Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/De l’argent

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DE L’ARGENT


Nous avons dit que, dans la nature primitive, l’argent et l’or n’ont fait généralement qu’une masse commune, toujours composée de l’un et l’autre de ces métaux, qui même ne se sont jamais complètement séparés, mais seulement atténués, divisés par les agents extérieurs et réduits en atomes si petits que l’or s’est trouvé d’un côté, et a laissé de l’autre la plus grande partie de l’argent ; mais, malgré cette séparation, d’autant plus naturelle qu’elle est plus mécanique, nulle part on n’a trouvé de l’or exempt d’argent, ni d’argent qui ne contînt un peu d’or. Pour la nature, ces deux métaux sont du même ordre, et elle les a doués de plusieurs attributs communs ; car, quoique leur densité soit très différente[1], leurs autres propriétés essentielles sont les mêmes : ils sont également inaltérables et presque indestructibles ; l’un et l’autre peuvent subir l’action de tous les éléments sans en être altérés ; tous deux se fondent et se subliment à peu près au même degré de feu[2] ; ils n’y perdent guère plus l’un que l’autre[3] ; ils résistent à toute sa violence, sans se convertir en chaux[4][NdÉ 1] ; tous deux ont aussi plus de ductilité que tous les autres métaux ; seulement l’argent, plus faible en densité et moins compact que l’or, ne peut prendre autant d’extension[5] ; et de même, quoiqu’il ne soit pas susceptible d’une véritable rouille par les impressions de l’air et de l’eau, il oppose moins de résistance à l’action des acides et n’exige pas, comme l’or, la réunion de deux puissances actives pour entrer en dissolution ; le foie de soufre le noircit et le rend aigre et cassant ; l’argent peut donc être attaqué dans le sein de la terre plus fortement et bien plus fréquemment que l’or, et c’est par cette raison que l’on trouve assez communément de l’argent minéralisé[6], tandis qu’il est extrêmement rare de trouver l’or dans cet état d’altération ou de minéralisation.

L’argent, quoique un peu plus fusible que l’or, est cependant un peu plus dur et plus sonore[7] ; le blanc éclatant de sa surface se ternit et même se noircit dès qu’elle est exposée aux vapeurs des matières inflammables, telles que celles du soufre, du charbon, et à la fumée des substances animales ; si même il subit longtemps l’impression de ces vapeurs sulfureuses, il se minéralise et devient semblable à la mine que l’on connaît sous le nom d’argent vitré.

Les trois propriétés communes à l’or et à l’argent, qu’on a toujours regardés comme les seuls métaux parfaits, sont la ductilité, la fixité au feu et l’inaltérabilité à l’air et dans l’eau. Par toutes les autres qualités, l’argent diffère de l’or et peut souffrir des changements et des altérations auxquels ce premier métal n’est pas sujet. On trouve, à la vérité, de l’argent qui, comme l’or, n’est point minéralisé, mais c’est proportionnellement en bien moindre quantité ; car, dans ses mines primordiales, l’argent, toujours allié d’un peu d’or, est très souvent mélangé d’autres matières métalliques, et particulièrement de plomb et de cuivre : on regarde même comme des mines d’argent toutes celles de plomb et de cuivre qui contiennent une certaine quantité de ce métal[8] ; et dans les mines secondaires produites par la stillation et le dépôt des eaux, l’argent se trouve souvent attaqué par les sels de la terre et se présente dans l’état de minéralisation sous différentes formes ; on peut voir par les listes des nomenclateurs en minéralogie, et particulièrement par celle que donne Vallérius, combien ces formes sont variées, puisqu’il en compte dix sortes principales et quarante-neuf variétés dans ces dix sortes ; je dois cependant observer qu’ici, comme dans tout autre travail des nomenclateurs, il y a toujours beaucoup plus de noms que de choses.

Dans la plupart des mines secondaires, l’argent se présente en forme de minerai pyriteux, c’est-à-dire mêlé et pénétré des principes du soufre, ou bien altéré par le foie du soufre et quelquefois par l’arsenic[9].

L’acide nitreux[NdÉ 2] dissout l’argent plus puissamment qu’aucun autre ; l’acide vitriolique le précipite de cette dissolution et forme avec lui de très petits cristaux qu’on pourrait appeler du vitriol d’argent ; l’acide marin, qui le dissout aussi, en fait des cristaux plus gros, dont la masse réunie par la fusion se nomme argent corné, parce qu’il est à demi transparent comme de la corne.

La nature a produit en quelques endroits de l’argent sous cette forme ; on en trouve en Hongrie, en Bohême et en Saxe, où il y a des mines qui offrent à la fois l’argent natif, l’argent rouge, l’argent vitré et l’argent corné[10] : lorsque cette dernière mine n’est point altérée, elle est demi-transparente et d’un gris jaunâtre ; mais, si elle a été attaquée par des vapeurs sulfureuses ou par le foie de soufre, elle devient opaque et d’une couleur brune ; l’argent minéralisé par l’acide marin se coupe presque aussi facilement que de la cire ; dans cet état, il est très fusible, une partie se volatilise à un certain degré de feu, ainsi que l’argent corné fait artificiellement, et l’autre partie qui ne s’est point volatilisée se revivifie très promptement[11].

Le soufre dissout l’argent par la fusion et le réduit en une masse de couleur grise ; et cette masse ressemble beaucoup à la mine d’argent vitré, qui, comme celle de l’argent corné, est moins dure que ce métal, et peut se couper au couteau[12]. L’or ne subit aucun de ces changements ; on ne doit donc pas être étonné qu’on le trouve si rarement sous une forme minéralisée, et qu’au contraire dans toutes les mines de seconde formation, où les eaux et les sels de la terre ont exercé leur action, l’argent se présente dans différents états de minéralisation et sous des formes plus ou moins altérées ; il doit même être souvent mêlé de plusieurs matières étrangères métalliques ou terreuses, tandis que, dans son état primordial, il n’est allié qu’avec l’or ou mêlé de cuivre et de plomb ; ces trois métaux sont ceux avec lesquels l’argent paraît avoir le plus d’affinité ; ce sont du moins ceux avec lesquels il se trouve plus souvent uni dans son état de minerai[13] ; il est bien plus rare de trouver l’argent uni avec le mercure, quoiqu’il ait aussi avec ce fluide métallique une affinité très marquée.

Suivant M. Geller, qui a fait un grand travail sur l’alliage des métaux et des demi-métaux, celui de l’or avec l’argent n’augmente que très peu en pesanteur spécifique : il n’y a donc que peu ou point de pénétration entre ces deux métaux fondus ensemble ; mais dans l’alliage de l’argent avec le cuivre, qu’on peut faire de même en toute proportion, le composé de ces deux métaux devient spécifiquement plus pesant, tandis que l’alliage du cuivre avec l’or l’est sensiblement moins ; ainsi, dans l’alliage de l’argent et du cuivre, le volume diminue et la masse se resserre, au lieu que le volume augmente par l’extension de la masse dans celui de l’or et du cuivre. Au reste, le mélange du cuivre rend également l’argent et l’or plus sonores et plus durs, sans diminuer de beaucoup leur ductilité ; on prétend même qu’il peut la leur conserver lorsqu’on ne le mêle qu’en petite quantité, et qu’il défend ces métaux contre les vapeurs du charbon, qui, selon nos chimistes, en attaquent et diminuent la quantité ductile : cependant, comme nous l’avons déjà remarqué à l’article de l’Or, on ne s’aperçoit guère de cette diminution de ductilité causée par la vapeur du charbon ; car il est d’usage dans les monnaies, lorsque les creusets de fer, qui contiennent jusqu’à 2 500 marcs d’argent, sont presque pleins de la matière en fusion, il est, dis-je, d’usage d’enlever les couvercles de ces creusets pour achever de les remplir de charbon, et d’entretenir la chaleur par de nouveau charbon, dont le métal est toujours recouvert, sans que l’on remarque aucune diminution de ductilité dans les lames qui résultent de cette fonte[14].

L’argent, allié avec le plomb ainsi qu’avec l’étain, devient spécifiquement plus pesant ; mais l’étain enlève à l’argent comme à l’or sa ductilité : le plomb entraîne l’argent dans la fusion et le sépare du cuivre ; il a donc plus d’affinité avec l’argent qu’avec le cuivre. M. Geller, et la plupart des chimistes après lui, ont dit que le fer s’alliait aussi très bien à l’argent : ce fait m’ayant paru douteux, j’ai prié M. de Morveau de le vérifier ; il s’est assuré par l’expérience qu’il ne se fait aucune union intime, aucun alliage entre le fer et l’argent, et j’ai vu moi-même, en voulant faire de l’acier damassé, que ces deux métaux ne peuvent contracter aucune union.

