Œuvres de Lagrange/Pièces diverses/Additions aux Éléments d’Algèbre d’Euler

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ADDITIONS
AUX
ÉLÉMENTS D’ALGÈBRE D’EULER.


ANALYSE INDÉTERMINÉE.

(Éléments d’Algèbre, par Léonard Euler, traduits de l’allemand avec des Notes et Additions.
— Nouvelle édition revue et corrigée. À Pétersbourg, MDCCXCVIII, 2 vol. in-8.)


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AVERTISSEMENT.

Les géomètres du siècle passé se sont beaucoup occupés de l’Analyse indéterminée qu’on appelle vulgairement Analyse de Diophante ; mais il n’y a proprement que Bachet et Fermat qui aient ajouté quelque chose à ce que Diophante lui-même nous a laissé sur cette matière.

On doit surtout au premier une méthode complète pour résoudre en nombres entiers tous les Problèmes indéterminés du premier degré[1]. Le second est l’auteur de quelques méthodes pour la résolution des équations indéterminées qui passent le second degré[2] ; de la méthode singulière par laquelle on démontre qu’il est impossible que la somme ou la différence de deux carrés-carrés puisse jamais être un carré[3] ; de la solution d’un grand nombre de Problèmes très-difficiles et de plusieurs beaux Théorèmes sur les nombres entiers, qu’il a laissés sans démonstration, mais dont la plupart ont été ensuite démontrés par Euler dans les Commentaires de Pétersbourg[4].

Cette branche de l’Analyse a été presque abandonnée dans ce siècle, et, si l’on en excepte Euler, je ne connais personne qui s’y soit appliqué ; mais les belles et nombreuses découvertes que ce grand géomètre y a faites nous ont bien dédommagés de l’espèce d’indifférence que les autres géomètres paraissent avoir eue jusqu’ici pour ces sortes de recherches. Les Commentaires de Pétèrsbourg sont pleins des travaux d’Euler dans ce genre, et l’Ouvrage qu’il vient de donner est un nouveau service qu’il rend aux amateurs de l’Analyse de Diophante. On n’en avait aucun où cette science fût traitée d’une manière méthodique, et qui renfermât et expliquât clairement les principales règles connues jusqu’ici pour la solution des Problèmes indéterminés. Le Traité précédent réunit ce double avantage ; mais, pour le rendre encore plus complet, j’ai cru devoir y faire plusieurs Additions dont je vais rendre compte en peu de mots.

La Théorie des fractions continues est une des plus utiles de l’Arithmétique, où elle sert à résoudre avec facilité des Problèmes qui, sans son secours, seraient presque intraitables ; mais elle est d’un plus grand usage encore dans la solution des Problèmes indéterminés, lorsqu’on ne demande que des nombres entiers. Cette raison m’a engagé à exposer cette Théorie avec toute l’étendue nécessaire pour la faire bien entendre ; comme elle manque dans les principaux Ouvrages d’Arithmétique et d’Algèbre, elle doit être peu connue des géomètres je serai satisfait si je puis contribuer a la leur rendre un peu plus familière. Je donne ensuite des applications nouvelles de cette Théorie à l’Analyse indéterminée. Je détermine les minima qui peuvent avoir lieu dans les formules indéterminées à deux inconnues, surtout dans celle du second ordre, et je démontre, relativement à celles-ci, des propositions remarquables qui n’étaient pas connues, ou qui n’avaient pas encore été démontrées d’une manière générale et directe. On remarquera principalement dans l’Article XXXIII une méthode particulière pour réduire en fractions continues les racines réelles des équations du second degré, et dans les Articles suivants une démonstration rigoureuse que ces fractions doivent toujours être nécessairement périodiques[5].

Les autres Additions concernent la résolution des équations indéterminées. Bachet avait donné, en 1624, la résolution complète des équations indéterminées du premier degré. Celle des équations du second degré n’a paru qu’en 1769, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin. On la redonne ici simplifiée et généralisée de manière à ne rien laisser à désirer. À l’égard des équations indéterminées des degrés supérieurs au second, on n’a encore que des méthodes particulières pour les résoudre dans quelques cas, et il est à présumer que, pour ces sortes d’équations, la résolution générale devient impossible passé le second degré, comme elle paraît l’être passé le quatrième pour les équations déterminées.

Enfin le dernier paragraphe renferme des recherches sur les fonctions qui ont la propriété que le produit de deux ou de plusieurs fonctions semblables est aussi une fonction semblable ; j’y donne une méthode générale pour trouver ces sortes de fonctions, et j’en fais voir l’usage pour la résolution de différents Problèmes indéterminés, sur lesquels les méthodes connues n’auraient aucune prise.

Tels sont les principaux objets de ces Additions, auxquelles j’aurais pu donner beaucoup plus d’étendue, si je n’avais craint de passer de justes bornes. Je souhaite que les matières que j’y ai traitées puissent mériter l’attention des géomètres, et réveiller leur goût pour une partie de l’Analyse qui me paraît très-digne d’exercer leur sagacité.

§ I. — Sur les fractions continues considérées par rapport
à l’Arithmétique
.

1. Comme la Théorie des fractions continues manque dans les livres ordinaires d’Arithmétique et d’Algèbre, et que, par cette raison, elle doit être peu connue des géomètres, nous croyons devoir commencer ces Additions par une exposition abrégée de cette Théorie, dont nous aurons souvent lieu de faire l’application dans la suite.

On appelle, en général, fraction continue toute expression de cette forme

où les quantités et sont des nombres entiers positifs ou négatifs ; mais nous ne considérerons ici que les fractions continues où les numérateurs sont égaux à l’unité, c’est-à-dire, celles qui sont de la forme

étant d’ailleurs des nombres quelconques entiers positifs ou négatifs : car celles-ci sont, à proprement parler, les seules qui soient

d’un grand usage dans l’Analyse, les autres n’étant presque que de pure curiosité.

2. Mylord Brouncker est, je crois, le premier qui ait imaginé les fractions continues ; on connaît celle qu’il a trouvée pour exprimer le rapport du carré circonscrit à l’aire du cercle, et qui est

mais on ignore le chemin qui y a conduit. On trouve seulement, dans l’Arithmetica infinitorum, quelques recherches sur ce sujet, dans lesquelles Wallis démontre d’une manière assez indirecte, quoique fort ingénieuse, l’identité de l’expression de Brouncker avec la sienne, qui est, comme l’on sait, il y donne aussi la méthode de réduire, en général, toutes sortes de fractions continues à des fractions ordinaires. Au reste il ne paraît pas que l’un ou l’autre de ces deux grands géomètres ait connu les principales propriétés et les avantages singuliers des fractions continues ; nous verrons ci-après que la découverte en est principalement due à Huyghens.

3. Les fractions continues se présentent naturellement toutes les fois qu’il s’agit d’exprimer en nombres des quantités fractionnaires ou irrationnelles. En effet, supposons qu’on ait à évaluer une quantité quelconque donnée qui ne soit pas exprimable par un nombre entier ; la voie la plus simple est de commencer par chercher le nombre entier qui sera le plus proche de la valeur de et qui n’en différera que par une fraction moindre que l’unité. Soit ce nombre et l’on aura égal à une fraction plus petite que l’unité, de sorte que sera, au contraire, un nombre plus grand que l’unité ; soit donc et, comme doit être un nombre plus grand que l’unité, on pourra chercher de même le nombre entier qui approchera le plus de la valeur de et, ce nombre étant nommé on aura de nouveau égal à une fraction plus petite que l’unité, et par conséquent sera égal à une quantité plus grande que l’unité, qu’on pourra désigner par ainsi, pour évaluer il n’y aura qu’à chercher pareillement le nombre entier le plus proche de lequel étant désigné par on aura égal à une quantité plus petite que l’unité, et par conséquent sera égal à une quantité plus grande que l’unité, et ainsi de suite. Par ce moyen il est clair qu’on doit épuiser peu à peu la valeur de et cela de la manière la plus simple et la plus prompte qu’il est possible, puisqu’on n’emploie que des nombres entiers dont chacun approche, autant qu’il est possible, de la valeur cherchée.

Maintenant, puisque on aura

de même, à cause de on aura

et, à cause de on aura pareillement

et ainsi de suite ; de sorte qu’en substituant successivement ces valeurs, on aura

et, en général,

Il est bon de remarquer ici que les nombres qui représentent, comme nous venons de le voir, les valeurs entières approchées des quantités peuvent être pris chacun de deux manières différentes, puisqu’on peut prendre également, pour la valeur entière approchée d’une quantité donnée, l’un ou l’autre des deux nombres entiers entre lesquels se trouve cette quantité. Il y a cependant une différence essentielle entre ces deux manières de prendre les valeurs approchées par rapport à la fraction continue qui en résulte ; car, si l’on prend toujours les valeurs approchées plus petites que les véritables, les dénominateurs seront tous positifs ; au lieu qu’ils seront tous négatifs si l’on prend les valeurs approchées toutes plus grandes que les véritables, et ils seront en partie positifs et en partie négatifs si les valeurs approchées sont prises tantôt trop petites et tantôt trop grandes.

En effet, si est plus petit que sera une quantité positive donc sera positif et le sera aussi ; au contraire, sera négatif si est plus grand que donc sera négatif et le sera aussi. De même, si est plus petit que sera toujours une quantité positive ; donc le sera aussi et par conséquent aussi mais, si est plus grand que sera une quantité négative, de sorte que et par conséquent aussi seront négatifs, et ainsi de suite.

Au reste, lorsqu’il s’agit des quantités négatives, j’entends par quantités plus petites celles qui, prises positivement, seraient plus grandes ; nous aurons cependant quelquefois, dans la suite, occasion de comparer entre elles des quantités purement par rapport à leur grandeur absolue ; mais nous aurons soin d’avertir alors qu’il faudra faire abstraction des signes.

Je dois remarquer encore que si, parmi les quantités il s’en trouve une qui soit égale à un nombre entier, alors la fraction continue sera terminée, parce qu’on pourra y conserver cette quantité même ; par exemple, si est un nombre entier, la fraction continue qui donne la valeur de sera

En effet, il est clair qu’il faudrait prendre ce qui donnerait

et par conséquent de sorte que l’on aurait

les termes suivants s’évanouissant vis-à-vis de la quantité infimie or donc on aura simplement

Ce cas arrivera toutes les fois que la quantité sera commensurable, c’est-à-dire qu’elle sera exprimée par une fraction rationnelle ; mais, lorsque a sera une quantité irrationnelle ou transcendante, alors la fraction continue ira nécessairement à l’infini.

4. Supposons que la quantité soit une fraction ordinaire et étant des nombres entiers donnés ; il est d’abord évident que le nombre entier qui approchera le plus de sera le quotient de la division de par ainsi, supposant la division faite à la manière ordinaire, et nommant le quotient et le reste, on aura donc pour avoir de même la valeur entière approchée de la fraction il n’y aura qu’à diviser par et prendre pour le quotient de cette division ; alors, nommant le reste, on aura et par conséquent on continuera donc à diviser par et le quotient sera la valeur du nombre et ainsi de suite ; d’où résulte cette règle fort simple pour réduire les fractions ordinaires en fractions continues :

Divisez d’abord le numérateur de la fraction proposée par son dénominateur, et nommez le quotient divisez ensuite le dénominateur par le reste, et nommez le quotient divisez après cela le premier reste par le second reste, et soit le quotient continuez ainsi en divisant toujours l’avant-dernier reste par le dernier, jusqu’à ce qu’on parvienne à une division qui se fasse sans reste, ce qui doit nécessairement arriver, puisque les restes sont tous des nombres entiers qui vont en diminuant ; vous aurez la fraction continue

qui sera égale à la fraction donnée.

5. Soit proposé de réduire en fraction continue la fraction on divisera donc par on aura le quotient et le reste on divisera par on aura le quotient et le reste on divisera par ce qui donnera le quotient et le reste on divisera encore par on aura le quotient et le reste on divisera par on aura le quotient et le reste on divisera par on aura le quotient et le reste enfin, divisant par on aura le quotient et le reste nul, de sorte que l’opération sera terminée. Rassemblant donc par ordre tous les quotients trouvés, on aura cette série d’où l’on formera la fraction continue

6. Comme, dans lâ manière ordinaire de faire les divisions, on prend toujours pour quotient le nombre entier qui est égal ou moindre que la fraction proposée, il s’ensuit que, par la méthode précédente, on n’aura que des fractions continues, dont tous les dénominateurs seront des nombres positifs.

Or on peut aussi prendre pour quotient le nombre entier qui est immédiatement plus grand que la valeur de la fraction, lorsque cette fraction n’est pas réductible à un nombre entier, et pour cela il n’y a qu’à augmenter d’une unité la valeur du quotient trouvé à la manière ordinaire alors le reste sera négatif, et le quotient suivant sera nécessairement négatif. Ainsi on pourra à volonté rendre les termes de la fraction continue positifs ou négatifs.

Dans l’exemple précédent, au lieu de prendre pour le quotient de divisé par je puis prendre mais j’aurai le reste négatif par lequel il faudra maintenant diviser on divisera donc par et l’on aura ou le quotient et le reste ou le quotient et le reste Prenons le quotient plus grand et alors il faudra diviser le reste par le reste d’où l’on aura ou le quotient et le reste ou le quotient et le reste Je continue la division en adoptant le quotient plus grand j’aurai à diviser le reste par le reste ce qui me donnera ou le quotient et le reste ou le quotient et le reste et ainsi de suite. De cette manière on aura

où l’on voit que tous les dénominateurs sont négatifs.

7. On peut, au reste, rendre positif chaque dénominateur négatif, en changeant le signe du numérateur ; mais il faut alors changer aussi le signe du numérateur suivant ; car il est clair qu’on a

Ensuite on pourra, si l’on veut, faire disparaître tous les signes de la fraction continue, et la réduire à une autre où tous les termes soient positifs ; car on a, en général,

comme on peut s’en convaincre aisément, en réduisant ces deux quantités en fractions ordinaires.

On pourrait aussi, par un moyen semblable, introduire des termes négatifs à la place des positifs, car on a

d’où l’on voit que, par ces sortes de transformations, on peutquelquefois simplifier une fraction continue et la réduire à un moindre nombre de termes ; ce qui aura lieu toutes les fois qu’il y aura des dénominateurs égaux à l’unité positive ou négative.

En général il est clair que, pour avoir la fraction continue la plus convergente qu’il est possible vers la valeur de la quantité donnée, il faut toujours prendre pour les nombres entiers qui approchent le plus des quantités soit qu’ils soient plus petits ou plus grands que ces quantités ; or il est facile de voir que si, par exemple, on ne prend pas pour le nombre entier qui approche le plus, soit en excès ou en défaut, de le nombre suivant sera nécessairement égal à l’unité ; en effet la différence entre et sera alors plus grande que par conséquent on aura donc ne pourra être qu’égal à l’unité.

Ainsi, toutes les fois que dans une fraction continue on trouvera des dénominateurs égaux à l’unité, ce sera une marque que l’on n’a pas pris les dénominateurs précédents aussi approchants qu’il est possible, et que, par conséquent, la fraction peut se simplifier en augmentant ou en diminuant ces dénominateurs d’une unité, ce qu’on pourra exécuter par les formules précédentes, sans être obligé de refaire en entier le calcul.

8. La méthode du no 4 peut servir aussi à réduire en fraction continue toute quantité irrationnelle ou transcendante, pourvu qu’elle soit auparavant exprimée en décimales. Mais, comme la valeur en décimales ne peut être qu’approchée, et qu’en augmentant d’une unité le dernier caractère on a deux limites entre lesquelles doit se trouver la vraie valeur de la quantité proposée, il faudra, pour ne pas sortir de ces limites, faire à la fois le même calcul sur les deux fractions dont il s’agit, et n’admettre ensuite dans la fraction continue que les quotients qui résulteront également des deux opérations.

Soit, par exemple, proposé d’exprimer par une fraction continue le rapport de la circonférence du cercle au diamètre.

Ce rapport exprime en décimales est, par le calcul de Viète, de sorte qu’on aura la fraction à réduire en fraction continue par la méthode ci-dessus ; or, si l’on ne prend que la fraction on trouve les quotients et si l’on prenait la fraction plus grande on trouverait les quotients de sorte que le troisième quotient demeurerait incertain ; d’où l’on voit que, pour pouvoir pousser seulement la fraction continue au delà de trois termes, il faudra nécessairement adopter une valeur de la périphérie qui ait plus de six caractères.

Si l’on prend la valeur donnée par Ludolph en trente-cinq caractères, et qui est

et qu’on opère en même temps sur cette fraction et sur la même, en y augmentant le dernier caractère d’une unité, on trouvera cette suite de quotients

de sorte que l’on aura

Comme il y a ici des dénominateurs égaux à l’unité, on pourra simplifier la fraction, en y introduisant des termes négatifs, par les formules du no 7, et l’on trouvera

ou bien

9. Nous avons montré ailleurs comment on peut appliquer la Théorie des fractions continues à la résolution numérique des équations, pour laquelle on n’avait encore que des méthodesimparfaites et insuffisantes. [Voyez les Mémoires de l’Académie de Berlin pour les années 1767 et 1768[6]]. Toute la difficulté consiste à pouvoir trouver dans une équation quelconque la valeur entière la plus approchée, soit en excès ou en défaut, de la racine cherchée, et c’est sur quoi nous avons donné les premiers des règles sûres et générales, par lesquelles on peut non-seulement reconnaître combien de racines réelles positives ou négatives, égales ou inégales, contient la proposée, mais encore trouver facilement les limites de chacune de ces racines, et même les limites des quantités réelles qui composent les racines imaginaires. Supposant donc que soit l’inconnue de l’équation proposée, on cherchera d’abord le nombre entier qui approchera le plus de la racine cherchée, et, nommant ce nombre il n’y aura qu’à faire, comme on l’a vu dans le no 3, (je nomme ici ce que j’ai dénoté dans l’Article cité par ) ; et, substituant cette valeur à la place de on aura, après avoir fait évanouir les fractions, une équation du même degré en qui devra avoir au moins une racine positive ou négative plus grande que l’unité. On cherchera donc de nouveau la valeur entière approchée de cette racine, et, nommant cette valeur on fera ensuite ce qui donnera de même une équation en qui aura aussi nécessairement une racine plus grande que l’unité, et dont on cherchera pareillement la valeur entière approchée et ainsi de suite. De cette manière la racine cherchée se trouvera exprimée par la fraction continue

qui sera terminée si la racine est commensurable, mais qui ira nécessairement à l’infini si elle est incommensurable.

On trouvera dans les Mémoires cités tous les principes et les détails nécessaires pour se mettre au fait de cette méthode et de ses usages, et même différents moyens pour abréger souvent les opérations qu’elle demande nous croyons n’y avoir presque rien laissé à désirer sur ce sujet si important.

Au reste, pour ce qui regarde les racines des équations du second degré, nous donnerons plus bas (nos 33 et suivants) une méthode particulière et très-simple pour les convertir en fractions continues.

10. Après avoir expliqué la génération des fractions continues, nous allons en montrer les usages et les principales propriétés.

Il est d’abord évident que, plus on prend de termes dans une fraction continue, plus on doit approcher de la vraie valeur de la quantité qu’on a exprimée par cette fraction ; de sorte que, si l’on s’arrête successivement à chaque terme de la fraction, on aura une suite de quantités qui seront nécessairement convergentesvers la quantité proposée.

Ainsi, ayant réduit la valeur de à la fraction continue

on aura les quantités

ou bien, en réduisant,

qui approcheront de plus en plus de la valeur de .

Pour pouvoir mieux juger de la loi et de la convergence de ces quantités, nous remarquerons que, par les formules du no 3, on a

d’où l’on voit d’abord que est la première valeur approchée de qu’ensuite, si l’on prend la valeur exacte de qui est et qu’on y substitue pour sa valeur approchée on aura cette valeur plus approchée qu’on aura de même une troisième valeur plus approchée de en mettant d’abord pour sa valeur exacte ce qui donne et prenant ensuite pour la valeur approchée

par ce moyen la nouvelle valeur approchée de sera

continuant le même raisonnement, on pourra approcher davantage, en mettant, dans l’expression de trouvée ci-dessus, à la place de sa valeur exacte ce qui donnera

et prenant ensuite pour sa valeur approchée de sorte qu’on aura pour la quatrième approximation la quantité

et ainsi de suite.

De là il est facile de voir que, si par le moyen des nombres, on forme les expressions suivantes

on aura cette suite de fractions convergentes vers la quantité

Si la quantité est rationnelle, et représentée par une fraction quelconque il est évident que cette fraction sera toujours la dernière dans la série précédente, puisque dans ce cas la fraction continue sera terminée, et que la dernière fraction de la série ci-dessus doit toujours équivaloir à toute la fraction continue.

Mais, si la quantité est irrationnelle ou transcendante, alors, la fraction continue allant nécessairement à l’infini, on pourra aussi pousser à l’infini la série des fractions convergentes.

11. Examinons maintenant la nature de ces fractions ; et d’abord il est visible que les nombres doivent aller en augmentant, aussi bien que les nombres car :

1o Si les nombres sont tous positifs, les nombres et seront aussi tous positifs, et l’on aura évidemment et ou

2o Si les nombres sont tous ou en partie négatifs, alors, parmi les nombres et il y en aura de positifs et de négatifs ; mais, dans ce cas, on considérera que l’on a, en général, par les formules précédentes,

d’où l’on voit d’abord que, si les nombres sont différents de l’unité, quels que soient d’ailleurs leurs signes, on aura nécessairement, en faisant abstraction des signes, donc, par conséquent et ainsi de suite ; donc

Il n’y aura d’exception que lorsque, parmi les nombres il s’en trouvera d’égaux à l’unité ; supposons, par exemple, que le nombre soit le premier qui soit égal à on aura d’abord mais s’il arrive que la fraction soit de signe différent de ce qui est clair par l’équation parce que dans ce cas sera un nombre or je dis qu’alors on aura nécessairement car, puisque on aura (no 10)

or, comme et sont des quantités (no 3), il est clair que cette équation ne pourra subsister, à moins que et ne soient de même signe ; donc, puisque et sont les valeurs entières approchées de et ces nombres et devront être aussi de même signe ; mais la fraction doit être de même signe que à cause que est un nombre entier, et une fraction donc et seront des quantités de même signe ; par conséquent sera une quantité positive. Or on a donc, multipliant par on aura donc, étant une quantité positive, il est clair que sera donc

De là on voit que, s’il arrive que dans la série il se trouve un terme qui soit moindre que le précédent, le terme suivant sera nécessairement plus grand ; de sorte qu’en mettant à part ces termes plus petits la série ne laissera pas d’aller en augmentant.

Au reste on pourra toujours éviter, si l’on veut, cet inconvénient, soit en prenant les nombres tous positifs, soit en les prenant tous différents de l’unité, ce qui est toujours possible.

