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Œuvres de Lagrange/Pièces diverses/Nouvelle méthode pour déterminer l’orbite des comètes d’après les observations

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NOUVELLE MÉTHODE
POUR
DÉTERMINER L’ORBITE DES COMÈTES
D’APRÈS LES OBSERVATIONS[1].


(Connaissance des Temps ou des Mouvements célestes, à l’usage des Astronomes et des Navigateurs, pour l’an 1821 ; publiée par le Bureau des Longitudes. 1818.)


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1. Les méthodes que l’on a proposées jusqu’ici pour déterminer l’orbite des comètes, d’après les observations, ne demandent que trois lieux géocentriques observés avec les intervalles de temps entre les trois observations, mais supposent en mêmes temps que l’orbite de la comète est une parabole. Or, d’un côté, il est très-rare qu’on n’ait que trois observations d’une comète, et, de l’autre, l’exemple de la comète de 1770 prouve assez qu’on ne saurait adopter généralement l’hypothèse de l’orbite parabolique. Ces considérations, jointes aux difficultés des méthodes qui n’emploient que trois observations, m’ont engagé à examiner si, en faisant usage d’un plus grand nombre d’observations, on ne pourrait pas faciliter et généraliser la solution du Problème des comètes, et j’ai trouvé la méthode suivante, qui, au moyen de six observations, réduit la recherche des éléments de l’orbite, quelle qu’elle soit, à une simple équation du septième degré.

2. Soient, dans une observation quelconque, la longitude géocentrique de la comète, sa latitude géocentrique supposée boréale (on prendra l’angle négatif lorsque la latitude sera australe), la longitude du Soleil, et la distance du Soleil à la Terre ces quatre quantités sont connues et doivent être prises pour les données du Problème.

Qu’on nomme maintenant les trois coordonnées rectangles qui déterminent le lieu apparent ou géocentrique de la comète, étant l’abscisse prise depuis le centre de la Terre et parallèle à la ligne de l’équinoxe du printemps, l’ordonnée perpendiculaire à dans le plan de l’écliptique, et la seconde ordonnée perpendiculaire au plan même de l’écliptique ; on aura, par la Trigonométrie, en désignant par la distance inconnue de la comète à la Terre,

et, si l’on nomme de plus et l’abscisse et l’ordonnée du lieu du Soleil, on aura de même

Enfin, si l’on nomme les coordonnées rectangles du lieu héliocentrique de la comète, c’est-à-dire l’abscisse prise depuis le centre du Soleil, et parallèle à la ligne de l’équinoxe du printemps, l’ordonnée perpendiculaire à dans le plan de l’écliptique, et l’ordonnée perpendiculaire au plan même de l’écliptique, en sorte que les lignes soient respectivement parallèles aux lignes il est aisé de comprendre que l’on aura

donc

3. Soient maintenant la longitude du nœud ascendant de l’orbite de la comète, et l’inclinaison du plan de cette orbite sur le plan de l’écliptique, cet angle étant censé formé dans la partie orientale et boréale de la sphère. L’équation générale du plan de l’orbite de la \inftymète sera de cette forme

ou bien, en faisant, pour plus de simplicité,

C’est ce qui est assez connu par la théorie des courbes.

4. Qu’on substitue donc dans l’équation précédente, pour leurs valeurs trouvées plus haut (2), on aura celle-ci

d’où l’on tire

mettant cette valeur dans les mêmes expressions de et divisant le haut et le bas de chacune de ces expressions par on aura

Dans ces expressions il n’y a, comme l’on voit, d’inconnues que les deux quantités et qui dépendent de la position du plan de l’orbite de la comète sur l’écliptique.