On sait que tous les métaux imparfaits peuvent se calciner et se convertir en une sorte de chaux, en les tenant longtemps en fusion et les agitant de manière que toutes leurs parties fondues se présentent successivement à l’air ; on sait, de plus, que tous augmentent de volume et de poids en prenant cet état de chaux. Nous avons dit et répété[15] que cette augmentation de quantité provenait uniquement des particules d’air fixées par le feu et réunies à la substance du métal qu’elles ne font que masquer, puisqu’on peut toujours lui rendre son premier état en présentant à cet air fixé quelques matières inflammables avec lesquelles il ait plus d’affinité qu’avec le métal ; dans la combustion, cette matière inflammable dégage l’air fixé, l’enlève, et laisse par conséquent le métal sous sa première forme. Tous les métaux imparfaits et les demi-métaux peuvent ainsi se convertir en chaux ; mais l’or et l’argent se sont toujours refusés à cette espèce de conversion, parce qu’apparemment ils ont moins d’affinité que les autres avec l’air, et que, malgré la fusion qui tient leurs parties divisées, ces mêmes parties ont néanmoins entre elles encore trop d’adhérence pour que l’air puisse les séparer et s’y incorporer ; et cette résistance de l’or et de l’argent à toute action de l’air donne le moyen de purifier ces deux métaux par la seule force du feu, car il ne faut, pour les dépouiller de toute autre matière, qu’en agiter la fonte, afin de présenter à sa surface toutes les parties des autres matières qui y sont contenues, et qui bientôt, par leur calcination ou leur combustion, laisseront l’or ou l’argent seuls en fusion et sous leur forme métallique. Cette manière de purifier l’or et l’argent était anciennement en usage, mais on a trouvé une façon plus expéditive en employant le plomb, qui, dans la fonte de ces métaux, détruit ou plutôt sépare et réduit en scories toutes les autres matières métalliques[16] dont ils peuvent être mêlés ; et le plomb lui-même, se scorifiant avec les autres métaux dont il s’est saisi, il les sépare de l’or et de l’argent, les entraîne, ou plutôt les emporte et s’élève avec eux à la surface de la fonte où ils se calcinent et se scorifient tous ensemble par le contact de l’air, à mesure qu’on remue la matière en fusion et qu’on en découvre successivement la surface, qui ne se scorifierait ni ne se calcinerait si elle n’était incessamment exposée à l’action de l’air libre ; il faut donc enlever ou faire écouler ces scories à mesure qu’elles se forment, ce qui se fait aisément, parce qu’elles surnagent et surmontent toujours l’or et l’argent en fusion. Cependant on a encore trouvé une manière plus facile de se débarrasser de ces scories, en se servant de vaisseaux plats et évasés qu’on appelle coupelles, et qui étant faits d’une matière sèche, poreuse et résistante au feu, absorbe dans ses pores les scories, tant du plomb que des autres minéraux métalliques, à mesure qu’elles se forment, en sorte que les coupelles ne retiennent et ne conservent dans leur capacité extérieure que le métal d’or ou d’argent, qui, par la forte attraction de leurs parties constituantes, se forme et se présente toujours en une masse globuleuse appelée bouton de fin : il faut une plus forte chaleur pour tenir ce métal fin en fusion que lorsqu’il était encore mêlé de plomb, car le bouton de fin se consolide presque subitement au moment que l’or ou l’argent qu’il contient sont entièrement purifiés ; on le voit donc tout à coup briller de l’éclat métallique, et ce coup de lumière s’appelle coruscation dans l’art de l’affineur, dont nous abrégeons ici les procédés, comme ne tenant pas directement à notre objet.

On a regardé comme argent natif tout celui qu’on trouve dans le sein de la terre sous sa forme de métal ; mais dans ce sens, il faut en distinguer de deux sortes, comme nous l’avons fait pour l’or : la première sorte d’argent natif est celle qui provient de la fusion par le feu primitif et qui se trouve quelquefois en grands morceaux[17], mais bien plus souvent en filets ou en petites masses feuilletées et ramifiées dans le quartz et autres matières vitreuses ; la seconde sorte d’argent natif est en grains, en paillettes ou en poudre, c’est-à-dire en débris qui proviennent de ces mines primordiales, et qui ont été détachés par les agents extérieurs et entraînés au loin par le mouvement des eaux. Ce sont ces mêmes débris rassemblés qui, dans certains lieux, ont formé des mines secondaires d’argent, où souvent il a changé de forme en se minéralisant.

L’argent de première formation est ordinairement incrusté dans le quartz ; souvent il est accompagné d’autres métaux et de matières étrangères en quantité si considérable que les premières fontes, même avec le secours du plomb, ne suffisent pas pour le purifier.

Après les mines d’argent natif, les plus riches sont celles d’argent corné et d’argent vitré : ces mines sont brunes, noirâtres ou grises, elles sont flexibles, et même celle d’argent corné est extensible sous le marteau, à peu près comme le plomb ; les mines d’argent rouge, au contraire, ne sont pas extensibles, mais cassantes ; ces dernières mines sont, comme les premières, fort riches en métal.

Nous allons suivre le même ordre que dans l’article de l’or, pour l’indication des lieux où se trouvent les principales mines d’où l’on tire l’argent. En France, on connaissait assez anciennement celles des montagnes des Vosges, ouvertes dès le dixième siècle[18], et d’autres dans plusieurs provinces, comme en Languedoc[19], en Gévaudan et en Rouergue[20], dans le Maine et dans l’Angoumois[21] ; et nouvellement on en a trouvé en Dauphiné, qui ont présenté d’abord d’assez grandes richesses. M. de Gensane en a reconnu quelques autres dans le Languedoc[22] ; mais le produit de la plupart de ces mines ne payerait pas la dépense de leur travail, et dans un pays comme la France, où l’on peut employer les hommes à des travaux vraiment utiles, on ferait un bien réel en défendant ceux de la fouille des mines d’or et d’argent, qui ne peuvent produire qu’une richesse fictive et toujours décroissante.

En Espagne, la mine de Guadalcanal, dans la Sierra-Morena ou montagne Noire, est l’une des plus fameuses ; elle a été travaillée dès le temps des Romains[23], ensuite abandonnée, puis reprise et abandonnée de nouveau, et enfin encore attaquée dans ces derniers temps : on assure qu’autrefois elle a fourni de très grandes richesses, et qu’elle n’est pas à beaucoup près épuisée ; cependant les dernières tentatives n’ont point eu de succès, et peut-être sera-t-on forcé de renoncer aux espérances que donnait son ancienne et grande célébrité. « Les sommets des montagnes autour de Guadalcanal, dit M. Bowles, sont tous arrondis, et partout à peu près de la même hauteur ; les pierres en sont fort dures, et ressemblent au grès de Turquie (Cos Turcica)… Il y a deux filons du levant au couchant, qui se rendent à la grande veine dont la direction est du nord au sud ; on peut la suivre de l’œil dans un espace de plus de deux cents pas à la superficie ; à une lieue et demie au couchant de Guadalcanal, il y a une autre mine dans un roc élevé ; la veine est renversée, c’est-à-dire qu’elle est plus riche à la superficie qu’au fond ; elle peut avoir seize pieds d’épaisseur, et elle est, comme les précédentes, composée de quartz et de spath. À deux lieues au levant de la même ville, il y a une autre mine dont la veine est élevée de deux pieds hors de la terre, et qui n’a que deux pieds d’épaisseur. Au reste, ces mines, qui se présentent avec de si belles apparences, sont ordinairement trompeuses ; elles donnent d’abord de l’argent ; mais en descendant plus bas on ne trouve plus que du plomb. » Ce naturaliste parle aussi d’une mine d’argent sans plomb, située au midi et à quelques lieues de distance de Zalamea. Il y a une mine d’argent dans la montagne qui est au nord de Lograso[24], et plusieurs autres dans les Pyrénées, qui ont été travaillées par les anciens, et qui maintenant sont abandonnées[25] ; il y en a aussi dans les Alpes et en plusieurs endroits de la Suisse. MM. Scheuchzer, Cappeler et Guettard en ont fait mention[26], et ce sont sans doute ces hautes montagnes des Pyrénées et des Alpes qui renferment les mines primordiales d’or et d’argent, dont on trouve les débris en paillettes dans les eaux qui en découlent ; toutes les mines de seconde formation sont dans les lieux inférieurs au pied de ces montagnes, et dans les collines formées originairement par le mouvement et le dépôt des eaux du vieil Océan.

Les mines d’argent qui nous sont les mieux connues en Europe sont celles de l’Allemagne ; il y en a plusieurs que l’on exploite depuis très longtemps, et l’on en découvre assez fréquemment de nouvelles. M. de Justi, savant minéralogiste, dit en avoir trouvé six en 1751, dont deux sont fort riches, et sont situées sur les frontières de la Styrie[27]. Selon lui, ces mines sont mêlées de substances calcaires en grande quantité, et cependant il assure qu’elles ne perdent rien de leur poids lorsqu’elles sont grillées par le feu, et qu’il ne s’en élève pas la moindre fumée ou vapeur pendant la calcination : ces assertions sont difficiles à concilier ; car il est certain que toute substance calcaire perd beaucoup de son poids lorsqu’elle est calcinée, et que par conséquent cette mine d’Annaberg, dont parle M. de Justi, doit perdre en poids à proportion de ce qu’elle contient de substance calcaire. Ce savant minéralogiste assure qu’il existe un très grand nombre de mines d’argent minéralisé par l’alcali, mais cette opinion doit être interprétée, car l’alcali seul ne pourrait opérer cet effet ; tandis que le foie de soufre, c’est-à-dire les principes du soufre réunis à l’alcali peuvent le produire ; et, comme M. de Justi ne parle pas du foie de soufre, mais de l’alcali simple, ses expériences ne me paraissent pas concluantes ; car l’alcali minéral seul n’a aucune action sur l’argent en masse : et nous pouvons très bien entendre la formation de la mine blanche de Schemnitz par l’intermède du foie de soufre : la nature ne paraît donc pas avoir fait cette opération de la manière dont le prétend M. de Justi[28] ; car, quoi qu’il n’ait point reconnu de soufre dans cette mine, le foie de soufre qui est, pour ainsi dire, répandu partout, doit y exister comme il existe non seulement dans les matières terreuses, mais dans les substances calcaires et autres matières qui accompagnent les mines de seconde fondation.

En Bohême, les principales mines d’argent sont celles de Saint-Joachim ; les filons en sont assez minces, et la matière en est très dure, mais elle est abondante en métal ; les mines de Kuttemberg sont mêlées d’argent et de cuivre, elles ne sont pas si riches que celles de Saint-Joachim[29]. On peut voir, dans les ouvrages des minéralogistes allemands, la description des mines de plusieurs autres provinces, et notamment de celles de Transylvanie, de la Hesse et de Hongrie ; celles de Schemnitz[30] contiennent depuis deux jusqu’à cinq gros d’argent, et depuis cinq jusqu’à sept deniers d’or par marc, non compris une once et un gros de cuivre qu’on peut en tirer aussi[31].

Mais il n’y a peut-être pas une mine en Europe où l’on ait fait d’aussi grands travaux que dans celle de Salzberg en Suède, si la description qu’en donne Regnard n’est point exagérée : il la décrit comme une ville souterraine dans laquelle il y a des maisons, des écuries et de vastes emplacements[32].