On fera les mêmes raisonnements par rapport à la série dans laquelle on a pareillement

d’où l’on déduira des conclusions semblables aux précédentes.

12. Maintenant, si l’on multiplie en croix les termes des fractions voisines dans la série on trouvera

d’où je conclus qu’on aura, en général,

Cette propriété est très-remarquable et donne lieu à plusieurs conséquences importantes.

D’abord on voit que les fractions doivent être déjà réduites à leurs moindres termes ; car si, par exemple, et avaient un commun diviseur autre que l’unité, le nombre entier serait aussi divisible par ce même diviseur, ce qui ne se peut à cause de

Ensuite, si l’on met les équations précédentes sous cette forme

il est aisé de voir que les différences entre les fractions voisines de la série vont continuellement en diminuant, de sorte que cette série est nécessairement convergente.

Or je dis que la différence entre deux fractions consécutives est aussi petite qu’il est possible ; en sorte qu’entre ces mêmes fractions il ne saurait tomber aucune autre fraction quelconque, à moins qu’elle n’ait un dénominateur plus grand que ceux de ces fractions-là. Car prenons, par exemple, les deux fractions et et dont la différence est et supposons, s’il est possible, qu’il existe une autre fraction dont la valeur tombe entre celles de ces deux fractions, et dans laquelle le dénominateur soit moindre que ou que donc, puisque doit se trouver entre et il faudra que la différence entre et qui est ou soit différence entre et mais il est clair que celle-là ne saurait être moindre que donc, si elle sera nécessairement de même, la différence entre et ne pouvant être plus petite que sera nécessairement si au lieu qu’elle devrait en être plus petite.

13. Voyons présentement de combien chaque fraction de la série approchera de la valeur de la quantité Pour cela on remarquera que les formules trouvées dans le no 10 donnent

et ainsi de suite.

Donc, si l’on veut savoir de combien la fraction par exemple, approche de la quantité, on cherchera la différence entre et en prenant pour la quantité on aura

à cause de (no 12) ; or, comme on suppose que soit la valeur approchée de en sorte que la différence entre et soit (no 3), il est clair que la valeur de sera renfermée entre les deux nombres et (le signe supérieur étant pour le cas où la valeur approchée est moindre que la véritable et le signe inférieur pour le cas où ), et que, par conséquent, la valeur de sera aussi renfermée entre ces deux-ci, et c’est-à-dire, entre et donc la différence sera renfermée entre ces deux limites d’où l’on pourra juger de la quantité de l’approximation de la fraction

14. En général on aura

et ainsi de suite.

Or, si l’on suppose que les valeurs approchées soient toujours prises moindres que les véritables, ces nombres seront tous positifs, aussi bien que les quantités (no 3) ; donc les nombres seront aussi tous positifs ; d’où il s’ensuit que les différences entre la quantité et les fractions seront alternativement positives et négatives ; c’est-à-dire que ces fractions seront alternativement plus petites et plus grandes que la quantité

De plus, comme (hyp.), on aura

et comme on aura

de sorte que les erreurs qu’on commettrait en prenant les fractions pour la valeur de seraient respectivement moindres que

mais plus grandes que

d’où l’on voit combien ces erreurs sont petites, et combien elles vont en diminuant d’une fraction à l’autre.

Mais il y a plus : puisque les fractions sont alternativement plus petites et plus grandes que la quantité il est clair que la valeur de cette quantité se trouvera toujours entre deux fractions consécutives quelconques ; or nous avons vu ci-dessus (no 12) qu’il est impossible qu’entre deux telles fractions puisse se trouver une autre fraction quelconque qui ait un dénominateur moindre que l’un de ceux de ces deux fractions ; d’où l’on peut conclure que chacune des fractions dont il s’agit exprime la quantité plus exactement que ne pourrait faire toute autre fraction quelconque, dont le dénominateur serait plus petit que celui de la fraction suivante ; c’est-à-dire que la fraction par exemple, exprimera la valeur de plus exactement que toute autre fraction dans laquelle serait

15. Si les valeurs approchées sont toutes ou en partie plus grandes que les véritables, alors parmi ces nombres il y en aura nécessairement de négatifs (no 3), ce qui rendra aussi négatifs quelques-uns des termes des séries par conséquent les différences entre les fractions et la quantité ne seront plus alternativement positives et négatives, comme dans le cas du numéro précédent ; de sorte que ces fractions n’auront plus l’avantage de donner toujours des limites en plus et en moins de la quantité avantage qui me paraît d’une très-grande importance, et qui doit par conséquent faire préférer toujours dans la pratique les fractions continues où les dénominateurs seront tous positifs. Ainsi nous ne considérerons plus dans la suite que des fractions de cette espèce.

16. Considérons donc la série

dans laquelle les fractions sont alternativement plus petites et plus grandes que la quantité et il est clair qu’on pourra partager cette série en ces deux-ci

la première sera composée de fractions toutes plus petites que et qui iront en augmentant vers la quantité la seconde sera composée de fractions toutes plus grandes que mais qui iront en diminuant vers cette même quantité. Examinons maintenant chacune de ces deux

séries en particulier dans la première on aura (nos 10 et 12)

et dans la seconde on aura

Si les nombres étaient tous égaux à l’unité, on pourrait prouver, comme dans le no 12, qu’entre deux fractions consécutives quelconques de l’une ou de l’autre des séries précédentes il ne pourrait jamais se trouver aucune autre fraction dont le dénominateur serait moindre que ceux de ces deux fractions ; mais il n’en sera pas de même lorsque les nombres seront différents de l’unité ; car dans ce cas on pourra insérer entre les fractions dont il s’agit autant de fractions intermédiaires qu’il y aura d’unités dans les nombres et pour cela il n’y aura qu’à mettre successivement dans les valeurs de et (no 10) les nombres à la place de et de même, dans les valeurs de et les nombres à la place de , et ainsi de suite.

17. Supposons, par exemple, que on aura

et l’on pourra insérer entre les fractions et trois fractions intermédiaires, qui seront

Il est clair que les dénominateurs de ces fractions forment une suite croissante arithmétiquement depuis jusqu’à et nous allons voir que les fractions elles-mêmes croissent aussi continuellement depuis jusqu’à en sorte qu’il serait maintenant impossible d’insérer dans la série

aucune fraction dont la valeur tombât entre celles de deux fractions consécutives, et dont le dénominateur se trouvât aussi entre ceux des mêmes fractions. Car, si l’on prend les différences entre les fractions précédentes, on aura, à cause de

d’où l’on voit d’abord que les fractions vont en augmentant, puisque leurs différences sont toutes positives ; ensuite, comme ces différences sont égales à l’unité divisée par le produit des deux dénominateurs, on pourra prouver, par un raisonnement analogue celui que nous avons fait dans le no 12, qu’il est impossible qu’entre deux fractions consécutives de la série précédente il puisse tomber une fraction quelconque si le dénominateur tombe entre les dénominateurs de ces fractions, ou, en général, s’il est plus petit que le plus grand des deux dénominateurs.

De plus, comme les fractions dont nous parlons sont toutes plus grandes que la vraie valeur de et que la fraction en est plus petite, il est évident que chacune de ces fractions approchera de la quantité en sorte que la différence en sera plus petite que celle de la même fraction et de la fraction or on trouve

Donc, puisque ces différences sont aussi égales à l’unité divisée par le produit des dénominateurs, on y pourra appliquer le même raisonnement du no 12, pour prouver qu’aucune fraction ne saurait tomber entre une quelconque des fractions et la fraction si le dénominateur est plus petit que celui de la même fraction ; d’où il suit que chacune de ces fractions approche plus de la quantité que ne pourrait faire toute autre fraction plus petite que et qui aurait un dénominateur plus petit, c’est-à-dire ; qui serait conçue en termes plus simples.

18. Nous n’avons considéré dans le numéro précédent que les fractions intermédiaires entre et il en sera de même des fractions intermédiaires entre et entre et si sont des nombres

On peut aussi appliquer à l’autre série

tout ce que nous venons de dire relativement à la première série

de sorte que, si les nombres sont on pourra insérer entre les fractions et entre et différentes fractions intermédiaires toutes plus grandes que mais qui iront continuellement en diminuant, et qui seront telles, qu’elles exprimeront la quantité plus exactement que ne pourrait faire aucune autre fraction plus grande que et qui serait conçue en termes plus simples.

De plus, si est aussi un nombre on pourra pareillement placer avant la fraction les fractions jusqu’à savoir et ces fractions auront les mêmes propriétés que les autres fractions intermédiaires.

De cette manière, on aura donc ces deux suites complètes de fractions convergentes vers la quantité

Fractions croissantes et plus petites que
fractions décroissantes et plus grandes que

Si la quantité est irrationnelle ou transcendante, les deux séries précédentes iront à l’infini, puisque la série des fractions

que nous nommerons dans la suite fractions principales, pour les distinguer des fractions intermédiaires, va d’elle-mêmeà l’infini (no 10).

Mais, si la quantité est rationnelle et égale à une fraction quelconque nous avons vu dans le numéro cité que la série dont il s’agit sera terminée, et que la dernière fraction de cette série sera la fraction même donc cette fraction terminera aussi nécessairement une des deux séries ci-dessus, mais l’autre série pourra toujours aller à l’infini.

En effet, supposons que soit le dernier dénominateur de la fraction continue ; alors sera la dernière des fractions principales, et la série des fractions plus grandes que sera terminée par cette même fraction or l’autre série des fractions plus petites que se trouvera naturellement arrêtée à la fraction qui précède mais, pour la continuer, il n’y a qu’à considérer que le dénominateur qui devrait suivre le dernier dénominateur sera (no 3) ; de sorte que la fraction qui suivrait dans la suite des fractions principales, serait

or, par la loi des fractions intermédiaires, il est clair que, à cause de on pourra insérer entre les fractions et une infinité de fractions intermédiaires, qui seront

Ainsi, dans ce cas, on pourra, après la fraction dans la première suite de fractions, placer encore les fractions intermédiaires dont nous parlons, et les continuer à l’infini.

Problème.

19. Une fraction exprimée par un grand nombre de chiffres étant donnée, trouver toutes les fractions en moindres termes qui approchent si près de la vérité, qu’il soit impossible d’en approcher davantage sans en employer de plus grandes.

Ce Problème se résoudra facilement par la théorie que nous venons d’expliquer.

On commencera par réduire la fraction proposée en fraction continue par la méthode du no 4, en ayant soin de prendre toutes les valeurs approchées plus petites que les véritables, pour que les nombres, soient tous positifs ; ensuite, à l’aide des nombres trouvés on formera, d’après les formules du no 10, les fractions dont la dernière sera nécessairement la même que la fraction proposée, parce que dans ce cas la fraction continue est terminée. Ces fractions seront alternativement plus petites et plus grandes que la fraction donnée, et seront successivementconçues en termes plus grands ; et de plus elles seront telles, que chacune de ces fractions approchera plus de la fraction donnée que ne pourrait faire toute autre fraction quelconque qui serait conçue en termes moins simples. Ainsi l’on aura par ce moyen toutes les fractions conçues en moindres termes que la proposée, qui pourront satisfaire au Problème.

Que si l’on veut considérer en particulier les fractions plus petites et les fractions plus grandes que la proposée, on insérera entre les fractions précédentes autant de fractions intermédiaires que l’on pourra, et l’on en formera deux suites de fractions convergentes, les unes toutes plus petites et les autres toutes plus grandes que la fraction donnée (nos 16, 17 et 18) ; chacune de ces suites aura en particulier les mêmes propriétés que la suite desfractions principales car les fractions, dans chaque suite, seront successivement conçues en plus grands termes, et chacune d’elles approchera plus de la fraction proposée que ne pourrait faire aucune autre fraction qui serait pareillement plus petite ou plus grande que la proposée, mais qui serait conçue en termes plus simples.

Au reste, il peut arriver qu’une des fractions intermédiaires d’une série n’approche pas si près de la fraction donnée qu’une des fractions de l’autre série, quoique conçue en termes moins simples que celle-ci ; c’est pourquoi il ne convient d’employer les fractions intermédiaires que lorsqu’on veut que les fractions cherchées soient toutes plus petites ou toutes plus grandes que la fraction donnée.

Exemple I.

20. Suivant La Caille, l’année solaire est de et par conséquent plus longue de que l’année commune de si cette différence était exactement de heures, elle donnerait un jour au bout de quatre années communes ; mais, si l’on veut savoir au juste au bout de combien d’années communes cette différence peut produire un certain nombre de jours, il faut chercher le rapport qu’il y a entre et et l’on trouve que ce rapport est de sorte qu’on peut dire qu’au bout de années communes il faudrait intercaler jours pour les réduire à des années tropiques. Comme le rapport de à est exprimé en termes fort grands, on propose de trouver en des termes plus petits des rapports aussi approchés de celui-ci qu’il est possible.

On réduira donc la fraction en fraction continue par la règle donnée dans le no 4, qui est la même que celle qui sert à trouver le plus grand commun diviseur de deux nombres donnés on aura

Connaissant ainsi tous les quotients on en formera aisément la série de la manière suivante

où l’on voit que la dernière fraction est la même que la proposée.

Pour faciliter la formation de ces fractions, on écrira d’abord, comme je viens de le faire, la suite des quotients et l’on placera au-dessous de ces coefficients les fractions qui en résultent.

La première fraction aura toujours pour numérateur le nombre qui est au-dessus, et pour dénominateur l’unité.

La seconde aura pour numérateur le produit du nombre qui est au-dessus par le numérateur de la première, plus l’unité, et pour dénominateur le nombre même qui est au-dessus.

La troisième aura pour numérateur le produit du nombre qui est au-dessus par le numérateur de la seconde, plus celui de la première ; et de même pour dénominateur le produit du nombre qui est au-dessus par le dénominateur de la seconde, plus celui de la première.

Et, en général, chaque fraction aura pour numérateur le produit du nombre qui est au-dessus par le numérateur de la fraction précédente, plus celui de l’avant-précédente, et pour dénominateur le produit du même nombre par le dénominateur de la fraction précédente, plus celui de l’avant-précédente.

Ainsi

et ainsi de suite ; ce qui s’accorde avec les formules du no 10.

Maintenant on voit, par les fractions que l’intercalation la plus simple est celle d’un jour dans quatre années communes, ce qui est le fondement du Calendrier julien ; mais qu’on approcherait plus de l’exactitude eh n’intercalant que sept jours dans l’espace de vingt-neuf années communes, ou huit dans l’espace de trente-trois ans, et ainsi de suite.

On voit de plus que, comme les fractions sont alternativement plus petites et plus grandes que la fraction ou l’intercalation d’un jour sur quatre ans sera trop forte, celle de sept jours survingt-neuf ans trop faible, celle de huit jours sur trente-trois ans trop forte, et ainsi de suite ; mais chacune de ces intercalations sera toujours la plus exacte qu’il est possible dans le même espace de temps.

Or, si l’on range dans deux séries particulières les fractions plus petites et les fractions plus grandes que la fraction donnée, on y pourra encore insérer différentes fractions secondaires pour compléter les séries ; et pour cela on suivra le même procédé que ci-dessus, mais en prenant successivement à la place de chaque nombre de la série supérieure tous les nombres entiers moindres que ce nombre (lorsqu’il y en a).

Ainsi, considérant d’abord les fractions croissantes

on voit qu’à cause que l’unité est au-dessus de la seconde, de la troisième et de la quatrième, on ne pourra placer aucune fraction intermédiaire, ni entre la première et la seconde, ni entre la seconde et la troisième, ni entre la troisième et la quatrième ; mais, comme la dernière fraction a au-dessus d’elle le nombre on pourra, entre cette fraction et la précédente, placer quatorze fractions intermédiaires, dont les numérateurs formeront la progression arithmétique

et dont les dénominateurs formeront aussi la progression arithmétique

Par ce moyen, la suite complète des fractions croissantes sera

Et, comme la dernière fraction est la même que la fraction donnée, il est clair que cette série ne peut pas être poussée plus loin.

De là on voit que, si l’on ne veut admettre que des intercalations qui pèchent par excès, les plus simples et les plus exactes seront celles d’un jour sur quatre années, ou de huit jours sur trente-trois ans, ou de trente-neufjours sur cent soixante et un ans, et ainsi de suite.

Considérons maintenant les fractions décroissantes

et d’abord, à cause du nombre qui est au-dessus de la première fraction, on pourra en placer six autres avant celle-ci, dont les numérateurs formeront la progression arithmétique et dont les dénominateurs formeront la progression de même, à cause du nombre on pourra placer entre la première et la seconde fraction deux fractions intermédiaires, et entre la seconde et la troisième on en pourra placer quinze, à cause du nombre qui est au-dessus de la troisième ; mais entre celle-ci et la dernière on n’en pourra insérer aucune, à cause que le nombre qui est au-dessus est l’unité.

De plus il faut remarquer que, comme la série précédente n’est pas terminée par la fraction donnée, on peut encore la continuer aussi loin que l’on veut, comme nous l’avons fait voir dans le no 18. Ainsi l’on aura cette série de fractions décroissantes

lesquelles sont toutes plus petites que la fraction proposée, et en approchent plus que toutes autres fractions qui seraient conçues en termes moins simples.

On peut conclure de là que, si l’on ne voulait avoir égard qu’aux intercalations qui pécheraient par défaut, les plus simples et les plus exactes seraient celles d’un jour sur cinq ans, ou de deux jours sur neuf ans, ou de trois jours sur treize ans, etc.

Dans le Calendrier grégorien, on intercale seulement quatre-vingt-dix-sept jours dans quatre cents années ; on voit par la Table précédente qu’on approcherait beaucoup plus de l’exactitude en intercalant cent neuf jours en quatre cent cinquante années.

Mais il faut remarquer que dans la réformation grégorienne on s’est servi de la détermination de l’année donnée par Copernic, laquelle est de En employant cet élément, on aurait, au lieu de la fraction celle-ci ou bien d’où l’on trouverait, par la méthode précédente, les quotients et de là ces fractions principales

qui sont, à l’exception des deux premières, assez différentes de celles que nous avons trouvées ci-dessus. Cependant on ne trouve pas parmi ces fractions la fraction adoptée dans le Calendrier grégorien et cette fraction ne peut pas même se trouver parmi les fractions intermédiaires qu’on pourrait insérer dans les deux séries et car il est clair qu’elle ne pourrait tomber qu’entre ces deux dernières fractions, entre lesquelles, à cause du nombre qui est au-dessus de la fraction il peut tomber deux fractions intermédiaires, qui seront et d’où l’on voit qu’on aurait approché plus de l’exactitude si dans la réformation grégorienne on avait prescrit de n’intercaler que quatre-vingt-dix jours dans l’espace de trois cent soixante et onze ans.

Si l’on réduit la fraction à avoir pour numérateur le nombre elle deviendra ce qui supposerait l’année tropique de

Dans ce cas l’interpolation grégorienne serait tout à fait exacte ; mais, comme les observations donnent l’année plus courte de plus de secondes, il est clair qu’il faudra nécessairement, au bout d’un certain-espace de temps, introduire une nouvelle intercalation.

Si l’on voulait s’en tenir à la détermination de La Caille, comme le dénominateur de la fraction \frac{400}{97} se trouve entre les dénominateurs de la cinquième et de la sixième des fractions principales trouvées ci-devant, il s’ensuit de ce que nous avons démontré (no 14) que la fraction approcherait plus de la vérité que la fraction au reste, comme les Astronomes sont encore partagés sur la véritable longueur de l’année, nous nous abstiendrons de prononcer sur ce sujet ; aussi n’avons-nous eu d’autre objet, dans les détails que nous venons de donner, que de faciliter les moyens de se mettre au fait des fractions continues et de leurs usages ; dans cette vue nous ajouterons encore l’Exemple suivant.

Exemple II.

21. Nous avons déjà donné (no 8) la fraction continue qui exprime le rapport de la circonférence du cercle au diamètre, en tant qu’elle résulte de la fraction de Ludolph ; ainsi il n’y aura qu’à calculer, de la manière enseignée dans l’Exemple précédent, la série des fractions convergentes vers ce même rapport, laquelle sera






Ces fractions seront donc alternativement plus petites et plus grandes que la vràie raison de la circonférence au diamètre, c’est-à-dire que la première sera plus petite, la deuxième plus grande, et ainsi de suite, et chacune d’elles approchera plus de la vérité que ne pourrait faire toute autre fraction qui serait exprimée en termes plus simples, ou, en général, qui aurait un dénominateur moindre que le dénominateur de la fraction suivante ; de sorte que l’on peut assurer que la fraction approche plus de la vérité que ne peut faire aucune autre fraction dont le dénominateur serait moindre que de même la fraction approchera plus de la vérité que toute autre fraction dont le dénominateur serait moindre que et ainsi des autres.

Quant à l’erreur de chaque fraction, elle sera toujours moindre que l’unité divisée par le produit du dénominateur de cette fraction par celui de la fraction suivante. Ainsi l’erreur de la fraction sera moindre que celle de la fraction sera moindre que et ainsi de suite. Mais en même temps l’erreur de chaque fraction sera plus grande que l’unité divisée par le produit du dénominateur de cette fraction par la somme de ce dénominateur et du dénominateur de la fraction suivante ; de sorte que l’erreur de la faction sera plus grande que celle de la fraction plus grande que et ainsi de suite (no 14).

Si l’on voulait maintenant séparer les fractions plus petites que le rapport de la circonférence au diamètre d’avec les plus grandes, on pourrait, en insérant les fractions intermédiaires convenables, former deux suites de fractions, les unes croissantes et les autres décroissantes vers le vrai rapport dont il s’agit ; on aurait de cette manière

Fractions plus petites que .


Fractions plus grandes que .

Chaque fraction de la première série approche plus de la vérité que ne peut faire aucune autre fraction exprimée en termes plus simples, et qui pécherait aussi par défaut ; et chaque fraction de la seconde série approche aussi plus de la vérité que ne peut faire aucune autre fraction exprimée en termes plus simples, et péchant par excès.

Au reste, ces séries deviendraient fort prolixes si l’on voulait les pousser aussi loin que nous avons fait celle des fractions principales donnée ci-dessus. Les bornes de cet Ouvrage ne nous permettent pas de les insérer ici dans toute leur étendue ; mais on peut les trouver au besoin dans le Chapitre XI de l’Algèbre de Wallis (Operum mathemat. vol. II).

Remarque.