5. Supposons que, dans une autre observation, les quantités deviennent on aura de même

et, si l’on substitue les valeurs précédentes de dans l’expression on trouvera la quantité

en faisant, pour abréger,

6. Or il est facile de se convaincre, par la Géométrie, que est égale à l’aire du triangle qui est la projection sur l’écliptique du triangle formé dans le plan de l’orbite de la comète par les deux rayons vecteurs menés du Soleil aux deux lieux observés, et par la corde rectiligne qui joint ces deux lieux et qui sous-tend, par conséquent, l’arc parcouru dans l’intervalle des deux observations ; de plus, si l’on nomme l’aire de ce dernier triangle, on prouvera aisément, par la Géométrie, que étant l’inclinaison du plan de l’orbite sur celui de l’écliptique (3), de sorte qu’on aura

mais

et par conséquent

donc on aura, après les substitutions,

7. Or, comme est la longitude du Soleil dans le temps de la première observation, et sa longitude dans le temps de la seconde observation, il s’ensuit que sera l’angle décrit par le Soleil autour de la Terre, ou, ce qui revient au même, l’angle décrit par la Terre autour du Soleil, dans l’intervalle des deux observations ; mais est la distance de la Terre au Soleil dans la première observation, et la distance de la Terre au Soleil dans la seconde observation ; donc l’aire du triangle, formé au centre du Soleil par les deux rayons vecteurs et par la corde de l’arc parcouru par la Terre dans l’intervalle des deux observations, sera exprimée par ainsi qu’on le démontre en Géométrie.

Donc le rapport de l’aire triangulaire décrite par la comète dans l’intervalle des deux observations, à l’aire triangulaire décrite par la Terre dans le même temps, sera exprimé par c’est-à-dire, en substituant la valeur ci-dessus de et faisant

par la formule

8. Je remarque maintenant que, si l’intervalle entre les deux observations est fort petit, les arcs parcourus par la comète et par la Terre autour du Soleil se confondront à très-peu près avec leurs cordes, et par conséquent les secteurs triangulaires, dont nous venons de déterminer le rapport, pourront être pris, sans erreur sensible, pour les véritables secteurs curvilignes décrits par la comète et par la Terre. Or on sait, par la théorie des forces centrales, que, dans les sections coniques décrites autour d’un même foyer et par une même force, qui varie dans la raison inverse du carré des distances, les aires des secteurs décrits dans le même temps sont entre elles comme les racines carrées des paramètres des sections ; donc, si l’on nomme le demi-paramètre de l’ellipse décrite par la comète autour du Soleil, et le demi-paramètre de l’orbite de la Terre, qui est à très-peu près égal à la distance moyenne du Soleil, on aura, dans l’hypothèse que les deux observations soient très-proches, l’équation

laquelle sera d’autant plus exacte que l’intervalle entre les deux observations sera plus petit.

9. L’équation précédente contient, comme l’on voit, trois inconnues et ainsi il faudra trois équations semblables pour déterminer ces inconnues, et, comme le second membre demeure le même, on éliminera d’abord l’inconnue en retranchant simplement une équation de l’autre, et l’on aura deux équations entre les deux inconnues et dans lesquelles ces inconnues ne monteront qu’au troisième degré ; en sorte que l’équation finale en ou ne pourra surpasser le neuvième degré. Ayant trouvé les valeurs de et on connaîtra d’abord la position du plan de l’orbite de la comète (3) ; ensuite l’une des trois équations donnera la valeur du paramètre, et l’on déterminera les autres éléments par les méthodes connues.

Cette méthode demande donc six observations de la comète, faites de manière que les intervalles de temps, entre la première et la seconde, entre la troisième et la quatrième, entre-la cinquième et la sixième, soient très-petits ; mais, pour les intervalles entre la seconde et la troisième, et entre la quatrième et la cinquième, ils peuvent être quelconques, et il sera même avantageux de les prendre le plus grands que l’on pourra, afin que les trois équations soient le plus différentes qu’il est possible.

10. En prenant, comme nous le supposons, les secteurs triangulaires à la place des véritables secteurs curvilignes décrits par la comète et par la Terre, dans l’intervalle des deux observations, on néglige les segments formés par les arcs parcourus par la comète et par la Terre et par les cordes qui sous-tendent ces arcs ; or, quand les arcs sont très-petits du premier ordre, les secteurs sont aussi très-petits du même ordre ; mais les segments deviennent très-petits du troisième ordre, parce que les cordes sont très-petites du premier ordre, et que les flèches sont très-petites du second ordre. Donc, dans cette hypothèse, le rapport des secteurs triangulaires de la comète et de la Terre ne diffère du rapport des secteurs curvilignes que par des quantités du second ordre seulement par conséquent, dans l’équation trouvée plus haut (8), le premier membre sera exact, aux quantités très-petites du second ordre près, en regardant les différences des quantités qui se rapportent aux deux observations comme très-petites du premier ordre ; ainsi l’on pourra, sans altérer l’exactitude de l’équation dont il s’agit, négliger, dans son premier membre, les quantités dans lesquelles les arcs très-petits formeraient des produits de deux ou d’un plus grand nombre de dimensions.

