Œuvres de Lagrange/Pièces diverses/Sur le calcul des éclipses sujettes aux parallaxes

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SUR
LE CALCUL DES ÉCLIPSES
SUJETTES AUX PARALLAXES[1].


(Connaissance des Temps et des Mouvements célestes, à l’usage des Astronomes et des Navigateurs, pour l’an 1817 ; publiée par le Bureau des Longitudes, 1815.)


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L’importance et la difficulté du calcul des éclipses de Soleil et des autres phénomènes de ce genre ont dû naturellement engager les Géomètres à chercher des méthodes directes et analytiques pour faciliter ce calcul, et lui donner toute la précision et la généralité dont il peut être susceptible, surtout dans un siècle où l’on a pris à tâche d’appliquer l’Analyse à toute sorte d’objets. Aussi a-t-on vu éclore dans ces derniers temps plusieurs ouvrages plus ou moins considérables sur cette matière, parmi lesquels on doit compter avec distinction les savantes Recherches de M. Duséjour, imprimées dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris.

Ces Recherches, par leur étendue et par le grand nombre d’applications intéressantes et délicates que l’Auteur en a faites, paraissent ne rien laisser à désirer sur le Problème dont il s’agit ; il me semble néanmoins qu’on ne s’est pas encore appliqué à donner à la solution de ce Problème toute la simplicité et la brièveté qu’on est en droit d’attendre de l’Analyse ; et cela me paraît d’autant plus nécessaire, que les Astronomes, accoutumés au calcul trigonométrique et aux méthodes arithmétiques, doivent être peu portés à adopter des méthodes nouvelles dont le principal avantage serait d’être plus directes et plus générales, mais dont les principes et le procédé seraient à la fois moins lumineux et moins faciles. C’est pourquoi j’ai cru qu’après tout ce qu’on avait déjà écrit sur cette matière, ils ne regarderaient pas comme inutiles les recherches que j’y ai faites aussi, et que je vais leur présenter.

Je donnerai d’abord des formules générales et rigoureuses pour déterminer les lieux apparents et les distances apparentes des astres sujets à la parallaxe ; je me flatte qu’on tronvera, soit dans ces formules, soit dans la méthode que j’emploie pour y parvenir, toute la simplicité et l’élégance, si j’ose le dire, qu’on y peut désirer.

Je ferai voir ensuite comment on peut rendre l’usage de ces formules très-commode pour la pratique, au moyen de quelques Tables dont la construction est très-facile, et qui, étant une fois calculées, serviront pour tous les lieux de la Terre et pour tous les temps.

Je montrerai enfin l’application de ces formules aux éclipses de Soleil, aux passages des planètes sur son disque, aux occultations des astres par la Lune et aux autres Problèmes de ce genre, et je donnerai pour ces différents objets des méthodes plus simples et plus exactes que celles qu’on a eues jusqu’à présent.

Article Ier. — Méthode la plus simple et la plus directe pour déterminer les distances apparentes des astres sujets à la parallaxe.

1. La manière la plus simple de déterminer la position d’un point quelconque dans l’espace, par rapport à un point donné, est d’employer des coordonnées rectangles dont l’origine soit au point donné ; et cette manière est d’autant plus commode que, si l’on veut ensuite rapporter le même point à un autre point donné, il n’y a qu’à prendre pour coordonnées rectangles les différences des premières coordonnées et de celles qui déterminent ce second point donné relativement au premier ; c’est ce qui est évident de soi-même, à cause de la perpendicularité mutuelle des coordonnées.

2. Comme les mouvements des planètes sont donnés dans les Tables par rapport à l’écliptique, ce qui se présente de plus naturel pour déterminer la position d’un astre quelconque est de supposer que le centre de la Terre soit l’origine des coordonnées de cet astre ; que les abscisses soient prises dans la ligne de l’équinoxe du printemps, d’où l’on compte les longitudes ; que les premières ordonnées soient perpendiculaires à cette ligne dans le plan de l’écliptique, et du côté de l’orient, et que les secondes ordonnées soient perpendiculaires à ce plan, du côté du pôle boréal.

Et, si l’on nomme la longitude de l’astre, sa latitude, et sa distance au centre de la Terre, on aura évidemment

3. Les coordonnées déterminent le lieu vrai de l’astre par rapport au centre de la Terre ; pour avoir celles de son lieu apparent pour un observateur placé sur la surface de la Terre, c’est-à-dire du lieu de l’astre vu par cet observateur, il n’y aura qu’à soustraire des mêmes coordonnées celles qui déterminent la position de l’observateur par rapport au centre de la Terre et au plan de l’écliptique.

Soient donc les coordonnées dont il s’agit, qu’on suppose parallèles respectivement aux coordonnées de l’astre et qui dépendent du lieu de l’observateur sur la surface de la Terre ; on aura sur-le-champ pour les coordonnées du lieu apparent du même astre ; en sorte que cet astre paraîtra à l’observateur comme paraîtrait un astre vu du centre de la Terre, dont le lieu vrai serait déterminé par les coordonnées

4. Nous désignerons toujours, dans la suite, les valeurs vraies ou apparentes des mêmes quantités par les mêmes lettres, sans trait ou marquées d’un trait ; de sorte que les mêmes formules qu’on trouvera pour les valeurs vraies pourront être appliquées sur-le-champ aux valeurs apparentes, en ne faisant que marquer toutes les lettres d’un trait.

Ainsi, comme nous avons désigné par les trois coordonnées rectangles du lieu vrai de l’astre, seront les coordonnées de son lieu apparent ; de sorte qu’on aura

De plus, ayant appelé la longitude vraie, la latitude vraie de l’astre, et sa distance vraie au centre de la Terre, on nommera la longitude apparente, la latitude apparente et la distance apparente du même astre pour un observateur placé au centre de la Terre, qui y verrait cet astre de la même manière que le voit l’observateurplacé sur sa surface, et l’on aura, comme dans le no 2,

Par ces formules on pourra déterminer, si l’on veut, les valeurs apparentes par les vraies aussitôt qu’on connaîtra les valeurs des coordonnées du lieu de l’observateur.

