Œuvres philosophiques (Hume)/Dissertation sur la tragédie

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Traduction par Anonyme.
Œuvres philosophiques, tome quatrièmeTome 4 (p. 69-88).

DISSERTATION

SUR LA

TRAGÉDIE.

Il semble d’abord qu’il soit impossible de rendre raison du plaisir que goûtent les spectateurs d’une belle tragédie : ce plaisir nait de passions qui en elles mêmes sont désagréables, de la tristesse, de l’angoisse de la terreur : plus nous sommes touchés, plus nous sommes émus ; plus le spectacle nous enchante, & aussi tôt que ces passions cessent de nous agiter, la piece est finie. Dans le genre tragique on ne souffre, tout au plus, qu’une scene ou regne la joie pure ; encore faut-il que ce soit la derniere : s’il y en a d’autres qui offrent une foibie lueur de plaisir, elles ne sont-là que pour augmenter la douleur par voie de contraste. Le poëte emploie tout son art à exciter & à entretenir dans nos esprits l’indignation & la pitié, la colere la terreur : plus il sait nous affliger, plus nous sommes contens, & nous le sommes au plus haut point, lorsque par des larmes, des cris & des sanglots nous pouvons soulager nos cœurs opprimés de compassion & d’attendrissement.

Un phénomene aussi singulier n’a point échappé à ce petit nombre de critiques qui ont eu quelque teinture de philosophie ; ils ont tâché d’en découvrir les causes, & de l’expliquer.

L’abbé Dubos, dans ses réflexions sur la poësie & la peinture, pose pour base que rien n’est plus désagréable à l’esprit que cette langueur, ce désœuvrement, cette indifférence où il tombe, lorsqu’il est vuide de passions. Pour sortir d’un état qui lui pese si fort, il a recours à tout ce qu’il croit pouvoir l’amuser ou le distraire, au travail, au jeu, aux spectacles les plus sanglans, comme sont par exemple les exécutions, pourvu qu’en lui donnant des passions, ils puissent détourner son attention de lui-même ; & il ne lui importe quelles passions, qu’elles soient désagréables, tristes, mélancoliques, déréglées ; il les préfere toujours à cette langueur insipide qui naît du repos & de la tranquillité.

On ne sauroit nier qu’il n’y ait bien des choses satisfaisantes dans cette explication. Dans une sale où il y a plusieurs tables de joueurs, la compagnie s’attroupe autour de celle où l’on joue le plus gros jeu, quand même on y joueroit avec moins d’intelligence qu’aux autres : c’est qu’on y voit, ou du moins qu’on s’imagine de voir des passions proportionnées à la grandeur du gain ou de la perte : & l’intérêt que l’on y prend, faisant en quelque maniere ressentir le contrecoup de ces passions, sert à nous amuser pendant quelques momens : le tems passe plus vîte, & nous nous trouvons soulagés de l’ennui qui nous accable dans la solitude.

Les menteurs de professions outrent tout, les événemens sinistres aussi bien que les événemens heureux : toutes sortes de périls, de souffrance, de misere, de maladie, de mort, d’assassinat, de cruauté, de même que la joie, la beauté, la bonne humeur, la magnificence, tout cela, dis-je, grossit dans les récits qu’ils en font, & devient, en passant par leur bouche, plus important qu’il n’étoit en effet. Par ce secret, quelque absurde qu’il soit, ils brillent dans les cercles ; ils fixent l’attention des assistans ; le merveilleux dont ils brodent leurs contes attache ceux qui les écoutent, en communiquant à leurs ames les passions ou les mouvemens qu’il est en droit de produire.