22. La première solution de ce Problème a été donnée par Wallis dans un petit Traité qu’il a joint aux Œuvres posthumes d’Horrocius, et on la retrouve dans l’endroit cité de son Algèbre ; mais la méthode de cet Auteur est indirecte et fort laborieuse. Celle que nous venons de donner est due à Huyghens, et l’on doit la regarder comme une des principales découvertes de ce grand Géomètre. La construction de son automate planétaire paraît en avoir été l’occasion. En effet, il est clair que, pour pouvoir représenter exactement les mouvements et les périodes des planètes, il faudrait employeur des roues où les nombres des dents fussent précisément dans les mêmes rapports que les périodes dont il s’agit ; mais, comme on ne peut pas multiplier les dents au delà d’une certaine limite dépendante de la grandeur de la roue, et que d’ailleurs les périodes des planètes sont incommensurables ou du moins ne peuvent être représentées avec une certaine exactitude que par de très-grands nombres, on est obligé de se contenter d’un à peu près, et la difficulté se réduit à trouver des rapports exprimés en plus petits nombres, qui approchent autant qu’il est possible de la vérité, et plus que ne pourraient faire d’autres rapports quelconques qui ne seraient pas conçus en termes plus grands.

Huyghens résout cette question par le moyen des fractions continues, comme nous l’avons fait ci-dessus ; il donne la manière de former ces fractions par des divisions continuelles, et il démontre ensuite les principales propriétés des fractions convergentes qui en résultent, sans oublier même les fractions intermédiaires. (Voyez, dans ses Opera posthuma, le Traité intitulé Descriptio automati planetarii.)

D’autres grands Géomètres ont ensuite considéré les fractions continues d’une manière plus générale. On trouve surtout dans les Commentaires de Pétersbourg (tomes IX et XI des anciens et tomes IX et XI des nouveaux) des Mémoires d’Euler remplis des recherches les plus savantes et les plus ingénieuses sur ce sujet ; mais la Théorie de ces fractions, envisagée du côté arithmétique, qui en est le plus intéressant, n’avait pas encore été, ce me semble, autant cultivée qu’elle le mérifait c’est ce qui m’a engagé à en composer ce petit Traité pour la rendre plus familière aux Géomètres. [Voyez aussi les Mémoires de Berlin pour les années 1767 et 1768[7].]

Au reste, cette Théorie est d’un usage très-étendu dans toute l’Arithmétique, et il y a peu de problèmes de cette science, au moins parmi ceux pour lesquels les règles ordinaires ne suffisent pas, qui n’en dépendent directement ou indirectement. Jean Bernoulli vient d’en faire une application heureuse et utile dans une nouvelle espèce de calcul, qu’il a imaginé pour faciliter la construction des Tables de parties proportionnelles. (Voyez le tome I de son Recueil pour les Astronomes.)

§ II. — Méthode pour déterminer les nombres entiers qui donnent
les minima des formules indéterminées à deux inconnues
.

Les questions dont nous allons nous occuper, et pour lesquelles nous allons donner des méthodes directes et générales, sont d’un genre entièrement nouveau dans l’Analyse indéterminée. On n’avait point encore appliqué cette Analyse aux Problèmes de maximis et minimis ; nous nous proposons ici de déterminer les minima des fractions rationnelles, entières et homogènes à deux inconnues, lorsque ces inconnues doivent être des nombres entiers. Cette recherche nous conduira encore à la Théorie des fractions continues, et servira à donner à cette Théorie de nouveaux degrés de perfection.

Problème I.

23. Étant donnée une quantité positive et supposant que et ne puissent être que des nombres entiers positifs et premiers entre eux, on demande de trouver les valeurs de ces nombres qui rendront la formule y-az un minimum (abstraction faite du signe) relativement à tous les nombres plus petits qu’on pourrait substituer pour et

Soient et des nombres entiers et premiers entre eux, qui, étant substitués pour et dans la formule la rendent plus petite que si l’on y substituait d’autres nombres moindres que et Donc prenant pour et des nombres quelconques entiers positifs et premiers entre eux, mais moindres que et il faudra que la valeur de soit moindre que celle de abstraction faite des signes de ces quantités, c’est-à-dire en les prenant l’une et l’autre positivement. Prenons et tels que l’on ait le signe supérieur ayant lieu lorsque sera positif, et l’inférieur lorsque sera négatif. (Nous verrons dans un moment qu’il est toujours possible de trouver des nombres qui satisfassent à cette condition.) Je vais prouver que tous les autres nombres moindres que et qu’on substituerait pour et rendraient la formule (abstraction faite du signe) plus grande que et que

En effet, il est clair qu’on peut supposer, en général,

et étant deux inconnues ; or, par la résolution de ces équations, on a

donc, à cause de

d’où l’on voit que et seront toujours des nombres entiers, puisque et sont supposés entiers.

Donc, et étant des nombres entiers, et des nombres entiers positifs, il est clair que, pour que les valeurs de et soient moindres que celles de et, il faudra nécessairement que les nombres et soient de signes différents.

Maintenant je remarque que la valeur de sera aussi de différent signe que celle de car, faisant et on aura

mais l’équation donne donc

donc, puisqu’on suppose que le signe ambigu soit pris conformément à celui de la quantité ou il faudra que la quantité soit positive si est positif, et négative si est négatif ; or, comme est

et que est (hypothèse), il est clair que sera à plus forte raison (abstraction faite du signe) ; donc la quantité sera toujours de signe différent de c’est-à-dire de puisque est positif ; donc et seront nécessairement de signes différents.

Cela posé, on aura, en substituant les valeurs ci-dessus de et

or, et étant de signes différents, aussi bien que et il est clair que et seront des quantités de mêmes signes ; donc, puisque et sont d’ailleurs des nombres entiers, il est visible que la valeur de sera toujours plus grande que et que c’est-à-dire, que les valeurs de et de abstraction faite des signes.

Mais il reste maintenant à savoir si, les nombres et étant donnés, on peut toujours trouver des nombres et moindres que ceux-là, et tels que les signes ambigus étant à volonté ; or cela suit évidemment de la Théorie des fractions continues ; mais on peut aussi le démontrer directement et indépendamment de cette Théorie. Car la difficulté se réduit à prouver qu’il existe nécessairement un nombre entier positif et moindre que lequel, étant pris pour rendra divisible par or supposons qu’on substitue successivement à la place de les nombres naturels jusqu’à et qu’on divise les nombres par on aura restes moindres que qui seront nécessairement tous différents les uns des autres ; car, si par exemple et ( et étant des nombres entiers différents qui ne surpassent pas ), étant divisés par donnaient un même reste, il est clair que leur différence devrait être divisible par or c’est ce qui ne se peut, à cause que est premier à et que est un nombre moindre que Donc, puisque tous les restes dont il s’agit sont des nombres entiers positifs moindres que et différents entre eux, et que ces restes sont au nombre de il est clair qu’il faudra nécessairement que le zéro se trouve parmi ces restes, et conséquemment qu’il y ait un des nombres qui soit divisible par or il est clair que ce ne peut être le dernier ; ainsi il y aura sûrement une valeur de moindre que laquelle rendra divisible par et il est clair en même temps que le quotient sera moindre que donc il y aura toujours une valeur entière et positive de moindre que et une autre valeur pareille de et moindre que lesquelles satisferont à l’équation

24. On voit par là que les nombres et sont, parmi les nombres moindres que et ceux qui rendent la formule le plus petite.

Nous dénoterons, pour plus de simplicité, les nombres et par et on aura ainsi la condition et les quantités seront les deux minima consécutifs dans la série des valeurs de en prenant pour et tous les nombres qui ne surpassent pas et ces minima seront de signes contraires, et le second immédiatement plus grand que le premier.

Il est clair qu’on peut trouver de même deux autres nombres et moindres que et et qui aient avec ceux-ci la même relation que et ont avec et Ainsi, comme est de signe contraire à il faudra faire

et la quantité sera de signe contraire à et plus grande que celle-ci ; mais en même temps elle sera plus petite que toute autre valeur de tant que et seront moindres que et En continuant le même raisonnement, on trouvera encore des nombres moindres que tels que

et qui rendront la quantité du signe contraire à et plus grande que mais moindre que si l’on prenait pour et d’autres nombres moindres que et et ainsi de suite.

On aura de cette manière deux suites de nombres entiers décroissants tels que

et qui donneront la suite des minima

de la formule ces minima seront successivementde signes différents, et formeront une suite croissante, telle que chaque terme, comme sera un minimum relativement aux valeurs de et moindres que et

D’où il s’ensuit que les termes correspondants des deux séries ont des propriétés analogues, et résolvent tout le Problème proposé.

Il ne s’agit donc plus que de trouver les deux séries.

Pour cela, je remarque : 1o qu’en ajoutant ensemble les équations

on a

donc, puisque cette équation doit subsister en nombres entiers, et que sont premiers entre eux, en vertu de l’équation il faudra que soit divisible par ainsi, nommant le quotient de cette division, on aura

alors l’équation deviendra

ce qui donne de même

On trouvera de la même manière, en ajoutant ensemble les deux équations

et faisant des raisonnements semblables,

étant un nombre entier, et ainsi de suite.

Donc la loi des deux séries dont il s’agit sera

les nombres étant tous entiers positifs, et les nombres formant deux séries continuellement décroissantes.

On voit par cette loi qu’il suffira de connaître les nombres pour pouvoir trouver tous les termes des deux séries, lorsqu’on en connaîtra les deux derniers.

La substitution des valeurs précédentes donne


d’où l’on tire

On a vu plus haut que les quantités forment une suite de termes qui vont en augmentant, et qui sont alternativement positifs et négatifs ; d’où il suit que les fractions ont toutes des valeurs négatives et moindres que l’unité, et qu’au contraire les fractions sont toutes positives et plus grandes que l’unité. Ainsi, comme les valeurs des premières sont renfermées entre les limites zéro et on pourra substituer ces limites à leur place, ce qui donnera

Il est clair que ces limites suffiront pour déterminer les nombres puisqu’on sait que ces nombres doivent être tous entiers. Par ce moyen, la détermination de ne dépendra que des quatre termes celle de ne dépendra que de et ainsi de suite ; par conséquent, en connaissant les valeurs de et on trouvera d’abord ensuite on aura et par les formules données ci-dessus.

De même, en connaissant seulement les termes on trouvera d’abord par la condition de

ensuite on aura par les formules de là on trouvera et enfin et et ainsi de suite.

D’où l’on peut conclure qu’il suffira de connaître les deux derniers termes de chacune des deux séries correspondantes pour pouvoir remonter de là successivement à tous les autres termes, et connaître les deux séries entières.

Ce Problème est donc réduit maintenant à trouver les deux derniers termes de ces séries.

Pour cela je remarque que, par leur nature, elles doivent se terminer l’une etl’autre à zéro ; car les formules font voir que est le quotient et le reste de la division de par que est le quotient et le reste de la division de par et ainsi de suite, de manière que sont les restes que l’on trouve en cherchant le plus grand commun diviseur des deux nombres et qui sont supposés premiers entre eux ; par conséquent on doit nécessairement parvenir à un reste nul. On doit dire la même chose des nombres qui ne sont que les différents restes qui résulteraient de la recherche du commun diviseur de et

Supposons que la série se termine avant sa correspondante et soit, par exemple, donc l’équation

se réduira à

d’où, à cause que et ne peuvent être que des nombres entiers positifs, il suit que et ainsi les deux quantités deviendront et Mais nous avons vu que ces quantités doivent être des signes différents, et que, abstraction faite des signes, la seconde doit être plus grande que la première, ces quantités étant deux termes consécutifs de la série des minima ; donc il faudra que et par conséquent

Ainsi sera connu, parce que, devant être un nombre entier, il ne pourra être que le nombre entier qui tombera entre et

Donc, en général, dans le cas dont il s’agit, les deux derniers termes de la série seront et les correspondants de la série seront en dénotant par le nombre entier qui tombe entre et

Supposons maintenant que ce soit la série qui se termine la première, et soit par exemple ; alors l’équation

devenant

donnera, par la raison que et doivent être entiers positifs, de sorte que les deux quantités qui doivent être de signe contraire, et la seconde plus grande que la première, deviendront d’où il suit qu’il faudra que et ce qui donne et et par conséquent

c’est-à-dire que devra être le nombre entier qui tombera entre et

Donc, en général, dans ce second cas, les deux derniers termes de la sériep, seront et les correspondants dans la série seront en dénotant par le nombre entier qui tombera entre et

On voit par là que le premier cas aura lieu lorsque a est un nombre plus grand que l’unité, et que le second aura lieu lorsque sera moindre que l’unité.

Connaissant ainsi les deux derniers termes correspondants des séries on pourra, par les formules données plus haut, trouver successivement, en remontant, tous les termes de ces séries qui résolvent le Problème proposé.

25. Il est plus commode de considérer ces séries à rebours, en commençant par les derniers termes. Ainsi nous avons deux séries croissantes, que nous représenterons, pour plus de commodité, de cette manière

et pour lesquelles nous avons les déterminations suivantes

Si

si

ensuite

et pour la détermination de les conditions

Il est bon de remarquer encore que le second cas rentre dans le premier ; car, en supposant dans les formules du premier cas on aura nécessairement

donc

et de là

de sorte qu’ici et seront ce que seraient dans

les formules du second cas ; et les termes suivants seront par conséquent les mêmes dans les deux cas.

On peut donc établir, en général, quel que soit le nombre les déterminations suivantes :

Ensuite

où le signe dénote le nombre entier qui est immédiatement moindre que la valeur de la quantité placée après ce signe.

On trouvera ainsi successivement toutes les valeurs de et qui pourront satisfaire au Problème, ces valeurs ne pouvant être que les termes correspondants des deux séries et

Corollaire I.

26. Si l’on fait

on aura, comme il est facile de le voir,

et etc. ; donc les nombres ne seront autre chose que ceux que nous avons désignés par dans le no 3, c’est-à-dire que ces nombres seront les termes de la fraction continue qui représente la valeur de en sorte que l’on aura ici

Par conséquent les nombres seront les numérateurs, et les dénominateurs des fractions convergentes vers fractions que nous avons désignées ci-devant par (no 10).

Ainsi tout se réduit à convertir la valeur de en une fraction continue, dont tous les termes soient positifs, ce qu’on peut exécuter par les méthodes exposées plus haut, pourvu qu’on ait soin de prendre toujours les valeurs approchées en défaut ; ensuite il n’y aura plus qu’à former la suite des fractions principales convergentes vers et les termes de chacune de ces fractions donneront des valeurs de et qui résoudront le Problème proposé ; de sorte que ne pourra être qu’une de ces mêmes fractions.

Corollaire II.

27. Il résulte de là une nouvelle propriété des fractions dont nous parlons ; c’est que, nommant une des fractions principales convergentes vers (pourvu qu’elles soient déduites d’une fraction continue dont tous les termes soient positifs), la quantité aura toujours une valeur plus petite, abstraction faite du signe, qu’elle n’aurait, si l’on y mettait à la place de et d’autres nombres moindres quelconques.

Problème II.

28. Étant proposée la quantité

dans laquelle sont des nombres entiers donnés, positifs ou négatifs, et où et sont des nombres indéterminés, qu’on suppose devoir être entiers et positifs, on demande quelles valeurs on doit donner à et pour que la quantité proposée devienne la plus petite qu’il est possible.

Soient les racines réelles, et les racines imaginaires de l’équation

on aura, par la Théorie des équations,

Donc la question se réduit à faire en sorte que le produit des quantités et soit le plus petit qu’il est possible, tant que et sont des nombres entiers positifs.

Supposons qu’on ait trouvé les valeurs de et qui répondent au minimum ; et, si l’on met à la place de et d’autres nombres moindres, il faudra que le produit dont il s’agit acquière une valeur plus grande. Donc il faudra nécessairement que quelqu’un des facteurs augmente de valeur. Or il est visible que, si par exemple, était négatif, le facteur diminuerait toujours, lorsque et décroîtraient ; la même chose arriverait au facteur si était négatif, et ainsi des autres ; d’où il s’ensuit que, parmi les facteurs simples réels, il n’y a que ceux où les racines sont positives qui puissent augmenter de valeur ; et, parmi les facteurs doubles imaginaires, il n’y aura que ceux où la partie réelle de la racine imaginaire sera positive qui puissent augmenter aussi ; de plus, il faut remarquer, à l’égard de ces derniers, que, pour que augmente, tandis que et diminuent, il faut nécessairement que la partie augmente, parce que l’autre terme diminue nécessairement, de sorte que l’augmentation de ce facteur dépendra de la quantité et ainsi des autres.

Donc les valeurs de et qui répondent au minimum, doivent être telles que la quantité p-aq augmente, en donnant à et des valeurs moindres, et prenant pour une des racines réelles positives de l’équation

ou une des parties réelles positives des racines imaginaires de la même équation, s’il y en a.

Soient et deux nombres entiers positifs moindres que et il faudra donc que soit (abstraction faite du signe de ces deux quantités). Qu’on suppose, comme dans le no 23, que ces nombres soient tels que le signe supérieur ayant lieu lorsque est positive, et l’inférieur lorsque est négative ; en sorte que les deux quantités et deviennent de différents signes, et l’on aura exactement le cas auquel nous avons réduit le Problème précédent (no 24), et dont nous avons déjà donné la solution.

Donc (no 26) les valeurs de et devront nécessairement se trouver parmi les termes des fractions principales convergentes vers c’est-à-dire vers quelqu’une des quantités que nous avons dit pouvoir être prises pour Ainsi il faudra réduire toutes ces quantités en fractions continues (ce qu’on pourra exécuter facilement par les méthodes enseignées ailleurs), et en déduire ensuite les fractions convergentes dont il s’agit, après quoi on fera successivement égal à tous les numérateurs de ces fractions, et égal aux dénominateurs correspondants, et celle de ces suppositions qui donnera la moindre valeur de la fonction proposée sera nécessairement aussi celle qui répondra au minimum cherché.

Remarque I.

29. Nous avons supposé que les nombres et devaient être tous deux positifs ; il est clair que, si on les prenait tous deux négatifs, il n’en résulterait aucun changement dans la valeur absolue de la formule proposée elle ne ferait que changer de signe dans le cas où l’exposant serait impair, et elle demeurerait absolument la même dans le cas où l’exposant serait pair ; ainsi il n’importe quels signes on donne aux nombres et lorsqu’on les suppose tous deux de même signe.

Mais il n’en sera pas de même si l’on donne à et des signes différents car alors les termes alternatifs de l’équation proposée changeront de signe, ce qui en fera aussi changer aux racines de sorte que celles des quantités qui étaient négatives, et par conséquent inutiles dans le premier cas, deviendront positives dans celui-ci, et devront être employées à la place des autres.

De là je conclus, en général, que, lorsqu’on recherche le minimum de la formule proposée sans autre restriction, sinon que et soient des nombres entiers, il faut prendre successivement pour toutes les racines réelles et toutes les parties réelles des racines imaginaires de l’équation

en faisant abstraction des signes de ces quantités ; mais ensuite il faudra donner à et les mêmes signes ou des signes différents, suivant que la quantité qu’on aura prise pour aura eu originairement le signe positif ou le signe négatif.

Remarque II.

30. Lorsque, parmi les racines réelles il y en a de commensurables, alors il est clair que la quantité proposée deviendra nulle en faisant égal à une de ces racines ; de sorte que dans ce cas il n’y aura pas, à proprement parler, de minimum ; dans tous les autres cas il sera impossible que la quantité dont il s’agit devienne zéro, tant que et seront des nombres entiers ; or, comme les coefficients sont aussi des nombres entiers (hypothèse), cette quantité sera toujours égale à un nombre entier, et par conséquent elle ne pourra jamais être moindre que l’unité.

Donc, si l’on avait à résoudre en nombres entiers l’équation

il faudrait chercher les valeurs de et par la méthode du Problème précédent, excepté dans les cas où l’équation

aurait des racines ou des diviseurs quelconques commensurables ; car alors il est visible que la quantité

pourrait se décomposer en deux ou plusieurs quantités semblables de degrés moindres ; de sorte qu’il faudrait que chacune de ces formules partielles fût égale à l’unité en particulier, ce qui donnerait pour le moins deux équations qui serviraient à déterminer et

Nous avons déjà donné ailleurs [Mémoires de l’Académie de Berlin pour l’année 1768[8]] une solution de ce dernier Problème ; mais celle que nous venons d’indiquer est beaucoup plus simple et plus directe, quoique toutes les deux dépendent de la même Théorie des fractions continues.

Problème III.

31. On demande les valeurs de et de qui rendront la quantité

le plus petite qu’il est possible, dans l’hypothèse qu’on n’admette pour et que des nombres entiers.

Ce Problème n’est, comme l’on voit, qu’un cas particulier du précédent mais nous avons cru devoir le traiter en particulier, parce qu’il est susceptible d’une solution très-simple et très-élégante, et que d’ailleurs nous aurons dans la suite occasion d’en faire usage dans la résolution des équations du second degré à deux inconnues, en nombres entiers.

Suivant la méthode générale, il faudra donc commencer par chercher les racines de l’équation

lesquelles sont, comme l’on sait,

Or :

1o Si est égal à un nombre carré, les deux racines seront commensurables, et il n’y aura point de minimum proprement dit, parce que la quantité pourra devenir nulle.

2o Si n’est pas carré, alors les deux racines seront irrationnelles ou imaginaires, suivant que sera ou ce qui fait deux cas qu’il faut considérer séparément ; nous commencerons par le dernier, qui est le plus facile à résoudre.

Premier cas, lorsque .

32. Les deux racines étant, dans ce cas, imaginaires, on aura pour la partie toute réelle de ces racines, laquelle devra par conséquent être prise pour Ainsi il n’y aura qu’à réduire la fraction (en faisant abstraction du signe qu’elle peut avoir) en fraction continue par la méthode du no 4, et en déduire ensuite la série des fractions convergentes (no 10), laquelle sera nécessairement terminée ; cela fait, on essayera successivement pour les numérateurs de ces fractions, et pour les dénominateurs correspondants, en ayant soin de donner à et les mêmes signes ou des signes différents, suivant que sera un nombre positif ou négatif. On trouvera de cette manière les valeurs de et qui peuvent rendre la formule proposée un moindre.

Exemple.

Soit proposée, par exemple, la quantité

On aura donc ici donc

Opérant donc sur cette fraction de la manière enseignée dans le no 4, on trouvera les quotients à l’aide desquels on formera ces fractions (no 20)

De sorte que les nombres à essayer seront pour et pour or, désignant par la quantité proposée, on trouvera

d’où l’on voit que la plus petite valeur de est laquelle résulte de ces suppositions et ainsi l’on peut conclure en général que

la formule proposée ne pourra jamais devenir plus petite que tant que et seront des nombres entiers ; de sorte que le minimum aura lieu lorsque et
Second cas, lorsque

33. Comme, dans le cas présent, l’équation

a deux racines réelles irrationnelles, il faudra les réduire l’une et l’autre en fractions continues. Cette opération peut se faire avec la plus grande facilité par une méthode particulière que nous avons exposée ailleurs, et que nous croyons devoir rappeler ici, d’autant qu’elle se déduit naturellement des formules du no 25, et qu’elle renferme d’ailleurs tous les principes nécessaires pour la solution complète et générale du Problème proposé.