5. Soient le rayon de la Terre qui répond au lieu de l’observateur, l’angle que ce rayon fait avec le plan de l’écliptique dans l’hémisphère boréal, et l’angle que la projection du même rayon sur ce plan fait avec la ligne de l’équinoxe du printemps du côté de l’orient ; il est visible qu’on aura

Or il n’est pas difficile de voir que le point du cercle de l’écliptique où tombe la projection du rayon est celui qu’on appelle en Astronomie le nonagésime ; donc l’angle sera égal à la longitude du nonagésime pour le lieu donné, et l’angle sera la distance du nonagésime au zénith de ce lieu, c’est-à-dire le complément à degrés de la hauteur du nonagésime. Ainsi, connaissant la longitude et la hauteur du nonagésime, on aura sur-le-champ les valeurs des coordonnées cherchées. Or on a déjà des Tables toutes calculées, par lesquelles on peut trouver ces deux éléments pour un temps quelconque et pour une latitude terrestre quelconque ; mais la grande étendue de ces Tables, qui occupent deux volumes in-8o, les rend d’un usage peu commun, et l’objet principal de ce Mémoire est de donner des moyens plus simples et plus abrégés de parvenir au même but ; c’est pourquoi nous allons déterminer directement les valeurs des coordonnées dont il s’agit.

6. Soient l’angle que le rayon de la Terre aboutissant au lieu de l’observateur sur la surface, fait avec le plan de l’équateur, et l’angle que la projection du même rayon sur ce plan fait avec la ligne de l’équinoxe du printemps ; il est visible que, si l’on veut rapporter le lieu de l’observateur au plan de l’équateur, par le moyen de trois coordonnées rectangles dont la première soit prise dans la ligne de l’équinoxe, la seconde soit perpendiculaire à cette ligne dans le plan de l’équateur, et la troisième soit perpendiculaire à ce même plan, il est visible, dis-je, qu’on aura des formules analogues aux précédentes, savoir

Maintenant, comme le plan de l’écliptique coupe celui de l’équateur dans la ligne des équinoxes, et est élevé sur ce même plam d’un angle égal à l’obliquité de l’écliptique, que nous désignerons par il est aisé de trouver, par la théorie du changement des coordonnées, que l’on aura, par rapport à l’écliptique,

de sorte qu’en substituant il viendra

et il est aisé de voir que ces valeurs sont telles que

comme cela doit être.

7. À l’égard des angles et il est évident que n’est autre chose que l’angle que le méridien du lieu de l’observateur fait avec le colure de l’équinoxe du printemps ; c’est par conséquent ce qu’on appelle l’ascension droite du milieu du ciel, et qu’on trouve dans toutes les Éphémérides pour-tous les jours à midi ; c’est, comme l’on sait, la somme de la longitude moyenne du Soleil et du temps moyen converti en degrés, à raison de degrés par heure.

Quant à l’autre angle il est visible que, dans l’hypothèse de la Terre sphérique, cet angle est égal à la latitude terrestre supposée boréale du lieu proposé ; mais, dans le cas de la Terre sphéroïdique, si l’on nomme le rapport du petit axe au grand axe, et que soit la latitude terrestre observée, c’est-à-dire l’angle de la verticale avec le plan de l’équateur, on a d’où l’on tire, par les séries,

La différence entre et est, comme l’on voit, très-petite dans le cas de la Terre, où suivant Newton ; et, dans cette hypothèse, nos Tables astronomiques donnent les valeurs de pour tous les degrés de latitude (t. III, p. 165, 167, col. 4). Cette différence entre et peut s’appeler la réduction de la latitude observée et l’angle peut se nommer, en conséquence, la latitude réduite, et ce sera celle qu’il faudra toujours employer dans nos formules.

Pour ce qui concerne le rayon du sphéroïde, en prenant le rayon de l’équateur pour l’unité, on a

et, si l’on substitue à la place de sa valeur en laquelle, à

cause de est égale à on trouve

d’où l’on peut aisément tirer la valeur de exprimée par une série très-convergente, qui procède suivant les cosinus des angles multiples de ou de

Dans l’endroit déjà cité des Tables astronomiques, on trouve la valeur de en toises, pour chaque degré de latitude on y trouve aussi (pages citées, col. 6), en parties du rayon de l’équateur, la valeur de c’est-à-dire la distance du centre de la Terre au plan horizontal du lieu dont la latitude apparente est et cette valeur est proprement celle par laquelle il faut multiplier le sinus de la parallaxe horizontale équatorienne, pour avoir le sinus de la vraie parallaxe horizontale hors de l’équateur.

Dans la suite nous n’aurons pas besoin de cette parallaxe, mais seulement de celle dont le sinus est au sinus de la parallaxe horizontale équatorienne comme à et que nous nommerons, pour la distinguer de l’autre, la plus grande parallaxe de hauteur. Ainsi, ayant la parallaxe horizontale équatorienne par les Tables, il faudra multiplier son sinus par le nombre correspondant à la latitude du lieu dans la sixième colonne de la Table citée, et de plus, par la sécante de l’angle de la quatrième colonne de la même Table, pour avoir le sinus de la plus grande parallaxe de hauteur.

8. Nous avons supposé jusqu’ici que les trois axes des coordonnées sont le premier, dans la ligne de l’équinoxe du printemps ; le second, perpendiculaire à cette ligne dans le plan de l’écliptique du côté de l’orient ; le troisième, perpendiculaire au plan de l’écliptique dans l’hémisphère boréal, et que ces trois axes se coupent au centre de la sphère.

Pour donner maintenant plus d’étendue à nos formules, nous changerons encore la position de ces axes, en sorte que le premier se trouve dirigé vers un astre quelconque dont la longitude soit et la latitude boréale que le second axe soit perpendiculaire à celui-là et placé dans le plan de l’écliptique à l’orient du premier, et que le troisième axe soit perpendiculaire à ces deux-là dans l’hémisphère boréal.

Pour cela, nous commencerons par changer la position des deux premiers axes, en sorte qu’ils demeurent dans l’écliptique, mais qu’ils soient plus avancés vers l’orient d’un angle Et, nommant pour un moment les nouvelles coordonnées dans lesquelles les coordonnées doivent se changer par ce déplacement des axes, on aura visiblement

Maintenant il est clair que l’axe des a déjà la position convenable, et qu’il n’y a plus qu’à faire tourner les deux autres axes autour de celui-ci, en sorte que l’axe des s’élève vers le pôle boréal de l’écliptique et fasse avec le plan de l’écliptique un angle Or, nommant et les nouvelles coordonnées dans lesquelles doivent se changer les coordonnées précédentes , on aura pareillement

et les coordonnées cherchées seront que nous dénoterons dans la suite par en sorte que

Les substitutions faites, on aura donc

L’axe des coordonnées est dirigé à un point de la sphère dont la longitude est et la latitude boréale l’axe des coordonnées est perpendiculaire au précédent dans le plan de l’écliptique et du côté de l’orient, de sorte que cet axe fait avec la ligne de l’équinoxe du printemps un angle enfin l’axe des coordonnées est perpendiculaire à ces deux-là dans l’hémisphère boréal, par conséquent cet axe est dans le plan du cercle de latitude

9. Les formules précédentes sont pour le lieu vrai de l’astre ; on aura de même pour son lieu apparent (4)

mettant pour leurs valeurs (numéro cité), et faisant, pour abréger,

étant le sinus de la plus grande parallaxe de hauteur de l’astre (3), on aura

Ce sont les valeurs des trois coordonnées rectangles du lieu apparent de l’astre, rapportées aux mêmes axes que les coordonnées du lieu vrai.

