Œuvres de Albert Glatigny/Les Roses et le Vin
Les Roses et le Vin.
À Louis Péricaud.
En ce bon vin verson ces roses…
Rose trois fois sacrée, amante des pourpris
Où j’adore en tremblant le sang pur de Cypris !
Vin ! grande liqueur où la pourpre ruisselle,
Soleil captif, magique et superbe étincelle !
Le Printemps te respire, honneur des floraisons,
Sur les hauts églantiers, dans l’ombre des gazons ;
La Bacchante me tend ses lèvres dans tes ondes,
Vin, qui mets du corail parmi ses tresses blondes ;
Tu ramènes le chœur de nos jeunes espoirs,
Bercés dans les parfums de tes beaux encensoirs ;
Tu donnes le courage et la force clémente,
Et dans tes flots divins l’âme dun dieu fermente !
Par toi le rossignol, que blesse le grand jour,
Dans les bois ténébreux s’en va mourir d’amour ;
Rouge consolateur, c’est toi qui nous apportas
Dans la coupe la joie et les croyances mortes ;
Afin de rafraîchir ses sens inapaisés,
Zéphire, le matin, te couvre de baisers ;
Les vénérables ceps, tortillés en spirales,
Laissent couler à nous tes larmes libérales ;
L’aurore, pour orner tes pétales charmants,
Transforme la rosée en mille diamants ;
Lyœus nous appelle, et les noires panthères
Communiquent livresse aux antres solitaires ;
Ô Rose ! souveraine éclatante, le Vin
Colore ton calice adorable et divin !
Noble Vin, le cristal que ta lumière arrose
À la coquetterie exquise de la Rose !
Mariez vos parfums, mariez vos couleurs,
Rose et Vin qui domptez les cruelles douleurs ;
Unissez-vous toujours, chantez l’épithalame,
Ô feuilles ! flots pourprés ! de la forme et de l’âme !