Cette solution est donc très-ingénieuse ; cependant elle laisse quelque chose à desirer : on ne peut l’appliquer, dans toute son étendue au sujet que nous traitons, voici en quoi consiste la difficulté. Les malheurs dont la représentation nous charme dans la tragédie, s’ils arrivoient en effet sous nos yeux, nous causeroient une affliction vraie très-sensible, cependant c’est alors qu’ils sembleroient devoir être le remede le plus efficace contre l’indolence & la langueur. Il paroît que M. de Fontenelle ait senti cette difficulté : il s’y prend d’une autre façon pour expliquer ce phénomene, ou du moins il ajoute à la théorie de l’abbé Dubos ce qu’il croit nécessaire pour la perfectionner. «Le plaisir & la douleur, dit-il, qui sont deux sentimens si différens, ne différent pas beaucoup dans leur cause. Il paroît par l’exemple du chatouillement que le mouvement de plaisir, poussé un peu trop loin, devient douleur, & que le mouvement de la douleur, un peu modéré, devient plaisir. De-là vient encore qu’il y a une tristesse douce & agréable, c’est une douleur affoiblie, & diminuée. Le cœur aime naturellement à être remué, ainsi les objets tristes lui conviennent, même les objets douloureux, pourvu que quelque chose les adoucisse. Il est certain qu’au théâtre la représentation fait presque l’effet de la réalité ; mais enfin elle ne le fait pas entiérement ; quelque entraîné que l’on soit par la force du spectacle, quelque empire que l’imagination & les sens, prennent sur la raison, il reste toujours au fond de l’esprit je ne sais quelle idée de la fausseté de ce qu’on voit. Cette idée, quoique foible & enveloppée, suffit pour» «diminuer la douleur de voir souffrir quelqu’un que l’on aime, pour réduire cette douleur au degré où elle commence à se changer en plaisir. On pleure les malheurs d’un héros à qui l’on s’est affectionné, & dans le même moment on s’en console, parce qu’on sait que c’est une fiction ; & c’est justement de ce mélange de sentimens que se compose une douleur agréable, & des larmes qui sont plaisir. De plus, comme cette affliction qui est causée par l’impression des objets sensibles & extérieurs est plus forte que la consolation qui ne part que d’une réflexion intérieure, ce sont les effets & les marques de la douleur qui doivent dominer dans ce composé.»[1].

Cette solution paroît juste & convaincante, & avec tout cela il lui manque peut-être encore quelque chose pour épuiser le phénomene. Les passions que l’éloquence excite, tout comme celles qui naissent de la peinture & de la représentation théâtrale, ont un agrément infini ; les épilogues de Cicéron, surtout, sont les délices de tout lecteur qui a du goût & de l’intelligence, il y en a qu’on ne lira guere, sans se sentir ému jusques au fond du cœur : le succès de cet orateur dans cette partie de ses harangues fait assurément son principal mérite : jamais les juges, ou ceux qui composoient son auditoire ne goûtoient plus de plaisir que lorsque les larmes couloient de tous les yeux : & jamais l’orateur n’étoit plus applaudi que lorsqu’il les faisoit couler. La description pathétique du massacre des capitaines de Sicile, ordonné par Verres, est un chef-d’œuvre dans ce genre ; mais personne penseroit-il qu’il eût pris plaisir à assister à une scene aussi horrible ? Cependant on ne sauroit dire que la tristesse soit ici adoucie par la fiction : tous les auditeurs étoient convaincus de l’exacte vérité de l’événement, avec toutes ces circonstances. Qu’est-ce donc qui tire ici, pour ainsi parler, le plaisir qui conserve tous les traits & tous les symptômes de la plus profonde affliction.

Je réponds que cet effet qui paroît si extraordinaire est dû à l’éloquence même qui peint, avec tant de vérité, cette scene d’horreur : le génie qui fait animer un pareil tableau, l’art qui rassemble tous les traits touchans, le jugement qui les met chacun à sa place, l’exercice, dis-je, de tous ces sublimes talens, joint à la force de l’expression, & à la cadence harmonieuse des nombres oratoires, voilà ce qui charme les auditeurs, & les pénetre des sentimens les plus délicieux : non-seulement les passions tristes sont-effacées & détruites par des passions contraires ; elles deviennent elles-mêmes agréables, & concourent à grossir ; pour ainsi dire, la masse du plaisir que l’éloquence fait naître. La même énergie déployée dans un sujet qui n’intéresse point ne plaîroit pas la moitié autant, ou plutôt paroîtroit ridicule ; notre arme, demeurant dans le calme de l’indifférence, ne trouveroit plus de goût aux beautés de ces images & de ces expressions, qui soutenues de quelque passion nous procure un plaisir si exquis. Le sentiment du beau donne une nouvelle direction aux mouvemens impétueux de la tristesse, de la pitié, & de la colere  : il s’empare de toute la capacité de l’ame, il domine par toutes ses émotions, il les convertit en sa propre nature, ou du moins leur en donne une teinte assez forte pour changer entiérement la leur. L’ame étant tout à la fois agitée par la passion, & transportée par l’éloquence, ces deux impressions se confondent en une, qui est délicieuse.