Dénotons donc par la racine qu’on a dessein de convertir en fraction continue, et que nous supposerons toujours positive, et soit en même temps l’autre racine ; on aura, comme l’on sait,

d’où

ou bien, en faisant, pour abréger,

où le radical peut être positif ou négatif : il sera positif lorsque la racine sera la plus grande des deux, et négatif lorsque cette racine sera la plus petite ; donc

Maintenant, si l’on conserve les mêmes dénominations du no 25, il n’y aura qu’à substituer à la place de la valeur précédente, et la difficulté ne consistera qu’à pouvoir déterminer facilement les valeurs entières approchées

Pour faciliter ces déterminations, je multiplie le haut et le bas des fractions respectivement par et, comme on a

et ainsi de suite, je fais, pour abréger,

J’aurai, à cause de

les formules suivantes

Or, si dans l’expression de on met pour et leurs valeurs et elle deviendra de même, si l’on substitue dans l’expression de pour et leurs valeurs et elle se changera en et ainsi du reste ; de sorte que l’on aura

Pareillement, si l’on substitue dans l’expression de les valeurs de et elle deviendra

et, si l’on substitue les valeurs de et dans l’expression de elle deviendra

et ainsi de suite ; de sorte que l’on aura

Ainsi l’on pourra, à l’aide de ces formules, continuer aussi loin qu’on voudra les suites des nombres et qui dépendent, comme l’on voit, mutuellement les uns des autres, sans qu’il soit nécessaire de calculer en même temps les nombres et

On peut encore trouver les valeurs de par des formules plus simples que les précédentes, en remarquant que l’on a

et ainsi de suite, c’est-à-dire

d’où l’on tire

Les nombres étant donc trouvés ainsi, on aura (no 26) la fraction continue

et, pour trouver le minimum de la formule

il n’y aura qu’à calculer les nombres et (no 25), et les essayer ensuite à la place de et mais on peut encore se dispenser de cette opération, en remarquant que les quantités ne sont autre chose que les valeurs de la formule dont il s’agit, lorsqu’on y fait successivement et Ainsi il n’y aura qu’à voir quel est le plus petit terme de la suite qu’on aura calculée en même temps que la suite et ce sera le minimum cherché ; on trouvera ensuite les valeurs correspondantes de et par les formules citées.

34. Maintenant je dis qu’en continuant la série on doit nécessairement parvenir à deux termes consécutifs de signes différents, et qu’alors tous les termes suivants seront aussi deux à deux de différents signes. Car on a (numéro précédent)

Or, de ce qu’on a démontré dans le Problème I, il s’ensuit que les quantités doivent être de signes alternatifs et aller toujours en diminuant ; donc : 1o si est une quantité négative, les quantités seront toutes positives ; par conséquent les nombres seront tous de signes alternatifs ; 2o si est une quantité positive, comme les quantités et à plus forte raison les quantités forment une suite décroissante à l’infini, on arrivera nécessairement à une de ces dernières

quantités, comme qui sera abstraction faite du signe, et alors toutes les suivantes le seront aussi ; de sorte que toutes les quantités seront nécessairement de même signe que la quantité par conséquent les quantités et celles-ci à l’infini seront toutes de même signe ; donc les nombres seront tous de signes alternatifs.

Supposons donc, en général, que l’on soit parvenu à des termes de signes alternatifs dans la série et que soit le premier de ces termes, en sorte que tous les termes à l’infini, soient alternativement positifs et négatifs ; je dis qu’aucun de ces termes ne pourra être Car si, par exemple, sont tous de signes alternatifs, il est clair que les produits deux à deux, seront nécessairement tous négatifs ; mais on a (numéro précédent)

donc les nombres positifs seront tous moindres que ou au moins pas plus grands que de sorte que, comme les nombres sont d’ailleurs tous entiers par leur nature, les nombres et, en général, les nombres abstraction faite de leurs signes, ne pourront jamais surpasser le nombre

Il s’ensuit aussi de là que les termes et, en général, ne pourront jamais être plus grand que

D’où il est facile de conclure que les deux séries et quoique poussées à l’infini, ne pourront être composées que d’un certain nombre de termes différents, ces termes ne pouvant être pour la première que les nombres naturels jusqu’à pris positivement ou négativement, et, pour la seconde, les nombres naturels jusqu’à avec les fractions intermédiaires pris aussi positivement ou négativement ; car il est visible, par les formules du numéro précédent, que les nombres seront toujours entiers lorsque sera pair, mais qu’ils contiendront chacun la fraction lorsque sera impair.

Donc, en continuant les deux séries et il arrivera nécessairement que deux termes correspondants, comme et reviendront après un certain intervalle de termes, dont le nombre pourra toujours être supposé pair ; car, comme il faut que les mêmes termes et reviennent en même temps une infinité de fois, à cause que le nombre des termes différents dans l’une et l’autre série est limité, et par conséquent aussi le nombre de leurs combinaisons différentes, il est clair que, si ces deux termes revenaient toujours après un intervalle d’un nombre impair de termes, il n’y aurait qu’à considérer leurs retours alternativement, et alors les intervalles seraient tous composés d’un nombre pair de termes.

On aura donc, en dénotant par le nombre des termes intermédiaires,

et alors tous les termes et reviendront aussi au bout de chaque intervalle de termes ; car il est facile de voir, par les formules données dans le numéro précédent pour la détermination des nombres et que, dès qu’on aura

on aura aussis

ensuite

donc aussi

et ainsi de suite.

Donc, si est un nombre quelconque, égal ou plus grand que et que dénote un nombre quelconque entier positif, on aura, en général,

de sorte qu’en connaissant les premiers termes de chacune de ces trois suites, on connaîtra aussi tous les suivants, qui ne seront autre chose que les derniers termes répétés à l’infini dans le même ordre.

De tout cela il s’ensuit que, pour trouver la plus petite valeur de

il suffit de pousser les séries et jusqu’à ce que deux termes correspondants, comme et reparaissent ensemble après un nombre pair de termes intermédiaires, en sorte que l’on ait

alors le plus petit terme de la série sera le minimum cherché.

Corollaire I.

35. Si le plus petit terme de la série ne se trouve pas avant le terme alors ce terme reparaîtra une infinité de fois dans la même suite prolongée à l’infini ; ainsi il y aura alors une infinité de valeurs de et de qui répondront au minimum, et qu’on pourra trouver toutes par les formules du no 25, en continuant la série des nombres au delà du terme par la répétition des mêmes termes comme on l’a dit plus haut.

On peut aussi, dans ce cas, avoir des formules générales qui représentent toutes les valeurs de et de dont il s’agit ; mais le détail de la méthode qu’il faut employer pour y parvenir nous mènerait trop loin ; quant à présent, nous nous contenterons de renvoyer pour cet objet aux Mémoires de Berlin déjà cités, année 1768, pages 123 et suivantes[9], où l’on trouvera une Théorie générale et nouvelle des fractions continues périodiques.

Corollaire II.

36. Nous avons démontré, dans le no 34, qu’en continuant la série on doit trouver des termes consécutifs de signes différents. Supposons donc, par exemple, que et soient les deux premiers termes de cette qualité ; on aura nécessairement les deux quantités et de mêmes signes, à cause que les quantités et sont de leur nature de différents signes. Or, en mettant dans les quantités les valeurs de (no 25), on aura

d’où, à cause que sont des nombres positifs, il est clair que toutes les quantités à l’infini, seront de mêmes signes que les quantités et par conséquent tous les termes à l’infini, auront alternativement les signes et

Maintenant on aura par les équations précédentes

où les quantités seront toutes positives.

Donc, puisque les nombres doivent être tous entiers positifs (hypothèse), la quantité devra être positive et de même que les quantités donc les quantités seront positives et moindres que l’unité ; de sorte que les nombres ne pourront être que les nombres entiers qui sont immédiatement moindres que les valeurs de quant au nombre il sera aussi égal au nombre entier, qui est immédiatement moindre que la valeur de toutes les fois qu’on aura

Ainsi l’on aura

le signe placé après les nombres dénotant, comme plus haut, les nombres entiers qui sont immédiatement au-dessous des quantités qui suivent ce même signe.

Or il est facile de transformer, par des réductions semblables à celles du no 33, les quantités en celles-ci de plus, la condition de peut se réduire à celle-ci laquelle, à cause de aura sûrement lieu lorsqu’on aura ou donc on aura

En combinant ces formules avec celles du no 33, qui renferment la loi des séries et on verra aisément que, si l’on suppose donnés deux termes correspondants de ces deux séries, dont le numéro soit plus grand que on pourra remonter aux termes précédents jusqu’à et et même jusqu’aux termes et si la condition de ou a lieu ; en sorte que tous ces termes seront absolument déterminés par ceux qu’on a supposés donnés.

En effet, connaissant, par exemple, et on connaîtra d’abord par l’équation

ensuite, ayant et on trouvera la valeur de à l’aide de laquelle on trouvera ensuite la valeur de par l’équation

or l’équation

donnera et, si l’on sait d’avance que doit être ou on trouvera après quoi on aura par l’équation

et ensuite par celle-ci

De là il est facile de tirer cette conclusion générale, que, si et sont les premiers termes de la série qui se trouvent consécutivement de différents signes, le terme et les suivants reviendront toujours après un certain nombre de termes intermédiaires, et qu’il en sera de même du terme si l’on a ou

Car imaginons, comme dans le no 34, que l’on ait trouvé et et supposons que soit c’est-à-dire donc on pourra, d’un côté, remonter du terme au terme ou et de l’autre, du terme au terme ou et, comme les termes d’où l’on part, de part et d’autre, sont égaux, tous les dérivés seront aussi respectivement égaux, de sorte qu’on aura

si ou

Par là on pourra donc juger d’avance du commencement des périodes dans la série et par conséquent aussi dans les deux autres séries et mais, quant à la longueur des périodes, cela dépend de la nature du nombre et même uniquement de la valeur de ce nombre, comme je pourrais le démontrer, si je ne craignais que ce détail ne me menât trop loin.

Corollaire III.

37. Ce qu’on vient de démontrer dans le corollaire précédent peut servir encore à prouver ce beau Théorème :

Toute équation de la forme est un nombre entier positif non carré, et et deux indéterminées, est toujours résoluble en nombres entiers.

Car, en comparant la formule avec la formule générale on a donc (no 33)

Donc donc

d’où l’on voit : 1o que est négatif, et par conséquent de signe différent de 2o que est ou parce que et sont des nombres entiers ; de sorte qu’on aura ou donc on aura (numéro précédent)

de sorte qu’en continuant la série le terme reviendra nécessairement après un certain intervalle de termes ; par conséquent on pourra toujours trouver une infinité de valeurs de et de qui rendent la formule égale à l’unité.
Corollaire IV.

38. On peut aussi démontrer cet autre Théorème :

Si l’équation est résoluble en nombres entiers, en supposant un nombre positif non carré, et un nombre positif et moindre que les nombres et doivent être tels que soit une des fractions principales convergentes vers la valeur de

Supposons que le signe supérieur doive avoir lieu, eu sorte que donc on aura

qu’on cherche deux nombres entiers positifs et moindres que et et tels que ce qui est toujours possible, comme on l’a démontré dans le no 23, et l’on aura

donc, retranchant cette équation de la précédente, il viendra

de sorte qu’on aura

Or, comme et il est clair que sera donc sera donc sera à plus forte raison puisque de sorte que sera une quantité négative, laquelle, prise positivement, sera à cause de

Ainsi, en faisant on aura les deux quantités et assujetties aux mêmes conditions que celles du no 23 ; on y pourra par conséquent appliquer la même analyse du no 24, et l’on en tirera des conclusions semblables ; donc, etc. (no 26). Si l’on avait alors il faudrait chercher les nombres et tels que et l’on aurait ces deux équations

Comme et il est clair que sera de sorte que la quantité sera négative ; or je dis que cette quantité, prise positivement, sera pour cela il faut démontrer que

ou bien que

mais (hypothèse) ; donc il suffit de prouver que

c’est ce qui est évident, à cause que, la quantité étant négative, il faut que et à plus forte raison puisque

Ainsi les deux quantités et seront de différents signes, et la seconde sera plus grande que la première, abstraction faite des signes, comme dans le cas précédent ; donc, etc.

Donc, lorsqu’on aura à résoudre en nombres entiers une équation-de la forme

il n’y aura qu’à suivre les mêmes procédés du no 33, en faisant et et, si dans la série on rencontre un terme on aura la résolution cherchée ; sinon on sera assuré que l’équation proposée n’admet absolument aucune solution en nombres entiers.

Remarque.

39. Nous n’avons considéré dans le no 33 qu’une des racines de l’équation

que nous avons supposée positive ; si cette équation a ses deux racines positives, il faudra les prendre successivement pour et faire la même opération sur l’une que sur l’autre ; mais, si l’une des deux racines ou toutes deux étaient négatives, alors on les changerait d’abord en positives, en changeant seulement le signe de et l’on opérerait comme ci-dessus ; mais ensuite il faudrait prendre les valeurs de et de avec des signes différents, c’est-à-dire l’une positivement et l’autre négativement (no 29).

Donc, en général, on donnera à la valeur de le signe ambigu de même qu’à c’est-à-dire qu’on fera et qu’on mettra à la place de et il faudra prendre ces signes en sorte que la racine

soit positive, ce qui pourra toujours se faire de deux manières différentes le signe supérieur de indiquera une racine positive, auquel cas il faudra prendre et tous deux de mêmes signes ; au contraire, le signe inférieur de indiquera une racine négative, auquel cas les valeurs de et devront être prises de signes différents.

Exemple.

40. On demande quels nombres entiers il faudrait prendre pour et afin que la quantité

devînt le plus petite qu’il est possible.

Comparant cette quantité avec la formule générale du Problème III, on aura donc d’où l’on voit que ce cas se rapporte à celui du no 33. On fera donc et où l’on remarquera d’abord que et de sorte que, dans les formules dont il ne s’agira que d’avoir la valeur entière approchée, on pourra prendre sur-le-champ, à la place du radical le nombre ou suivant que ce radical se trouvera ajouté ou retranché des autres nombres de la même formule.

Maintenant on donnera tant à qu’à le signe ambigu et l’on prendra ensuite ces signes tels que

soit une quantité positive (no 39) ; d’où l’on voit qu’il faut toujours prendre le signe supérieur pour le nombre et que pour le radical

on peut prendre également le signe supérieur et l’inférieur. Ainsi l’on fera toujours et pourra être pris successivement en plus et en moins.

Soit donc

1o avec le signe positif ; on fera (no 33) le calcul suivant :

Je m’arrête ici, parce que je vois que et et que la différence entre les deux numéros et est paire ; d’où il s’ensuit que tous les termes suivants seront aussi les mêmes que les précédents ; ainsi l’on aura

de sorte qu’on pourra, si l’on veut, continuer les séries ci-dessus à l’infini, en ne faisant que répéter les mêmes termes.

2o Prenons maintenant le radical avec un signe négatif, et le calcul sera comme il suit

On peut s’arrêter ici, puisque l’on a trouvé et et que la différence des numéros et est paire ; car, en continuant les séries, on ne retrouverait plus que les mêmes termes qu’on a déjà trouvés.

Si l’on considère les valeurs des termes trouvées dans les deux cas, on verra que le plus petit de ces termes est égal à dans le premier cas, c’est le terme auquel répondent les valeurs et et dans le second cas, c’est le terme auquel répondent les valeurs et

D’où il s’ensuit que la plus petite valeur que puisse recevoir la quantité proposée est et, pour avoir les valeurs de et qui y répondent, on prendra dans le premier cas les nombres savoir et et l’on en formera les fractions principales convergentes la troisième fraction sera donc en sorte que l’on aura et c’est-à-dire que les valeurs cherchées seront et Dans le second cas, on prendra les nombres savoir lesquels donneront ces fractions de sorte qu’on aura et donc et

Les valeurs qu’on vient de trouver pour et dans le cas du minimum sont aussi les plus petites qu’il est possible ; mais on pourra, si l’on veut, en trouver successivement d’autres plus grandes ; car il est clair que le même terme reviendra toujours au bout de chaque intervalle de six termes ; de sorte que, dans le premier cas, on aura et dans le second, Donc dans le premier cas on aura, pour les valeurs satisfaisantes de et celles-ci et dans le second cas celles-ci Or les valeurs de sont, dans le premier cas,

à l’infini, parce que et ainsi il n’y aura qu’à former par la méthode du no 20 les fractions

et l’on pourra prendre pour les numérateurs de la troisième, de la neuvième, etc., et pour les dénominateurs correspondants ; on aura donc ou ou etc.

Dans le second cas, les valeurs de seront

parce que On formera donc ces fractions-ci

et les fractions quatrième, dixième, etc., donneront les valeurs de et lesquelles seront donc ou etc.

De cette manière on pourra donc trouver par ordre toutes les valeurs de et qui rendront la formule proposée valeur qui est la plus petite qu’elle puisse recevoir. On pourrait même avoir une formule générale qui renfermât toutes ces valeurs de et de on la trouvera, si l’on en est curieux, par la méthode que nous avons exposée ailleurs et dont nous avons parlé plus haut (no 35).

Nous venons de trouver que le minimum de la quantité proposée est et par conséquent négatif ; or on pourrait proposer de trouver la plus petite valeur positive que la même quantité puisse recevoir ; alors il n’y aurait qu’à examiner les séries dans les deux cas, et l’ou verrait que le plus petit terme positif est dans les deux cas ; et, comme dans le premier cas c’est et dans le second qui est égal à les valeurs de et de qui donneront la plus petite valeur positive de la quantité proposée, seront ou ou etc. dans le premier cas, et ou ou etc. dans le second ; de sorte que l’on aura, par les fractions ci-dessus, ou ou ou ou etc.

Au reste, on ne doit pas oublier de remarquer que les nombres trouvés dans les deux cas ci-dessus, ne sont autre chose que les termes des fractions continues qui représentent les deux racines de l’équation

De sorte que ces racines seront

expressions qu’on pourra continuer à l’infini par la simple répétition des mêmes nombres.

Ainsi l’on voit par là comment on doit s’y prendre pour réduire eu fractions continues les racines de toute équation du second degré.

Scolie.

41. Euler a donné, dans le tome XI des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg, une méthode analogue à la précédente, quoique déduite de principes un peu différents, pour réduire en fraction continue la racine d’un nombre quelconque entier non carré, et il y a joint une Table où les fractions continues sont calculées pour tous les nombres naturels non carrés jusqu’à Comme cette Table peut être utile en différentes occasions, et surtout pour la solution des Problèmes indéterminés du second degré, comme on le verra plus bas (§ VII), nous croyons faire plaisir à nos lecteurs de la leur présenter ici. On remarquera qu’à chaque nombre radical il répond deux suites de nombres entiers la supérieure est celle des nombres et l’inférieure est celle des nombres


Ainsi l’on aura, par exemple,

et ainsi des autres.

Et, si l’on forme les fractions convergentes d’après chacune de ces fractions continues, on aura

et de même

§ III. — Sur la résolution des équations du premier degré
à deux inconnues en nombres entiers
.

(Addition pour le Chapitre I).

42. Lorsqu’on a à résoudre une équation de cette forme

sont des nombres entiers donnés positifs ou négatifs, et où les deux inconnues et doivent être aussi des nombres entiers, il suffit de connaître une seule solution pour pouvoir en déduire facilement toutes les autres solutions possibles.

En effet, supposons que l’on sache que ces valeurs et satisfont à l’équation proposée, et étant des nombres entiers quelconques ; on aura donc

et par conséquent

ou bien

d’où l’on tire

Qu’on réduise la fraction à ses moindres termes, et supposant qu’elle se change par là en celle-ci et seront premiers entre eux, il est visible que l’équation

ne saurait subsister dans la supposition que et soient des nombres entiers, à moins que l’on ait

étant un nombre quelconque entier ; de sorte que l’on aura, en général,

étant un nombre entier indéterminé.

Comme on peut prendre positif ou négatif à volonté, il est facile de voir qu’on pourra toujours déterminer ce nombre en sorte que la valeur de ne soit pas plus grande que ou que celle de ne soit pas plus grande que (abstraction faite des signes de ces quantités) ; d’où il s’ensuit que, si l’équation proposée

est résoluble en nombres entiers, et qu’on y substitue successivement à

la place de tous les nombres entiers, tant positifs que négatifs, renfermés entre ces deux limites et on en trouvera nécessairement un qui satisfera à cette équation ; et l’on trouvera de même une valeur satisfaisante de parmi les nombres entiers positifs ou négatifs, contenus entre les limites et et

Ainsi l’on pourra par ce moyen trouver une première solution de la proposée, après quoi on aura toutes les autres par les formules ci-dessus.

43. Mais si l’on ne veut pas employer la méthode de tâtonnement que nous venons de proposer, et qui serait souvent très-laborieuse, on pourra faire usage de celle qui est exposée dans le Chapitre Ier du Traité précédent, et qui est très-simple et très-directe, ou bien on pourra s’y prendre de la manière suivante.

On remarquera :

1o Que, si les nombres et ne sont pas premiers entre eux, l’équation ne pourra subsister en nombres entiers, à moins que le nombre donné ne soit divisible par la plus grande commune mesure de et de sorte qu’en supposant la division faite lorsqu’elle a lieu, et désignant les quotients par on aura à résoudre l’équation

et seront premiers entre eux.

2o Que, si l’on peut trouver des valeurs de et de qui satisfassent à l’équation

on pourra résoudre l’équation précédente ; car il est visible qu’en multipliant ces valeurs par on aura des valeurs qui satisferônt à l’équation

c’est-à-dire qu’on aura.

Or l’équation

est toujours résoluble en nombres entiers, comme nous l’avons démontré dans le no 23 ; et, pour trouver les plus petites valeurs de et de qui y peuvent satisfaire, il n’y aura qu’à convertir la fraction en fraction continue par la méthode du no 4, et en déduire ensuite la série des fractions principales convergentes vers la même fraction par les formules du no 10 ; la dernière de ces fractions sera la fraction même et, si l’on désigne l’avant-dernière par on aura, par la loi de ces fractions (no 12),

le signe supérieur étant pour le cas où le quantième de la fraction est pair, et l’inférieur pour celui où ce quantième est impair.

Ces valeurs de et de étant ainsi connues, on aura donc d’abord

et, prenant ensuite ces valeurs pour et on aura, en général (no 42),

expressions qui renfermeront nécessairement toutes les solutions possibles en nombres entiers de l’équation proposée.

Au reste, pour ne laisser aucun embarras dans la pratique de cette méthode, nous remarquerons que, quoique les nombres et puissent être positifs ou négatifs, on peut néanmoins les prendre toujours positivement, pourvu qu’on donne des signes contraires à si est négatif, et à si est négatif.

Exemple.