Or, comme est (hypothèse) la distance du lieu apparent au centre de la sphère, qui est en même temps l’origine des coordonnées, on aura

De plus, à cause de (6), il est visible qu’on aura aussi

10. De là il s’ensuit d’abord qu’en ajoutant ensemble les carrés des équations précédentes et extrayant la racine carrée, on aura

ce qui sert à déterminer la distance apparente de l’astre par sa distance vraie.

11. Pour avoir maintenant les valeurs de en longitudes et latitudes, il n’y aura qu’à substituer dans les formules du no 8, pour leurs valeurs (2), et, divisant par on aura

et l’on aura comme cela doit être.

Quant aux valeurs de on les trouvera par la substitution de celles de du no 6 dans les expressions ci-dessus, et il viendra

12. Cela posé, imaginons un plan qui touche la sphère céleste, dont je suppose le rayon au point auquel se dirige le premier axe des coordonnées, c’est-à-dire l’axe des abscisses et dont la longitude est la latitude et supposons que du centre de la sphère on projette sur ce plan les lieux tant vrais qu’apparents des astres, comme aussi les différents cercles de la sphère ; il est clair que les lieux ainsi projetés seront dans les points d’intersection des rayons menés vers les lieux des astres avec le plan proposé, et que tous les grands cercles de la sphère seront représentés sur le plan de projection par des lignes droites, formées par l’intersection des différents plans de ces cercles avec le plan dont il s’agit.

Soit le point où le plan de projection touche la sphère ; qu’on mène par ce point deux droites perpendiculaires entre elles, et dont

projection d’un astre sur le plan d’un cercle de latitude (en coupe)
projection d’un astre sur le plan d’un cercle de latitude (en coupe)

la première représente le cercle de latitude qui passe par le point et la seconde représente le grand cercle qui coupe celui-là perpendiculairement dans le même point Il est facile de concevoir que toutes les droites perpendiculaires à représenteront de même des grands cercles perpendiculaires au cercle de latitude, et que de même toutes les droites perpendiculaires à représenterontdes grands cercles perpendiculaires au grand cercle représenté par Enfin il est visible que toute droite telle que menée par le point représentera un grand cercle faisant avec le cercle de latitude un angle égal à l’angle des deux droites

Soit maintenant le lieu de l’astre projeté sur le plan dont il s’agit, et soit abaissée de sur la perpendiculaire il est clair que, si cette planète se trouvait justement dans le plan de projection dont la distance au centre de la sphère est supposée on aurait pour les trois coordonnées rectangles du lieu de la planète les quantités puisque l’axe des abscisses est supposé passer par le point perpendiculairement au plan de projection, et que les deux autres axes sont (hypothèse) parallèles aux lignes Si la planète est hors du plan de projection, mais cependant sur le même rayon qui passe par le point de ce plan, alors il est visible que ces coordonnéesseront plus ou moins grandes, suivant que la planète sera plus ou moins éloignée du centre de la sphère que n’est le point mais elles conserveront toujours le même rapport entre elles. Ainsi, prenant une quantité indéterminée ces coordonnées seront Mais les coordonnées du lieu vrai de la planète sont (8) ; donc

donc

13. Nommons maintenant et les deux quantités et seront donc l’abscisse et l’ordonnée du lien de la planète dans le plan de projection, et l’on aura

Pour avoir maintenant le lieu apparent de la même planète dans le plan de projection, il n’y aura qu’à marquer les lettres précédentes d’un trait, et l’on aura

sera l’abscisse et l’ordonnée Substituant à la place de leurs valeurs tirées des formules du no 9, on aura donc

Ainsi l’on pourra déterminer par ces formules la position des lieux vrais et apparents d’un astre quelconque sur le plan de projection. Il ne reste plus qu’à voir comment on pourra déduire de ces positions les distances angulaires des astres vus du centre de la sphère.

14. Et d’abord il est clair que, comme les lieux des astres dans le plan de projection sont aux mêmes points où ce plan est traversé par les rayons menés du centre de la sphère aux mêmes astres, les distances angulaires de ces astres vus du centre de la sphère seront les mêmes que si les astres étaient réellement placés dans le plan de projection. De sorte qu’à cet égard on peut regarder les lieux projetés comme les véritables lieux des astres.

Cela posé, supposons en premier lieu que l’un des astres dont on cherche la distance angulaire soit au point et l’autre au point il est visible que la distance rectiligne de ces astres sera la tangente de la distance angulaire cherchée, puisque le centre de la sphère répond perpendiculairement au point du plan de projection. De plus, l’arc de grand cercle qui joint les deux astres fera avec la partie boréale du cercle de latitude du premier astre un angle égal à

Soit la distance angulaire des deux astres, et l’angle de l’arc qui joint ces astres avec le cercle de latitude du premier astre on aura

Donc, si l’on veut rapporter au même astre le lieu apparent de l’autre astre, et qu’on désigne par et les angles analogues à et on aura de même

Si l’on substitue à la place de et de leurs valeurs (numéro précédent), on aura

Par ces formules on aura donc la position des lieux vrais et apparents de l’astre dont la longitude est et la latitude par rapport au lieu vrai de l’astre dont la longitude est et la latitude

Ces formules pourront donc être d’usage lorsque la parallaxe de l’astre sera nulle, comme cela a lieu pour les étoiles fixes, ou du moins lorsqu’elle sera si petite qu’on croira pouvoir la négliger c’est le cas du Soleil dans un grand nombre d’occasions. Mais, quand on voudra tenir compte également des parallaxes des deux astres, il faudra chercher leur distance angulaire sans supposer que l’un d’eux soit au point C’est ce que nous allons faire dans le numéro suivant.