Le même principe a lieu dans la tragédie : à quoi nous pouvons ajouter que la tragédie est une imitation ; & que toute imitation plaît par elle-même. Cela contribue, sans doute, à ôter aux passions ce qu’elles ont de triste, en sorte que sur le tout il ne reste qu’un sentiment uniforme, une jouissance agréable. Les objets les plus tristes & les plus terribles nous ; plaisent sur la toile, & même d’avantage que les plus beaux objets qui n’ont rien : d’intéressant[2]. Le mouvement que la passion imprime à l’ame lui communique un feu, une activité, une véhémence extraordinaire ; enfin, par la force de l’impression dominante, tout cela se transforme en plaisir. Ce n’est donc pas simplement en diminuant & en affoiblissant la tristesse que les fictions tragiques temperent les passions ; cela se fait plutôt par l’infusion d’un nouveau sentiment, si l’on me permet cette façon de parler. On peut affaiblir par degré une douleur réelle jusqu’à la faire cesser ; cependant dans aucune de ses dégradations vous ne sentirez du plaisir, à moins que ce ne soit par accident, comme il arriveroit, par exemple, à un homme plongé dans une léthargique indolence lorsqu’il viendroit à sortir de cet état.

Pour confirmer cette théorie, il suffira de produire d’autres exemples, par lesquels on puisse voir que les passions subordonnées se changent en la passion dominante, ou lui prêtent de nouvelles forces, lors même qu’elles sont d’une nature différente, & souvent, lorsqu’elles sont d’une nature contraire.

La nouveauté nous attire ; & nous rend attentifs : les mouvemens qu’elle excite se changent toujours en une passion relative à l’objet qui est nouveau, & transmettent à cet objet, toute leur activité. Qu’un événement fasse naître la joie ou la tristesse, l’orgueil ou la honte, la bienveillance ou le ressentiment : ces émotions seront toujours d’autant plus vives que cet événement sera plus nouveau ou plus rare ; & quoique la nouveauté soit agréable par elle-même ; l’on voit pourtant qu’elle augmente nos peines aussi bien que nos plaisirs.

Votre dessein est-il de m’émouvoir par le récit de quelque aventure ? n’allez pas d’abord m’en montrer le dénouement : attendez que ma curiosité soit piquée : impatientez-moi pendant quelque tems. C’est l’artifice dont se sert Jago dans la fameuse scene du Maure de Venise : On ne sauroit voir ce spectacle, sans remarquer combien l’impatience d’Othello augmente sa jalousie : on y voit, pour ainsi dire, à l’œil, la passion subalterne se transformer dans la passion principale.

Les obstacles irritent les passions, de quelque genre qu’elles puissent être ; c’est qu’ils attirent notre attention, font mouvoir nos forces actives, & par-là produisent des efforts qui favorisent le jeu de la passion dominante.

Les peres & les meres ont ordinairement une prédilection marquée pour celui de leurs enfans dont le tempérament foible & les infirmités leur ont causé le plus d’inquiétude, & leur ont rendu son éducation plus pénible. Le sentiment de la peine renforce ici l’affection, qui est un sentiment agréable.

Il n’y a rien qui nous rende nos amis si chers que le risque de les perdre. Le plaisir de vivre avec eux est bien moins puissant à cet égard que l’appréhension de leur mort.

La jalousie est une passion désagréable ; & cependant l’amour, qui est un plaisir, ne sauroit gueres s’en passer, ou du moins ne sauroit être bien vif sans en être accompagné. Tous les amans se plaignent des tourmens de l’absence ; & avec tout cela les petites absences sont ce qu’il y a de plus favorable pour l’amour ; si les longues y nuisent ce n’est que parce que le tems nous y accoutume, & nous apprend à les supporter. La jalousie & l’absence composent en amour ce que les Italiens nomment le dolce piccante, en quoi selon eux, consiste l’essence du plaisir.

L’aîné des Plines a fait une observation, très-belle & très-délicate, qui répand un jour merveilleux sur mon principe. C’est, dit-il, une chose remarquable que les derniers ouvrages des célebres artistes, que la mort les empêcha de finir, sont ceux dont on fait le plus de cas. Tels sont, par exemple, l’Iris d’Aristide ; les Tyndarides de Nicomaque, la Médée de Timomaque, & la Vénus d’Apelle, que l’on met bien au-dessus de leurs productions les plus parfaites. On étudie soigneusement les traits ébauchés, & les idées à demi, exécutées ; enfin, ce qui ajoute au plaisir, c’est le regret même que nous donnons a ces moins habiles que la mort à flétries, dans le tems qu’elles travailloient à ces chef-d’œuvres[3].

