Œuvres de Blaise Pascal/Biographies/6

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Relation anonyme de l'accident du pont de Neuilly
Texte établi par Léon Brunschvicg et Pierre BoutrouxHachette (I. Biographies. — Pascal jusqu'à son arrivée à Paris (1647)p. 137-140).




VI

BLAISE PASCAL


III

Relation anonyme de l’accident du pont de Neuilly
Bibliothèque Nationale, man. f. fr. n° 13913, f° 291.



EXTRAIT D'UN MANUSCRIT ANONYME CONCERNANT
LA VIE DE PASCAL



M. Arnoul de Saint-Victor, curé de Chamboursy, dit qu'il a appris de M. le prieur de Barillon, ami de madame Perier[1] que M. Pascal, quelques années avant sa mort, estant allé, selon sa coutume, un jour de fête, à la promenade au pont de Neuilly[2] avec quelques-uns de ses amis dans un carrosse à quatre ou six chevaux, les deux chevaux de volée prirent le frein aux dents à l'endroit du pont où il n'y avoit point de gardefou, et s'estant précipités dans l'eau, les lesses qui les attachoient au train de derrière se rompirent, en sorte que le carrosse demeura sur le bord du précipice, ce qui fît prendre la resolution à M. Pascal de rompre ses promenades et de vivre dans une entière solitude[3].

  1. Vide supra, p. 39. Henri de Barillon ayant accepté en 1672 la succession de l'évêque de Luçon, le récit recueilli par le curé de Chamboursy serait antérieur à cette date.
  2. Le pont de Neuilly était en bois, et datait de 1689 (Jovy, Pascal inédit, p. 445).
  3. Ces lignes ont été tirées par le P. Guerrier d'un manuscrit anonyme conservé à la bibliothèque des Pères de l'Oratoire de Clermont. Elles ont été publiées par Faugère, Lettres, Opuscules, 1845, p. 470. Mais elles avaient déjà été utilisées par Barbot pour la rédaction du Recueil d'Utrecht, 1740, p. i58 ; depuis cette époque elles ont fait partie du dossier relatif à la conversion définitive de Pascal ; Bossut dans son Discours sur la Vie et les Ouvrages de Pascal, avait même précisé la date: « Un jour du mois d'octobre 1654. » Œuvres de Pascal, 1779, t. I, p. 43. Dans une étude, intitulée: Une légende de la Vie de Pascal, l'Accident du Pont de Neuilly, et qu'on trouvera reproduite à la fin de la troisième édition de ses Notes sur Pascal (1905), M. Giraud a récusé la réalité matérielle de l’accident comme « insuffisamment établie ». Il est difficile de souscrire à cette thèse : le témoignage ici recueilli a beau être unique, a beau être anonyme ; il existe, avec ses certificats d’origine et d’authenticité. Pour avoir le droit de l’abolir, il faudrait ou se fonder sur un témoignage qui le contredise ou incriminer l’impartialité des ecclésiastiques par qui s’est faite la transmission du récit. Autrement, nous devons l’accepter, sous réserve d’en discuter la portée probable dans l’évolution morale qui ramène Pascal à Port-Royal.