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Œuvres de François Fabié - Tome 2/Lit d’Enfants

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Œuvres de François Fabié
Alphonse Lemerre, éditeur (Poésies 1892-1904 : Vers la maison. Par les vieux cheminsp. 22-23).


LIT D'ENFANTS




UN trou triangulaire et noir sous l’escalier
           Qui conduisait vers la charpente,
— Trou presque au ras du sol, accueillant, familier,
Douillet et tout empli d’une ombre enveloppante :
C’était mon lit, du temps que j’étais écolier.

Lit que je partageais avec mon jeune frère,
          Avec les chats de la maison,
Qui souvent s’y venaient chauffer et nous distraire,
          Dans la rigoureuse saison…
Doux lit d’où nous voyions celui de notre mère !


La fièvre n’y venait jamais nous visiter,
          Ni l’angoisse, ni l’insomnie ;
Mais des songes, si beaux, qu’on souffre à les quitter,
Et, dès l’aube, la fraîche et joyeuse harmonie
Du moulin et de l’eau qui semblaient se hâter.

« Debout, les paresseux ! » criait une voix forte
          Dans un bruit de sabots fuyant :
Notre père ! — Il fallait se lever, mais qu’importe ?
Notre mère nous embrassait en souriant,
Et des flots de soleil entraient à pleine porte.

Et, pour nous égayer tout à fait, à l’instant
          Où nous quittions notre couchette.
Une pondeuse à crête rouge, en caquetant
Derrière l’oreiller, s’y glissait en cachette,
Et Chanteclair au seuil l’attendait — éclatant !