15. Soient donc deux astres et dont on cherche la distance angulaire vue du centre de la sphère.

Soient pour le premier de ces astres l’abscisse l’ordonnée comme plus haut ; et pour le second, soient de même l’abscisse l’ordonnée on aura la distance la distance et la distance Or l’angle que l’on cherche est celui qui est formé au centre de la sphère par les deux rayons menés de ce centre aux points et et il est visible que ces rayons sont et c’est-à-dire et

L’angle dont il s’agit est donc celui qui est compris entre les deux côtés et d’un triangle rectiligne dont le troisième côté est ou Donc, nommant cet angle, on aura, par la propriété connue des triangles rectilignes,

c’est-à-dire

d’où l’on tire

Or la quantité qui est sous le signe, dans le numérateur de cette formule, se réduit facilement à donc,

divisant le sinus par le cosinus, on aura

c’est la tangente de la distance angulaire des deux astres vus du centre de la sphère.

Cette distance est la distance vraie, parce que les quantités sont censées appartenir aux lieux vrais des astres ; pour avoir la distance apparente des mêmes astres, que je désignerai par il n’y aura qu’à marquer toutes les lettres d’un trait, ce qui donnera

À l’égard des quantités on les déterminera par des formules semblables à celles qui expriment les quantités (13).

Pour cela, on désignera par la longitude et par la latitude de l’astre et par ce que deviennent les quantités du no 11, en y changeant en et en on aura sur-le-champ ensuite, nommant le sinus de la plus grande parallaxe de hauteur de l’astre on aura les quantités, demeurant les mêmes pour les deux astres, puisqu’elles sont indépendantes des angles et

16. On peut représenter la valeur de d’une manière assez simple, par le moyen des lignes et de l’angle car on a d’abord ensuite, nommant, comme plus haut, l’angle et pareillement l’angle on aura

donc

et

Donc, faisant ces substitutions, on aura

De même, si et sont les lieux apparents des astres et on aura

17. Les formules précédentes ont lieu généralement, quelles que soient les positions des astres et mais, si l’on suppose que l’astre tombe au point alors il est visible qu’on aura donc et, comme (hypothèse), on aura c’est aussi ce qu’on peut trouver, d’après les valeurs de en y faisant On aura donc dans ce cas ce qui s’accorde avec les résultats du no 14, où est la même chose que dans le cas présent, c’est-à-dire, la distance angulaire des deux astres et Mais la distance apparente ne sera plus la même que la distance apparente du numéro cité, pour laquelle on a la formule car ici et ne seront pas nuls, mais auront les valeurs suivantes

qui sont, comme l’on voit, l’effet de la parallaxe de l’astre ou qu’on avait supposée nulle dans le cas du numéro cité.

18. Au reste, si l’on voulait aussi connaître l’angle que la ligne fait avec il est clair qu’en nommant cet angle, on aurait[2]

et cet angle sera celui que le grand cercle passant par les lieux vrais des deux astres fera avec le cercle de latitude passant par le point dont la longitude est et la latitude

Donc aussi, désignant par l’angle du grand cercle qui passe par les lieux apparents avec le même cercle de latitude, on aura

Article II. — Simplification des formules précédentes, et manière de faciliter le calcul de ces formules par le moyen de quelques Tables.

19. Nous venons de résoudre le Problème des distances apparentes des astres, par une méthode qui joint à la plus grande généralité toute l’exactitude et la simplicité dont la matière est susceptible. Mais, comme dans cette méthode on a supposé que la position du plan de projection était arbitraire, cette position dépendant uniquement des angles indéterminés et dont le premier représente la longitude, et le second la latitude du point de la sphère auquel le plan de projection est supposé tangent, il est visible qu’on pourra rendre la solution du Problème encore plus simple, en déterminant convenablement la valeur des angles dont il s’agit, ce qui n’apportera d’ailleurs aucune restriction ni à la généralité ni à l’exactitude de cette solution c’est ce que nous allons examiner.

On a trouvé en général, pour la détermination de la distance apparente la formule rigoureuse

dans laquelle

et

Dans ces expressions, est la longitude d’un des deux astres, que nous nommerons dorénavant le premier, est sa latitude, et est le sinus de sa plus grande parallaxe de hauteur ; de même, a est la longitude de l’autre astre, que nous nommerons le second, sa latitude, et le sinus de sa plus grande parallaxe de hauteur ; ensuite, est l’obliquité de l’écliptique, l’ascension droite du milieu du ciel au temps de l’observation, et la latitude corrigée du lieu de l’observateur (7).

Enfin oh se souviendra que les quantités précédentes sont telles que

ce qui peut être utile dans plusieurs occasions.

20. Comme dans les formules précédentes les angles et demeurent arbitraires, il s’agit maintenant de voir quelle valeur il convient de leur donner, pour qu’il en résulte la plus grande simplicité et commodité dans le calcul.

Et d’abord il est visible que ces formules se simplifieront beaucoup en faisant et car alors on aura, en supposant

Ces suppositions consistent, comme l’on voit, à prendre le plan de projection perpendiculaire à l’écliptique et tangent au cercle de latitude du premier astre.

21. En second lieu, on aura aussi une grande simplification en gardant la supposition de et en faisant pareillement au lieu de car par ce moyen on aura mais, en revanche, les valeurs de et de seront un peu plus compliquées.

Faisant donc et et supposant on aura

ensuite

Et, si l’on retient les valeurs de du numéro précédent, et qu’on désigne par les valeurs de ces quantités qui ont lieu dans l’hypothèse présente, on aura

de sorte qu’il n’y aura qu’à mettre dans les expressions de au lieu de les quantités

Cette hypothèse revient à supposer le plan de projection tangent à la sphère dans le lieu du premier astre.

22. Considérons maintenant les valeurs des quantités, d’où dépend tout l’effet des parallaxes des astres ; il est clair que, par les théorèmes connus, on peut réduire ces valeurs à de simples sinus et cosinus, et l’on trouvera, en changeant en et ordonnant les termes par rapport à et

Comme l’obliquité de l’écliptique est à très-peu près constante, on voit qu’il est facile de réduire les valeurs précédentes en Tables, et pour cela il n’y aura qu’à construire quatre Tables, dont la première donne les valeurs de pour tous les degrés et les minutes de depuis zéro jusqu’à degrés ; la seconde donne de même les valeurs de la troisième donne celles de et enfin la quatrième donne les valeurs de et il est visible que, pour avoir cette quatrième Table, il n’y aura qu’à soustraire les nombres de la troisième de ceux de la seconde, et doubler ensuite les différences.