44. Pour donner un exemple de la méthode précédente, nous prendrons celui du no 14 du Chapitre Ier du Traité précédent, où il s’agit de résoudre l’équation

changeant en et en on aura donc

Ainsi on fera et et, comme et sont déjà premiers entre eux, on aura On réduira donc en fraction continue la fraction et pour cela on fera ( comme on l’a déjà pratiqué dans le no 20) le calcul suivant

Ensuite, à l’aide des quotients on formera les fractions

et la pénultième fraction sera celle que nous avons désignée, en général, par de sorte qu’on aura , et, comme cette fraction est la quatrième et par conséquent d’un quantième pair, il faudra prendre le signe supérieur ; ainsi l’on aura, en général,

pouvant être un nombre quelconque entier, positif ou négatif.

Remarque.

45. On doit la première solution de ce Problème à Bachet de Méziriac, qui l’a donnée dans la seconde édition de ses Récréations mathématiques, intitulées Problèmes plaisans et délectables, etc. La première édition de cet Ouvrage a paru en 1612 ; mais la solution dont il s’agit n’y est qu’annoncée, et ce n’est que dans l’édition de 1624 qu’on la trouve complète. La méthode de Bachet est très-directe et très-ingénieuse, et ne laisse rien à désirer du côté de l’élégance et de la généralité.

Nous saisissons avec plaisir cette occasion de rendre à ce savant Auteur la justice qui lui est due sur ce sujet, parce que nous avons remarqué que les géomètres qui ont traité le même Problème après lui n’ont jamais fait aucune mention de son travail.

Voici en peu de mots à quoi se réduit la méthode de Bachet. Après avoir fait voir comment la solution des équations de la forme

et étant premiers entre eux, se réduit à celle de

il s’attache à résoudre cette dernière équation, et pour cela il prescrit de faire entre les nombres et la même opération que si l’on voulait chercher leur plus grand commun diviseur (c’est aussi la même que nous avons pratiquée ci-devant) ; ensuite, nommant les restes provenant des différentes divisions, et supposant, par exemple, que soit le dernier reste, qui sera nécessairement égal à l’unité (à cause que et sont premiers entre eux, hyp.), il fait, lorsque le nombre des restes est pair, comme dans ce cas,

ces derniers nombres et seront les plus petites valeurs de et

Si le nombre des restes était impair, comme si était le dernier reste alors il faudrait faire

Il est facile de voir que cette méthode revient au même dans le fond que celle du Chapitre Ier ; mais elle est moins commode, parce qu’elle demande des divisions ; au reste, les géomètres qui sont curieux de ces matières verront avec plaisir dans l’Ouvrage de Baeliet les artifices qu’il a employés pour parvenir à la règle précédente, et pour en déduire la solution complète des équations de la forme

§ IV. — Méthodes pour résoudre en nombres entiers les équation indéterminées à deux inconnues, lorsque l’une des inconnues ne passe pas par le premier degré, et lorsque les deux inconnues ne forment que des produits d’une même dimension.
(Addition pour le Chapitre III).

46. Soit proposée l’équation générale

dans laquelle les coefficients soient des nombres entiers donnés, et où et soient deux nombres indéterminés, qui doivent aussi être entiers.

Tirant la valeur de de cette équation, on aura

ainsi la question sera réduite à trouver un nombre entier qui, étant pris pour rende le numérateur de cette fraction divisible par son dénominateur.

Soit supposé

et qu’on élimine de ces deux équations par les règles ordinaires de l’Algèbre ; on aura une équation finale de cette forme

où les coefficients seront des fonctions rationnelles et entières des nombres ,

Maintenant, puisque on aura aussi de sorte qu’en substituant cette valeur de il viendra

où l’on voit que tous les termes sont multipliés par à l’exception du premier terme donc il faudra que le nombre soit divisible par le nombre autrement il serait impossible que les nombres et pussent être entiers à la fois.

On cherchera donc tous les diviseurs du nombre entier connu et l’on prendra successivement chacun de ces diviseurs pour on aura par chacune de ces suppositions une équation déterminée en dont on cherchera par les méthodes connues les racines rationnelles et entières, s’il y en a ; on substituera ensuite ces racines à la place de et l’on verra si les valeurs résultantes de et de seront telles que soit un nombre entier. On sera sûr de trouver par ce moyen, toutes les valeurs entières de qui peuvent donner aussi des valeurs entières pour y dans l’équation proposée.

De là on voit que le nombre des solutions en entiers de ces sortes d’équations est toujours nécessairement limité ; mais il y a un cas qui doit être excepté, et qui échappe à la méthode précédente.

47. Ce cas est celui où les coefficients sont nuls, en sorte que l’on ait simplement

voici comment il faudra s’y prendre pour trouver toutes les valeurs de qui pourront rendre la quantité

divisible par le nombre donné je suppose d’abord qu’on ait trouvé un nombre entier qui satisfasse à cette condition ; il est facile de voir que tout nombre de la forme y satisfera aussi, étant un nombre quelconque entier ; de plus, si est (abstraction faite des signes de et de ), on pourra toujours déterminer le nombre et le signe qui le précède, en sorte que le nombre devienne et il est aisé de voir que cela ne saurait se faire que d’une seule manière, les valeurs de et de étant données ; donc, si l’on désigne par cette valeur de laquelle est et qui satisfait à la condition dont il s’agit, on aura, en général,

étant un nombre quelconque.

D’où je conclus que, si l’on substitue successivement, dans la formule

à la place de tous les nombres entiers positifs ou négatifs qui ne passent pas et qu’on dénote par ceux de ces nombres qui rendront la quantité divisible par tous les autres nombres qui pourront faire le même effet seront nécessairement renfermés dans ces formules

étant des nombres quelconques entiers.

On pourrait faire ici différentes remarques pour faciliter la recherche des nombres mais nous ne croyons pas devoir nous arrêter davantage sur ce sujet, d’autant que nous avons déjà eu occasion de le traiter dans un Mémoire imprimé parmi ceux de l’Académie de Berlin pour l’année 1768, et qui a pour titre Nouvelle Méthode pour résoudre les Problèmes indéterminés[10]. Voyez aussi un Mémoire de Legendre sur l’Analyse indéterminée, dans le Recueil de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1785.

48. Considérons maintenant les équations de la forme

dans lesquelles sont des nombres entiers donnés, et où les deux indéterminées qui forment partout dans le premier membre le même nombre de dimensions, doivent être aussi des nombres entiers.

Je supposerai d’abord que et doivent être premiers entre eux, et que de plus y doive être premier à je dis qu’on peut faire

et étant des nombres entiers indéterminés ; car, en regardant et comme des nombres donnés, on aura une équation résoluble en nombres entiers par la méthode du § III, puisque et n’ont, par l’hypothèse, d’autre commune mesure que l’unité. Qu’on substitue cette expression de dans l’équation proposée, elle deviendra

où l’on voit que tous les termes sont divisibles d’eux-mêmes par excepté le premier

Il faudra donc, pour que l’équation puisse subsister en nombres entiers, que cette quantité soit aussi divisible par Mais nous supposons que et sont premiers entre eux ; donc il faudra que la quantité

soit elle-même divisible par Ainsi il n’y aura qu’à chercher, par la méthode du numéro précédent, toutes les valeurs de qui pourront satisfaire à cette condition ; faisant ensuite, pour chacune de ces valeurs,

l’équation précédente deviendra, après ces substitutions et la division de tous les termes par

cette équation, étant ainsi réduite à la forme de celle du no 30, est susceptible des méthodes que nous avons données dans le § II, et par lesquelles on pourra trouver toutes les valeurs satisfaisantes de et Ces valeurs, ainsi que celles de étant connues, on aura, en général,

Nous avons supposé, dans la solution précédente, que et doivent être premiers entre eux, ainsi que et entre eux ; ces suppositions sont permises, puisque les nombres et sont indéterminés ; mais, comme elles ne paraissent point absolument nécessaires, il faut encore examiner dans quels cas elles peuvent cesser d’avoir lieu.

Supposons donc : 1o que et puissent avoir une commune mesure il n’y aura qu’à mettre partout, dans l’équation proposée, à la place de et et regarder ensuite et comme premiers entre eux. Or, par cette substitution, il est clair que tous les termes du premier membre de l’équation se trouveront multipliés par par conséquent, il faudra que le second membre soit divisible par d’où il suit qu’on ne peut prendre pour que les diviseurs du nombre qui s’y trouveront élevés à la puissance Ainsi, si le nombre ne contient aucun facteur élevé à la puissance on sera assuré que les nombres et devront nécessairement être premiers entre eux.

Si le nombre contient un ou plusieurs facteurs élevés à la puissance alors il faudra prendre successivement pour chaque facteur ou combinaison de facteurs, dont la puissance divisera le nombre et l’on aura autant de solutions différentes en regardant dans chacune et comme premiers entre eux.

Supposons : 2o que et aient une commune mesure on mettra et à la place de et et l’on regardera ensuite et comme premiers entre eux. Par ces substitutions, tous les termes du premier membre qui contiennent se trouveront multipliés par une puissance de il n’y aura que le dernier terme, que je représenterai par qui, ne contenant point ne se trouvera point multiplié par Mais, puisque le second membre devient il s’ensuit que le terme devra aussi être divisible par or, et étant déjà supposés premiers entre eux, ne saurait être divisible par donc il faudra que le coefficient le soit. D’où je conclus qu’on pourra prendre pour successivement tous les diviseurs de et, après la substitution de et au lieu de et de et la division de toute l’équation par on aura de nouveau le cas où l’indéterminée sera nécessairement première au nombre qui formera le second membre.

§ V. — Méthode directe et générale pour trouver les valeurs de qui peuvent rendre rationnelles les quantités de la forme et pour résoudre en nombres rationnels les équations indéterminées du second degré à deux inconnues, lorsqu’elles admettent des solutions de cette espèce.
(Addition pour le Chapitre IV.)

49. Je suppose d’abord que les nombres connus soient entiers ; s’ils étaient fractionnaires, il n’y aurait qu’à les réduire à un même dénominateur carré, et alors il est clair qu’on pourrait toujours faire abstraction de leur dénominateur ; quant au nombre on supposera ici qu’il puisse être entier ou fractionnaire, et l’on verra par la suite comment il faudra résoudre la question, lorsqu’on ne veut admettre que des nombres entiers.

Soit donc

et l’on aura

de sorte que la difficulté sera réduite à rendre rationnelle la quantité

50. Supposons donc, en général, qu’on ait à rendre rationnelle la quantité c’est-à-dire à rendre

égal à un carré, et étant des nombres entiers donnés, positifs ou négatifs, et un nombre indéterminé, qui doit être rationnel.

Il est d’abord clair que, si l’un des nombres ou était ou égal à un carré quelconque, le Problème serait résoluble par les méthodes connues de Diophante, qui sont détaillées dans le Chapitre IV ; ainsi nous ferons ici abstraction de ces cas, ou plutôt nous tâcherons d’y ramener tous les autres.

De plus, si les nombres et étaient divisibles par des nombres carrés quelconques, on pourrait aussi faire abstraction de ces diviseurs, c’est-à-dire les supprimer, en ne prenant pour et que les quotients qu’on aurait après avoir divisé les valeurs données par les plus grands carrés possibles ; en effet, supposant et on aura à rendre carré le nombre donc, divisant par et faisant il s’agira de déterminer l’inconnue en sorte que

soit un carré.

D’où il s’ensuit que, dès qu’on aura trouvé une valeur de propre à rendre égal à un carré, en rejetant dans les valeurs données de et de les facteurs carrés et qu’elles pourraient renfermer, il n’y aura qu’à multiplier la valeur trouvée de par pour avoir celle qui convient à la quantité proposée.

51. Considérons donc la formule dans laquelle et soient des nombres entiers donnés qui ne soient divisibles par aucun carré ; et, comme on suppose que puisse être une fraction, faisons et étant des nombres entiers et premiers entre eux, pour que la fraction soit réduite à ses moindres termes ; on aura donc la quantité

qui devra être un carré ; donc devra en être un aussi ; de sorte qu’on aura à résoudre l’équation

en supposant et des nombres entiers.

Je vais prouver d’abord que doit être premier à et que doit l’être à car, si et avaient un commun diviseur, il est clair que le terme serait divisible par le carré de ce diviseur, et que le terme ne serait divisible que par la première puissance du même diviseur, à cause que et sont premiers entre eux, et que est supposé ne contenir aucun facteur carré ; donc le nombre ne serait divisible qu’une seule fois par le diviseur commun de et de par conséquent il serait impossible que ce nombre fût un carré. On prouvera de même que et ne sauraient avoir aucun diviseur commun.

Résolution de l’équation en nombres entiers.

52. Supposons on écrira cette équation ainsi

et l’on remarquera que, comme les nombres et doivent être entiers, il faudra que soit divisible par

Donc, puisque et sont premiers entre eux (numéro précédent), on fera, suivant la méthode du § IV, no 48 ci-dessus,

et étant deux nombres entiers indéterminés ; ce qui changera la formule en celle-ci

dans laquelle il faudra que soit divisible par en prenant pour un nombre entier non

On essayera donc pour tous les nombres entiers qui ne surpassent pas et, si l’on n’en trouve aucun qui rende divisible par on en conclura sur-le-champ que l’équation

n’est pas résoluble en nombres entiers, et qu’ainsi la quantité ne saurait jamais devenir un carré.

Mais, si l’on trouve une ou plusieurs valeurs satisfaisantes de on les mettra l’une après l’autre à la place de et l’on poursuivra le calcul comme on va le voir.

Je remarquerai seulement encore qu’il serait inutile de donner aussi à des valeurs plus grandes que car, nommant les valeurs de moindres que qui rendront divisible par toutes les autres valeurs de qui pourront faire le même effet seront renfermées dans ces formules (no 47 du § IV)

or, substituant ces valeurs à la place de dans la formule

il est clair qu’on aura les mêmes résultats que si l’on mettait seulement à la place de et qu’on ajoutât à les quantités de sorte que, comme est un nombre indéterminé, ces substitutions ne donneraient pas des formules différentes de celles qu’on aura par la simple substitution des valeurs

53. Puis donc que doit être divisible par soit le quotient de cette division, en sorte que et l’équation

étant divisée par deviendra celle-ci

sera nécessairement moindre que à cause que et que et non

Or, 1o si est un nombre carré, il est clair que cette équation sera résoluble par les méthodes connues, et l’on en aura la solution la plus simple qu’il est possible, en faisant et

2o Si n’est pas égal à un carré, on verra si ce nombre est moindre que ou au moins s’il est divisible par un nombre quelconque carré, en sorte que le quotient soit moindre que abstraction faite des signes ; alors on multipliera toute l’équation par et l’on aura, à cause de

soit un carré ; donc, divisant par et faisant et on aura à rendre carrée la formule

laquelle est, comme l’on voit, analogue à celle du no 50. Ainsi, si contient un facteur carré on pourra le supprimer, en ayant attention de

multiplier ensuite par là valeur qu’on trouvera pour pour avoir sa véritable valeur ; et l’on aura une formule qui sera dans le cas de celle du no 51, mais avec cette différence que les coefficients et de celle-ci seront moindres que les coefficients et de celle-là.

54. Mais, si n’est pas moindre que ni ne peut le devenir en le divisant parle plus grand carré qui le mesure, alors on fera et substituant cette valeur dans l’équation, elle deviendra

On déterminera, ce qui est toujours possible, le nombre entier en sorte que ne soit pas abstraction faite des signes, et alors il est clair que deviendra à cause de et de ou et ou

On fera donc ici le même raisonnement que nous avons fait dans le numéro précédent, et, si est carré, on aura la résolution de l’équation ; si n’est pas carré, mais qu’il soit ou qu’il le devienne étant divisé par un carré, on multipliera l’équation par et l’on aura, en faisant et la formule

qui devra être un carré, et dans laquelle les coefficients et (après avoir supprimé dans les diviseurs carrés, s’il y en a) seront moindres que ceux de la formule du no 51.

Mais, si ces cas n’ont pas lieu, on fera comme ci-dessus et l’équation se changera en celle-ci

On prendra donc pour un nombre entier, tel que ne soit pas abstraction faite des signes ; et, comme n’est pas (hyp.), il s’ensuit de l’équation

que sera ainsi l’on pourra faire derechef les mêmes raisonnements que ci-dessus, et l’on en tirera des conclusions semblables, et ainsi de suite.

Maintenant, comme les nombres forment une suite décroissante de nombres entiers, il est visible qu’en continuant cette suite on parviendra nécessairement à un terme moindre que le nombre donné et alors, nommant ce terme on aura, comme nous l’avons vu ci-dessus, la formule

à rendre égale à un carré ; de sorte que, par les opérations que nous venons d’exposer, on sera toujours assuré de pouvoir ramener la formule à une autre plus simple, telle que au moins si le Problème est résoluble.

55. De même qu’on a réduit la formule à celle-ci on pourra réduire cette dernière à cette autre-ci

sera moindre que ainsi de suite ; et, comme les nombres forment une série décroissante de nombres entiers, il est clair que cette série ne pourra pas aller à l’infini, et qu’ainsi l’opération sera toujours nécessairement terminée. Si la question n’admet point de solution en nombres rationnels, on parviendra à une condition impossible ; mais, si la question est résoluble, on arrivera toujours à une équation semblable à celle du no 53, et où l’un des coefficients, comme sera carré, en sorte qu’elle sera susceptible des méthodes connues ; cette

équation étant résolue, on pourra, en rétrogradant, résoudre successivement toutes les équations précédentes, jusqu’à la première

Éclaircissons cette méthode par quelques Exemples.

Exemple I.

56. Soit proposé de trouver une valeur rationnelle de telle que la formule

devienne un carré. (Voyez Chapitre IV, no 57 du Traité précédent.)

On aura donc ici donc

de sorte que, en nommant la racine du carré dont il s’agit, on aura la formule

qui devra être un carré ; ainsi l’on aura et où l’on remarquera d’abord que est divisible par le carré de sorte qu’il faudra rejeter ce diviseur carré et supposer simplement mais on se souviendra ensuite de diviser par la valeur qu’on trouvera pour (no 50).

On aura donc, en faisant l’équation

ou bien, à cause que est on fera pour avoir

équation qu’on écrira ainsi

On fera (no 52) et il faudra prendre pour un nombre entier non c’est-à-dire tel que soit divisible par je trouve ce qui donne de sorte que, en faisant la substitution et divisant ensuite par on aura l’équation

Or, comme n’est pas un carré, cette équation n’a pas encore les conditions requises ; ainsi, puisque est déjà moindre que on multipliera toute l’équation par et elle deviendra

de sorte qu’il faudra que soit un carré, ou bien, en faisant que

en soit un aussi.

On voit ici qu’il n’y aurait qu’à faire mais, comme ce n’est que le hasard qui nous donne cette valeur, nous allons poursuivre le calcul selon notre méthode, jusqu’à ce que l’on arrive à une formule qui soit susceptible des méthodes ordinaires. Comme est divisible par je rejette ce diviseur carré, en me souvenant que je dois ensuite multiplier la valeur de par j’aurai donc à rendre carrée la formule ou bien, en faisant on suppose que et sont des nombres entiers premiers entre eux, en sorte que la fraction soit déjà réduite à ses moindres termes, comme la fraction celle-ci

soit la racine j’aurai

et je ferai étant un nombre-entier non c’est-à-dire et tel que soit divisible par or je trouve

ce qui donne donc, substituant la valeur de et divisant toute l’équation par on aura

Comme le coefficient de n’est ni carré, ni moindre que celui de dans l’équation précédente, on fera (no 54) et, substituant, on aura la transformée

on déterminera en sorte que ne soit pas et il est clair qu’il faudra faire ce qui donne et l’équation deviendra

laquelle est, comme l’on voit, réduite à l’état demandé, puisque le coefficient du carré de l’une des deux indéterminées du second membre est aussi carré.

On fera donc, pour avoir la solution la plus simple qu’il est possible, et donc et de là mais nous avons vu qu’il faut multiplier la valeur de par ainsi l’on aura donc, en rétrogradant toujours, on aura donc donc l’équation

donnera

donc

donc

mais, comme il faut diviser la valeur de par on aura ce sera le côté de la racine de la formulé proposée ainsi, fai-

sant cette quantité on trouvera, par la résolution de l’équation,

d’où

On aurait pu prendre aussi

et l’on aurait eu et divisant par faisant donc

on trouvera

donc

Si l’on voulait avoir d’autres valeurs de il n’y aurait qu’à chercher d’autres solutions de l’équation

laquelle est résoluble, en général, par les méthodes connues ; mais on peut aussi, dès qu’on connaît une seule valeur de en déduire immédiatement toutes les autres valeurs satisfaisantes de par la méthode expliquée dans le Chapitre IV du Traité précédent.

Remarque.

57. Supposons, en général, que la quantité devienne égale à un carré lorsque en sorte que l’on ait

donc

de sorte que ; en substituant cette valeur dans la formule proposée, elle deviendra

Qu’on prenne pour la racine de cette quantité, étant un nombre indéterminé, et l’on aura l’équation

c’est-à-dire, en effaçant de part et d’autre, et divisant ensuite par

d’où l’on tire

Et il est clair qu’à cause du nombre indéterminé cette expression de doit renfermer toutes les valeurs qu’on peut donner à pour que la formule proposée devienne un carré ; car, quel que soit le nombre carré auquel cette formule peut être égale, il est visible que la racine de ce nombre pourra toujours être représentée par en donnant à une valeur convenable. Ainsi, quand on aura trouvé par la méthode expliquée ci-dessus une seule valeur satisfaisante de il n’y aura qu’à la prendre pour et la racine du carré qui en résultera pour on aura par la formule précédente toutes les autres valeurs possibles de .

Dans l’Exemple précédent on a trouvé et ainsi l’on fera et et l’on aura

c’est l’expression générale des valeurs rationnelles de qui peuvent rendre carrée la quantité

Exemple II.

58. Soit encore proposé de trouver une valeur rationnelle de telle que soit un carré.

Comme et ne sont divisibles par aucun nombre carré, il n’y aura aucune réduction à y faire. Ainsi, en faisant il faudra que la formule devienne un carré de sorte qu’on aura l’équation

On fera donc et il faudra prendre pour un nombre entier non tel que soit divisible par Je trouve ce qui donne et cette valeur de est la seule qui ait les conditions requises. Substituant donc à la place de et divisant toute l’équation par j’aurai celle-ci

dans laquelle on voit que le coefficient est déjà moindre que la valeur de qui est abstraction faite du signe.

Ainsi l’on multipliera toute l’équation par et l’on aura

de sorte qu’en faisant il faudra que la formule

soit un carré, où les coefficients et n’admettent aucune réduction.

