Œuvres de Albert Glatigny/L’épouse coupable

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Œuvres de Albert GlatignyAlphonse Lemerre, éditeur (p. 196-198).

L’épouse coupable.


« Vous êtes blanche ainsi qu’un rayon de soleil,
Aussi je vais dormir auprès de vous, madame ;
Je n’ai, depuis sept ans, goûté plaisir pareil.

Ah ! c’est, je vous le jure, un métier, sur mon âme !
Fort rude que d’avoir sans cesse sur le corps
Cette ferraille lourde et que la rouille entame !

— Dormez sans crainte, ami. Mon époux est dehors
En chasse, quelque part vers les hautes montagnes.
Ah ! puisse son cheval rompre et briser son mors !

Que puisse-t-il avoir les fièvres pour compagnes ;
Puissent ses chiens crever enragés, les vautours
Déplumer ses faucons à travers les campagnes !

Et puisse, lui jouant quelqu’un de ses bons tours
Le diable le traîner par les deux pieds lui-même,
Sanglant, défiguré, sur le pavé des cours ! »

Pendant que le soudard répondait : « Je vous aime ! »
Le mari, de retour, mit terme à l’entretien.
La dame fit cacher son galant, pâle et blême.

« Que faisiez-vous, madame ? — Oh ! mon Dieu, seigneur, rien.
Je peignais mes cheveux, triste et bien désolée,
Car vous me laissez seule, hélas ! et sans soutien

— Cette parole-là semble s’être exhalée
De votre bouche avec un air de trahison !
À qui donc ce cheval qui hennit dans l’allée ?

— Mon seigneur, n’allez pas concevoir de soupçon.
Ce cheval, ah ! la chose est bien simple ! mon frère
L’envoya ce matin pour vous à la maison.

— Je le croirai jusqu’à la preuve du contraire ;
Mais ces armes qui sont là, dans le corridor…
Quel mensonge allez-vous de votre gorge extraire ?


— C’est un présent aussi de mon frère. — Oh ! cœur d’or !
Bon frère ! et je doutais de vous ! Ah ! j’en ai honte !
Et cette lance t Elle est a votre frère encor ?

— Ah ! quelle m’entre au cœur vite, et qu’elle soit prompte,
Et m’épargne un dernier et méprisable effort !
Tuez-moi sur-le-champ, ah ! tuez-moi, bon comte.

Vraiment j’ai mérité de recevoir la mort ! »