« En Pologne, dit M. Guettard, les forêts de Leibitz sont riches en veines de métaux, indiquées par les travaux qu’on y a faits anciennement ; il y a au pied de ces montagnes une mine d’argent découverte du temps de Charles XII[33]. »

Le Danemark, la Norvège[34] et presque toutes les contrées du nord ont aussi des mines d’argent dont quelques-unes sont fort riches, et nous avons au Cabinet de Sa Majesté de très beaux morceaux de mine d’argent, que le roi de Danemark, actuellement régnant, a eu la bonté de nous envoyer. Il s’en trouve aussi aux îles de Féroë et en Islande[35].

Dans les parties septentrionales de l’Asie, les mines d’argent ne sont peut-être pas plus rares ni moins riches que dans celles du nord de l’Europe : on a nouvellement publié à Pétersbourg un tableau des mines de Sibérie, par lequel il paraît qu’en cinquante-huit années on a tiré, d’une seule mine d’argent, douze cent seize mille livres de ce métal, qui tenait environ une quatre-vingtième partie d’or. Il y a aussi une autre mine dont l’exploitation n’a commencé qu’en 1748, et qui, depuis cette époque jusqu’en 1771, a donné quatre cent mille livres d’argent, dont on a tiré douze mille sept cents livres d’or[36]. MM. Gmelin et Muller font mention, dans leurs voyages, des mines d’argent qu’ils ont vues à Argunsk, à quelque distance de la rivière Argum : ils disent qu’elles sont dans une terre molle et à une petite profondeur, que la plupart se trouvent situées dans des plaines environnées de montagnes[37], et qu’on rencontre ordinairement, au-dessus du minerai d’argent, une espèce de chaux de plomb, composée de plus de plomb que d’argent.

Il y a aussi plusieurs mines d’argent à la Chine, surtout dans les provinces de Junnam et de Sechuen[38] : on en trouve de même à la Cochinchine[39], et celles du Japon paraissent être les plus abondantes de toutes[40]. On connaît aussi quelques mines d’argent dans l’intérieur du continent de l’Asie. Chardin dit qu’il n’y a pas beaucoup de vraies mines d’argent en Perse, mais beaucoup de mines de plomb qui contiennent de l’argent ; il ajoute que celle de Renan, à quatre lieues d’Ispahan, et celles de Kirman et de Mazanderan, n’ont été négligées qu’à cause de la disette du bois qui, dans toute la Perse, rend trop dispendieux le travail des mines[41].

Nous ne connaissons guère les mines d’argent de l’Afrique : les voyageurs qui se sont fort étendus sur les mines d’or de cette partie du monde paraissent avoir négligé de faire mention de celles d’argent ; ils nous disent seulement qu’on en trouve au cap Vert[42], au Congo[43], au Bambuk[44], et jusque dans les pays hottentots[45].

Mais c’est en Amérique où nous trouverons un très grand nombre de mines d’argent, plus étendues, plus abondantes, et travaillées plus en grand qu’en aucune autre partie du monde. La plus fameuse de toutes est celle de Potosi au Pérou : « Le minerai, dit M. Bowles, en est noir, et formé de la même sorte de pierre que celle de Freyberg, en Saxe ; » ce naturaliste ajoute que la mine appelée Rosicle, dans le Pérou, est de la même nature que celle de Rothgulden-Erz et de Andreasberg dans le Hartz, et de Sainte-Marie-aux-Mines dans les Vosges[46].

Les mines de Potosi furent découvertes en 1545, et l’on n’a pas cessé d’y travailler depuis ce temps, quoiqu’il y ait quantité d’autres mines dans cette même contrée du Pérou. Frézier assure que de son temps les mines d’argent les plus riches étaient celles d’Oriero, à quatre-vingts lieues d’Arica, et il dit qu’en 1712 on en découvrit une auprès de Cusco, qui d’abord a donné près de vingt pour cent de métal, mais qui a depuis beaucoup diminué ainsi que celle de Potosi[47]. Du temps d’Acosta, c’est-à-dire au commencement de l’autre siècle, cette mine de Potosi était sans comparaison la plus riche de toutes celles du Pérou : elle est située presque au sommet des montagnes dans la province de Charcas, et il y fait très froid en toute saison. Le sol de la montagne est sec et stérile ; elle est en forme de cône, et surpasse en hauteur toutes les montagnes voisines ; elle peut avoir une lieue de circonférence à la base, et son sommet est arrondi et convexe. Sa hauteur, au-dessus des autres montagnes qui lui servent de base, est d’environ un quart de lieue. Au-dessous de cette plus haute montagne, il y en a une plus petite où l’on trouvait de l’argent en morceaux épars ; mais, dans la première, la mine est dans une pierre extrêmement dure ; on a creusé de deux cents stades, ou hauteur d’homme, dans cette montagne, sans qu’on ait été incommodé des eaux ; mais ces mines étaient bien plus riches dans les parties supérieures, et elles se sont appauvries au lieu de s’ennoblir en descendant[48]. Parmi les autres mines d’argent du Pérou, celle de Turco, dans le corrégiment de Cavanga, est très remarquable, parce que le métal forme un tissu avec la pierre très apparent à l’œil ; d’autres mines d’argent dans cette même contrée ne sont ni dans la pierre ni dans les montagnes, mais dans le sable, où il suffit de faire une fouille pour trouver des morceaux de ce métal, sans autre mélange qu’un peu de sable qui s’y est attaché[49].

Frézier, voyageur très intelligent, a donné une assez bonne description de la manière dont on procède au Pérou pour exploiter ces mines et en extraire le métal. On commence par concasser le minerai, c’est-à-dire les pierres qui contiennent le métal : on les broie ensuite dans un moulin fait exprès ; on crible cette poudre, et l’on remet sous la meule les gros grains de minerai qui restent sur le crible, et lorsque le minerai se trouve mêlé de certains minéraux trop durs qui l’empêchent de se pulvériser, on le fait calciner pour le piler de nouveau ; on le moud avec de l’eau, et on recueille dans un réservoir cette boue liquide qu’on laisse sécher, et pendant qu’elle est encore molle on en fait des caxons, c’est-à-dire de grandes tables d’un pied d’épaisseur, et de vingt-cinq quintaux de pesanteur ; on jette sur chacune deux cents livres de sel marin qu’on laisse s’incorporer pendant deux ou trois jours avec la terre ; ensuite on l’arrose de mercure qu’on fait tomber par petites gouttes ; il en faut une quantité d’autant plus grande que le minerai est plus riche, dix, quinze et quelquefois vingt livres pour chaque table. Ce mercure ramasse toutes les particules de l’argent. On pétrit chaque table huit fois par jour, pour que le mercure les pénètre en entier, et afin d’échauffer le mélange ; car un peu de chaleur est nécessaire pour que le mercure se saisisse de l’argent, et c’est ce qui fait qu’on est quelquefois obligé d’ajouter de la chaux pour augmenter la chaleur de cette mixtion ; mais il ne faut user de ce secours qu’avec une grande précaution ; car si la chaux produit trop de chaleur, le mercure se volatilise, et emporte avec lui une partie de l’argent. Dans les montagnes froides, comme à Lipès et à Potosi, on est quelquefois obligé de pétrir le minerai pendant deux mois de suite, au lieu qu’il ne faut que huit ou dix jours dans les contrées plus tempérées : on est même forcé de se servir de fourneaux pour échauffer le mélange et presser l’amalgame du mercure de ces contrées où le froid est trop grand ou trop constant.

Pour reconnaître si le mercure a fait tout son effet, on prend une petite portion de la grande table ou caxon, on la délaie et lave dans un bassin de bois ; la couleur du mercure qui reste au fond indique son effet : s’il est noirâtre, on juge que le mélange est trop chaud et on ajoute du sel au caxon pour le refroidir ; mais si le mercure est blanchâtre ou blanc, on peut présumer que l’amalgame est fait en entier ; alors on transporte la matière du caxon dans les lavoirs où tombe une eau courante ; on la lave jusqu’à ce qu’il ne reste que le métal sur le fond des lavoirs qui sont garnis de cuir. Cet amalgame d’argent et de mercure, que l’on nomme pella, doit être mis dans des chausses de laine pour laisser égoutter le mercure ; on serre ces chausses et on les presse même avec des pièces de bois pour l’en faire sortir autant qu’il est possible ; après quoi, comme il reste encore beaucoup de mercure mêlé à l’argent, on verse cet amalgame dans un moule de bois en forme de pyramide tronquée à huit pans, et dont le fond est une plaque de cuivre percée de plusieurs petits trous. On foule et presse cette matière pella dans ces moules pour en faire des masses qu’on appelle pignes. On lève ensuite le moule, et l’on met la pigne avec sa base de cuivre sur un grand vase de terre rempli d’eau et sous un chapiteau de même terre, sur lequel on fait un feu de charbon qui fait sortir en vapeurs le mercure contenu dans la pigne ; cette vapeur tombe dans l’eau et y reprend la forme de mercure coulant : après cela, la pigne n’est plus qu’une masse poreuse, friable et composée de grains d’argent contigus qu’on porte à la monnaie pour la fondre[50].

Frézier ajoute à cette description dont je viens de donner l’extrait quelques autres faits intéressants sur la différence des mines ou minerais d’argent : celui qui est blanc et gris, mêlé de taches rousses ou bleuâtres, est le plus commun dans les minières de Lipès ; on y distingue à l’œil simple des grains d’argent quelquefois disposés dans la pierre en forme de petites palmes. Mais il y a d’autres minerais où l’argent ne paraît point, entre autres un minerai noir, dans lequel on n’aperçoit l’argent qu’en raclant ou entamant sa surface ; ce minerai, qui a si peu d’apparence et qui souvent est mêlé de plomb, ne laisse pas d’être souvent plus riche et coûte moins à travailler que le minerai blanc ; car, comme il contient du plomb qui enlève à la fonte toutes les impuretés, l’on n’est pas obligé d’en faire l’amalgame avec le mercure : c’était de ces minières d’argent noir que les anciens Péruviens tiraient leur argent. Il y a d’autres minerais d’argent de couleurs différentes, un qui est noir, mais devient rouge en le mouillant ou le grattant avec du fer ; il est riche, et l’argent qu’on en tire est d’un haut aloi. Un autre brille comme du talc, mais il donne peu de métal ; un autre, qui n’en contient guère plus, est d’un rouge jaunâtre : on le tire aisément de sa mine en petits morceaux friables et mous ; il y a aussi du minerai vert qui n’est guère plus dur et qui paraît être mêlé de cuivre ; enfin on trouve de l’argent pur en plusieurs endroits ; mais ce n’est que dans la seule mine de Cotamito, assez voisine de celle de Potosi, que l’on voit des fils d’argent pur entortillés comme ceux du galon brûlé.