Cette remarque peut servir à rendre l’équation dont nous venons de parler un peu plus simple. En effet, il est clair qu’on peut mettre la quantité sous cette forme

et de même la quantité sous la forme

de sorte que le produit de ces deux quantités deviendra

expression qui, en négligeant les quantités très-petites du second ordre, se réduit à celle-ci

qu’on pourra donc substituer à la place du dénominateur du premier membre de l’équation du no 8.

On pourrait faire de pareilles réductions sur le numérateur du premier membre de la même équation ; mais je me suis assuré par le calcul que les valeurs de et n’en deviendraient pas plus simples.

11. Retenant donc les expressions des coefficients et données dans le no 7, et faisant de plus

l’équation du no 8 deviendra

et chaque couple d’observations de la comète, dont l’intervalle soit très-

petit, fournira une pareille équation, dans laquelle les coefficients seront connus ; donc, si l’on a trois couples de telles ohservations, on en déduira trois équations de la forme

qui serviront à déterminer les trois inconnues et

Ces équations donnent d’abord ces deux-ci

par lesquelles on pourra déterminer les deux inconnues et

Qu’on suppose

on aura

le premier membre des deux équations précédentes deviendra et, substituant les valeurs précédentes de et dans les seconds membres des mêmes équations, elles deviendront évidemment de la forme

or ces équations se changent en celles-ci

savoir, en faisant

Qu’on suppose de plus

on aura

et, faisant cette substitution dans les équations précédentes, elles prendront cette forme

la première donne sur-le-champ

et, cette valeur étant substituée dans la seconde, on aura cette équation finale en

laquelle, étant développée et ordonnée par rapport à montera au septième degré, et aura par conséquent toujours au moins une racine réelle.

12. Il ne sera pas difficile de résoudre par approximation l’équation que nous venons de trouver, et pour cela il vaudra encore mieux employer les deux équations

on donnera successivement à différentes valeurs, et l’on calculera celles de et des deux quantités si l’on trouve deux valeurs de dont l’une rende la seconde de ces quantités plus grande que le carré de la première, et dont l’autre la rende plus petite, on sera assuré que la vraie valeur de tombe entre ces deux-là, et l’on pourra ensuite, par d’autres substitutions, approcher davantage de cette valeur. Si l’on ne pouvait pas rencontrer deux substitutions qui donnent des résultats de signes contraires, il n’y aurait alors qu’à opérer suivant les règles que j’ai données dans mon Mémoire sur la résolution des équations numériques (Mémoires de 1767), et par lesquelles on est toujours sûr de découvrir et de déterminer aussi exactement que l’on veut toutes les racines réelles d’une équation quelconque.

Ayant trouvé une valeur convenable de on aura celles de et de ensuite celles de et de enfin celles de et qui feront connaître d’abord la position de l’orbite (3), et l’on connaîtra aussi en même temps la valeur du paramètre au moyen de l’équation

13. Connaissant et on connaîtra, si l’on veut, la distance de la comète à la Terre, ainsi que les coordonnées du lieu de la comète dans son orbite, pour chacune des six observations, au moyen des formules du no 4 ; on connaîtra donc aussi le rayon vecteur de la comète, que je désignerai par et qui est

Or l’équation d’une section conique quelconque rapportée au foyer est

dans laquelle est le demi-paramètre, et sont deux constantes telles que, si l’on nomme l’excentricité et l’anomalie qui répond au nœud ascendant, c’est-à-dire la distance du nœud au périhélie de l’orbite, on a

Je ne donne point la démonstration de ces formules, parce qu’elle me mènerait trop loin, et qu’il n’est pas d’ailleurs difficile de la trouver, d’après les propriétés connues des sections coniques.