Ces Tables, une fois construites, serviront pour trouver les valeurs de pour un temps quelconque et pour un lieu quelconque de la Terre.

Pour cet effet, on prendra dans la première Table, pour les arguments et pour leurs compléments à degrés, et pour les arguments et dans la seconde Table, on prendra pour les arguments et pour leurs compléments à degrés ; dans la troisième Table, on prendra pour les arguments et pour leurs compléments à degrés ; enfin, dans la quatrième Table, on prendra pour l’argument

Ajoutant ensemble les différents nombres qui répondent à ces arguments, on aura sur-le-champ les valeurs des quantités

Pour rendre ces Tables d’un usage aussi général qu’il est possible, il sera bon de les calculer pour l’obliquité moyenne et d’y ajouter ensuite les différences pour la variation d’une minute dans l’obliquité Ces différences sont très-faciles à trouver, d’après les Tables mêmes ; car, à cause de et il est visible que, pour avoir les différences de la première Table, il n’y aura qu’à prendre la moitié des nombres de la quatrième, et à les multiplier par pour avoir celles de la seconde Table, on prendra la moitié des nombres de la première et on les multipliera par \sin\psi pour avoir celles de la troisième Table, on prendra les différences de la seconde avec des signes contraires ; enfin, pour avoir les différences de la quatrième Table, il n’y aura qu’à prendre le double des nombres de la première, et à les multiplier aussi par

23. Je remarque, de plus, que, comme les quantités doivent être multipliées par ou si l’on fait et en sorte que et soient les angles des plus grandes parallaxes des deux astres, on aura à calculer les quantités

or la plus grande de toutes les parallaxes des astres étant celle de la Lune, qui ne va qu’à environ degré, et la plus grande valeur de étant à cause de je dis qu’on pourra, sans

erreur sensible, changer les quantités précédentes en

En effet, la différence entre et est nulle lorsque et donc cette différence sera la plus grande pour une valeur de moindre que Or, lorsque est degré, on a à très-peu près et donc la différence de ces deux quantités sera à très-peu près laquelle devient la plus grande lorsque Or, en faisant et je trouve et d’où l’on voit que la différence des deux angles n’est que d’un centième de seconde dans le cas où elle est le plus grande.

Cette remarque fournit un moyen de faciliter beaucoup la construction et l’usage des Tables que nous avons proposées ; car, comme on n’a besoin que des angles n’est guère j’observe que, si l’on construit les Tables dont il s’agit en sorte qu’elles donnent pour tous les angles les valeurs des quantités

en degrés, minutes, secondes, etc., on aura sur-le-champ, d’après ces Tables, les valeurs des angles, lorsque et de là, en changeant seulement dans ces valeurs les degrés en minutes, les minutes en secondes, etc., on aura la valeur des mêmes angles pour de même, en changeant dans les premières valeurs les degrés en secondes, etc., on aura les valeurs des angles dont il s’agit pour et ainsi de suite ; d’où il sera possible d’avoir les véritables valeurs de pour une valeur quelconque de exprimée en degrés, minutes et secondes.

À l’égard des différences correspondantes à une minute de variation dans l’obliquité de l’écliptique, il sera aussi beaucoup plus facile de les trouver dans les Tables que nous venons de proposer, que dans les premières ; car, puisque il est clair que, pour avoir les différences de la première Table, il n’y aura qu’à prendre la moitié des nombres de la quatrième Table, en y changeant les degrés en secondes, et ainsi du reste.

Par les Tables dont il s’agit, on trouvera donc avec la plus grande facilité les valeurs des angles

et les sinus de ces angles seront les valeurs de

qui entrent dans les expressions de (19).

Article III. — Usage des méthodes précédentes pour calculer les éclipses de Soleil, les passages des planètes sur son disque, les occultations des étoiles fixes et des planètes par la Lune, et pour déduire des observations de ces phénomènes les éléments des planètes.

24. Rien ne doit maintenant être plus facile que d’appliquer les formules et les méthodes des Articles précédents à la solution des différentes questions astronomiques qui dépendent de la parallaxe. Les principales questions de ce genre sont celles qui concernent les éclipses de Soleil, les passages de Vénus et de Mercure sur son disque, et les occultations des étoiles fixes et des planètes par la Lune c’est aussi à la discussion de ces sortes de questions que nous destinons principalement cet Article.

Comme dans toutes ces questions on n’a communément d’autre but que de déterminer la distance apparente des deux astres qui passent très-près l’un de l’autre, nous supposerons, en général, que le premier astre soit celui qui est le plus éloigné de la Terre, et que le second soit celui qui en est le plus près ; ainsi désigneront toujours la longitude, la latitude et le sinus de la parallaxe horizontale, ou, plus exactement, de la plus grande parallaxe de hauteur de l’astre le plus éloigné, et désigneront la longitude, la latitude et le sinus de la parallaxe horizontale de l’astre le plus proche de la Terre ; les autres dénominations demeureront les mêmes que dans les Articles précédents.

Considérons d’abord le cas d’une éclipse de Soleil ou d’un passage sur son disque ; sera donc la longitude du Soleil, sera et sera le sinus de la parallaxe horizontale du Soleil, en sorte que Ensuite sera la longitude de la Lune ou de la planète, leur latitude, et le sinus de leur parallaxe horizontale.

Dans ce cas, il est clair que, à cause de les formules des nos 20 et 21 reviennent au même, et l’on aura d’abord, par ces formules, ce qui donnera (19)

en sorte que ces quantités seront nécessairement très-petites.

Cette circonstance nous met dans le cas de simplifier l’expression de en y négligeant différents termes comme absolument insensibles mais, pour que cette omission ne nuise pas la précision requise, il faut examiner a priori quelle est la plus grande erreur qui en peut résulter.

25. Pour cela, nous commenceronspar mettre l’expression de du no  19 sous une forme un peu plus simple, que voici.

Il est clair que

et

de sorte que, à cause de

si l’on fait, pour abréger,

on aura

et l’expression de deviendra

Si et étaient nuls, on aurait donc et Donc, lorsque et sont seulement très-petits, l’angle différera de l’angle d’une quantité du même ordre.

