Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/Improvisée à la Grande-Chartreuse
VINGT-CINQUIÈME
MÉDITATION
IMPROVISÉE À LA GRANDE-CHARTREUSE
Jéhovah de la terre a consacré les cimes ;
Elles sont de ses pas le divin marchepied ;
C’est là qu’environné de ses foudres sublimes
Il vole, il descend, il s’assied.
Sina, l’Olympe même, en conservent la trace :
L’Oreb, en tressaillant, s’inclina sous ses pas ;
Thor entendit sa voix, Gelboé vit sa face ;
Golgotha pleure son trépas.
Dieu que l’Hébron connaît, Dieu que Cédar adore,
Ta gloire à ces rochers jadis se dévoila ;
Sur le sommet des monts nous te cherchons encore :
Seigneur, réponds-nous ; es-tu là ?
Paisibles habitants de ces saintes retraites,
Comme au pied de ces monts où priait Israël,
Dans le calme des nuits, des hauteurs où vous êtes
N’entendez-vous donc rien du ciel ?
Ne voyez-vous jamais les divines phalanges
Sur vos dômes sacrés descendre et se pencher ?
N’entendez-vous jamais des doux concerts des anges
Retentir l’écho du rocher ?
Quoi ! l’âme en vain regarde, aspire, implore, écoute :
Entre le ciel et nous est-il un mur d’airain ?
Vos yeux toujours levés vers la céleste voûte,
Vos yeux sont-ils levés en vain ?
Pour s’élancer, Seigneur, où ta voix les appelle,
Les astres de la nuit ont des chars de saphirs ;
Pour s’élever à toi, l’aigle au moins a son aile :
Nous n’avons rien que nos soupirs.
Que la voix de tes saints s’élève et te désarme :
La prière du juste est l’encens des mortels.
Et nous, pécheurs, passons : nous n’avons qu’une larme
À répandre sur tes autels.