Œuvres de Albert Glatigny/À Cypris
À Cypris.
Déesse à la crinière blonde
Que guident les ramiers épris,
Toi qui poses tes pieds sur l’onde,
Ange du printemps, ô Cypris !
Fléchis pour moi l’enfant rebelle,
Aux yeux charmants, aux doigts rosés.
Qui se contente d’être belle
Et se refuse à mes baisers.
Dis-lui que l’étoile est levée
Qui verse un mystérieux jour
Dans l’âme d’ivresse abreuvée,
Dis-lui d’aimer, mère d’amour !
Dans les champs élus de la Grèce,
Nymphe divine, elle n’a pas,
Plus légère qu’une caresse,
À ton autel porté ses pas.
Fille du Nord, elle est venue
Dans un siècle impie et mauvais,
Où la splendeur est méconnue
De la forme que tu revêts.
Mais, ô déesse ! une Immortelle
Envierait son col svelte et pur.
Ses yeux sont une cascatelle
D’où s’épanchent des flots d’azur.
Oh ! sur l’arc de sa lèvre humide,
Quels rosiers ! Quel corail vermeil !
Jamais, sous la blanche chlamyde,
Glycère n’eut un sein pareil !
Elle sourit, et l’air est rose.
Coquette aux gestes nonchalants,
Avec quel art elle dispose
Les plis de sa robe à volants !
Près de cette Parisienne,
Dont je n’ai pu voir sans effroi
La beauté correcte et païenne,
Cypris, intercède pour moi !
Fais que ce soir, pâle, interdite,
Elle reconnaisse tes jeux,
Tes jeux cruels, grande Aphrodite !
Soulève son cœur orageux !
Je t’offrirai deux tourterelles
Au tendre et doux gémissement,
Échangeant des baisers entre elles
Avec un long frémissement.
Et partout je dirai ta gloire,
Mère des muettes langueurs,
Ô fille des flots, dont l’histoire
Épouvante et charme les cœurs !