d’Axim. Idem, ibid.
  86. Il y a de l’or dans les terres des Nègres Mandingos, qui sont voisins de la rivière Gambra ; ces Nègres apportent l’or en petits lingots façonnés en forme d’anneaux ; ils disent que cet or n’est pas de l’or lavé et tiré en poudre des sables ou de la terre, mais qu’il se trouve dans les montagnes, à vingt journées de Kower. Histoire générale des Voyages, t. III, p. 632.
  87. Le royaume de Guiomeré, sur la côte d’Ivoire, en Afrique, est abondant en or. Idem, ibidem.
  88. Histoire générale des Voyages, t. V, p. 228.
  89. L’or est si commun dans le territoire de Bambuk, que, pour en avoir, il suffit de racler la superficie d’une terre argileuse, légère et mêlée de sable. Lorsque la mine est très riche, elles est fouillée à quelques pieds de profondeur et jamais plus loin, quoiqu’elle paraisse plus abondante à mesure qu’on creuse davantage : ces mines sont plus riches que celles de Galam, de Tombut et de Bambara. Histoire philosophique et politique des deux Indes ; Amsterdam, 1772, t. Ier, p. 516… Les mines de Bambuk, qui furent ouvertes en 1716, produisent beaucoup d’or en poudre et en grains, qu’on trouve dans la terre à peu de profondeur, et on l’en retire par le lavage ; cet or est très pur… Ces mines qui sont dans des terres argileuses de différentes couleurs, mêlées de sable, sont très aisées à être exploitées, et dix hommes y font plus d’ouvrage et en tirent plus d’or que cent dans les plus riches mines du Pérou et du Brésil… Les Nègres n’ont remarqué autre chose, pour la connaissance des mines d’or dans ce pays, sinon que les terres les plus sèches et les plus stériles sont celles qui en fournissent le plus… Ils ne creusent jamais qu’à six, sept ou huit pieds de profondeur, et ne vont jamais plus loin, quoique l’or y devienne souvent plus abondant, parce qu’ils ne savent pas faire des charpentes capables de soutenir les terres. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 640 et 641… À vingt-cinq lieues de la jonction de la rivière Falemé avec le Sénégal, il y a une mine d’or dans un canton haut et sablonneux, que les Nègres se contentent, pour ainsi dire, de gratter sans la fouiller profondément… Il y en a d’autres à cinquante lieues de cette même jonction, dans les terrains qui avoisinent la rivière Falemé… Les mines de Ghinghi-Faranna sont à cinq lieues plus loin… Tous les ruisseaux qui arrosent ce grand territoire, et qui vont se jeter dans la rivière de Falemé, roulent beaucoup d’or que les Nègres recueillent avec le sable qui en est encore plus chargé que les terres voisines… Les montagnes voisines de Ghinghi-Faranna sont couvertes d’un gravier doré qui paraît fort mêlé de paillettes d’or…

    La plus riche de toutes les mines du Bambuk est celle qui a été découverte en 1716 ; elle est au centre du royaume, à trente lieues de la rivière de Falemé à l’est, et quarante du fort Saint-Pierre à Kaygnure, sur la même rivière. Elle est d’une abondance surprenante, et l’or en est fort pur. Il y a une grande quantité d’autres mines dans ce pays, dans l’espace de quinze à vingt lieues… Tout ce terrain des mines est environné de montagnes hautes, nues et stériles… On trouve dans tout ce pays des trous faits par les Nègres d’environ dix pieds de profondeur ; ils ne vont pas plus bas, quoiqu’ils conviennent tous que l’or est plus abondant dans le fond qu’à la surface. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 642 et suiv.

  90. Dans les présents que le roi d’Éthiopie envoyait au Grand-Mogol, il y avait un arbre d’or de deux pieds quatre pouces de haut, et gros de cinq ou six pouces par la tige. Il avait dix ou douze branches dont quelques-unes étaient plus petites : à quelques endroits des grosses branches, on voyait quelque chose de raboteux, qui en quelque chose ressemblait à des bourgeons. Les racines de cet arbre, que la nature avait ainsi fait, étaient petites et courtes, et la plus longue n’avait pas plus de quatre ou cinq pouces. Voyages de Tavernier, t. IV, p. 86 et suiv.
