Œuvres de Albert Glatigny/La Normande

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Œuvres de Albert GlatignyAlphonse Lemerre, éditeur (p. 104-105).
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La Normande.



À André Lemoyne.



Elle est belle vraiment, la Normande robuste
Avec son large col implanté grassement,
Avec ses seins, orgueil et gloire de son buste
Que fait mouvoir sans cesse un lourd balancement !

Elle est belle la fille aux épaules solides,
Belle comme la Force aveugle et sans effroi !
Il faut pour l’adorer longtemps des cœurs valides
À l’épreuve du chaud, de la pluie et du froid.

Les phthisiques amants de nos lâches poupées
Reculeraient devant ce corps rude et puissant
Dont les mains, aux travaux de la terre occupées,
Montrent, au lieu des lys, l’âpre rougeur du sang.



Au détour d’un sentier alors qu’elle débouche
Ainsi qu’une génisse errant en liberté,
On croit voir la Cérès indomptable et farouche
Du gras pays normand si riche de santé.

Regardez-la marcher parmi les hautes herbes
La fille aux mouvements sauvages et nerveux,
Pendant que sur son front les grands épis des gerbes
Poussiéreux et serrés hérissent ses cheveux !

C’est auprès de Bayeux que je l’ai rencontrée,
Dans un chemin couvert bordé par les pommiers,
Où, la blaude flottante et la jambe guêtrée,
Le nez à l’air rougi, passaient deux gros fermiers.


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