Œuvres de Albert Glatigny/L’attente

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Œuvres de Albert GlatignyAlphonse Lemerre, éditeur (p. 29-30).
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L’attente.



Ô Cythère mélancolique,
Dont les ombrages profanés
Ont un charme que rien n’explique,
Toujours, toujours vous m’entraînez

Vers les rives de fleurs où celles
Qui portent les beaux lis aux mains,
Avec leurs yeux pleins d’étincelles,
Cherchent le calme des chemins.

Mon rêve amoureux s’extasie
Sous les arbres du grand Watteau ;
Je vois marcher ma poésie
Sur les pentes du vert coteau.

Hélas ! dans les eaux murmurantes
Les Nymphes ne se baignent plus.
On ne voit que des figurantes
Dans le décor où je me plus.

Je sais bien que ces filles vaines,
Sans grâce pure, sans douceur,
Boivent le meilleur de mes veines ;
Pourtant, Cidalise, ô ma sœur !



Beauté superbe, souveraine
Par le rhythme des mouvements,
Victorieuse dans l’arène
Des mots et des rires charmants !

Puisque parmi ce troupeau lâche
Les dieux contraires mont jeté,
J’y veux mourir, et, sans relâche,
En proie à leur voracité,

Sous les ongles de ces furies
Mon cantr triste et doux saignera,
Ainsi que mes livres flétries,
Que nul vin ne désaltéra.

Mais la vision qui m’attire
Sur mon front, dans les vastes cieux,
Pendant les douleurs du martyre,
Viendra, spectre silencieux,

Et j’irai vers cette maîtresse,
Esclave oublieux de mes fers,
Lui dire l’ennui qui ni oppresse,
Mettre à ses pieds les maux soufferts.


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