  91. Lettres édifiantes, quatrième Recueil, p. 338.
  92. Lettres édifiantes, quatrième Recueil, p. 400.
  93. Le royaume de Sofala est arrosé principalement par deux grands fleuves, Rio del Espirito-Santo et Guama. Ces deux fleuves et toutes les rivières qui s’y déchargent sont célèbres par le sable d’or qui roule avec leurs eaux. Au long du fleuve de Cuama, il y a beaucoup d’or dont les mines sont fort abondantes ; ces mines portent le nom de Manica, et sont éloignées d’environ cinquante lieues de montagnes, au-dessus desquelles l’air est toujours serein. Il y a d’autres mines à cent cinquante lieues qui avaient précédemment beaucoup plus de réputation : on trouve dans ce grand pays des édifices d’une structure merveilleuse, avec des inscriptions d’un caractère inconnu. Les habitants ignorent tout à fait leur origine. Histoire générale des Voyages, t. Ier, p. 9 et 91.
  94. Les plus riches mines d’or du royaume de Mongas, dans le Monomotapa, sont celles de Massapa, qui portent le nom d’Ofur ; on y a trouvé un lingot d’or de douze mille ducats, et un autre de quarante mille. L’or s’y trouve non seulement entre les pierres, mais même sous l’écorce de certains arbres jusqu’au sommet, c’est-à-dire jusqu’à l’endroit où le tronc commence à se diviser en branches. Les mines de Manchika et de Butna sont peu inférieures à celles d’Ofur. Hist. générale des Voyages, t. V, p. 224. — Cet empire est arrosé de plusieurs rivières qui roulent de l’or ; telles sont Passami, Luanga, Mangiono et quelques autres. Dans les montagnes qui bordent la rivière de Cuama, on trouve de l’or en plusieurs endroits, soit dans les mines, ou dans les pierres, ou dans les rivières ; il y en a aussi beaucoup dans le royaume de Butna. Recueil des Voyages de la Compagnie des Indes, t. III, p. 625. — C’est du Monomotapa et du côté de Sofala et de Mozambique que se tire l’or le plus pur de l’Afrique ; on le tire sans grande peine en fouillant la terre de deux ou trois pieds seulement, et dans ces pays, qui ne sont point habités, parce qu’il n’y a point d’eau, il se trouve sur la surface de la terre de l’or par morceaux de toutes sortes de formes et de poids, et il y en a qui pèsent jusqu’à une ou deux onces. Tavernier, t. IV, p. 86 et suiv.
  95. Il y a des mines d’or qui sont à cent et à deux cents lieues de Sofala, et l’on y rencontre, aussi bien que dans les fleuves, l’or en grains, quelques-uns dans les veines des rochers, d’autres qui ont été entraînés l’hiver par les eaux, et les habitants le cherchent l’été quand les eaux sont basses ; ils se plongent dans les tournants et en tirent du limon, qui, étant lavé, il se trouve de gros grains d’or en plus ou moindre quantité. L’Afrique de Marmol, t. III, p. 113. — Entre Mozambique et Sofala, on trouve une grande quantité d’or pur et en poudre dans le sable d’une rivière qu’on appelle le fleuve Noir… Tout cet or de Sofala est en paillettes, en poudre et en petits grains, et fort pur. Voyage de Fr. Pyrard de Laval, t. II, p. 247. — Les Cafres de Sofala font des galeries sous terre pour tâcher de trouver les mines d’or, dont ils recueillent les paillettes et les grains que les torrents et les ruisseaux entraînent avec les sables, et il arrive souvent qu’ils trouvent, au moyen de leurs travaux, des mines assez abondantes, mais toujours mêlées de sable et de terre, et quelquefois en ramifications dans les pierres. Hist. de l’Éthiopie, par le P. Joan dos Santos ; Paris, 1684, part. ii, p. 115 et 116.
  96. À Mozambique, la poudre d’or est commune et sert même de monnaie ; on en apporte aussi du cap des Courants ; elle se trouve au pied des montagnes ou dans les sables amenés par les eaux. Quelquefois il s’en trouve de gros morceaux très purs ; j’en ai vu un d’une demi-livre pesant, mais cela est fort rare. Voyage de Jean Moquet ; Rouen, 1645, liv. iv, p. 260.