Il en est donc de l’argent comme de l’or et du fer : leurs mines primordiales sont toutes dans le roc vitreux, et ces métaux y sont incorporés en plus ou moins grande quantité dès le temps de leur première fusion ou sublimation par le feu primitif ; et les mines secondaires qui se trouvent dans les matières calcaires ou schisteuses tirent évidemment leur origine des premières. Ces mines de seconde et de troisième formation, qu’on a quelquefois vues s’augmenter sensiblement par l’addition du minerai charrié par les eaux, ont fait croire que les métaux se produisaient de nouveau dans le sein de la terre, tandis que ce n’est au contraire que de leur décomposition et de la réunion de leurs détriments que toutes ces mines nouvelles ont pu et peuvent encore être formées ; et, sans nous éloigner de nos mines d’argent du Pérou, il s’en trouve de cette espèce au pied des montagnes et dans les excavations des mines même abandonnées depuis longtemps[51].

Les mines d’argent du Mexique ne sont guère moins fameuses que celles du Pérou. M. Bowles dit que, dans celle appelée Valladora, le minerai le plus riche donnait cinquante livres d’argent par quintal, le moyen vingt-cinq livres et le plus pauvre huit livres, et que souvent on trouvait dans cette mine des morceaux d’argent vierge[52]. On estime même que tout l’argent qui se tire du canton de Sainte-Pécaque est plus fin que celui du Pérou[53] : suivant Gemelli Careri, la mine de Santa-Crux avait en 1697 plus de sept cents pieds de profondeur ; celle de Navaro plus de six cents, et l’on peut compter, dit-il, plus de mille ouvertures de mines[54], dans un espace de six lieues, autour de Santa-Crux[55]. Celles de la Trinité ont été fouillées jusqu’à huit cents pieds de profondeur : les gens du pays assurèrent à ce voyageur qu’en dix ou onze années, depuis 1687 jusqu’en 1697, on en avait tiré quarante millions de marcs d’argent. Il cite aussi la mine de Saint-Matthieu, qui n’est qu’à peu de distance de la Trinité, et qui, n’ayant été ouverte qu’en 1689, était fouillée à quinze cents pieds en 1697 : il dit que les pierres métalliques en sont de la plus grande dureté, qu’il faut d’abord les pétarder et les briser à coups de marteau ; que l’on distingue et sépare les morceaux qu’on peut faire fondre tout de suite de ceux qu’on doit auparavant amalgamer avec le mercure. On broie ces pierres métalliques propres à la fonte dans un mortier de fer, et, après avoir séparé par des lavages la poudre de pierre autant qu’il est possible, on mêle le minerai avec une certaine quantité de plomb, et on les fait fondre ensemble ; on enlève les scories avec un croc de fer, tandis que par le bas on laisse couler l’argent en lingots, que l’on porte dans un autre fourneau pour le refondre et achever d’en séparer le plomb. Chaque lingot d’argent est d’environ quatre-vingts ou cent marcs, et, s’ils ne se trouvent pas au titre prescrit, on les fait refondre une seconde fois avec le plomb pour les affiner. On fait aussi l’essai de la quantité d’or que chaque lingot d’argent peut contenir, et on l’indique par une marque particulière ; s’il s’y trouve plus de quarante grains d’or par marc d’argent, on en fait le départ. Et, pour les autres parties du minerai que l’on veut traiter par l’amalgame, après les avoir réduites en poudre très fine, on y mêle le mercure et l’on procède comme nous l’avons dit en parlant du traitement des mines de Potosi ; le mercure qu’on y emploie vient d’Espagne ou du Pérou, il en faut un quintal pour séparer mille marcs d’argent. Tout le produit des mines du Mexique et de la Nouvelle-Espagne doit être porté à Mexico, et l’on assure qu’à la fin du dernier siècle ce produit était de deux millions de marcs par an, sans compter ce qui passait par des voies indirectes[56].

Il y a aussi plusieurs mines d’argent au Chili, surtout dans le voisinage de Coquimbo[57] et au Brésil, à quelque distance dans les terres voisines de la baie de Tous-les-Saints[58] ; l’on en trouve encore dans plusieurs autres endroits du continent de l’Amérique, et même dans les îles : les anciens voyageurs citent en particulier celle de Saint-Domingue[59], mais la culture et le produit du sucre et des autres denrées de consommation que l’on tire de cette île sont des trésors bien plus réels que ceux de ses mines.

Après avoir ci-devant exposé les principales propriétés de l’argent et avoir ensuite parcouru les différentes contrées où ce métal se trouve en plus grande quantité, il ne nous reste plus qu’à faire mention des principaux faits et des observations particulières que les physiciens et les chimistes ont recueillis en travaillant l’argent et en le soumettant à un nombre infini d’épreuves : je commencerai par un fait que j’ai reconnu le premier. On était dans l’opinion que ni l’or ni l’argent, mis au feu et même tenus en fusion ne perdaient rien de leur substance ; cependant il est certain que tous deux se réduisent en vapeurs et se subliment au feu du soleil à un degré de chaleur même assez faible. Je l’ai observé, lorsqu’en 1747 j’ai fait usage du miroir que j’avais inventé pour brûler à de grandes distances[60] : j’exposai à 40, 50 et jusqu’à 60 pieds de distance des plaques et des assiettes d’argent ; je les ai vues fumer longtemps avant de se fondre, et cette fumée était assez épaisse pour faire une ombre très sensible qui se marquait sur le terrain. On s’est depuis pleinement convaincu que cette fumée était vraiment une vapeur métallique ; elle s’attachait aux corps qu’on lui présentait et en argentait la surface ; et, puisque cette sublimation se fait à une chaleur médiocre par le feu du soleil, il y a toute raison de croire qu’elle se fait aussi et en bien plus grande quantité par la forte chaleur du feu de nos fourneaux, lorsque non seulement on y fond ce métal, mais qu’on le tient en fusion pendant un mois, comme l’a fait Kunckel. J’ai déjà dit que je doutais beaucoup de l’exactitude de son expérience, et je suis persuadé que l’argent perd par le feu une quantité sensible de sa substance, et qu’il en perd d’autant plus que le feu est plus violent et appliqué plus longtemps.

L’argent offre dans ses dissolutions différents phénomènes dont il est bon de faire ici mention : lorsqu’il est dissous par l’acide nitreux, on observe que, si l’argent est à peu près pur, la couleur de cette dissolution, qui d’abord est un peu verdâtre, devient ensuite très blanche, et que, quand il est mêlé d’une petite quantité de cuivre, elle est constamment verte.

Les dissolutions des métaux sont en général plus corrosives que l’acide même dans lequel ils ont été dissous ; mais celle de l’argent par l’acide nitreux l’est au plus haut degré, car elle produit des cristaux si caustiques qu’on a donné à leur masse réunie par la fusion le nom de pierre infernale. Pour obtenir ces cristaux, il faut que l’argent et l’acide nitreux aient été employés purs : ces cristaux se forment dans la dissolution par le seul refroidissement ; ils n’ont que peu de consistance, et sont blancs et aplatis en forme de paillettes ; ils se fondent très aisément au feu et longtemps avant d’y rougir ; et c’est cette masse fondue et de couleur noirâtre qui est la pierre infernale.

Il y a plusieurs moyens de retirer l’argent de sa solution dans l’acide nitreux : la seule action du feu, longtemps continuée, suffit pour enlever cet acide ; on peut aussi précipiter le métal par les autres acides, vitriolique ou marin, par les alcalis et par les métaux qui, comme le cuivre, ont plus d’affinité que l’argent avec l’acide nitreux.

L’argent, tant qu’il est dans l’état de métal, n’a point d’affinité avec l’acide marin ; mais, dès qu’il est dissous, il se combine aisément et même fortement avec cet acide, car la mine d’argent cornée paraît être formée par l’action de l’acide marin[61] ; cette mine se fond très aisément et même se volatilise à un feu violent[62].

L’acide vitriolique attaque l’argent en masse au moyen de la chaleur ; il le dissout même complètement, et en faisant distiller cette dissolution, l’acide passe dans le récipient et forme un sel qu’on peut appeler vitriol d’argent.

Les acides animaux et végétaux, comme l’acide des fourmis ou celui du vinaigre, n’attaquent point l’argent dans son état de métal, mais ils dissolvent très bien ses précipités[63].

Les alcalis n’ont aucune action sur l’argent, ni même sur ses précipités ; mais, lorsqu’ils sont unis aux principes du soufre, comme dans le foie de soufre, ils agissent puissamment sur la substance de ce métal, qu’ils noircissent et rendent aigre et cassant.

Le soufre, qui facilite la fusion de l’argent, doit par conséquent en altérer la substance ; cependant il ne l’attaque pas comme celle du fer et du cuivre, qu’il transforme en pyrite : l’argent fondu avec le soufre peut en être séparé dans un instant par l’addition du nitre, qui, après la détonation, laisse l’argent sans perte sensible ni diminution de poids. Le nitre réduit au contraire le fer et le cuivre en chaux, parce qu’il a une action directe sur ces métaux et qu’il n’en a point sur l’argent.

La surface de l’argent ne se convertit point en rouille par l’impression des éléments humides ; mais elle est sujette à se ternir, se noircir et se colorer : on peut même lui donner l’apparence et la couleur de l’or en l’exposant à certaines fumigations, dont on a eu raison de proscrire l’usage pour éviter la fraude.

On emploie utilement l’argent battu en feuilles minces pour en couvrir les autres métaux, tels que le cuivre en fer : il suffit pour cela de nettoyer la surface de ces métaux et de les faire chauffer ; les feuilles d’argent qu’on y applique s’y attachent et y adhèrent fortement. Mais, comme les métaux ne s’unissent qu’aux métaux, et qu’ils n’adhèrent à aucune autre substance, il faut, lorsqu’on veut argenter le bois ou toute autre matière qui n’est pas métallique, se servir d’une colle faite de gomme ou d’huile, dont on enduit le bois par plusieurs couches qu’on laisse sécher avant d’appliquer la feuille d’argent sur la dernière ; l’argent n’est en effet que collé sur l’enduit du bois, et ne lui est uni que par cet intermède dont on peut toujours le séparer sans le secours de la fusion et en faisant seulement brûler la colle à laquelle il était attaché.