Pour trouver cette différence, nous nous servirons des formules que nous avons données dans notre Mémoire sur la solution de quelques Problèmes, etc., imprimé parmi ceux de Berlin pour l’année 1776[3]. Dans ce Mémoire, nous avons trouvé (31) que, si l’on a l’équation

et qu’on fasse

on aura

Appliquant cela à notre cas, on fera

de sorte qu’on aura

Or il est visible, par l’équation entre et que lorsque donc on aura alors

Substituant donc cette valeur de dans la formule précédente et faisant, pour plus de simplicité, on aura

Or, à cause de aura

ce qui, en substituant les valeurs de et et réduisant, donne

et, par les mêmes substitutions, on trouvera

Or il est visible que la plus grande valeur de a lieu lorsque ce qui donne

d’où l’on peut conclure que est toujours nécessairement moindre

Or

c’est-à-dire, à cause de

Cette quantité est nulle lorsque ou qui sont les deux valeurs extrêmes de et son maximum a lieu lorsque auquel cas Donc, comme étant la parallaxe horizontale du Soleil, on aura, pour la plus grande valeur de d’où je conclus enfin que est toujours

Comme l’on a on voit que est une fraction excessivement petite ; de sorte que la série qui exprime la différence entre les angles et est nécessairement très-convergente. Le premier terme de cette série, étant sera toujours et par conséquent

Donc, tant que ne sera pas ce terme donnera toujours un angle Ainsi, lorsqu’on voudra négliger les tierces dans la valeur de on pourra négliger le terme dont il s’agit et tous les suivants, et prendre simplement du moins tant que ne sera guère

26. Dans les éclipses de Soleil, la plus grande distance apparente des centres ne surpasse pas minutes, somme des plus grands demi-diamètres du Soleil et de la Lune, et cette distance est encore plus petite dans les passages des planètes ; donc et ne seront pas donc Par conséquent le premier terme de la série qui exprime la différence entre et sera

D’où il s’ensuit que dans les éclipses de Soleil, et à plus forte raison dans les passages de Vénus et de Mercure sur le disque du Soleil, on peut prendre sans commettre une erreur d’un dixième de seconde. On aura donc simplement, pour la distance apparente dans ces sortes de phénomènes, la formule

27. Cette expression de quoique déjà fort réduite, est néanmoins susceptible de l’être encore davantage.

Et d’abord, comme les quantités et sont extrêmement petites, on pourrait les négliger tout à fait vis-à-vis de et mais il est bon d’apprécier l’erreur qui en résulterait.

Pour cela, je remarque, en général, que toute quantité de la forme est nécessairement comprise entre ces deux limites et de sorte qu’en négligeant les quantités et on ne commet, sur la valeur de qu’une erreur moindre que

En effet, on a

mais

donc sera toujours nécessairement comprise entre ces limites donc les limites de seront

donc les limites de sont

Il s’ensuit de là que la valeur de sera toujours comprise entre ces limites de sorte qu’en prenant simplement

l’erreur ne surpassera jamais

Or on a trouvé plus haut (25) que la plus grande valeur de est donc, si l’on fait on aura, dans les cas extrêmes,

Or

de sorte que

par conséquent on aura, dans les cas extrêmes,

donc

D’où il est aisé de conclure qu’en prenant c’est-à-dire l’erreur qu’on pourra commettre sur l’angle ne pourra jamais surpasser l’angle qui est égal à la parallaxe horizontale du Soleil. Mais aussi cette erreur ne sera pas tout à fait à négliger, lorsqu’on voudra porter la précision jusqu’aux secondes inclusivement.

28. En général, il est facile de déduire de l’analyse précédente que si, au lieu de la véritable équation

on prend celle-ci

et étant des quantités quelconques, l’erreur qui en résultera dans

la valeur de l’angle sera toujours moindre que l’angle qui aurait pour tangente

Comme et (19), si l’on suppose on aura

et la valeur de déduite de cette équation, ne pourra jamais différer de la véritable, d’un angle plus grand que celui dont la tangente sera Or

donc

à cause de

La plus grande valeur de a lieu lorsque ce qui donne de plus

à cause que est toujours renfermé entre et Donc on aura nécessairement

Donc, comme l’angle dont la tangente est sera Mais pour la Lune on a environ et cette quantité est encore beaucoup moindre pour Vénus et Mercure ; donc l’angle dont il s’agit sera et, comme (20) à peu près à cause que et sont toujours des angles fort petits dans les éclipses et dans les passages, il s’ensuit que l’angle en question ne sera jamais que de quelques tierces, dans les cas extrêmes.

Enfin, au lieu du terme qui entre dans la dernière expression de on pourra, pour plus de simplicité, mettre simplement et la plus grande erreur qui en pourra résulter dans la valeur de sera, par la théorie précédente, égale à l’angle dont la tangente serait

La plus grande valeur de a lieu lorsque et elle est par conséquent

Donc, à cause de l’angle dont il s’agit sera Cette quantité est, comme l’on voit, encore plus petite que celle que nous avons négligée ci-dessus ; par conséquent la substitution de à la place de n’augmentera pas l’erreur sur la distance apparente.

29. Nous venons danc de démontrer rigoureusement que, dans les éclipses de Soleil et dans les passages des planètes par son disque, la distance apparente des centres peut être déterminée par la formule

sans que la plus grande erreur puisse aller au delà de quelques tierces.

Cette formule se réduit, par ce qu’on a démontré dans l’Article II, à celle-ci

dans laquelle est la latitude de la Lune ou de la planète dont on observe le passage, l’excès de la longitude de la Lune ou de la planète sur celle du Soleil, la plus grande parallaxe de hauteur de la Lune ou

de la planètes, et la plus grande parallaxe de hauteur du Soleil. Les coefficients, sont des quantités dépendantes uniquement de la longitude du Soleil, de la latitude réduite du lieu de l’observateur, et de l’ascension droite du milieu du ciel, et qu’on trouvera aisément par les Tables que nous avons proposées.

30. Comme tous les angles qui entrent dans cette formule sont toujours très-petits, n’y en ayant aucun qui puisse surpasser degré dans les éclipses de Soleil et dans les passages des planètes sur son disque, on peut, sans erreur sensible, la réduire à

et cette formule sera suffisamment exacte lorsqu’on ne voudra pas pousser la précision jusqu’aux secondes de degré ; mais, pour être sûr des secondes, il faudra toujours avoir recours à la précédente.

Au reste, si l’on néglige dans le dénominateur de cette formule le terme on a, pour la distance apparente la même valeur qu’on trouve par la méthode ordinaire des projections ; d’où l’on voit que, pour avoir une exactitude suffisante, il faut augmenter cette valeur dans la raison de c’est ce que j’ai démontré ailleurs, d’après les principes mêmes de la projection, en donnant de plus un moyen de faire entrer cette correction dans la construction même de la projection.