  97. On voit, par le témoignage de Flacourt, qu’il y avait anciennement beaucoup d’or à Madagascar, et qu’il était tiré du pays même ; cet or n’était en aucune façon semblable à celui que nous avons en Europe, étant, dit-il, plus blafard et presque aussi aisé à fondre que du plomb. Leur or a été fouillé dans le pays en diverses provinces, car tous les grands en possèdent et l’estiment beaucoup… Les orfèvres du pays ne sauraient employer notre or, disant qu’il est trop dur à fondre. Voyage à Madagascar ; Paris, 1661, p. 83. — Il y a tant d’or à Madagascar, qu’il n’est pas possible qu’il y ait été apporté des pays étrangers ; il a été tiré dans le pays même. Il y en a de trois sortes : le premier qu’ils appellent or de Malacasse, qui est blafard, et ne vaut pas plus de dix écus l’once ; c’est un or qui se fond presque aussi aisément que le plomb. Il y a de l’or que les Arabes ont apporté, et qui est beau, bien raffiné, et vaut bien l’or de sequin ; le troisième est celui que les chrétiens y ont apporté, et qui est dur à fondre. L’or de Malacasse est celui qui a été fouillé dans le pays. Idem, p. 148.
  98. « Scelus fecit qui primus ex auro denarium signavit. » Pline.
  99. L’or était si commun au Pérou, que, le jour de la prise du roi Atabalipa par les Espagnols, ils se firent donner de l’or pour deux millions de pistoles d’Espagne ; on peut dire à peu près la même chose de ce qu’ils tirèrent du Mexique, après la prise du roi Montézuma. Histoire universelle des Voyages, par Montfraisier ; Paris, 1707, p. 318.
  100. Histoire des Aventuriers ; Paris, 1680, t. Ier, p. 70. — La rivière de Cibao, dans l’île d’Espagne, était la plus célèbre par la grande quantité d’or qu’on trouvait dans les sables. Histoire des Voyages, par Montfraisier, p. 319. — Charlevoix raconte qu’on trouva à Saint-Domingue, sur le bord de la rivière Hayna, un morceau d’or si grand qu’il pesait trois mille six cents écus d’or, et qui était si pur que les orfèvres jugèrent qu’il n’y aurait pas trois cents écus de déchet à la fonte : il y avait dans ce morceau quelques petites veines de pierre, mais ce n’étaient guère que des taches qui avaient peu de profondeur. Histoire de Saint-Domingue, t. Ier, p. 206. — Il se faisait, dans les commencements de la découverte de Saint-Domingue, quatre fontes d’or chaque année, deux dans la ville de Buena-Ventura pour les vieilles et les nouvelles mines de Saint-Christophe, et deux à la Conception, qu’on appelait communément la ville de la Vega, pour les mines de Cibao et les autres qui se trouvaient plus à portée de cette place. Chaque fonte fournissait, dans la première de ces deux villes, cent dix ou cent vingt mille marcs ; celle de la Vega, cent vingt-cinq ou cent trente, et quelquefois cent quarante mille marcs : de sorte que l’or qui se tirait tous les ans des mines de toute l’île montait à quatre cent soixante mille marcs. Idem, p. 265 et 266.
  101. Voyage de Coréal ; Paris, 1722, t. Ier, p. 8.
  102. Histoire générale des Voyages, t. X, p. 353.
  103. Idem, t. XIV, p. 336.
  104. Idem, t. XIII, p. 277.
  105. Voyage de Wafer ; suite de ceux de Dampierre, t. IV, p. 170.
  106. Histoire naturelle d’Espagne, p. 149.
  107. Dans la province qui se nomme proprement Mexique, les cantons de Tuculula et de Tiapa, au sud, ont quantité de veines d’or et d’argent… Les mines d’or de la province de Chiapa, qui étaient fort abondantes autrefois, sont aujourd’hui épuisées ; cependant il se trouve encore des veines d’or dans ses montagnes, mais elles sont abandonnées… Vers Golfo Dolce, les historiens disent qu’il y a une mine d’or fort abondante… Les montagnes qui séparent les Honduras de la province de Nicaragua ont fourni beaucoup d’or et d’argent aux Espagnols… Ses principales mines sont celles de Valladolid ou Comayagua, celle de Gracias à Dios, et celles des vallées de Xaticalpa et d’Olancho, dont tous les torrents roulent de l’or… Il y avait aussi de l’or dans la province de Costa Ricca et dans celle de Veraguas. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 648.