Quoique le mercure s’attache promptement et assez fortement à la surface de l’argent, il n’en pénètre pas la masse à l’intérieur ; il faut le triturer avec ce métal pour en faire l’amalgame.

Il nous reste encore à dire un mot du fameux arbre de Diane, dont les charlatans ont si fort abusé en faisant croire qu’ils avaient le secret de donner à l’or et à l’argent la faculté de croître et de végéter comme les plantes ; néanmoins, cet arbre métallique n’est qu’un assemblage ou accumulation des cristaux produits par le travail de l’acide nitreux sur l’amalgame du mercure et de l’argent : ces cristaux se groupent successivement les uns sur les autres, et, s’accumulant par superposition, ils représentent grossièrement la figure extérieure d’une végétation[64].


Notes de Buffon
  1. « Un pied cube d’argent pèse 720 livres ; un pied cube d’or, 1 348 livres. Le premier ne perd dans l’eau qu’un onzième de son poids, et l’autre entre un dix-neuvième et un vingtième. » Dictionnaire de chimie, articles de l’Or et de l’Argent. — J’observerai que ces proportions ne sont pas exactes, car, en supposant que l’or perde un dix-neuvième et demi de son poids, et que l’argent ne perde qu’un onzième, si le pied cube d’or pèse 1 348 livres, le pied cube d’argent doit peser 760 livres seize-trentièmes. M. Bomare, dans son Dictionnaire d’histoire naturelle, dit que le pouce cube d’argent pèse 6 onces 5 gros 26 grains, ce qui ne ferait qu’un peu plus de 718 livres le pied cube ; tandis que dans sa Minéralogie, t. II, p. 210, il dit que le pied cube d’argent pèse 11 523 onces, ce qui fait 720 livres 3 onces pour le pied cube. Les estimations données par M. Brisson sont plus justes : le pied cube d’or à 24 carats, fondu et non battu, pèse, selon lui, 1 348 livres 1 once 41 grains, et le pied cube d’or à 24 carats, fondu et battu, pèse 1 355 livres 5 onces 60 grains ; le pied cube d’argent à 12 deniers, fondu et non battu, pèse 733 livres 3 onces 1 gros 52 grains, et le pied cube du même argent à 12 deniers, c’est-à-dire aussi pur qu’il est possible, pèse, lorsqu’il est forgé ou battu, 735 livres 11 onces 7 gros 43 grains.
  2. On est assuré de cette sublimation de l’or et de l’argent, non seulement par mes expériences au miroir ardent, mais aussi par la quantité que l’on en recueille dans les suies des fourneaux d’affinage des monnaies.
  3. Kunckel, ayant tenu de l’or et de l’argent pendant quelques semaines en fusion, assure que l’or n’avait rien perdu de son poids ; mais il avoue que l’argent avait perdu quelques grains. Il a mal à propos oublié de dire sur quelle quantité.
  4. L’argent, tenu au foyer d’un miroir ardent, se couvre comme l’or d’une pellicule vitreuse ; mais M. Macquer, qui a fait cette expérience, avoue qu’on n’est pas encore assuré si cette vitrification provient des métaux ou de la poussière de l’air. Dictionnaire de chimie, article Argent.
  5. « Un fil d’argent d’un dixième de pouce de diamètre ne soutient, avant de rompre, qu’un poids de 270 livres, au lieu qu’un pareil fil d’or soutient 500 livres… On peut réduire un grain d’argent en une lame de trois aunes, c’est-à-dire de 126 pouces de longueur sur 2 pouces de largeur, ce qui fait une étendue de 252 pouces carrés, et dès lors, avec une once d’argent, c’est-à-dire 576 grains, on pourrait couvrir un espace de 504 pieds carrés. » Expériences de Musschenbroeck. — Il y a certainement ici une faute d’impression qui tombe sur les mots deux pouces de largeur : ce fil d’argent n’avait en effet que 2 lignes et non pas 2 pouces, et par conséquent 26 pouces carrés d’étendue, au lieu de 126 ; d’après quoi l’on voit que 576 grains, ou 1 once d’argent, ne peuvent en effet s’étendre que sur 104 et non pas sur 504 pieds carrés ; et c’est encore beaucoup plus que la densité de ce métal ne paraît l’indiquer, puisque une once d’or ne s’étend que sur 106 pieds carrés : dès lors, en prenant ces deux faits pour vrais, la ductilité de l’argent est presque aussi grande que celle de l’or, quoique sa densité et sa ténacité soient beaucoup moindres. Il y a aussi toute apparence qu’Alphonse Barba se trompe beaucoup en disant que l’or est cinq fois plus ductile que l’argent : il assure qu’une once d’argent s’étend en un fil de 2 400 aunes de longueur ; que cette longueur peut être couverte par 6 grains et demi d’or, et qu’on peut dilater l’or au point qu’une once de ce métal couvrira plus de dix arpents de terre. (Métallurgie d’Alphonse Barba, t. Ier, p. 102.)
  6. « On rencontre de l’argent natif en rameaux, entrelacés et comprimés, quelquefois à la superficie des gangues spathiques et quartzeuses ; on en trouve de cristallisé en cubes, il y en a en pointes ou filets qui provient de la décomposition des mines d’argent rouges ou vitreuses, et quelquefois des mines d’argent grises, etc. Il est assez ordinaire de trouver sous cet argent en filets des portions plus ou moins sensibles de la mine sulfureuse, à la décomposition de laquelle il doit son origine. » Lettres de M. Demeste à M. Bernard, t. II, p. 430.
  7. Cramer, cité pour ce fait dans le Dictionnaire de chimie, article de l’Argent.
  8. La plupart des mines d’argent de Hongrie ne sont que des mines de cuivre tenant argent, dont les plus riches ont donné 15 ou 20 marcs d’argent par quintal et beaucoup plus de cuivre ; « on sépare ces métaux, dit M. de Morveau, par les procédés suivants. Dans un four construit exprès pour se rendre maître du degré de feu, on arrange l’un à côté de l’autre les tourteaux de cuivre noir tenant argent, auxquels on a mêlé environ un quart de plomb, suivant la quantité d’argent qui tient la masse de cuivre ; on met alors le feu dans le four, on place des charbons jusque sur les tourteaux. Ces pièces s’affaissent : le plomb, qui se fond plus aisément que le cuivre et qui a plus d’affinité avec l’argent, s’en charge et s’écoule à travers les pores du cuivre, tandis qu’il est encore solide ; le plomb et l’argent se réunissent dans la partie inférieure des plaques de fer ; on rassemble tout le plomb riche en argent, au moyen d’un second feu un peu plus fort où l’on fait ressuer la masse de cuivre ; il est aisé après cela de passer cet argent à la coupelle, de refondre le cuivre en lingots, et par là, la mine se trouve épurée de tout ce qu’elle contenait sans aucune perte.

    » Lorsque le plomb contient de l’argent, on coupelle en grand le plomb provenant de la première fonte, et on le convertit en litharge sur un foyer fait de cendres lessivées ; on lui donne un second affinage dans de vraies coupelles, et les débris de ces vaisseaux, ainsi que des fourneaux, et même la litharge qui ne serait pas reçue dans le commerce, sont remis au fourneau pour en revivifier le plomb. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 230 et 231.