Soit donc ( et sont supposés premiers entre eux, au lieu que et peuvent ne pas l’être), et l’on aura à rendre carrée la quantité de sorte qu’en nommant la racine on aura

et de là

On prendra donc et il faudra que soit un nombre entier non et tel que soit divisible par or c’est ce qui est impossible, car on ne pourrait prendre que ou ce qui donne ou Ainsi l’on en doit conclure que le Problème n’est pas résoluble, c’est-à-dire qu’il est impossible que la formule puisse jamais devenir égale à un nombre carré, quelque nombre que l’on substitue à la place de .

Corollaire.

59. Si l’on avait une équation quelconque du second degré à deux inconnues, telle que

et que l’on proposât de trouver des valeurs rationnelles de et qui satisfissent à cette équation, on y pourrait parvenir, lorsque cela est possible, par la méthode que nous venons d’exposer.

En effet, si l’on tire la valeur de en on aura

ou bien, en faisant

de sorte que la question sera réduite à trouver des valeurs de qui rendent rationnel le radical

Remarque.

60. Nous avons déjà traité ce même sujet, mais d’une manière un peu différente, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Berlin pour l’année 1767[11], et nous croyons être les premiers qui aient donné une méthode directe et exempte de tâtonnements pour la solution des Problèmes indéterminés du second degré. Le lecteur qui sera curieux d’approfondir cette matière pourra consulter les Mémoires cités, où il trouvera surtout des remarques nouvelles et importantes sur la recherche des nombres entiers qui, étant pris pour peuvent rendre divisible par et étant des nombres donnés.

On trouvera aussi, dans les Mémoires pour les années 1770 et suivantes, des recherches sur la forme des diviseurs des nombres représentés par de sorte que, par la forme même du nombre on pourra juger souvent de l’impossibilité de l’équation

à un carré[12] (no 52).

Legendre s’est occupé depuis, dans le Mémoire cité plus haut (no 47), à chercher les conditions générales de la possibilité ou de l’impossibilité des équations indéterminées du second degré, et il est parvenu à ce Théorème remarquable, que

L’équation dans laquelle sont positifs, premiers entre eux et dégagés de tout facteur carré, est résoluble, si l’on peut trouver trois entiers tels que les trois quantités soient des entiers.

§ VI. — Sur les doubles et triples égalités.

61. Nous traiterons ici en peu de mots des doubles et triples égalités, qui sont d’un usage très-fréquent dans l’Analyse de Diophante, et pour la solution desquelles ce grand géomètre et ses commentateurs ont cru devoir donner des règles particulière.

Lorsqu’on a une formule contenant une ou plusieurs inconnues à égaler à une puissance parfaite, comme à un carré ou à un cube, etc., cela s’appelle, dans l’Analyse de Diophante, une égalité simple ; et lorsqu’on a deux formules contenant la même ou les mêmes inconnues à égaler chacune à des puissances parfaites, cela s’appelle une égalités double ; et ainsi de suite.

Jusqu’ici on a vu comment il faut résoudre les égalités simples où l’inconnue ne passe pas le second degré, et où la puissance proposée est la seconde, c’est-à-dire le carré.

Voyons donc comment on doit traiter les égalités doubles et triples de la même espèce.

62. Soit d’abord proposée cette égalité doublée

à un carré, à un carré,

où l’inconnue ne se trouve qu’au premier degré.

Faisant

et chassant de ces deux équations, on aura

donc

de sorte que la difficulté sera réduite à trouver une valeur rationnelle de telle que devienne un carré. On résoudra cette égalité simple par la méthode exposée ci-dessus, et, connaissant ainsi on aura

Si l’égalité doublée était

à un carré, à un carré,
il n’y aurait qu’à faire et multiplier ensuite l’une et l’autre formule par le carré on aurait ces deux autres égalités
à un carré, à un carré,

qui sont semblables aux précédentes.

Ainsi l’on peut résoudre, en général, toutes les égalités doubles où l’inconnue ne passe pas le premier degré, et celles où l’inconnue se trouve dans tousles termes, pourvu qu’elle ne passe pas le second degré ; mais il n’en est pas de même lorsque l’on a des égalités de cette forme

à un carré, à un carré.

Si l’on résout la première de ces égalités par notre méthode, et qu’on nomme la valeur de qui rend au carré on aura en général ( no 57)

donc, substituant cette expression de dans l’autre formule et la multipliant ensuite par on aura à résoudre l’égalité

dans laquelle l’inconnue monte au quatrième degré.

Or on n’a jusqu’à présent aucune règle générale pour résoudre ces sortes d’égalités, et tout ce qu’on peut faire, c’est de trouver successivement différentes solutions, lorsqu’on en connaît une seule (voyez le Chapitre IX).

63. Si l’on avait la triple égalité

à un carré, à un carré, à un carré,

on ferait

et, chassant et de ces trois équations, on aurait celle-ci

de sorte qu’en fraisant la difficulté se réduirait à résoudre l’égalité simple

à un carré,

laquelle est, comme l’on voit, dans le cas de notre méthode générale.

Ayant trouvé la valeur de on aura et les deux premières équations donneront

Mais, si la triple égalité proposée ne contenait qu’une seule variable, on retomberait alors dans une égalité où l’inconnue monterait au quatrième degré.

En effet, il est clair que ce cas peut se déduire du précédent, en faisant de sorte qu’il faudra que l’on ait

et par conséquent

à un carré.

Or, nommant une des valeurs de qui peuvent satisfaire à l’égalité ci-dessus, et faisant, pour abréger, on aura en général (no 57)

Donc, substituant cette valeur de dans la dernière égalité et la multipliant toute par le carré de on aura celle-ci

à un carré,

où l’inconnue monte, comme l’on voit, au quatrième degré.

§ VII. — Méthode directe et générales pour trouver toutes les valeurs de exprimées en nombres entiers, par lesquelles on peut rendre rationnelles les quantités de la forme et étant des nombres entiers donnés et pour trouver aussi toutes les solutions possibles en nombres entiers des équations indéterminées du second degré à deux inconnues.
(Addition pour le Chapitre VI).

64. Quoique par la méthode du § V on puisse trouver des formules générales qui renferment toutes les valeurs rationnelles de , propres à rendre égal à un carré, cependant ces formules ne sont d’aucun usage lorsqu’on demande pour des valeurs exprimées en nombres entiers ; c’est pourquoi nous sommes obligé de donner ici une nouvelle méthode pour résoudre la question dans le cas des nombres entiers.

Soit donc

et, comme et sont supposés des nombres entiers, et que doit être aussi un nombre entier, il est clair que devra être pareillement entier ; de sorte qu’on aura à résoudre en entiers l’équation

Je commence par remarquer ici que, si n’est divisible par aucun nombre carré, il faudra nécessairement que soit premier à car supposons, s’il est possible, que et aient une commune mesure, en sorte que et donc on aura

d’où il s’ensuit qu’il faudra que soit divisible par et, comme n’est ni carré, ni divisible par aucun carré (hyp.), à cause que est facteur de il faudra que soit divisible par faisant donc on aura

ou bien, en divisant par

d’où l’on voit que devrait encore être divisible par ce qui est contre l’hypothèse.

Ce n’est donc que lorsque contient des facteurs carrés que peut avoir une commune mesure avec et il est facile de voir par la démonstration précédente que cette commune mesure de et de ne peut être que la racine d’un des facteurs carrés de et que le nombre devra avoir la même commune mesure ; en sorte que toute l’équation sera divisible par le carré de ce commun diviseur de et

De là je conclus

1o Que, si n’est divisible par aucun carré, et seront premiers entre eux ;

2o Que, si est divisible par un seul carré pourra être premier à ou divisible par ce qui fait deux cas qu’il faudra examiner séparément dans le premier cas, on résoudra l’équation

en supposant et premiers entre eux ; dans le second, on aura à résoudre l’équation

étant en supposant aussi et premiers entre eux ; mais il faudra ensuite multiplier par les valeurs qu’on aura trouvées pour et pour avoir les valeurs convenables à l’équation proposée ;

3o Que, si est divisible par deux différents carrés, et on aura trois cas à considérer dans le premier, on résoudra l’équation

en regardant et comme premiers entre eux ; dans le second, on résoudra de même l’équation

étant dans l’hypothèse de et premiers entre eux, et l’on multipliera ensuite les valeurs de et par dans le troisième, on résoudra l’équation

étant dans l’hypothèse de et premiers entre eux, et l’on multipliera ensuite les valeurs de et de par

4o Etc.

Ainsi on aura autant d’équations différentes à résoudre qu’il y aura de différents diviseurs carrés de mais ces équations seront toutes de la même forme

et sera aussi toujours premier à

65. Considérons donc, en général, l’équation

est premier à et, comme et doivent être des nombres entiers, il faudra que soit divisible par

On fera donc, suivant la méthode du § IV (no 48), et l’on aura l’équation

par laquelle on voit que le terme doit être divisible par puisque tous les autres le sont d’eux-mêmes ; donc, comme est premier à (hyp.), il faudra que soit divisible par de sorte qu’en faisant on aura, après avoir divisé par

Or cette équation est plus simple que la proposée, en ce que le second membre est égal à l’unité.

On cherchera donc les valeurs de qui peuvent rendre divisible par pour cela il suffira (no 47) d’essayer pour tous les nombres entiers positifs ou négatifs non et, si parmi ceux-ci on n’en trouve aucun qui satisfasse, on en conclura d’abord qu’il est impossible que puisse être divisible par et qu’ainsi l’équation proposée n’est pas résoluble en nombres entiers.

Mais, si l’on trouve de cette manière un ou plusieurs nombres satisfaisants, on les prendra l’un après l’autre pour ce qui donnera autant de différentes équations, qu’il faudra traiter séparément, et dont chacune pourra fournir une ou plusieurs solutions de la question proposée.

Quant aux valeurs de qui surpasseraient celle de en pourra faire abstraction, parce qu’elles ne donneraient point d’équations différentes de celles, qui résulteront des valeurs de qui ne sont pas comme nous l’avons déjà montré dans le no 52.

Au reste, comme la condition par laquelle on doit déterminer est que soit divisible par il est clair que chaque valeur de pourra être également positive ou négative ; de sorte qu’il suffira d’essayer successivement pour tous les nombres naturels qui ne sont pas plus grands que et de prendre ensuite les valeurs satisfaisantes de tant en plus qu’en moins.

Nous avons donné ailleurs des règles pour faciliter la recherche des valeurs de qui peuvent avoir la propriété requise, et même pour trouver ces valeurs a priori dans un grand nombre de cas. [Voir les Mémoires de Berlin pour l’année 1767, pages 194 et 274[13].]

Résolution de l’équation en nombres entiers.

On peut résoudre cette équation par deux méthodes différentes, que nous allons expliquer.

Première méthode.

66. Comme les quantités sont supposées des nombres entiers, de même que les indéterminées et il est visible que la quantité

sera toujours nécessairement égale a des nombres entiers ; par conséquent l’unité sera la plus petite valeur qu’elle puisse recevoir, à moins qu’elle ne puisse devenir nulle, ce qui ne peut arriver que lorsque cette quantité peut se décomposer en deux facteurs rationnels. Comme ce cas n’a aucune difficulté, nous en ferons d’abord abstraction, et la question se réduira à trouver les valeurs de et qui rendront la quantité dont il s’agit le plus petite qu’il est possible ; si le minimum est égal à l’unité, on aura la résolution de l’équation proposée sinon, on sera assuré qu’elle n’admet aucune solution en nombres entiers. Ainsi le Problème présent rentre dans le Problème III du § II, et est susceptible d’une solution semblable. Or, comme l’on a ici (no 65)

il faudra distinguer deux cas, suivant que sera positif ou négatif.

Premier cas, lorsque

67. Suivant la méthode du no 32, il faudra réduire en fraction continue la fraction prise positivement : c’est ce qu’on exécutera par la règle du no 4 ; ensuite on formera par les formules du no 10 la série des fractions convergentes vers et il n’y aura plus qu’à essayer successivement les numérateurs de ces fractions pour le nombre et les dénominateurs correspondants pour le nombre Si la proposée est résoluble en nombres entiers, on trouvera de cette manière les valeurs satisfaisantes de et et réciproquement, on sera assuré que la proposée n’admet aucune solution en nombres entiers ; si, parmi les nombres qu’on aura essayés, il ne s’en trouve point de satisfaisants.

Second cas, lorsque

68. On fera usage ici de la méthode des nos 33 et suivants ; ainsi, à cause de on considérera d’abord la quantité (no  39)

dans laquelle il faudra déterminer les signes tant de la valeur de que nous avons vue pouvoir être également positive et négative, que de en sorte qu’elle devienne positive ; ensuite on fera le calcul suivant :

et l’on continuera seulement ces séries jusqu’à ce que deux termes correspondants de la première et de la seconde série reparaissent ensemble. Alors, si, parmi les termes de la seconde série il s’en trouve un égal à l’unité positive, ce terme donnera une solution de l’équation proposée, et les valeurs de et seront les termes correspondants des deux séries et calculées par les formules du no  25 ; sinon, on en conclura sur-le-champque la proposée n’est pas résoluble en nombres entiers. (Voir l’Exemple du no  40.)

Troisième cas, lorsque à un carré.

69. Dans ce cas le nombre deviendra rationnel, et la quantité

pourra se décomposer en deux facteurs rationnels. En effet, cette quantité n’est autre chose que celle-ci

laquelle, en supposant peut se mettre sous cette forme

Or, comme

il faudra que le produit de par soit divisible par et par conséquent que l’un de ces deux nombres et soit divisible par un des facteurs de et l’autre par le facteur réciproque. Supposons donc et que et et étant des nombres entiers, et la quantité précédente deviendra le produit de ces deux facteurs linéaires et donc, puisque ces deux facteurs sont égaux à des nombres entiers, il est clair que leur produit ne saurait être comme l’équation proposée le demande, à moins que chacun d’eux ne soit en particulier On fera donc

et l’on déterminera par là les nombres et si ces nombres se trouvent entiers, on aura la solution de l’équation proposée ; sinon, elle sera insoluble, au moins en nombres entiers.

Seconde méthode.

70. Qu’on pratique sur la formule

des transformations semblables à celles dont nous avons fait usage plus haut (no 54), et je dis qu’on pourra toujours parvenir à une transformée telle que

les nombres étant des nombres entiers, dépendants des nombres donnés en sorte que l’on ait


et que, de plus, ne soit pas plus grand (abstraction faite des signes) que le nombre ni que le nombre les nombres et seront aussi des nombres entiers, mais dépendants des nombres indéterminés et

En effet, soit, par exemple, moindre que et qu’on mette la formule dont il s’agit sous cette forme

en faisant et si n’est pas plus grand que il est clair que cette formule aura déjà d’elle-même les conditions requises ; mais, si est plus grand que alors on supposera et, substituant, on aura la transformée

Or, comme le nombre est indéterminé, on pourra, en le supposant entier, le prendre tel que le nombre ne soit pas plus grand que alors ne surpassera pas Ainsi, si ne surpasse pas non plus la transformée précédente sera déjà dans le cas qu’on a en vue ; mais, si est plus grand que on continuera alors à supposer ce qui donnera la nouvelle transformée

On déterminera le nombre entier en sorte que ne soit pas plus grand que moyennant quoi ne surpassera pas de sorte que l’on aura la transformée cherchée, si ne surpasse pas non plus mais, si surpasse on supposera de nouveau etc.

Or il est visible que ces opérations ne peuvent pas aller à l’infini ; car, puisque est plus grand que et que ne l’est pas, il est clair que sera moindre que de même, est plus grand que et ne l’est pas ; donc sera moindre que et ainsi de suite, de sorte que les nombres formeront une suite décroissante de nombres entiers, laquelle ne pourra par conséquent pas aller à l’infini. On parviendra donc nécessairement à une formule où le coefficient du terme moyen ne sera pas plus grand que ceux des deux termes extrêmes, et qui aura d’ailleurs les autres propriétés que nous avons énoncées ci-dessus, ce qui est évident par la nature même des transformations pratiquées.

Pour faciliter la transformation de la formule

en celle-ci

je désigne par le plus grand des deux coefficients extrêmes et et

par l’autre coefficient ; et, vice versâ, je désigne par la variable dont le carré se trouvera multiplié par et par l’autre variable ; en sorte que la formule proposée prenne cette forme

soit moindre que ensuite je n’aurai qu’à faire le calcul suivant :

où il faut bien remarquer que le signe qui est mis après les lettres n’indique pas une égalité parfaite, mais seulement une égalité aussi approchée qu’il est possible, en tant qu’on n’entend par que des nombres entiers. Je n’ai employé ce signe que faute d’un autre signe convenable.

Ces opérations doivent être continuées jusqu’à ce que, dans la série on trouve un terme, comme qui (abstraction faite du signe) ne surpasse pas la moitié du terme correspondant de la série non plus que la moitié du terme suivant Alors on pourra faire

ou bien

Nous supposerons toujours par la suite qu’on ait pris pour le plus petit des deux nombres

71. L’équation

sera donc réduite à celle-ci

et où n’est ni ni (abstraction faite des signes). Or, étant le plus petit des deux coefficients et qu’on multiplie toute l’équation par ce coefficient et faisant

il est clair qu’elle se changera en celle-ci

dans laquelle il faudra maintenant distinguer les deux cas de positif et de négatif.

Soit :

1o négatif et étant un nombre positif ; l’équation sera donc

Or, comme on aura d’où l’on voit d’abord que les nombres et doivent être de même signe ; d’ailleurs ne doit être ni ni donc ne sera pas donc ou et, puisque est supposé moindre que ou au moins pas plus grand que on aura à plus forte raison ou donc ou donc

On voit par là que l’équation

ne saurait subsister dans l’hypothèse que et soient des nombres entiers, à moins que l’on ne fasse et ce qui demande que soit un nombre carré.

Supposons donc et l’on aura donc, par l’équation

on aura

de sorte que ne saurait être un nombre entier, comme il le doit (hyp.), à moins que ne soit égal à l’unité, soit et par conséquent

De là je tire donc cette conséquence, que l’équation proposée ne saurait étre résoluble en nombres entiers, à moins que ne se trouve égal à l’unité positive. Si cette condition a lieu, alors on fera et l’on remontera de ces valeurs à celles de et

Cette méthode revient, pour le fond, au même que celle du no 67, mais elle a sur celle-là l’avantage de n’exiger aucun tâtonnement.

2o Soit maintenant un nombre positif ; on aura or, comme ne peut pas être plus grand que il est clair que l’équation ne pourra subsister, à moins que ne soit un nombre positif, c’est-à-dire que et ne soient de signes différents. Ainsi sera nécessairement ou tout au plus si de sorte qu’on aura ou et par conséquent ou ou ou

Le cas de ne peut avoir lieu que lorsque est un carré ; par conséquent ce cas est très-facile à résoudre par la méthode donnée plus haut (no 69).

Reste donc le cas où n’est pas carré et dans lequel on aura nécessairement (abstraction faite du signe de ) ; alors l’équation

sera dans le cas du Théorème du no 38, et se résoudra par conséquent par la méthode que nous y avons indiquée.

Ainsi il n’y aura qu’à faire le calcul suivant

qu’on continuera jusqu’à ce que deux termes correspondants de la première et de la seconde série reparaissent ensemble, ou bien jusqu’à ce que dans la série il se trouve un terme égal à l’unité positive, c’est-à-dire car alors tous les termes suivants reviendront dans le même ordre dans chacune des trois séries (no 37). Si dans la série il se trouve un terme égal à on aura la résolution de l’équation proposée ; car il n’y aura qu’à prendre pour et les termes correspondants des séries calculées d’après les formules du no 25 ; et même on pourra frouver une infinité de valeurs satisfaisantes de et en continuant à l’infini les mêmes séries.

Dès qu’on connaîtra deux valeurs de et on aura, par l’équation

celle de , laquelle sera aussi toujours égale à un nombre entier ; ensuite on pourra remonter de ces valeurs de et c’est-à-dire de et à celles de et ou bien de et de (no 70).

Mais si, dans la série il n’y a aucun terme qui soit on en conclura hardiment que l’équation proposée n’admet aucune solution en nombres entiers.

Il est bon de remarquer que, comme la série ainsi que les deux autres et ne dépend que du nombre le calcul une fois fait pour une valeur donnée de servira pour toutes les équations où c’est-à-dire aura la même valeur et c’est en quoi la méthode précédente est préférable à celle du no 68, qui exige un nouveau calcul pour chaque équation.

Au reste, tant que ne passera pas on pourra faire usage de la Table que nous avons donnée au no 41, laquelle contient pour chaque radical les valeurs des termes des deux séries et continuéesjusqu’à ce que l’un des termes devienne après quoi tous les termes suivants de l’une et de l’autre série reviennent dans le même ordre ; de sorte qu’on pourra juger surle-champ, par le moyen de cette Table, de la résolubilité de l’équation

De la manière de trouver toutes les solutions possibles de l’équation lorsqu’on n’en connaît qu’une seule.

72. Quoique, par les méthodes que nous venons de donner, on puisse trouver successivement toutes les solutions de cette équation, lorsqu’elle est résoluble en nombres entiers, cependant on peut parvenir à cet objet d’une manière encore plus simple, que voici :

Qu’on nomme et les valeurs trouvées de et en sorte que l’on ait

et qu’on prenne deux autres nombres entiers et tels que (ce qui est toujours possible, à cause que et sont nécessairement premiers entre eux) ; qu’on suppose ensuite

et étant deux nouvelles indéterminées ; substituant ces expressions dans l’équation

et faisant, pour abréger,

on aura cette transformée

Or on a (hyp.) de plus, si l’on nomme et deux valeurs de et qui satisfassent à l’équation on aura, en général (no 42),

étant un nombre quelconque entier ; donc, mettant ces valeurs dans l’expression de elle deviendra

de sorte que, comme on pourra rendre en prenant

Maintenant je remarque que la valeur de se réduit (après les substitutions et les réductions) à celle-ci

de sorte que, comme on aura

donc, faisant et il viendra savoir ainsi l’équation transformée ci-dessus se changera en celle-ci

or, comme et sont, par l’hypothèse, des nombres entiers, il est facile de voir que et seront aussi des nombres entiers ; car, en tirant leurs valeurs des équations

on a

c’est-à-dire, à cause de

Il n’y aura donc qu’à résoudre en nombres entiers l’équation

et chaque valeur de et de donnera de nouvelles valeurs de et

En effet, substituant dans les valeurs générales de et la valeur du nombre trouvée ci-dessus, on aura

ou bien, à cause de

Donc, mettant ces valeurs de et dans les expressions ci-dessus de et on aura, en général,

73. Tout se réduit donc à résoudre l’équation

Or :

1o Si est un nombre négatif, il est visible que cette équation ne saurait subsister en nombres entiers, qu’en faisant et ce qui donnerait et d’où l’on peut conclure que, dans le cas où est un nombre négatif, l’équation proposée

ne peut jamais admettre qu’une seule solution en nombres entiers.

