Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/L’idéal
SEPTIÈME
MÉDITATION
L’IDÉAL
Hôtes des jeunes cœurs, beaux enfants des Génies,
Allez jouer plus loin, allez sourire ailleurs !
Les cordes de ma voix n’ont plus pour harmonies
Que des tristesses et des pleurs.
Chers anges du matin éclos dans les rosées,
Nos lèvres d’homme, hélas ! pour vous n’ont plus de miel ;
Et vos ailes d’azur, de larmes arrosées,
Ne nous porteraient plus au ciel.
Il faut aux cœurs saignants des anges plus austères,
Pâles, vêtus de deuil, voilés de demi-jour,
Et plongeant en silence au fond de nos mystères
Un rayon doux comme l’amour.
Ces fantômes du cœur ont des accents de femme ;
Sous de longs cheveux noirs ils dérobent leurs traits ;
Ils vous disent tout bas, dans la langue de l’âme,
De tristes et divins secrets.
Nul ne connaît leur nom, nul n’a vu leur visage ;
Ils s’attachent au cœur comme l’ombre à nos pas.
Est-ce un être réel ? est-ce un divin mirage
Du bonheur qu’on pressent là-bas ?
Qu’importe ? Ciel ou terre, ange ou femme, ombre ou rêve,
Quelque nom qui te nomme, il est divin pour moi.
Que la terre l’ébauche et que le ciel l’achève
Le nom sublime qui dit, Toi !