  9. « La mine d’argent rouge est minéralisée par l’arsenic et le soufre ; elle est d’un rouge plus ou moins vif, tantôt transparente comme un rubis, tantôt opaque et plus ou moins obscure : elle est cristallisée de plusieurs manières, la plus ordinaire est en prismes hexaèdres, terminés par des pyramides obtuses. » Lettres de M. Demeste, t. II, p. 437. — J’observerai que c’est à cette mine qu’il faut rapporter la seconde variété que M. Demeste a rapportée à la mine d’argent vitreux, puisqu’il dit lui-même que ce n’est qu’une modification de la mine d’argent rouge, et que cette mine vitreuse contient encore un peu d’arsenic ; qu’elle s’égrène sous le couteau, loin de s’y couper. Voyez, idem, p. 436.
  10. Les mines riches de Saint-Andreasberg sont composées d’argent natif ou vierge, de mine d’argent rouge et de mine d’argent vitré : on vend, sur le pied de la taxe ou évaluation, ce qu’on trouve d’argent vierge et sans mélange ; ou bien on le fait imbiber dans le plomb d’un affinage. Comme ces sortes de mines riches se trouvent aussi fort souvent mêlées avec des mines ordinaires, et qu’un quintal de ce mélange contient jusqu’à cinquante marcs d’argent, on se contente de piler ces sortes de mines à sec, et on les fond ensuite crues ou sans les griller… À Joachimstal, en Bohême, on trouve de temps en temps, parmi les mines, des lamines d’argent rouge et de l’argent vierge. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. II, in-4o, p. 273 et 296.
  11. Lettres de M. Demeste, t. II, p. 432.
  12. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 264.
  13. « La mine d’argent grise ou blanche n’est, dit M. Demeste, qu’une mine de cuivre tenant argent. » Cette assertion est trop générale, puisque, dans le nombre des mines d’argent grises, il y a peut-être plus de mines de plomb que de cuivre tenant argent. « Il y a de ces mines grises et blanches, continue-t-il, qui sont d’un gris clair et brillant, répandues en petites masses lamelleuses, rarement bien distinctes dans les gangues quartzeuses, souvent mêlées de pyrites aurifères ; dans les mines de Hongrie, on en tire 20 à 25 marcs d’argent par quintal. » Lettres de M. Demeste, t. II, p. 442.
  14. Observation communiquée par M. Tillet, en avril 1781.
  15. Voyez le Discours qui sert d’introduction à l’Histoire des Minéraux.
  16. Il n’y a que le fer qui, comme nous l’avons dit à l’article de l’or, ne se sépare pas en entier par le moyen du plomb ; il faut, suivant M. Pœner, y ajouter du bismuth pour achever de scorifier le fer.
  17. « Il y a, dans le Cabinet du roi de Danemark, deux très grands morceaux de mine d’argent, tous deux dans une pierre blanche, plus dure que le marbre (c’est-à-dire dans du quartz). Le plus grand de ces morceaux a cinq pieds six pouces de longueur, et le second quatre pieds, tous deux en forme de solives ; on estime qu’il y a trois quarts d’argent sur un quart de pierre, et le premier morceau pèse 560 livres. » Journal étranger, mois de juin 1758. — On assure que, dans le Hartz, on a trouvé un morceau d’argent si considérable, qu’étant battu on en fit une table autour de laquelle pouvaient se tenir vingt-quatre personnes. Dictionnaire d’Histoire naturelle, par M. de Bomare, article Argent.
  18. « Dès le dixième siècle, il y avait plus de trente puits de mines ouverts dans les montagnes des Vosges, depuis les sources de la Moselle jusqu’à celles de la Sarre ; on en tirait de l’argent et du cuivre : on a renouvelé avec succès, en différentes époques, plusieurs de ces anciennes mines ; loin d’être épuisées, elles paraissent encore très riches. On peut croire que, dans cette chaîne de montagnes, tous les rochers renferment également dans leur sein ces riches minéraux, puisque ces rochers sont généralement de la même nature et la plus analogue aux productions métalliques. Mais pourquoi offrir aux hommes les vaines et cruelles richesses que recèle la terre ? Les vrais trésors sont sous nos pas : tel qui saurait ajouter un grain à chaque épi qui jaunit dans nos champs ferait, à l’œil du sage, un plus beau présent au monde que celui qui découvrit le Potosi. » Histoire de Lorraine, par M. l’abbé Bexon, p. 64. — La mine de Saint-Pierre, qui n’est pas éloignée de Giromagny, présente de grands travaux ; le minéral est d’argent mêlé d’un peu de cuivre… Vis-à-vis la mine de Sainte-Barbe, dans la montagne du Balon, il y a un filon de mine d’argent… On connaît aussi deux filons de mine d’argent dans la vallée de Saint-Amarin, celui de Vercholtz et celui de Saint-Antoine. Exploitation des Mines, par M. de Gensane ; Mémoires des Savants étrangers, t. IV, p. 141 et suiv.
  19. Dans le douzième siècle, les mines d’argent du Languedoc étaient travaillées très utilement par les seigneurs des terres où elles se trouvaient : toutes ces mines, ainsi que plusieurs autres qui sont abandonnées, ne sont néanmoins pas entièrement épuisées, d’autant plus que les anciens, n’ayant pas l’usage de la poudre, ne pouvaient pas faire éclater les rochers durs ; ils ne pouvaient que les calciner à force de bois qu’ils arrangeaient dans ces souterrains, et auxquels ils mettaient le feu ; et, lorsque le rocher trop dur ne se brisait pas après cette calcination, ils abandonnaient le filon… Il paraît aussi, par les Annales de l’abbaye de Villemagne et par d’anciens titres des seigneurs de Beaucaire, qu’à la fin du quatorzième siècle, les mines de France étaient encore aussi riches qu’aucune de l’Europe. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1756, p. 134 et suiv. — « Sur les montagnes Noires, en Languedoc, il y a, dit César Arcon (en 1667), une mine d’argent, à laquelle le seigneur de Canette fit travailler jusqu’à ce qu’elle fût inondée. Il y en a une autre à Lanet, dont sept quintaux de minerai donnaient un quintal de cuivre et quatre marcs d’argent ; mais au bout de cinq ans on l’abandonna à cause de la mauvaise odeur. Il y a d’autres filons dans la même montagne : il y a aussi une mine à Davesan, dont on tirait par quintal de matières dix onces d’argent et un peu de plomb… On a fait autrefois de grands travaux dans le pays de Corbières pour cultiver des minerais de cuivre, de plomb et d’antimoine… On y a trouvé quelques rognons métalliques de six à sept quintaux chacun, qui donnaient dix onces d’argent par quintal, avec un peu de plomb et de cuivre. » Barba, Métallurgie, t. II, p. 268 et 276.
  20. On voit, par les registres de l’hôtel de ville de Villefranche, en Rouergue, qu’il y a eu anciennement des mines d’argent ouvertes aux environs, auxquelles on a travaillé jusque dans le seizième siècle. Description de la France, par Piganiol ; Paris, 1718, t. IV, p. 208. — Strabon, qui vivait du temps d’Auguste, dit que les Romains tiraient de l’argent du Gévaudan et du Rouergue, et qu’ils creusèrent aussi dans les Pyrénées pour en tirer ce métal ainsi que l’or. Il ajoute que le pays situé entre les Pyrénées et les Alpes avait fourni beaucoup de ce dernier métal, et que l’or devint plus commun à Rome après la conquête des Gaules… César, dans ses Commentaires, dit que les mines avaient été travaillées même avant la conquête, et il fallait qu’il y eût en effet beaucoup d’or dans les Gaules, vu la quantité que César en fit passer en Italie, et qui y fut vendu à bas prix (1 500 petits sesterces le marc, ce qui ne revient, selon Budé, qu’à 62 livres 10 sous de notre monnaie). Mémoires de l’Académie des sciences, année 1756, p. 134 et suiv.
  21. Il fallait qu’il y eût autrefois des mines d’or et d’argent dans le Maine, puisque l’art. lxx de la Coutume du Maine porte que la fortune d’or trouvée en mine appartient au roi, et la fortune d’argent, pareillement trouvée en mine, au comte vicomte de Beaumont, et baron. Idem, p. 178. — On a découvert à Montmeron, proche Angoulême, une mine d’argent, mais on ne l’a pas exploitée. Voyage historique de l’Europe ; Paris, 1693, t. Ier, p. 88.
  22. Au-dessous du château de Tournel, on nous a fait voir, auprès du moulin qui est sur le bord de la rivière, un très beau filon de mine de plomb et argent. Cette mine, qui n’a point été touchée, mériterait d’être exploitée, parce que la veine se suit très bien ; on y remarque sur la tête qui paraît au jour de la pyrite mêlée avec de la mine de plomb sur toute sa longueur, ce qui en caractérise la bonté… Il y a auprès du village de Mataval un filon de mine de plomb et argent… À une demi-lieue de Bahours, on trouve au fond d’un vallon une mine de plomb qui rend depuis sept jusqu’à neuf onces d’argent par quintal de minerai ; le filon traverse le ruisseau et se prolonge des deux côtés dans l’intérieur et le long des montagnes opposées. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. II, p. 22, 240 et 248. — Au-dessous de la paroisse de Saint-André, diocèse d’Uzès, au lieu appelé l’Estrade, il y a un très bon filon de mine d’argent grise. Idem, t. Ier, p. 167. — Il y a dans la montagne appelée les Cacarnes, diocèse de Pons, une mine de plomb et argent fort riche, mais le minéral n’y est pas abondant ; il y a une autre mine semblable, mais moins riche en argent, au lieu appelé Brioun, le tout dans le territoire de Riouset. Idem, t. II, p. 209. — En remontant de Colombières vers Donts, on trouve près de ce dernier endroit de très bonnes mines de plomb et argent. Idem, t. II, p. 315. — Aux Corteilles, diocèse de Narbonne, il y a un très beau filon de mine d’argent, mêlée de blende. Idem, t. II, p. 188.
  23. Pline dit que l’argent le plus pur se tirait de l’Espagne, et que l’on y exploitait des mines d’or qui avaient été ouvertes par Annibal, et néanmoins n’étaient pas encore à beaucoup près épuisées. liv. xxx, chap. xxvii.
  24. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 63 et suiv. Cet auteur parle aussi de quelques autres mines du même canton, où l’on trouve de l’argent vierge, de l’argent vitré, etc.
  25. L’avarice a été souvent trompée par le succès des exploitations faites par les Phéniciens, les Carthaginois et les Romains. Les premiers, au rapport de Diodore de Sicile, trouvèrent tant d’or et d’argent dans les Pyrénées, qu’ils en mirent aux ancres de leurs vaisseaux ; on tirait en trois jours un talent euboïque en argent, ce qui montait à huit cents ducats. Enflammés par ce récit, des particuliers ont tenté des recherches dans la partie septentrionale des Pyrénées ; ils semblent avoir ignoré que le côté méridional a toujours été regardé comme le plus riche en métaux. Tite-Live parle de l’or et de l’argent que les mines de Huesca fournissaient aux Romains ; les monts qui s’allongent vers le nord jusqu’à Pampelune sont fameux, suivant Alphonse Barba, par la quantité d’argent qu’on en a tirée. Ils s’étendent aussi vers l’Èbre, dont la richesse est vantée par Aristote et par Claudien : « In Iberia narrant combustis aliquando à pastoribus sylvis, calenteque ex ignibus terra, manifestatum argentum defluxisse. Cumque postmodum terræ motus supervenissent, eruptis hiatibus magnam copiam argenti simul collectam. » Aristote, de Mirab. auscult. — L’histoire ne cite point les mines que les anciens ont exploitées du côté de France, ce qui prouve qu’elles leur ont paru moins utiles que les mines d’Espagne : aussi avons-nous remarqué que les entreprises tentées dans cette partie ont presque toujours été ruineuses. Essais sur la minéralogie des Pyrénées, in-4o, p. 244.
  26. M. Scheuchzer dit qu’il y a une mine d’argent à Johanneberg, à Baranvald… M. Cappeler dit que le cuivre mêlé à l’argent se montre de toutes parts dans le mont Spin, au-dessus de Zillis. Mémoires de M. Guettard, dans ceux de l’Académie des sciences, année 1752, p. 323. — On a découvert, en creusant le bassin de Kriembach, qu’une pierre bleuâtre renfermait de l’argent… Il y a aussi de l’argent dans le canton d’Underwald… Les environs de Bex et du lac Léman renferment des veines d’argent. Idem, p. 333 et 336.
  27. « La plus riche ressemble à une pierre brune tirant sur le rouge, et l’autre ressemble à une pierre blanche, et se trouve près d’Annaberg : cette pierre blanche ne paraît être qu’une pierre calcaire ; l’eau agit sur elle, après avoir été calcinée, comme sur une pierre à chaux, et elle ne contient ni soufre, ni arsenic, ni aucun métal ; l’on n’y aperçoit que l’argent sous une forme métallique au moyen d’une loupe… Dès le commencement, elle rendait une, deux et trois livres d’argent par quintal ; à peine les ouvriers eurent-ils creusé à une brasse et demie de profondeur, que la mine rendait jusqu’à vingt-quatre marcs par quintal… On y rencontre même des morceaux de mines d’argent blanches et rouges, et il se trouve aussi de l’argent massif. » Nouvelles vérités à l’avantage de la physique, par M. de Justi ; Journal étranger, octobre 1754.
  28. Cette mine est extrêmement riche, car la mine commune contient ordinairement trois, quatre, jusqu’à six marcs d’argent par quintal ; la bonne en rend jusqu’à vingt marcs, et l’on en tire encore davantage de quelques morceaux : on a même trouvé à cette mine d’Annaberg des masses d’argent natif du poids de plusieurs livres… M. de Justi prétend que tout ce qui n’est pas d’argent natif dans cette mine a été minéralisé par un sel alcalin, et voici ses preuves :