  108. Histoire naturelle d’Espagne, p. 149.
  109. Histoire générale des Voyages, t. XI, p. 389.
  110. Idem, t. XIII, p. 245.
  111. Il y a des mines d’or dans le diocèse de Truxillo, au Pérou, dans le Corrégiment de Patas. Idem, p. 307. — Et au diocèse de Guamangua, dans le Corrégiment de Parinacocha ; on en trouve au Corrégiment de Cotabamba et de Chumbi-Vilcas, au diocèse de Cusco ; dans celui d’Aymaraes, au même diocèse ; dans celui de Caravaya, dont l’or est à vingt-trois carats ; dans celui de Condefuios d’Arequipa, au diocèse de ce nom ; dans celui de Chicas, au diocèse de la Plata ; dans celui de Lipe, dont les mines sont abandonnées aujourd’hui ; dans celui d’Amparaes ; celui de Choyantas ; celui de la Paz, dans le diocèse de ce nom ; celui de Laricanas, qui est de l’or à vingt-trois carats et trois grains, dans le même diocèse de la Paz. Idem, p. 307 jusqu’à 320.
  112. Suivant Frézier, les mines d’or sont rares dans la partie méridionale du Pérou, et il ne s’en trouve que dans la province de Guanaco, du côté de Lima ; dans celle de Chicas, où est la ville de Tarja et proche de la Paz ; à Chuguiago, où l’on a trouvé des grains d’or vierge d’une prodigieuse grosseur, dont l’un, entre autres, pesait soixante-quatre marcs, et un autre quarante-cinq marcs, de trois alois différents. Idem, t. XIII, p. 589.
  113. La petite province de Zaruma, dit M. de La Condamine, était autrefois célèbre par ses mines d’or, qui sont aujourd’hui presque abandonnées ; l’or en est de bas aloi, et seulement de quatorze carats ; il est mêlé d’argent et ne laisse pas d’être fort doux sous le marteau. Voyage de M. de La Condamine, p. 21.
  114. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 594 et suiv.
  115. Les Espagnols donnent le nom de pépite à un morceau d’or ou d’argent qui n’a pas encore été purifié, et qui sort seulement de la mine. « J’en ai vu une, dit Feuillée, du poids de trente-trois livres et quelques onces, qu’un Indien avait trouvée dans une ravine que les eaux avaient découverte ; ce que j’ai admiré dans cette pépite, c’est que sa partie supérieure était beaucoup plus parfaite que l’inférieure, et que cette perfection diminuait à mesure qu’elle s’approchait de la partie inférieure, dans une proportion admirable : vers l’extrémité de la partie supérieure, l’or était de vingt-deux carats deux grains ; un peu plus bas, de vingt et un carats un demi-grain ; à deux pouces de distance de sa partie supérieure, elle n’était plus que de vingt et un carats ; et vers l’extrémité de sa partie inférieure, la pépite n’était que de dix-sept carats et demi. » Observations physiques, par le P. Feuillée ; Paris, 1722, t. Ier, p. 468.