31. On peut donc, par les formules précédentes, déterminer avec plus ou moins d’exactitude la distance apparente des centres dans un instant quelconque ; par conséquent on peut juger des circonstances de l’éclipse ou du passage, et il est clair que le commencementet la fin du phénomène auront lieu lorsque la distance apparente sera égale à la somme des demi-diamètres apparents des deux astres.

Pour le Soleil et pour les planètes principales, le diamètre apparent est toujoursle même, quelle que soit la hauteur de ces astres sur l’horizon ; du moins la variation est trop insensible pour qu’il soit nécessaire d’en tenir compte, à cause de l’excessive petitesse de la parallaxe de ces astres. Ainsi il suffit de prendre leurs diamètres apparents, tels que les Tables astronomiques les donnent pour le temps dont il s’agit.

Il n’en est pas de même pour la Lune ; car, cette planète ayant une parallaxe considérable, son diamètre apparent augmente d’une manière sensible, à mesure que la hauteur sur l’horizon est plus grande c’est ce qu’on appelle en Astronomie l’augmentation du diamètre de la Lune, et l’on a des Tables qui donnent cette augmentation pour tous les degrés de hauteur de la Lune. Voici comment on pourra tenir compte de cette variation par nos formules.

32. Soit le demi-diamètre horizontal de la Lune donné par les Tables, et son demi-diamètre apparent dans un instant quelconque ; il est visible que, étant la distance du centre de la Lune au centre de la Terre, et la distance du centre de la Lune au lieu de l’observateur, on aura également et pour le demi-diamètre réel de la Lune dans son orbite. Donc par conséquent

Or, par le no 10, on a

ainsi il n’y aura qu’à diviser la valeur de par cette quantité pour avoir celle de

Par la formule du no 29 on a

si l’on néglige les termes et et qu’on prenne pour la valeur de on ne commettra dans cette valeur qu’une erreur moindre que par le no 27, c’est-à-dire (à cause de ) moindre que ou quantité presque inappréciable.

Qu’on substitue donc la valeur dont il s’agit dans l’expression de on aura

Donc on aura enfin

33. Cela posé, soit le demi-diamètre horizontal du Soleil donné par les Tables ; il est clair que l’éclipse commencera ou finira lorsque de sorte qu’on aura pour le commencement ou pour la fin par conséquent

substituant donc la valeur précédente de on aura

d’où l’on tire

Donc pour le commencement et pour la fin de l’éclipse on aura, en substituant la valeur de du no 29,

équation d’où l’on pourra conclure l’instant précis de ces phases ; mais la solution directe de cette équation est impossible, à cause qu’elle renferme les sinus et les cosinus des angles et qui varient avec des vitesses différentes ; c’est pourquoi il faut se contenter d’une solution approchée, qu’on peut d’ailleurs rendre aussi exacte qu’on voudra.

Au reste, comme l’usage de cette solution ne consisterait qu’à déterminer l’instant précis du commencement ou de la fin de l’éclipse, ce qui est de peu d’importance dans l’Astronomie, nous ne nous y arrêterons pas.

34. Le but principal des observations des éclipses de Soleil étant de déterminer les différences de longitude des différents lieux de la Terre, et de corriger en même temps les éléments de la théorie lunaire, et les meilleures observations pour cet objet étant celles du commencement et de la fin de l’éclipse, nous allons voir comment on y peut employer la formule précédente. Je la mets d’abord sous la forme suivante

et j’observe que, l’instant de l’observation étant connu, ainsi que la latitude du lieu de l’observateur, on aura facilement, par les Tables proposées dans le no 22, les valeurs des angles et pourvu qu’on connaisse seulement à peu près la longitude de ce lieu ; car cette longitude n’entre dans les valeurs de qu’autant que la longitude du Soleil en dépend (22) ; et l’on sait qu’une différence de degrés dans la longitude des lieux ne peut produire qu’environ minutes de différence dans le lieu du Soleil, en sorte qu’une erreur de degré sùr la longitude n’en produira qu’une de secondes sur le lieu du Soleil, quantité de nulle considération, surtout dans l’évaluation des valeurs de

Si donc on regarde aussi comme connus par les Tables les demi-diamètres et de la Lune et du Soleil, on aura une équation entre les angles et ou plutôt entre leurs sinus et cosinus, étant et à l’instant de l’observation ; de sorte qu’en supposant connue par les Tables la latitude on trouvera la différence de longitude et de là, par les mouvements horaires, on aura l’instant de la conjonction.

Lorsqu’on a observé dans un même lieu le commencement et la fin de l’éclipse, on a pour ces deux instants deux équations semblables à la précédente, dans lesquelles les angles et sont les mêmes. De là ; en admettant les mouvements horaires des Tables, on pourra déduire les valeurs de et de pour l’une des observations.

Car soient la différence des mouvements horaires en longitude du Soleil et de la Lune, le mouvement horaire en latitude de la Lune, ce mouvement étant supposé dirigé vers le pôle boréal, la durée totale de l’éclipse exprimée en heures et en décimales d’heure ; il est visible que, si et sont les valeurs qui ont lieu pour le commencement de l’éclipse, ces valeurs deviendront pour la fin et On fera donc ces substitutions dans l’équation qui se rapporte à la fin de l’éclipse, et l’on aura ainsi deux équations entre et par lesquelles on déterminera ces angles. De là on conclura que la conjonction sera arrivée heures après l’instant du commencement de l’éclipse, et la latitude de la Lune, à l’instant de la conjonction, aura été Comparant les temps de la conjonction pour différents lieux de la Terre, on aura leur différence en longitude, et les latitudes trouvées serviront à corriger les éléments de la théorie de la Lune.

35. Dénotons, pour plus de simplicité, par les valeurs des angles pour le commencement de l’éclipse, et par leurs valeurs pour l’instant de la fin de l’éclipse ; les équations par où il faudra déterminer et seront

et

Comme tous les angles qui entrent dans ces formules sont toujours très-petits, on peut, pour une première approximation, mettre ces formules sous la forme suivante

Si l’on ôte la première de la seconde, on aura une équation où et ne se trouveront qu’à la première dimension ; donc si, par son moyen, on élimine de la première, on aura une équation en du second degré, laquelle aura par conséquent deux racines ; ainsi l’on aura des valeurs de et des valeurs correspondantes de qui satisferont également à la question envisagée analytiquement, et l’on ne pourra pas déterminer a priori lesquelles de ces valeurs il faut choisir ; mais on pourra toujours le déterminer a posteriori, puisque la latitude est déjà à très-peu près connue par les Tables, cette latitude ne variant que très-peu dans l’intervalle de la durée d’une éclipse.