    Les plus riches morceaux de la mine sont toujours ceux qui, tirant sur le blanc, sont mous et cassants, qui paraissent composés partout de parties homogènes, et dans lesquels ni la simple vue ni le secours du microscope ne font apercevoir aucune particule d’argent sensible. Il faut donc que l’argent y soit mêlé intimement avec une substance qui le prive de sa forme métallique, et, comme il n’y a dans cette mine ni soufre ni arsenic, mes expériences démontreront que ce ne peut être que l’alcali minéral.

    Dans les parties de la mine qui sont moins riches, la dureté de la matière est à peu près égale à celle du marbre commun, et l’on y voit des parcelles d’argent dans leur forme de métal… Et ce qui démontre que cette mine riche et molle a été véritablement produite par l’union de l’alcali avec l’argent, c’est qu’on obtient un vrai foie de soufre lorsqu’à une partie de la mine en question on ajoute la moitié du soufre, et que l’on fait fondre ces deux matières dans un vaisseau fermé…

    Depuis que j’ai été convaincu par la mine d’Annaberg qu’il y a dans la nature des mines véritablement alcalines, j’en ai encore découvert dans d’autres endroits : à Schemnitz, en Hongrie, on a trouvé depuis longtemps que les mines riches qu’on y exploite étaient accompagnées d’une substance minérale, molle, blanche, et de la nature de la craie. Cette substance, qui, à cause de la subtilité de ses parties et du peu de solidité de sa masse, blanchit les mains comme de la craie, a été pendant très longtemps jetée comme une matière inutile ; on s’est enfin avisé de l’essayer, et on a trouvé, par les essais ordinaires, qu’elle contenait dix marcs d’argent par quintal… Et, si l’on y veut faire attention, on trouvera peut-être fréquemment cette mine alcaline dans le voisinage des carrières de marbre et de pierre à chaux…

    Toute la montagne où se trouve la mine d’Annaberg n’est composée que d’une pierre à chaux ou d’une espèce de marbre commun, et l’on m’a envoyé de Silésie une espèce de marbre qui venait de la montagne appelée le Zottemberg, et dont j’ai tiré par l’analyse deux onces et demie d’argent par quintal… M. Lheman m’a assuré avoir vu un marbre qui contenait jusqu’à trois onces et demie d’argent par quintal. Nouvelles vérités à l’avantage de la physique, par M. de Justi ; Journal étranger, mois de mai 1756, p. 71 et suiv.

  29. Griselius, dans les Éphémérides d’Allemagne depuis l’année 1670 à 1686.
  30. Par les Mémoires de M. Ferber, sur les mines de Hongrie, il paraît que la mine de Schemnitz est fort riche ; que celle de Kremnitz a fourni, depuis 1749 jusqu’en 1759, en or et en argent, la valeur de 42 498 000 florins, c’est-à-dire plus de 84 millions de notre monnaie ; et que, depuis 1648, celle de Felsobania fournit par an environ 100 marcs d’or, 3 000 marcs d’argent, 3 000 quintaux de plomb et 1 500 quintaux de litharge, sans compter les mines de cuivre et autres. Mémoires imprimés à Berlin en 1780, in-8o. Extraits dans le Journal de Physique, août 1781, p. 161.
  31. Traité de la fonte des Mines de Schlutter, t. II, p. 304.
  32. Regnard ajoute, à la description des excavations de la mine, la manière dont on l’exploite : « On fait, dit-il, sécher les pierres qu’on tire de la mine sur un fourneau qui brûle lentement, et qui sépare l’antimoine, l’arsenic et le soufre d’avec la pierre : le plomb et l’argent restent ensemble. Cette première opération est suivie d’une seconde, et ces pierres séchées sont jetées dans des trous où elles sont pilées et réduites en boue, par le moyen de gros marteaux que l’eau fait agir ; cette boue est délayée dans une eau qui coule incessamment sur une planche mise en glacis et qui, emportant le plus grossier, laisse l’argent et le plomb dans le fond sur une toile. La troisième opération sépare l’argent d’avec le plomb, qui fond en écume, et la quatrième sert enfin à le perfectionner et à le mettre en état de souffrir le marteau… On me fit, dit l’auteur, présent d’un morceau d’amiante, dont on avait trouvé plusieurs dans cette mine. » Œuvres de Regnard ; Paris, 1742, t. Ier, p. 204 et suiv.
  33. Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, année 1762, p. 319.
  34. En Norvège, il y a plusieurs mines d’argent où il se trouve quelquefois des morceaux de ce métal qui sont d’une grandeur extraordinaire : on en conserve un dans le Cabinet du roi de Danemark, du poids de onze cent vingt marcs. On tire des pièces entières d’argent pur des mines de Kongsberg. La profondeur perpendiculaire d’une de ces mines est de cent trente toises ; ces mines sont sans suite, et néanmoins il n’y a peut-être que celles de Potosi qui rendent davantage. Histoire naturelle de Norvège, par Pontoppidan ; Journal étranger, mois d’août 1755. M. Jars vient de donner une description plus détaillée de ces mines de Kongsberg ; elles ont été découvertes par des filets d’argent qui se manifestaient au jour… On évalue le produit annuel de toutes les mines de ce département à 32 ou 33 mille marcs d’argent… Tous les rochers de cette partie de la Norvège sont très compacts et si durs, qu’on est obligé d’employer le feu pour les abattre… Les veines principales les plus riches sont presque toutes dans des rochers ferrugineux, et ces mines s’appauvrissent toutes à mesure que l’on descend, en sorte qu’il est très rare de trouver du minerai d’argent, lorsqu’on est descendu jusqu’au niveau de la rivière qui coule dans la vallée au-dessous de ces rochers. Les veines minérales renfermées dans les filons principaux sont fort étroites ; il est rare qu’elles aient au-dessus d’un pied d’épaisseur, elles n’ont même très souvent qu’un pouce ou quelques lignes. Ces veines ne produisent généralement point d’argent minéralisé, si l’on en excepte quelques morceaux de mine d’argent vitreuse que le hasard fait rencontrer quelquefois, encore moins de la mine d’argent rouge, mais toujours de l’argent vierge ou natif, extrêmement varié dans ses configurations ; elles sont remplies de différentes matières pierreuses, qui servent comme de matrice à ce métal, et forment un composé de spath calcaire, d’un autre fusible couleur d’améthyste, d’un spath verdâtre et d’un autre encore d’un blanc transparent, ressemblant assez à une sélénite et souvent recouvert de cuir fossile ou de montagne, qui tous sont unis à de l’argent vierge et en contiennent eux-mêmes ; ce métal se trouve encore dans un rocher de couleur grise, qui pourrait être regardé comme le toit et le mur desdits filons ; on le rencontre aussi, mais plus rarement, avec du mica.

    Dans tout ce mélange, on n’aperçoit aucune partie de quartz, mais bien dans les filons principaux où l’on trouve même de la pyrite riche en argent, dans laquelle ce métal se manifeste quelquefois, et où l’on voit des cristallisations de spath et de quartz… Ces filons contiennent aussi de la blende.

    L’argent est toujours massif dans le rocher et presque pur, c’est-à-dire avec peu de mélange… Plusieurs fois on en a détaché des morceaux qui pesaient depuis 20 jusqu’à 80 marcs. Dans la principale mine de Gottès hilf in der noth, située sur le filon de la montagne moyenne…, on trouva, il y a près de sept ans, à cent trente-cinq toises au-dessous de la surface de la terre, un seul morceau d’argent vierge presque pur, qui pesait 419 marcs… Cependant la forme la plus commune où l’on trouve ce métal est celle d’un fil plus ou moins gros, prenant toutes sortes de courbes et figures : quelques-uns ont un pied et plus de longueur ; d’autres ont la finesse des cheveux, seuls ou réunis ensemble en grande quantité par un seul point d’où ils partent, mais ordinairement mêlés à du spath ou du rocher ; d’autres encore forment différentes branches de ramifications de diverses grosseurs, dont la blancheur et le brillant annoncent toute la pureté du métal lorsqu’il est raffiné.

    On en trouve aussi en feuilles ou lames ; c’est communément à travers ou entre les lits d’un rocher gris schisteux, de manière que, dans un de ces morceaux qui pourrait avoir quatre pouces d’épaisseur, on rencontre quelquefois une, deux et même trois couches pénétrées de cet argent qui, quand on les sépare, présentent à chaque surface des feuilles très blanches et très minces.

    Il est de ces veines, enfin, où l’argent est tellement divisé dans le spath et le rocher, quoique vierge, qu’on a bien de la peine à le reconnaître ; dans d’autres, on ne le distingue point du tout ; il en est de même du quatrième filon. M. Jars, Mémoires des savants étrangers, t. IX, p. 455 et suiv.