  116. Histoire naturelle et morale des deux Indes, par Joseph Acosta ; Paris, 1600, p. 134.
  117. Voyage de Wafer, à la suite de ceux de Dampierre, t. IV, p. 288.
  118. Métallurgie d’Alphonse Barba, t. Ier, p. 97.
  119. Voyage de Frézier, p. 76.
  120. Tit-Til, village du Chili, est situé à mi-côte d’une haute montagne qui est toute pleine de mines d’or qui ne sont pas fort riches, et dont la pierre ou minerai est fort dure. On écrase ce minerai sous un bocard ou sous une meule de pierre dure, et, lorsque ce minerai est concassé, on jette du mercure dessus pour en tirer l’or ; on ramasse ensuite cet amalgame d’or et de mercure, on le met dans un nouet de toile pour en exprimer le mercure autant qu’on peut ; on le fait ensuite chauffer pour faire évaporer ce qui en reste, et c’est ce qu’on appelle de l’or en pigne ; on fait fondre cette pigne pour achever de la dégager du mercure, et alors on connaît le juste prix et le véritable aloi de cet or… L’or de ces mines est à vingt ou vingt et un carats… Suivant la qualité des minières et la richesse des veines, cinquante quintaux de minerai, ou chaque caxon, donne quatre, cinq et six onces d’or ; car, quand il n’en donne que deux, le mineur ne retire que ses frais, ce qui arrive assez souvent. On peut dire que ces mines d’or sont, de toutes les mines métalliques, les plus inégales en richesse de métal, et par conséquent en produit. On poursuit une veine qui s’élargit, se rétrécit, semble même se perdre, et cela dans un petit espace de terrain ; mais ces veines aboutissent quelquefois à des endroits où l’or paraît accumulé en bien plus grande quantité que dans le reste de la veine… À la descente de la montagne de Valparaiso, du côté de l’ouest, il y a une coulée dans laquelle est un riche lavoir d’or ; on y trouve souvent des morceaux d’or vierge d’environ une once… Il s’en trouve quelquefois de plus gros et de deux ou trois marcs… On trouve aussi dans cette même contrée beaucoup d’or dans les terres et les sables, surtout au pied des montagnes et dans leurs angles rentrants, et on lave ces terres et sables dans lesquels souvent l’or n’est point apparent, ce qui est plus facile à exploiter que de le tirer de la minière en pierre, parce qu’il ne faut ici ni moulin, ni vif-argent, ni ciseaux, ni masse pour rompre les veines du minerai… Ces terres, qui contiennent de l’or, sont ordinairement rougeâtres, et l’on trouve l’or à peu de pieds de profondeur. Il y a des mines très riches et des moulins bien établis à Copiago et Lampangui. La montagne où se trouvent ces mines en pierre est auprès des Cordillères ; à 31 degrés de latitude sud, à quatre-vingts lieues de Valparaiso, on y a découvert, en 1710, quantité de mines de toutes sortes de métaux, d’or, d’argent, de fer, de plomb, de cuivre et d’étain… L’or de Lampangui est de vingt et un à vingt-deux carats, le minerai y est dur ; mais à deux lieues de là, dans la montagne de l’Eavin, il est tendre et presque friable, et l’or y est en poudre si fine qu’on n’y en voit à l’œil aucune marque. Voyage de la mer du Sud, etc., par Frézier ; Paris, 1732, p. 96 et suiv.
  121. La rivière nommée Tapajocas, dans le gouvernement de Maragnon, roule de l’or dans les sables, depuis une montagne médiocre nommée Yuquaratinci. Cette rivière, qui est dans le pays des Curabatubas, arrose le pied de cette montagne. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 20. — La rivière de Caroli, qui tombe dans l’Orénoque, roule de l’or dans ses sables, et Raleigh remarqua des fils d’or dans les pierres. Idem, p. 350.
  122. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 360.
  123. Voyage de Cook, t. II, p. 256.
  124. Rio-Janeiro est l’entrepôt et le débouché principal des richesses du Brésil. Les mines principales sont les plus voisines de la ville, dont néanmoins elles sont distantes de soixante-quinze lieues. Elles rendent au roi tous les ans, pour son droit de quint, au moins cent douze arobes d’or ; l’année 1762, elles en rapportèrent cent dix-neuf. Sous la capitainerie des mines générales, on comprend celles de Rio-de-Moros, de Sabara et de Sero-Frio. Cette dernière, outre l’or qu’on en retire, produit encore tous les diamants qui proviennent du Brésil ; ils se trouvent dans le fond d’une rivière qu’on a soin de détourner, pour séparer ensuite d’avec les cailloux, qu’elle roule dans son lit, les diamants, les topazes, les chrysolithes et autres pierres de qualité inférieure. Voyage autour du monde, par M. de Bougainville, t. Ier, p. 145 et 146.
  125. Voyage autour du monde, par l’amiral Anson.
  126. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 225.
Notes de l’éditeur
  1. Le liquide dont on se sert le plus habituellement pour dissoudre l’or est un mélange d’acide azotique (1 part.) et d’acide chlorhydrique (4 part.). On le désigne sous le nom d’Eau régale.
  2. L’or est le plus ductile et le plus malléable de tous les métaux. On peut le réduire en feuilles n’ayant pas plus de 1/12000e de millimètre d’épaisseur et l’étirer en fils tellement grêles, qu’avec cinq centigrammes d’or on obtient un fil ayant 162 mètres de longueur. Mais sa ténacité n’est pas très considérable, car il suffit d’un poids de 68,216 kil. pour déterminer la rupture d’un fil d’or ayant 2 millimètres de diamètre.
  3. On emploie surtout aujourd’hui, toutes les fois que c’est possible, la galvanoplastie.