Substituant donc dans l’équation les valeurs de et qui répondent à deux observations quelconques, comme à la première et à la dernière, pour les prendre le plus éloignées qu’il est possible, on aura deux équations, au moyen desquelles on déterminera sur-le-champ les valeurs de et de , puisque celle de est déjà connue.

Ayant les valeurs de et de on connaîtra l’angle par l’équation

et l’excentricité par l’équation

les angles et étant connus par le mayen des quantités et (3).

Si l’orbite est parabolique, ou à très-peu près, la valeur de sera exactement, ou à très-peu près, égale à l’unité ; sinon on aura


étant la distance moyenne ou le demi-grand axe de l’orbite.

Enfin, étant la longitude du nœud ascendant, et la distance du nœud au périhélie, on aura pour la longitude du périhélie.

14. Maintenant, si l’on nomme le mouvement moyen du Soleil pendant le temps écoulé entre le passage de la comète par le périhélie et une quelconque des observations, dans laquelle le rayon vecteur de la comète soit on aura, en prenant la distance moyenne du Soleil pour l’unité, et faisant, pour abréger,

on aura, dis-je, par les formules connues,

sera en même temps ce qu’on nomme, d’après Kepler, l’anomalie excentrique.

Et lorsque le demi-grand axe sera fort grand, ainsi que cela a lieu dans l’orbite des comètes, on aura, par les séries,

en faisant

Dans la parabole, où et par conséquent on aura simplement

et sera alors égale à la distance périhélie.

On connaîtra donc, par les formules précédentes, le temps du passage de la comète par le périhélie, et, si l’on calcule ce temps d’après deux observations assez éloignées, on pourra, par l’accord des résultats, juger de l’exactitude des éléments de l’orbite trouvés par la méthode exposée plus haut ; on pourra aussi par ce moyen corriger ces mêmes éléments, au cas qu’ils ne soient pas assez exacts ; enfin ce calcul servira à faire connaître laquelle des racines de l’équation (11) il faudra employer, s’il arrive qu’elle en ait plus d’une réelle.

15. La méthode que nous venons d’exposer dans ce Mémoire est peut-être une des plus simples et des plus sûres qu’on puisse imaginer pour résoudre directement et sans tâtonnement le fameux Problème de la détermination de l’orbite des comètes d’après les observations. Outre qu’elle n’exige que la résolution d’une équation du septième degré, elle, a encore l’avantage d’être également applicable, soit que l’orbite de la comète soit une parabole, ou une autre section conique quelconque.

À l’égard des six observations qu’elle demande, si, parmi celles qui auront été faites, il ne s’en trouvait pas qui eussent la condition requise, c’est-à-dire qui fussent deux à deux très-proches, il serait toujours facile d’y suppléer par la méthode connue d’interpolation, et même il sera toujours à propos d’employer cette méthode pour rectifier les résultats immédiats des observations.

Je ne dois pas manquer de remarquer, en finissant, que, lorsqu’on veut résoudre directement et rigoureusement le Problème des comètes au moyen de trois observations très-proches et dans l’hypothèse parabolique, on est aussi conduit à une équation du septième degré, ainsi que je l’ai fait voir dans mes recherches sur ce sujet (Mémoires de 1778)[2] ; de sorte qu’il semble que le septième degré soit une limite au-dessous de laquelle il ne soit pas possible de rabaisser le Problème dont il s’agit, de quelque façon qu’on l’envisage. Au reste, quoique la méthode de ce Mémoire demande aussi des observations fort proches, il est cependant facile de se convaincre qu’elle est beaucoup plus sûre que celle des Recherches citées, puisqu’on y considère le mouvement de la comète dans trois parties de l’orbite, à la vérité infiniment petites ou regardées comme telles, mais en même temps fort différentes l’une de l’autre, au lieu que, dans l’autre méthode, on ne détermine l’orbite que d’après deux parties infiniment petites et consécutives, ou, ce qui revient au même, d’après une seule portion infiniment petite de l’orbite.


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  1. Lu à l’Académie de Berlin, le 24 février 1780, et imprimé en allemand dans les Éphémérides de Berlin de 1783.
  2. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 439.