  35. Selon Horrebow, les Islandais ont trouvé dans leurs montagnes du métal qui, étant fondu, s’est trouvé être du bon argent. Histoire générale des Voyages, t. XVIII, p. 36.
  36. Journal de Politique et de Littérature, février 1776, article Paris.
  37. Histoire générale des Voyages, t. XVIII, p. 207.
  38. Idem, t. VI, p. 483.
  39. Suivant Mendez Pinto, il y a aux environs de Quanjaparu, dans l’anse de la Cochinchine, des mines d’argent dont on tire une fort grande quantité de ce métal. Idem, t. IX, p. 384.
  40. On ne connaît guère d’autres mines d’argent dans toute l’Asie que celles du Japon, dont les relations vantent l’abondance. Cependant Mendez Pinto dit qu’il y en a de fort abondantes sur les bords du lac du Chiamuy, d’où on le transporte dans d’autres provinces de l’Asie. Idem, t. X, p. 328. — La province de Bungo, au Japon, a des mines d’argent ; Kattami, lieu situé au nord de cet empire, en a de plus riches encore. L’argent du Japon passe pour le meilleur du monde ; autrefois, on l’échangeait à la Chine, poids pour poids, contre de l’or. Idem, p. 654.
  41. Voyage de Chardin, t. II, p. 22.
  42. On assure que dans l’île Saint-Antoine, au cap Vert, il y a une mine d’argent, mais qui n’est pas encore exploitée. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 418.
  43. On trouve des mines d’argent dans la province de Bamba, au Congo, qui s’étendent jusque vers Angole. Idem, t. IV, p. 617.
  44. Il y a des mines d’argent dans le Bambuk, en Afrique. Idem, t. II, p. 644. — Il y a aussi des mines d’argent dans les terres d’Angoykayango, en Afrique. Idem, t. IV, p. 488.
  45. On a aussi découvert, au commencement de ce siècle, une mine d’argent dans les colonies hollandaises, au pays des Hottentots ; mais on n’en a pas continué l’exploitation. Kolbe, dans l’Histoire générale des Voyages, t. V, p. 135.
  46. Histoire naturelle d’Espagne, p. 27.
  47. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 589.
  48. Ce roc de Potosi contient quatre veines principales : la riche, le centeno, celle d’étain et celle de mendieta. Ces veines sont en la partie orientale de la montagne, et on n’en trouve point en la partie occidentale, elles courent nord et sud… Elles ont à l’endroit le plus large six pieds, et au plus étroit une palme : ces veines ont des rameaux qui s’étendent de côté et d’autre… Toutes ces mines sont aujourd’hui (en 1589) fort profondes, à quatre-vingts, cent ou deux cents stades, ou hauteur d’homme… On a reconnu, par expérience, que plus haut est située la veine à la superficie de la terre, plus elle est riche et de meilleur aloi… On tire le minerai à coups de marteaux, parce qu’il est dur à peu près comme le caillou. Histoire naturelle des Indes, par Acosta ; Paris, 1600, p. 137 et suiv.
  49. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 300.
  50. Frézier, Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 59.
  51. Dans la montagne de Potosi, l’on a tant creusé en différents endroits que plusieurs mines se sont abîmées, et ont enseveli les Indiens qui travaillaient, avec leurs outils et étançons. Dans la suite des temps, on est venu refouiller les mêmes mines, et l’on a trouvé dans le bois, dans les crânes et autres os humains, des filets d’argent qui les pénètrent. C’est encore un fait indubitable qu’on a trouvé beaucoup d’argent dans les mines de Lipès, d’où on en avait tiré longtemps auparavant. Je sais qu’on répond à cela qu’autrefois elles étaient si riches qu’on négligeait les petites quantités ; mais je doute que lorsqu’il n’en coûte guère plus de travail, on perde volontiers ce que l’on tient. Si à ces faits nous ajoutons ce que nous avons dit des lavoirs d’Adacoll et de la montagne de Saint-Joseph, où se forme le cuivre, on ne doutera plus que l’argent et les autres métaux ne se forment tous les jours dans certains lieux… Les anciens philosophes et quelques modernes ont attribué au soleil la formation des métaux ; mais, outre qu’il est inconcevable que sa chaleur puisse pénétrer jusqu’à des profondeurs infinies, on peut se désabuser de cette opinion, en faisant attention à un fait incontestable que voici :

    Il y a environ trente ans que la foudre tomba sur la montagne d’Ilimani, qui est au-dessus de la Paze, autrement Chuquiago, ville du Pérou, à quatre-vingts lieues d’Arica ; elle en abattit un morceau, dont les éclats qu’on trouva dans la ville et aux environs étaient pleins d’or ; néanmoins cette montagne, de temps immémorial, a toujours été couverte de neige ; donc la chaleur du soleil, qui n’a pas assez de force pour fondre la neige, n’a pas dû avoir celle de former de l’or, qui était dessous et qu’elle a couvert sans interruption… D’ailleurs, la plupart des mines du Pérou ou du Chili sont couvertes de neige pendant huit mois de l’année. Frézier, Voyage à la mer du Sud ; Paris, 1732, p. 146 et suiv.

  52. Histoire naturelle d’Espagne, p. 23 et 24.
  53. Histoire générale des Voyages, t. XI, p. 389.
  54. C’est une observation importante et qui n’avait pas échappé au génie de Pline, « qu’on ne trouve guère un filon seul et isolé ; mais que, lorsqu’on en a découvert un, on est presque sûr d’en rencontrer plusieurs autres aux environs. » « Ubicumque una inventa vena est, non procul invenitur alia. » Lib. xxx, cap. xxvii. — « La sublimation ou la chute des vapeurs métalliques, une fois déterminée vers les grands sommets vitreux, dut remplir à la fois les différentes fentes perpendiculaires ouvertes dès lors dans ces masses primitives ; et c’est dans un sens relatif à cette production ou précipitation simultanée que le même naturaliste interprète le nom latin, originairement grec, des métaux (Μετ’αλλα, quasi μέτ’αλλων) ; comme pour désigner des matières ramassées et rassemblées aux mêmes lieux, ou des substances produites en même temps et disposées ensemble. » Note communiquée par M. l’abbé Bexon.
  55. En Amérique, les mines d’argent se trouvent communément dans les montagnes et rochers très hauts et déserts… Il y a des mines de deux sortes différentes, les unes qu’ils appellent égarées, et les autres fixes et arrêtées. Les égarées sont des morceaux de métal qui se trouvent amassés en quelques endroits, lesquels étant tirés et enlevés, il ne s’en trouve pas davantage ; mais les veines fixes sont celles qui, en profondeur et longueur, ont une suite continue en façon de grandes branches et rameaux, et quand on en a trouvé de cette espèce, on en trouve ordinairement plusieurs autres au même lieu… Les Américains savaient fondre l’argent, mais ils n’ont jamais employé le mercure pour le séparer du minerai. Histoire naturelle des Indes, par Acosta ; Paris, 1600, p. 137.
  56. Histoire générale des Voyages, t. XI, p. 530 et suiv. — Les cantons de Tlasco et de Maltepèque, à l’ouest du Mexique, sont aussi fort célèbres par leurs mines d’argent ; Guaximango, du côté du nord, ne l’est pas moins par les siennes, avec onze autres dans ce même canton ; et dans la province de Guaxaga il y en a un aussi grand nombre. Les mines de Guanaxati et de Talpuyaga sont deux autres mines célèbres ; la première est à vingt-huit lieues de Valladolid au nord, et l’autre à vingt-quatre lieues de Mexico. Une montagne fort haute et inaccessible aux voitures, et même aux bêtes de charge, qui est placée dans la province de Guadalajara, vers les Zacatèques, renferme quantité de mines d’argent et de cuivre mêlées de plomb. La province de Xalisco, conquise en 1554, est une des plus riches de la Nouvelle-Espagne par ses mines d’argent, autour desquelles il s’est formé des habitations nombreuses, avec des fonderies, des moulins, etc… Celle de Calnacana contient aussi des mines d’argent. Les Zacatèques ou Zacutecas sont un grand nombre de cantons qui forment, sous ce nom commun, la plus riche province de la Nouvelle-Espagne ; on y compte douze ou quinze mines d’argent, dont neuf ou dix sont fort célèbres, surtout celle del Fresnillo, qui paraît inépuisable. La province de la Nouvelle-Biscaye contient les mines d’Eude, de Saint-Jeanet et de Sainte-Barbe, qui sont d’une grande abondance et voisines de plusieurs mines de plomb. Les montagnes qui séparent le Honduras de la province de Nicaragua ont fourni beaucoup d’or et d’argent aux Espagnols. La province de Costa-Ricca fournit aussi de l’or et de l’argent. Idem, t. XII, p. 648 et suiv.
  57. Idem, t. XIII, p. 412.
  58. Voyages de M. de Gennes ; Paris, 1698, p. 145.
  59. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 218.
  60. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1747.
  61. Éléments de Chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 113.
  62. « On retire de la Lune-Cornée l’argent bien plus pur que celui de la coupelle ; mais l’opération est laborieuse et présente un phénomène intéressant. L’argent, qui, comme l’on sait, est une substance très fixe, y acquiert une telle volatilité qu’il est capable de s’élever comme le mercure, de percer les couvercles des creusets, etc… Il faut aussi qu’il éprouve dans cet état une sorte d’attraction de transmission au travers des pores des vaisseaux les plus compacts, puisque l’on trouve une quantité de grenailles d’argent disséminées jusque dans la tourte qui supportait le creuset. » Éléments de Chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 220.
  63. Idem, t. II, p. 15 ; et t. III, p. 19.
  64. Pour former l’arbre de Diane, on fait dissoudre ensemble ou séparément quatre gros d’argent et deux gros de mercure dans l’eau-forte précipitée ; on étend cette dissolution par cinq onces d’eau distillée ; on verse le mélange dans une petite cucurbite de verre, dans laquelle on a mis auparavant six gros d’amalgame d’argent, en consistance de beurre, et on place le vaisseau dans un endroit tranquille, à l’abri de toute commotion : au bout de quelques heures, il s’élève de la masse d’amalgame un buisson métallique avec de belles ramifications. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 434 et 435.
Notes de l’éditeur
  1. Par le mot « chaux » Buffon désigne ici les oxydes hydratés des chimistes modernes.
  2. Par « acide nitreux », Buffon entend l’acide azotique qui est, en effet, le meilleur dissolvant de l’argent. [Note de Wikisource : L’acide azotique est dénommé aujourd’hui acide nitrique.]