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Œuvres de madame de Gouges/1/Dédicace

La bibliothèque libre.
Cailleau, imprimeur-libraire (1p. v-viii).


À SON ALTESSE


SÉRÉNISSIME


MONSEIGNEUR


Louis-Philippe-Joseph-d’Orléans, Duc d’Orléans, &c., premier Prince du Sang, Lieutenant-Général des Armées du Roi & des Armées Navales de Sa Majesté, Chevalier de ses Ordres, Gouverneur & Lieutenant-Général de la Province du Dauphiné, Colonel-Général des Hussards.


Monseigneur,

Permettez-moi de décorer de votre nom le premier Volume de mes Œuvres. À peine entrée dans la carrière Dramatique, j’ai eu le bonheur de voir adopter, par la Comédie Françoise, mon premier Essai. C’est ce qui m’encourage à vous offrir le fruit de toutes mes occupations actuelles. Je n’ai point l’avantage, Monseigneur, de joindre à mon imagination l’élégance du style, ni l’éloquence, qui convient pour louer un grand Prince. Connoissant la protection que vous accordez aux Arts & aux Talens, & votre indulgence, toujours proportionnée à la portée de l’Écrivain, j’ai pensé que la foiblesse de mon sexe étoit, auprès de vous, la plus forte recommandation pour mes Ouvrages. Oui, Monseigneur, je crois me couvrir de gloire, en vous offrant le tribut de mes veilles. Votre humanité vous rend de plus en plus cher à la Nation. Vous n’aimez point la flatterie, & j’en suis ennemie ; mais l’intrépidité avec laquelle vous avez secouru & sauvé un malheureux du danger le plus évident, après l’avoir couru vous-même, m’a touchée vivement, & m’a fait répandre des larmes, comme à ceux qui ont été, comme moi, pénétrés de cet acte d’héroïsme qui vous donne, à juste titre, le caractère du véritable homme.

Les établissemens que vous faites élever de toutes parts, l’émulation & les encouragemens que vous donnez aux Gens de Lettres, me sont un sûr garant que vous ne rejetterez point mon hommage.

J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect,


MONSEIGNEUR,



Votre très-humble & très-obéissante servante
De Gouges.