Il en serait de même si était un nombre positif carré ; car, faisant on aurait

donc

donc donc et par conséquent

2o Mais, si est un nombre positi\int non carré, alors l’équations

est toujours susceptible d’une infinité de solutions en nombres entiers (no 37), qu’on peut trouver toutes par les formules données ci-dessus (no 71, 2o) ; mais il suffira de trouver les plus petites valeurs de et et pour cela, dès que l’on sera parvenu, dans la série à un terme égal à l’unité, il n’y aura qu’à calculer, par les formules du no 25, les termes correspondants des deux séries et Ce seront les valeurs cherchées de et d’où l’on voit que le même calcul qu’on aura fait pour la résolution de l’équation

servira aussi pour celle de l’équation

Au reste, tant que ne passe pas on a les plus petites valeurs de et toutes calculées dans la Table[14] qui est à la fin du Chapitre VII du Traité précédent, et dans laquelle les nombres sont les mêmes que ceux que nous appelons ici et

74. Désignons par les plus petites valeurs de dans l’équation

et de même que ces valeurs peuvent servir à trouver de nouvelles va-

leurs de et dans l’équation

de même aussi elles pourront servir à trouver de nouvelles valeurs de et dans l’équation

qui n’est qu’un cas particulier de celle-là. Pour cela, il n’y aura qu’à supposer et ce qui donne et prendre ensuite à la place de et à la place de Faisant donc ces substitutions dans les expressions générales de et du no 72, et mettant de plus à la place de on aura, en général,

et pour la détermination de et l’équation

qui est semblable à la proposée.

Ainsi on pourra supposer et ce qui donnera

Nommant donc les secondes valeurs de et on aura

Maintenant il est clair qu’on peut prendre ces nouvelles valeurs à la place des premières ainsi l’on aura

où l’on peut supposer de nouveau ce qui donnera

Ainsi on aura de nouvelles valeurs de et lesquelles seront

et ainsi de suite.

75. La méthode précédente ne fait trouver que successivement les valeurs Voyons maintenant comment on peut généraliser cette recherche. On a d’abord

d’où je tire cette combinaison

donc, supposant et on aura

Qu’on mette à présent ces valeurs de et à la place de celles de et on aura

où, faisant de nouveau et et nommant les valeurs résultantes de et il viendra

On trouvera de même

et ainsi de suite.

Donc si, pour plus de simplicité, on nomme maintenant et les premières et plus petites valeurs de que nous avons nommées ci-dessus on aura, en général,

étant un nombre quelconque entier positif ; d’où l’on tire, à cause de l’ambiguïté des signes,

Quoique ces expressions paraissent sous une forme irrationnelle, cependant il est aisé de voir qu’elles deviendront rationnelles, en développant les puissances de car on a, comme l’on sait,

Donc

où l’on pourra prendre pour des nombres quelconques entiers positifs.

Il est clair qu’en faisant successivement on aura des valeurs de et qui iront en augmentant.

Or je vais prouver que l’on aura de cette manière toutes les valeurs possibles de et pourvu que et en soient les plus petites. Pour cela il suffit de prouver qu’entre les valeurs de et qui répondent à un nombre quelconque et celles qui répondraient au nombre suivant il est impossible qu’il se trouve des valeurs intermédiaires qui puissent satisfaire à l’équation

Prenons, par exemple, les valeurs qui résultent de la supposition de et les valeurs qui résultent de la supposition et soient, s’il est possible, d’autres valeurs intermédiaires et qui satisfassent aussi à l’équation

Puisque l’on a

on aura

d’où l’on voit que, si et on aura aussi et De plus, on aura aussi ces autres valeurs de et savoir

qui satisferont à la même équation

car, en les y substituant, on aurait

équation identique à cause de (hyp.)

Or ces deux dernières équations donnent

donc, mettant dans l’expression de à la place de et à la place de on aura

de même, si l’on considère la quantité elle pourra aussi, à cause de se mettre sous la forme

Or, il est facile de voir que la quantité précédente doit être plus petite que celle-ci, à cause de et donc on aura une valeur de qui sera moindre que la quantité mais cette quantité est égale à car

d’où

de plus,

puisque (hyp.) ; donc

de sorte que la valeur de se réduira à

Il s’ensuivrait donc de là qu’on aurait une valeur de ce qui est contre l’hypothèse, puisque est supposé la plus petite valeur possible de donc il ne saurait y avoir des valeurs de et intermédiaires entre celles-ci et Et comme ce raisonnement peut s’appliquer en général à toutes valeurs de et qui résulteraient des formules ci-dessus, en y faisant égal à un nombre entier quelconque, on en peut conclure que ces formules renferment effectivement toutes les valeurs possibles de et

Au reste, il est inutile de remarquer que les valeurs de et de peuvent être également positives ou négatives ; car cela est visible par l’équation même

De la manière de trouver toutes les solutions possibles, en nombres entiers,
des équations indéterminées du second degré à deux inconnues
.

76. Les méthodes que nous venons d’exposer suffisent pour la résolution complète des équations de la forme

mais il peut arriver qu’on ait à résoudre des équations du second degré d’une forme plus composée : c’est pourquoi nous croyons devoir montrer comment il faudra s’y prendre.

Soit proposée l’équation

soient des nombres entiers donnés, et où et soient deux inconnues qui doivent être aussi des nombres entiers.

J’aurai d’abord, par la résolution ordinaire,

d’où l’on voit que la difficulté se réduit à faire en sorte que

soit un carré.

Supposons, pour plus de simplicité,

et il faudra que soit un carré ; supposons ce carré

en sorte que l’on ait l’équation

et, tirant la valeur de on aura

de sorte qu’il ne s’agira plus que de rendre carrée la formule

Donc, si l’on fait encore

on aura à rendre rationnel le radical

c’est à quoi on parviendra par les méthodes données.

Soit en sorte que l’équation à résoudre soit

on aura donc

d’ailleurs on a déjà

Ainsi, dès qu’on aura trouvé les valeurs de et on aura celles de et par les deux équations

Or, comme et doivent être des nombres entiers, il est visible qu’il faudra : 1o que et soient des nombres entiers aussi ; 2o que soit divisible par et qu’ensuite le soit par Ainsi, après avoir trouvé toutes les valeurs possibles de et en. nombres entiers, il restera encore à trouver parmi ces valeurs celles qui pourront rendre et des nombres entiers.

Si est un nombre négatif ou un nombre positif carré, nous avons vu que le nombre des solutions possibles en nombres entiers est toujours limité, de sorte que dans ces cas il n’y aura qu’à essayer successivement pour et les valeurs trouvées ; et, si l’on n’en rencontre aucune qui donne pour et des nombres entiers, on en conclura que l’équation proposée n’admet point de solution de cette espèce.

La difficulté ne tombe-donc que sur le cas où est un nombre positif non carré, cas dans lequel on a vu que le nombre des solutions possibles en entiers peut être infini ; comme l’on aurait alors un nombre infini de valeurs à essayer, on ne pourrait jamais bien juger de la résolubilité de l’équation proposée, à moins d’avoir une règle qui réduise le tâtonnement entre certaines limites c’est ce que nous allons rechercher.

77. Puisqu’on a (no 65)

et (no 72)

il est facile de voir que les expressions générales de et seront de cette forme

étant des nombres entiers connus, et étant donnés par les formules du no 75, dans lesquelles l’exposant peut être un nombre entier positif quelconque. Ainsi la question se réduit à trouver quelle valeur on doit donner à pour que les valeurs de et soient des nombres entiers.

78. Je remarque d’abord qu’il est toujours possible de trouver une valeur de qui soit divisible par un nombre quelconque donné supposant l’équation

deviendra

laquelle est toujours résoluble en nombres entiers ; et l’on trouvera les plus petites valeurs de et en faisant le même calcul qu’auparavant, mais en prenant à la place de Or, comme ces valeurs satisfont aussi à l’équation

elles seront nécessairement renferméesdans les formules du no 75. Ainsi il y aura nécessairement une valeur de qui rendra l’expression de divisible par

Qu’on dénote cette valeur de par et je dis que si, dans les expressions générales de et du numéro cité, on fait la valeur de sera divisible par et celle de étant divisée par donnera pour reste.

Car, si l’on désigne par et les valeurs de et et par et celles où on aura (no 75)

donc

c’est-à-dire, en comparantla partie rationnelle du premier membre avec la rationnelle du second, et l’irrationnelle avec l’irrationnelle,

donc, puisque est divisible par le sera aussi, et laissera le même reste que laisserait mais on a (hyp.) : donc doit être divisible par et même par puisque l’est déjà ; donc et par conséquent aussi étant divisés par laisseront le reste

Maintenant je dis que les valeurs de et qui répondent à un exposant quelconque étant divisées par laisseront les mêmes restes que les valeurs de et qui répondraient à l’exposant car, désignant ces dernières par et on aura

donc

Mais nous venons de trouver ci-dessus

donc on aura

d’où l’on tire, en faisant la multiplication et comparant ensuite les parties rationnelles ensemble et les irrationnelles ensemble,

Or est divisible par et laisse le reste donc laissera le même reste que et le même reste que .

Donc, en général, les restes des valeurs de et répondant aux exposants seront les mêmes que ceux des valeurs qui répondent à l’exposant quelconque .

De là on peut donc conclure que, si l’on veut avoir les restes provenant de la division des termes et qui répondent à par le nombre il suffira de trouver ces restes jusqu’aux termes et inclusivement ; car, après ces termes, les mêmes restes reviendront dans le même ordre, et ainsi de suite à l’infini.

Quant aux termes et auxquels on pourra s’arrêter, ce seront ceux dont l’un sera exactement divisible par et dont l’autre laissera l’unité pour reste ; ainsi il n’y aura qu’à pousser les divisions jusqu’à ce qu’on parvienne aux restes et alors on sera assuré que les termes suivants redonneront toujours les mêmes restes que l’on a déjà trouvés.

On pourrait aussi trouver l’exposant a priori ; car il n’y aurait qu’à faire le calcul indiqué dans le no 71, 2o, premièrement pour le nombre et ensuite pour le nombre et, si l’on nomme le numéro du terme de la série qui, dans le premier cas, sera et le numéro du terme qui sera dans le second cas, on n’aura qu’a chercher le plus petit multiple de et de lequel, étant divisé par donnera la valeur cherchée de

Ainsi, si l’on a, par exemple, et on trouvera dans la Table du no 41, pour le radical

donc ensuite on trouvera dans la même Table, pour le radical

donc or le plus petit multiple de et est qui, étant divisé par donne pour quotient, de sorte qu’on aura ici et

Donc, pour avoir dans ce cas tous les restes de la division des termes et par il suffira de chercher ceux des six premiers termes de l’une et de l’autre série ; car les termes suivants redonneront toujours les mêmes restes, c’est-à-dire que les septièmes termes donneront les mêmes restes que les premiers, les huitièmes les mêmes restes que les seconds, et ainsi de suite à l’infini.

Au reste, il peut arriver quelquefois que les termes et aient les mêmes propriétés que les termes et c’est-à-dire que soit divisible par et que laisse l’unité pour reste. Dans ces cas on pourra s’arrêter à ces mêmes termes ; car les restes des termes suivants seront les mêmes que ceux des termes et ainsi des autres.

En général, nous désignerons par la plus petite valeur de l’exposant qui rendra et divisibles par

79. Supposons maintenant que l’on ait une expression quelconque composée de et et de nombres entiers donnés, de manière qu’elle représente toujours des nombres entiers, et qu’il s’agisse de trouver les valeurs qu’il faudrait donner à l’exposant pour que cette expression devienne divisible par un nombre quelconque donné il n’y aura qu’à faire successivement jusqu’à et, si aucune de ces suppositions ne rend l’expression proposée divisible par on en conclura hardiment qu’elle ne peut jamais le devenir, quelques valeurs qu’on donne à .

Mais, si l’on trouve de cette manière une ou plusieurs valeurs de qui rendent la proposée divisible par alors nommant chacune de ces valeurs, toutes les valeurs possibles de qui pourront faire le même effet seront

et, en général,

étant un nombre entier quelconque.

De même, si l’on avait une autre expression composée de même de et de nombres entiers donnés, laquelle dût être en même temps divisible par un autre nombre quelconque donné on chercherait pareillement les valeurs convenables de et de que nous désignerons ici par et et toutes les valeurs de l’exposant qui pourront satisfaire à la condition proposée seront renfermées dans la formule

étant un nombre quelconque entier. Ainsi il n’y aura plus qu’à chercher les valeurs qu’on doit donner aux nombres entiers et pour que l’on ait

savoir

équation résoluble par la méthode du no 42.

Il est maintenant aisé de faire l’application de ce que nous venons de dire au cas du no 77, où les expressions proposées sont de la forme

et les diviseurs sont et

Il faudra seulement se souvenir de prendre les nombres et successivement en plus et en moins, pour avoir tous les cas possibles.

Exemple I.

80. Soit proposé de rendre rationnelle cette quantité

en ne prenant pour que des nombres entiers.

On aura donc à résoudre cette équation

laquelle, étant multipliée par peut se mettre sous cette forme

ou bien, en faisant et transposant,

Cette équation est donc maintenant dans le cas du no 64, de sorte qu’on aura et d’où l’on voit d’abord que et doivent être premiers entre eux, puisque ce dernier nombre ne renferme aucun facteur carré.

On fera, suivant la méthode du no 65,

et il faudra, pour que l’équation soit résoluble, que l’on puisse trouver pour un nombre entier, positif ou négatif, non c’est-à-dire non tel que ou soit divisible par ou par

Je trouve ce qui donne ainsi je substitue dans l’équation précédente à la place de moyennant quoi elle se trouve toute divisible par et la division faite, elle devient

Pour résoudre cette équation je vais faire usage de la seconde méthode exposée dans le no 70, parce qu’elle est en effet plus simple et plus commode que la première. Or, comme le coefficient de est plus petit que celui de j’aurai ici et donc, retenant pour plus de simplicité la lettre à la place de , et mettant à la place de je ferai le calcul suivant, où je supposerai d’abord

Puisque et par conséquent et on s’arrêtera ici et l’on fera

à cause que est

Maintenant je remarque que, étant et par conséquent négatif, il faut, pour la résolubilité de l’équation, que l’on ait c’est ce que l’on vient de trouver, de sorte qu’on en peut conclure d’abord que la résolution est possible. On supposera donc et l’on aura, par les formules ci-dessus,

les signes ambigus étant à volonté. Donc

et conséquemment

Or, comme on exige que la valeur de soit égale à un nombre entier, on ne pourra prendre que .

Il est remarquable que l’autre valeur de savoir quoique fractionnaire, donne néanmoins un nombre entier pour la valeur du radical et le même nombre que donne la valeur de sorte que ces deux valeurs de seront les racines de l’équation

Nous avons supposé ci-dessus or on peut faire également mais il est facile de voir d’avance que tout le changement qui en résultera dans les formules précédentes, c’est que les valeurs de et de changeront de signe ; moyennant quoi les valeurs de et de deviendront aussi de différents signes, ce qui ne donnera aucun nouveau résultat, puisque ces valeurs ont déjà d’elles-mêmes le signe ambigu

Il en sera de même dans tous les autres cas, de sorte qu’on pourra toujours se dispenser de prendre successivement la valeur de en plus et en moins.

La valeur que nous venons de trouver, résulte de la valeur de on pourrait trouver d’autres valeurs de si l’on trouvait d’autres valeurs de qui eussent la condition requise ; mais, comme le diviseur est un nombre premier, il ne saurait y avoir d’autres valeurs de de la même qualité, comme nous l’avons démontré ailleurs [Mémoires de Berlin pour l’année 1767, page 194[15]], d’où il faut conclure que le nombre est le seul qui puisse satisfaire à la question.

J’avoue, au resté, qu’on peut résoudre le Problème précédent avec plus de facilité par le simple tâtonnement ; car, dès qu’on est parvenu à l’équation

il n’y aura qu’à essayer pour tous les nombres entiers dont les carrés multipliés par ne surpasseront pas c’est-à-dire tous les nombres

Il en est de même de toutes les équations où est un nombre négatif ; car, dès qu’on est arrivé à l’équation

ou, en faisant


il est clair que les valeurs satisfaisantes de , s’il y en a, ne pourront se trouver que parmi les nombres Aussi n’ai-je donné des méthodes particulières, pour le cas de négatif, que parce que ces méthodes ont une liaison intime avec celles qui concernent le cas de positif, et que toutes ces méthodes, étant ainsi rapprochées les unes des autres, peuvent se prêter un jour mutuel et acquérir un plus grand degré d’évidence.

Exemple II.

81. Donnons maintenant quelques Exemples pour le cas de positif, et soit proposé de trouver tous les nombres entiers qu’on pourra prendre pour en sorte que la quantité radicale

devienne rationnelle.

On aura ici, no 64, et l’équation à résoudre en entiers sera

dans laquelle, à cause que n’est divisible par aucun carré, sera nécessairement premier à

On fera donc (no 65)

et il faudra que soit divisible par en prenant

Je trouve ce qui donne

ainsi l’on pourra prendre et substituant, au lieu de on aura une équation toute divisible par qui, la division faite, sera

Employons encore, pour résoudre cette équation, la méthode du no 70 ; faisons mais, au lieu de la lettre nous conserverons la lettre et nous changerons seulement en comme dans l’exemple précédent.

Soit : 1o on fera le calcul suivant :

Comme et conséquemment et on s’arrêtera ici et l’on aura la transformée

ou bien

laquelle, étant réduite à cette forme

sera susceptible de la méthode du no 71, 2o ; et, comme est on pourra faire usage de la Table du no 41.

Ainsi il n’y aura qu’à voir si, dans la série supérieure des nombres qui répondent à il se trouve le nombre dans une place paire ; car il faut, pour que l’équation précédente soit résoluble, que dans la série il se trouve un terme mais on a donc, etc. Or, dans la série on trouve justement à la sixième place, en sorte que donc on aura une solution de l’équation proposée, en prenant et les nombres étant calculés d’après les formules du no 25, en donnant à les valeurs qui forment la série inférieure des nombres répondant à dans la même Table.

On aura donc

Donc et donc

Nous avons supposé ci-dessus mais on peut aussi prendre

Soit donc : 2o on fera

ainsi l’on aura les mêmes valeurs de et qu’auparavant, de sorte que la transformée en et sera aussi la même.

On aura donc aussi et donc

Nous avons donc trouvé deux valeurs de avec les valeurs correspondantes de ou et ces valeurs résultent de la supposition de or, comme on ne peut trouver aucune autre valeur de qui ait les conditions requises, il s’ensuit que les valeurs précédentes seront les seules valeurs primitives que l’on puisse avoir ; mais on pourra ensuite en trouver une infinité de dérivées par la méthode du no 72.

Prenant donc ces valeurs de et pour et on aura, en général (numéro cité),

ou

et il n’y aura plus qu’à tirer les valeurs de et de l’équation

Or ces valeurs se trouvent déjà toutes calculées dans la Table qui est à la fin du Chapitre VII du Traité précédent ; on aura donc sur-le-champ et de sorte que, prenant ces valeurs pour et dans les formules du no 75, on aura en général

où l’on pourra donner à telle valeur qu’on voudra, pourvu qu’on ne prenne que des nombres entiers positifs.

Or, comme les valeurs de et peuvent être prises tant en plus qu’en moins, les valeurs de qui peuvent satisfaire à la question seront toutes renfermées dans ces deux formules

les signes ambigus étant à volonté.

Si l’on fait on aura et donc

et cette dernière valeur sera la plus petite qui puisse résoudre le Problème.

Nous avons déjà résolu ce même Problème dans les Mémoires de Berlin pour l’année 1768, page 243[16] ; mais, comme nous y avons fait usage d’une méthode un peu différente de la précédente, et qui revient au même pour le fond que la première méthode du no 66 ci-dessus, nous avons cru devoir le redonner ici, pour que la comparaison des résultats, qui sont les mêmes par l’une et l’autre méthode, puisse leur servir de confirmation, s’il en est besoin.

Exemple III.

82. Soit proposé encore de trouver des nombres entiers qui, étant pris pour rendent rationnelle la quantité

On aura donc à résoudre en entiers l’équation

dans laquelle sera premier à puisque ce nombre ne renferme aucun facteur carré.

Qu’on suppose donc

et il faudra que soit divisible par en prenant on trouve ce qui donne

Ainsi l’on pourra prendre et ces valeurs seront les seules qui aient la condition requise.

Substituant donc à la place de et divisant toute l’équation par on aura cette transformée

On fera donc et, prenant d’abord en plus, on opérera comme dans l’Exemple précédent ; on aura ainsi

Or, comme est déjà et il ne sera pas nécessaire d’aller plus loin ; ainsi l’on aura la transformée

laquelle, étant multipliée par pourra se mettre sous cette forme

Puisque donc est si cette équation est résoluble, il faudra que le nombre se trouve parmi les termes de la série supérieure des nombres qui répondent à dans la Table du no 41, et même que ce nombre y occupe une place paire, puisqu’il a le signe Mais la série dont il s’agit ne renferme que les nombres qui reviennent toujours ; donc on doit conclure sur-le-champ que la dernière équation n’est pas résoluble, et qu’ainsi la proposée ne l’est pas, au moins, d’après la valeur de

Il ne reste donc qu’à essayer l’autre valeur laquelle donnera

de sorte qu’on aura cette autre transformée,

laquelle se réduit à la forme

qui est semblable à la précédente ; d’où je conclus que l’équation proposée n’admet absolument aucune solution en nombres entiers.

Remarque.

83. Euler, dans un excellent Mémoire imprimé dans le tome IX des nouveaux Commentaires de Pétersbourg, trouve par induction cette règle, pour juger de la résolubilité de toute équation de la forme

lorsque est un nombre premier ; c’est que l’équation doit être possible toutes les fois que sera de la forme ou mais l’Exemple précédent met cette règle en défaut ; car est un nombre premier de la forme en faisant et cependant l’équation

n’admet aucune solution en nombres entiers.

Si la règle précédente était vraie, il s’ensuivrait que, si l’équation

est possible lorsque a une valeur quelconque elle le serait aussi en prenant pourvu que fût un nombre premier. On pour-

rait limiter cette dernière règle, en exigeant que fût aussi un nombre premier ; mais avec cette limitation même elle se trouverait démentie par l’Exemple précédent, car on a en prenant et Or est un nombre premier de la forme en faisant et cependant n’est pas de la même forme
§ VIII. — Remarques sur les équations de la forme et sur la manière ordinaire de les résoudre en nombres entiers.