Ces dernières équations donneront, dans la plupart des cas, une exactitude sutlisante ; mais, lorsqu’on voudra pousser cette exactitude plus loin et être assuré des secondes, il faudra employer les premières, du moins pour corriger les valeurs trouvées de et de .

36. Passons maintenant à considérer les occultations des astres par la Lune. La seule différence qu’il y ait entre le calcul de ces phénomènes et celui des éclipses de Soleil est qu’ici la latitude de l’astre occulté n’est pas nulle comme elle l’est pour le Soleil, ce qui doit rendre les formules un peu moins simples.

On prendra donc pour la longitude de l’astre occulté, pour sa latitude supposée boréale, pour sa parallaxe horizontale, ou plus exactement pour sa plus grande parallaxe de hauteur (7), pour pour le demi-diamètre horizontal de l’astre, et les autres dénominations resteront les mêmes que ci-dessus. On trouvera ainsi la distance apparente des deux astres, par les formules générales du no 19.

Or nous avons fait voir ci-dessus (25 et suiv.) que, dans le cas de l’expression de peut être beaucoup simplifiée, en conDonc, faisant ces substitutions, on aura

De même, si et sont les lieux apparents des astres et on aura

17. Les formules précédentes ont lieu généralement, quelles que soient les positions des astres et mais, si l’on suppose que l’astre tombe au point alors il est visible qu’on aura donc et, comme (hypothèse), on aura c’est aussi ce qu’on peut trouver, d’après les valeurs de en y faisant On aura donc dans ce cas ce qui s’accorde avec les résultats du no 14, où est la même chose que dans le cas présent, c’est-à-dire, la distance angulaire des deux astres et Mais la distance apparente ne sera plus la même que la distance apparente du numéro cité, pour laquelle on a la formule car ici et ne seront pas nuls, mais auront les valeurs suivantes

qui sont, comme l’on voit, l’effet de la parallaxe de l’astre ou qu’on avait supposée nulle dans lé cas du numéro cité.

18. Au reste, si l’on voulait aussi connaître l’angle que la ligne fait avec il est clair qu’en nommant cet angle, on aurait[4]

38. Comme les angles et ainsi que et sont toujours assez petits, on pourra, par une première approximation, réduire l’équation précédente à celle-ci, dans laquelle et à l’arc égal au rayon

Comme, pour la Lune, la latitude ne va guère qu’à environ degrés, il est visible que les deux termes et seront toujours très-petits et pourront le plus souvent être négligés, du moins dans la première approximation. Au reste, quand on voudra être assuré des secondes, il faudra toujours avoir recours à la première formule.

39. Pour l’instant de l’immersion ou de l’émersion, on aura, par un calcul semblable à celui des nos 32 et 33, l’équation

étant le demi-diamètre horizontal de la Lune, et celui de l’astre occulté ; de sorte qu’on aura l’équation

qu’on peut réduire à cette formule approchée

Ainsi l’on aura deux équations semblables, l’une pour l’immersion, l’autre pour l’émersion ; d’où, en supposant les mouvements horaires connus, on pourra déterminer l’instant de la conjonction et la latitude de la Lune dans cet instant, par une méthode semblable à celle qu’on a expliquée plus haut (34 et 35), relativement aux éclipses de Soleil ; c’est sur quoi il ne nous paraît pas nécessaire d’entrer ici dans un nouveau détail.

40. Pour les étoiles fixes, on a et ce qui simplifie beaucoup les formules précédentes. En général, est toujours très-petit pour les planètes, en sorte qu’on ne commettra qu’une erreur presque inappréciable en prenant pour le premier membre de la première équation ci-dessus, ou

pour le premier membre de l’équation approchée. Les formules deviendraient encore plus simples s’il était question des l’occultation d’une étoile fixe par une planète ; car alors, en prenant cette planète à la place de la Lune, il est clair que la parallaxe serait tr-ès-petite, et que le demi-diamètre horizontal le serait aussi.

41. Quoique je n’aie donné plus haut que les formules qui se rapportent au commencement et à la fin de l’éclipse ou aux instants des immersions et des émersions, c’est-à-dire aux instants des contacts extérieurs des limbes, il est facile d’en déduire celles qui doivent avoir lieu pour les contacts intérieurs ; car il n’y aura pour cela qu’à prendre le demi-diamètre de l’astre occulté négativement, comme il est facile de le déduire des formules du no 33.

Enfin, quoique j’aie toujours supposé, dans le cours de ce Mémoire, que les latitudes, tant des lieux de l’observateur que des astres observés, étaient boréales, il est visible que mes formules n’en sont pas moins générales, car il n’y aura qu’à supposer les latitudes négatives lorsqu’elles seront australes. De cette manière, on ne sera exposé à aucune ambiguïté dans les signes ni à aucun embarras dans l’emploi des formules.

TABLE I.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE I.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE II.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE II.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE III.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE IV.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE IV.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE IV.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE IV.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE IV.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
TABLE IV.
pour déterminer les valeurs de étant supposé
  1. Ce Mémoire a déjà paru en allemand dans les Éphémérides de Berlin pour l’année 1782 ; nous l’imprimons ici de nouveau d’après le manuscrit original dont M. Lagrange lui-même avait bien voulu me faire présent. On a pensé que les personnes qui ne savent pas la langue allemande nous sauraient bon gré de leur avoir fourni le moyen de lire un Mémoire dans lequel elles trouveront les fondements de la plupart des méthodes analytiques qu’on a publiées depuis sur le calcul des éclipses.
    (F. Arago.)
  2. L’angle que les deux lignes et forment entre elles n’est égal, comme M. Henry l’a remarqué, à celui qui est compris entre le cercle de latitude du point et le grand cercle qui joint les lieux vrais des deux astres, que dans le seul cas où l’un d’eux se trouve réellement au point ceci, au demeurant, n’a aucune influence sur la suite du Mémoire.
  3. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 297.
  4. L’angle que les deux lignes et forment entre elles n’est égal, comme M. Henry l’a remarqué, à celui qui est compris entre le cercle de latitude du point et le grand cercle qui joint les lieux vrais des deux astres, que dans le seul cas où l’un d’eux se trouve réellement au point ceci, au demeurant, n’a aucune influence sur la suite du Mémoire.