84. La méthode du Chapitre VII du Traité précédent, pour résoudre les équations de cette espèce, est la même que celle que Wallis donne dans son Algèbre (Chapitre XCVIII), et qu’il attribue à mylord Brouncker ; on la trouve aussi dans l’Algèbre d’Ozanam, qui en fait honneur à Fermat. Quoi qu’il en soit de l’inventeur de cette méthode, il est au moins certain que Fermat est l’Auteur du Problème qui en fait l’objet ; il l’avait proposé comme un défi à tous les géomètres anglais, ainsi qu’on le voit par le Commercium epistolicum de Wallis c’est ce qui donna occasion à mylord Brouncker d’inventer la méthode dont nous parlons ; mais il ne paraît pas que cet Auteur ait connu toute l’importance du Problème qu’il avait résolu on ne trouve même rien sur ce sujet dans les écrits qui nous sont restés de Fermat, ni dans aucun des Ouvrages du siècle passé où l’on traite de l’Analyse indéterminée. Il est bien naturel de croire que Fermat, qui s’était principalement occupé de la Théorie des nombres entiers, sur lesquels il nous a d’ailleurs laissé de très-beaux théorèmes, avait été conduit au Problème dont il s’agit par les recherches qu’il avait faites sur la résolution générale des équations de la forme

auxquelles se réduisent toutes les équations du second degré à deux inconnues cependant ce n’est qu’à Euler que nous devons la remarque que ce Problème est nécessaire pour trouver toutes les solutions possibles de ces sortes d’équations. (Voir le Chapitre VI ci-dessus, le tome VI des anciens Commentaires de Pétersbourg, et le tome IX des nouveaux.)

La méthode que nous avons suivie pour démontrer cette proposition est un peu différente de celle d’Euler, mais aussi est-elle, si je ne me trompe, plus directe et plus générale ; car, d’un côté, la méthode d’Euler conduit naturellement à des expressions fractionnaires lorsqu’il s’agit de les éviter, et de l’autre on ne voit pas clairement que les suppositions qu’on y fait pour faire disparaître les fractions soient les seules qui puissent avoir lieu. En effet, nous avons fait voir ailleurs qu’il ne suffit pas toujours de trouver une seule solution de l’équation

pour pouvoir en déduire toutes les autres à l’aide de l’équation

et qu’il peut y avoir souvent, au moins lorsque n’est pas un nombre premier, des valeurs de et qui ne sauraient être renfermées dans les expressions générales d’Euler. [Voir le no 45 de mon Mémoire sur les Problèmes indéterminés, dans les Mémoires de Berlin, année 1767[17].]

Quant à la méthode de résoudre les équations de la forme

il nous semble que celle du Chapitre VII, quelque ingénieuse qu’elle soit, est encore assez imparfaite ; car 1o elle ne fait pas voir que toute équation de ce genre est toujours résoluble en nombres entiers, lorsque est un nombre positif non carré ; 2o il n’est pas démontré qu’elle doive faire parvenir toujours à la résolution cherchée. Wallis, il est vrai, a prétendu prouver la première de ces deux propositions ; mais sa démonstration n’est, si j’ose le dire, qu’une simple pétition de principe. (Voir le Chapitre XCIX de son Algèbre.) Je crois donc être le premier qui en ait donné une tout à fait rigoureuse ; elle se trouve dans les Mélanges de Turin, tome IV[18] ; mais elle est très-longue et très-indirecte ; celle du no 37 ci-dessus est tirée des vrais principes de la chose, et ne laisse, ce me semble, rien à désirer. Cette méthode nous met aussi en état d’apprécier celle du Chapitre VII, et de reconnaître les inconvénients où l’on pourrait tomber si on la suivait sans aucune précaution ; c’est ce que nous allons discuter.

85. De ce que nous avons démontré dans le § II, il s’ensuit que les valeurs de et qui satisfont à l’équation ne peuvent être que les termes de quelqu’une des fractions principales déduites de la fraction continue qui exprimerait la valeur de de sorte que, supposant cette fraction continue représentée ainsi

on aura nécessairement

étant un terme quelconque de la série infinie dont le quantième ne peut se déterminer qu’a posteriori.

Il faut remarquer que dans cette fraction continue les nombres doivent être tous positifs, quoique nous ayons vu dans le no 3 qu’on peut, en général, dans les fractions continues, rendre les dénominateurs positifs ou négatifs, suivant que l’on prend les valeurs approchées plus petites ou plus grandes que les véritables ; mais la méthode du Problème I (nos 23 et suivants) exige absolument que les valeurs approchées soient toutes prises en défaut.

86. Maintenant, puisque la fraction est égale à une fraction continue dont les termes sont il est clair, par le no 4, que sera le quotient de divisé par que sera celui de divisé par le reste, celui de ce reste divisé par le second reste, et ainsi de suite ; de sorte que, nommant les restes dont il s’agit, on aura, par la nature de la division,

où le dernier reste sera nécessairement et l’avant-dernier à cause que et sont des nombres premiers entre eux. Ainsi sera la valeur entière approchée de celle de celle de etc., ces valeurs étant toutes prises moindres que les véritables, à l’exception de la dernière qui sera exactement égale à la fraction correspondante, à cause que le reste suivant est supposé nul.

Or, comme les nombres sont les mêmes pour la fraction continue qui exprime la valeur de et pour celle qui exprime la valeur de on peut prendre, jusqu’au terme c’est-à-dire Ainsi on cherchera d’abord la valeur approchée en défaut de c’est-à-dire de et ce sera la valeur de ensuite on substituera dans à la place de sa valeur ce qui donnera

et l’on cherchera de nouveau la valeur approchée en défaut de c’est-à-dire de la racine positive de l’équation

et l’on aura la valeur de

On continuera à substituer dans la transformée

à la place de on aura une équation dont la racine sera on prendra la valeur approchée en défaut de cette racine, et l’on aura la valeur de On substituera à la place de etc.

Supposons maintenant que soit, par exemple, le dernier reste, qui doit être nul ; sera l’avant-dernier, qui doit être donc, si la transformée en et de la formules est

il faudra qu’en y faisant et elle devienne pour que l’équation proposée ait lieu ; donc devra être Ainsi il n’y aura qu’à continuer les opérations et les transformations ci-dessus jusqu’à ce que l’on parvienne à une transformée où le coefficient du premier terme soit égal à l’unité ; alors on fera dans cette formule la première des deux indéterminées, comme égale à et la seconde, comme égale à zéro, et en remontant on aura les valeurs convenables de et

On pourrait aussi opérer sur l’équation même en ayant seulement soin de faire abstraction du terme tout connu et par conséquent aussi des autres termes tout connus qui peuvent résulter de celui-ci, dans la détermination des valeurs approchées de dans ce cas on essayera, à chaque nouvelle transformation, si l’équation transformée peut subsister en y faisant l’une des deux indéterminées et l’autre quand on sera parvenu à une pareille transformée, l’opération sera achevée, et il n’y aura plus qu’à revenir sur ses pas pour avoir les valeurs cherchées de et de .

Nous voilà donc conduits à la méthode du Chapitre VII. À examiner cette méthode en elle-même et indépendamment des principes d’où nous venons de la déduire, il doit paraître assez indifférent de prendre les valeurs approchées de plus petites ou plus grandes que les véritables, d’autant que, de quelque manière qu’on prenne ces valeurs, celles de doivent aller également en diminuant jusqu’à zéro (no 6).

Aussi, Wallis remarque-t-il expressément qu’on peut employer à volonté les limites en plus ou en moins pour les nombres et il propose même ce moyen comme propre à abréger souvent le calcul c’est aussi ce que Euler fait observer dans le no 102 et suivant du Chapitre cité ; cependant je vais faire voir par un exemple qu’en s’y prenant de cette manière on peut risquer de ne jamais parvenir à la solution de l’équation proposée.

Prenons l’Exemple du no 101 du même Chapitre, où il s’agit de résoudre une équation de cette forme

On aura donc et, négligeant le terme constant donc et prenons la limite en moins, et faisons et ensuite substituant donc cette valeur, on aura

donc

ou bien, en rejetant le terme constant

et

Prenons de nouveau la limite en moins, et faisons la dernière équation deviendra

où l’on voit d’abord qu’on peut supposer et ainsi l’on aura

Maintenant reprenons la première transformée

où nous avons vu que et et, au lieu de prendre la limite en

moins, prenons-la en plus, c’est-à-dire, supposons ou bien, puisque doit être alors une quantité négative, on aura la transformée suivante

laquelle donnera

donc, négligeant le terme constant

et

Prenons de nouveau la limite en plus, et faisons on aura

donc

donc, rejetant le terme

et

Qu’on continue à prendre les limites en plus, et qu’on fasse il viendra

donc

donc

et

Faisons donc de même on aura

donc, etc.

Continuant de cette manière à prendre toujours les limites en plus, on ne trouvera jamais de transformée où le coefficient du premier terme soit égal à l’unité, comme il le faut, pour qu’on puisse trouver une solution de la proposée.

La même chose arrivera nécessairement toutes les fois qu’on prendra la première limite en moins et les suivantes toutes en plus ; je pourrais en donner la raison a priori ; mais, comme le lecteur peut la trouver aisément par les principes de notre Théorie, je ne m’y arrêterai pas. Quant à présent, il me suffit d’avoir montré la nécessité de traiter ces sortes de Problèmes d’une manière plus rigoureuse et plus profonde qu’on ne l’avait encore fait.

§ IX. — De la manière de trouver des fonctions algébriques de tous les degrés, qui, étant multipliées ensemble, produisent toujours des fonctions semblables.
(Addition pour les Chapitres XI et XII.)

87. Je crois avoir eu, en même temps qu’Euler, l’idée de faire servir les facteurs irrationnels et même imaginaires des formules du second degré à trouver les conditions qui rendent ces formules égales à des carrés ou à des puissances quelconques ; j’ai lu sur ce sujet à l’Académie, en 1768, un Mémoire qui n’a pas été imprimé, mais dont j’ai donné un précis à la fin de mes Recherches sur les Problèmes indéterminés, qui se trouvent dans le volume pour l’année 1767[19], lequel a paru en 1769, avant même la traduction allemande de l’Algèbre d’Euler.

J’ai fait voir, dans l’endroit que je viens de citer, comment on peut étendre la même méthode à des formules de degrés plus élevés que le second ; et j’ai par ce moyen donné la solution de quelques équations dont il aurait peut-être été fort difficile de venir à bout par d’autres voies. Je vais maintenant généraliser encore davantage cette méthode, qui me paraît mériter particulièrement l’attention des géomètres par sa nouveauté et par sa singularité.

88. Soient et les deux racines de l’équation du second degré

et considérons le produit de ces deux facteurs

qui sera nécessairement réel ; ce produit sera

or on a et par la nature de l’équation donc on aura cette formule du second degré

laquelle est composée des deux facteurs

Maintenant il est visible que, si l’on a une formule semblable

et qu’on veuille les multiplier l’une par l’autre, il suffira de multiplier ensemble les deux facteurs et les deux ensuite les deux produits l’un par l’autre. Or le produit de par est

mais, puisque est une des racines de l’équation

on aura

donc, substituant cette valeur de dans la formule précédente, elle deviendra

de sorte qu’en faisant, pour plus de simplicité,

le produit des deux facteurs sera

et par conséquent de la même forme que chacun d’eux. On trouvera de même que le produit des deux autres facteurs et sera

de sorte que le produit total sera

C’est le produit des deux formules semblables

Si l’on voulait avoir le produit de ces trois formules semblables

il n’y aurait qu’à trouver celui de la formule

par la dernière et il est visible par les formules ci-dessus qu’en faisant

le produit cherché serait

On pourra trouver de même le produit de quatre ou d’un plus grand nombre de formules semblables à celle-ci

et ces produits seront toujours aussi de la même forme.

89. Si l’on fait et on aura

et par conséquent

Donc, si l’on veut trouver des valeurs rationnelles de et telles que la formule

devienne un carré, il n’y aura qu’à donner à et à les valeurs précédentes, et l’on aura pour la racine du carré la formule

et étant deux indéterminées.

Si l’on fait de plus et on aura

c’est-à-dire, en substituant les valeurs précédentes de et

donc

Ainsi, si l’on proposait de trouver des valeurs rationnelles de et telles que la formule

devînt un cube, il n’y aurait qu’à donner à et les valeurs précédentes, moyennant quoi on aurait un cube dont la racine serait

et étant deux indéterminées.

On pourrait résoudre d’une manière semblable les questions où il s’agirait de produire des puissances quatrièmes, cinquièmes,… ; mais on peut aussi trouver immédiatement des formules générales pour une puissance quelconque sans passer par les puissances inférieures.

Soit donc proposé de trouver des valeurs rationnelles de et telles que la formule

devienne une puissance c’est-à-dire qu’il s’agisse de résoudre l’équation

Comme la quantité est formée du produit des deux facteurs et il faudra, pour que cette quantité devienne une puissance de degré que chacun de ses deux facteurs devienne aussi une semblable puissance.

Faisons donc d’abord

et, développant cette puissance par le théorème de Newton, on aura

Or, puisque est une des racines de l’équation

on aura aussi

donc

et ainsi de suite. Ainsi il n’y aura qu’à substituer ces valeurs dans la formule précédente, et elle se trouvera par là composée de deux parties, l’une toute rationnelle qu’on comparera à et l’autre toute multipliée par la racine qu’on comparera à

Si l’on fait, pour plus de simplicité,

on aura

Donc, substituant ces valeurs et comparant, on aura

Or, comme la racine n’entre point dans les expressions de et il est clair qu’ayant

on aura aussi

donc, multipliant ces deux équations l’une par l’autre, on aura

et par conséquent

Ainsi le Problème est résolu.

Si était les formules précédentes deviendraient beaucoup plus simples ; car on aurait

et de même

donc

et ces valeurs satisferont à l’équation

90. Passons maintenant aux formules de trois dimensions ; pour cela nous désignerons par les trois racines de l’équation du troisième degré,

et nous considérerons ensuite le produit de ces trois facteurs

lequel sera nécessairement rationnel, comme on va le voir. La multiplication faite, on aura le produit suivant

or, par la nature de l’équation, on a

de plus, on trouvera

donc, faisant ces substitutions, le produit dont il s’agit sera

Et cette formule aura la propriété que, si l’on multiplie ensemble autant de semblables formules que l’on voudra, le produit sera toujours aussi une formule semblable.

En effet, supposons qu’on demande le produit de cette formule-là par cette autre-ci

il est clair qu’il n’y aura qu’à chercher celui de ces six facteurs

qu’on multiplie d’abord par on aura ce produit partiel

or, étant une des racines de l’équation

on aura

donc

de sorte qu’en substituant ces valeurs et faisant, pour abréger,

le produit dont il s’agit deviendra de cette forme

c’est-à-dire de la même forme que chacun des produisants. Or, comme la racine n’entre point dans les valeurs de il est clair que ces quantités seront les mêmes en changeant en ou en donc, puisque l’on a déjà

on aura aussi, en changeant en

et, en changeant en

donc, multipliant ces trois équations ensemble, on aura d’un côté le produit des deux formules proposées, et de l’autre la formule

qui sera donc égale au produit demandé, et qui est, comme l’on voit, de la même forme que chacune des deux formules dont elle est composée.

Si l’on avait une troisième formule telle que celle-ci

et qu’on voulût avoir le produit de cette formule et des deux précédentes, il est clair qu’il n’y aurait qu’à faire

et l’on aurait pour le produit cherché

94. Faisons maintenant nous aurons

et ces valeurs satisferont à l’équation

en prenant

donc, si l’on avait, par exemple, à résoudre une équation de cette forme,

étant des quantités quelconques données, il n’y aurait qu’à

rendre en faisant

d’où l’on tire

et, substituant cette valeur de dans les expressions précédentes de et on aura des valeurs très-généralesde ces quantités, qui satisferont l’équation proposée.

Cette solution mérite d’être bien remarquée à cause de sa généralité et de la manière dont nous y sommes parvenus, qui est peut-être l’unique qui puisse y conduire facilement.

On aurait de même la résolution de l’équation

en faisant, dans les formules ci-dessus,

et prenant

Et l’on pourrait résoudre aussi successivement les cas où, au lieu de la troisième puissance on aurait mais nous allons traiter ces questions d’une manière tout à fait générale, comme nous l’avons fait dans le no 90 ci-dessus.

92. Soit donc proposé de résoudre une équation de cette forme

Puisque la quantité qui forme le premier membre de cette équation n’est autre chose que le produit de ces trois facteurs

il est clair que, pour rendre cette quantité égale à une puissance du degré il ne faudra que rendre chacun de ses facteurs en particulier égal à une pareille puissance. Soit donc

on commencera par développer la puissance de par le théorème de Newton, ce qui donnera

ou bien, en formant les différentes puissances de et ordonnant ensuite par rapport aux dimensions de

Mais, comme dans cette formule on ne voit pas aisément la loi des termes, nous supposerons, en général,

et l’on trouvera

c’est ce qui se démontre facilement par le Calcul différentiel.

Maintenant on aura, à cause que est une des racines de l’équation

on aura, dis-je,

donc

et ainsi de suile.

De sorte que, si l’on fait, pour plus de simplicité,

on aura

Substituant donc ces valeurs dans l’expression de

elle se trouvera composée de trois parties, l’une toute rationnelle, l’autre toute multipliée par et la troisième toute multipliée par ainsi il n’y aura qu’à comparer la première à la deuxième à et la troisième à et l’on aura par ce moyen

Ces valeurs satisferont donc à l’équation

et, comme la racine n’entre point en particulier dans les expressions de et il est clair qu’on pourra changer en ou en de sorte qu’on aura également

Or, multipliant ensemble ces trois équations, il est visible que le premier membre sera le même que celui de l’équation proposée, et que le second sera égal à une puissance dont la racine étant nommée on aura

Ainsi on aura les valeurs demandées de et lesquelles renfermeront trois indéterminées

93. Si l’on voulait trouver des formules de quatre dimensions qui eussent les mêmes propriétés que celles que nous venons d’examiner, il faudrait considérer le produit de quatre facteurs de cette forme,

en supposant que fussent les racines d’une équation du quatrième degré, telle que celle-ci

on aura ainsi

moyennant quoi on pourra déterminer tous les coefficients des différents termes du produit dont il s’agit, sans connaître les racines en particulier ; mais, comme il faudra faire pour cela différentes réductions qui peuvent ne pas se présenter facilement, on pourra s’y prendre, si on le juge plus commode, de la manière que voici.

Qu’on suppose, en général,

et, comme est déterminé par l’équation

qu’on chasse de ces deux équations par les règles connues, et l’équa-

tion résultante de l’évanouissement de étant ordonnée par rapport à l’inconnue montera au quatrième degré, de sorte qu’elle pourra se mettre sous cette forme

Or cette équation en ne monte au quatrième degré que parce que peut avoir les quatre valeurs et qu’ainsi peut avoir aussi ces quatre valeurs correspondantes

lesquelles ne sont autre chose que les facteurs dont il s’agit d’avoir le produit ; donc, puisque le dernier terme doit être le produit de toutes les quatre racines ou valeurs de il s’ensuit que cette quantité sera le produit demandé.

Mais en voilà assez sur ce sujet, que nous pourrons peut-être reprendre dans une autre occasion.

Je terminerai ici ces Additions, que les bornes que je me suis prescrites ne me permettent pas d’étendre plus loin ; peut-être même les trouvera-t-on déjà trop longues ; mais les objets que j’y ai traités étant d’un genre assez nouveau et peu connu, j’ai cru devoir entrer dans plusieurs détails nécessaires pour se mettre bien au fait des méthodes que j’ai exposées, et de leurs différents usages.


Séparateur

table des matières
contenues
dans les additions à l’analyse indéterminée.


Pages
avertissement.
5
§ I. Sur les fractions continues considérées par rapport à l’Arithmétique.
8
§ II. Méthodes pour déterminer les nombres entiers qui donnent les minima
des formules indéterminées à deux inconnues.
45
§ III. Sur la résolution des équations du premier degré à deux inconnues
en nombres entiers.
89
§ IV. Méthode pour résoudre en nombres entiers les équations indéterminées
à deux inconnues, lorsque l’une des inconnues ne passe pas le
premier degré, et lorsque les deux inconnuesne forment que des
produits d’une même dimension.
95
§ V. Méthode directe et générale pour trouver les valeurs de qui
peuvent rendre rationnelles les quantités de la forme
et pour résoudre en nombres rationnels les équations indéterminées
du second degré à deux inconnues, lorsqu’elles admettent des solutions
de cette espèce.
100
Résolution de l’équation en nombres entiers.
102
§ VI. Sur les doubles et triples égalités.
114
§ VII. Méthode directe et générale pour trouver toutes les valeurs de
exprimées en nombres entiers, par lesquelles on peut rendre
rationnelles les quantités de la forme et étant
des nombres entiers donnés, et pour trouver aussi toutes les solutions
possibles en nombres entiers des équations indéterminées du
second degré à deux inconnues
118
Résolution de l’équation en nombres entiers.
121
Première méthode.
122
Seconde méthode.
125
De la manière de trouver toutes les solutions possibles de
l’équation lorsqu’on en connaît une seule.
131
De la manière de trouver toutes les solutions possibles en nombres
entiers des équations du second degré à deux inconnues.
140
§ VIII. Remarques sur les équations de la forme et sur
la manière ordinaire de les résoudre en nombres entiers.
157
§ IX. De la manière de trouver des fonctions algébriques de tous les degrés,
qui, étant multipliées ensemble, produisent toujours
des fonctions semblables
164
Séparateur

  1. Voyez plus bas le § III. Au reste, je ne parle point ici de son Commentaire sur Diophante, parce que cet Ouvrage, excellent dans son genre, ne renferme, à proprement parler, aucune découverte.
  2. Ce sont celles qui sont exposées dans les Chapitres VIII, IX et X du Traité précédent. Billi les a recueillies dans différents écrits de Fermat, et les a publiées à la tête de la nouvelle édition de Diophante, donnée par Fermat le fils.
  3. Cette méthode est détaillée dans le Chapitre XIII du Traité précédent ; on en trouve les principes dans la Remarque de Fermat, qui est après la Question XXVI du Livre VI de Diophante.
  4. Les Problèmes et les Théorèmes dont nous parlons sont répandus dans les Remarques de Fermat sur les Questions de Diophante, et dans ses Lettres imprimées dans les Opera mathematica,…, et dans le second volume des Œuvres de Wallis.

    On trouvera aussi dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, pour les années 1770 et suivantes, les démonstrations de quelques Théorèmes de cet Auteur, qui n’avaient pas encore été démontrés.

  5. Dans cette nouvelle édition on a fait quelques changements à l’analyse du Problème I du § II, pour la rendre plus directe et plus facile à suivre.
  6. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 538 et 581.
  7. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 538 et 581.
  8. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 538 et 581.
  9. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 538 et 581.
  10. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 655.
  11. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 377.
  12. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 581.
  13. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 377 et 655.
  14. Voici encore quelques exemples, lorsque est plus grand que  :

    et si il viendra

  15. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 377.
  16. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 719.
  17. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 457.
  18. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 671.
  19. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 377.