Ces exemples dont on pourroit considérablement augmenter le nombre, nous donnent quelque notion des analogies que la nature observe : nous voyons à présent que ce que nous avions d’abord pris pour un grand paradoxe ne l’est point ; & qu’il n’y a rien de si extraordinaire dans cette espece de plaisir que la poésie, l’éloquence, & la musique savent tirer de la douleur, de la tristesse, de l’indignation & de la pitié. Les images fortes, les expressions énergiques, un discours bien cadencé, une belle imitation, chacune de ces choses a son agrément propre : lorsque tous ces agrémens se réunissent dans un objet qui tient à quelque passion subordonnée, ils l’absorbent, la forcent à changer de nature & à grossir la somme totale du plaisir. Cette passion seroit peut-être douloureuse si elle naissoit toute seule mais ici les charmes des beaux arts en ont émoussé la pointe ; ce n’est plus que mollesse, douceur, volupté.

Pour mieux s’en convaincre on n’a qu’à remarquer les cas où le mouvement des passions domine sur celui de l’imagination ; on verra qu’il arrive précisement le contraire : le second de ses mouvemens, étant alors subordonné au premier, se change en sa nature, & concourt à augmenter la peine & l’affliction que celui-ci a fait naître.

Croiroit-on que ce fût Un bon moyen de consoler un pere affligé de la mort d’un fils tendrement chéri, que de lui exagérer, avec beaucoup d’éloquence, la grandeur de sa perte ? Tout au contraire, plus vous mettez de l’imagination & de pathétique dans votre discours, plus vous augmentez sa douleur & son désespoir.

On ne sauroit douter que la honte, la confusion, la terreur, & par conséquent les peines ne soient devenues plus grandes dans l’esprit de Verrès, à mesure que Cicéron, qui haranguoit contre lui, s’animoit davantage, & mettoit plus de véhémence & de chaleur dans son discours : ces passions qui agitoient le coupable étoient trop fortes pour que les beautés de l’élocution eussent pu les détruire ; elles étoient produites & entretenues par le même principe qui dans les autres auditeurs excitoit la sympathie, la pitié, l’indignation ; mais ce principe agissoit sur lui dans un sens contraire ; la même éloquence qui charmoit les assistans, anéantissoit Verrès.

Mylord Clarendon, lorsque dans son histoire il en vient à la catastrophe du parti royal, s’imaginant que cette narration ne pouvoit être qu’infiniment désagréable, passe sur la mort du roi, sans en toucher la moindre circonstance : cette scene lui paroît trop affreuse pour pouvoir être goûtée dans la description ; & même pour pouvoir être rappellée sans causer de l’aversion & de la douleur. C’est que lui même, & ceux qui pouvoient le lire de son tems, avoient trop de part à ces événemens pour s’en ressouvenir sans peine & sans répugnance ; au lieu que dans d’autres tems & l’historien & lecteur regarderoient cette époque de l’histoire d’Angleterre comme la plus intéressante, & par conséquent comme la plus agréable.

L’action qui fait le sujet d’une tragédie peut être trop sanglante & trop atroce ; elle peut inspirer une belle horreur qu’il ne sera plus possible de la transformer en un sentiment agréable : alors la force de la diction, & la vivacité du coloris ne servent qu’à augmenter le désagrément : on en voit l’exemple dans un de nos drames qui a pour titre la Belle Mere ambitieuse ; Un vénérable vieillard, dans un accès violent de fureur & de désespoir se brise la tête contre une colonne, & la souille de sa cervelle mêlée avec son sang. Le théâtre Anglois n’offre que trop de ces dégoûtantes images.

Il n’y a pas jusques aux sentimens les plus communs de pitié qui pour donner une satisfaction complexe ne demandent à être tempérés par quelque affection agréable. Les plaintes & les gémissemens de la vertu oprimée, le triomphe de la tyrannie & du vice forment un spectacle qui déplaît, & que tous les grands maîtres de l’art dramatique ont soin d’éviter. Pour renvoyer les spectateurs satisfaits, il faut que la vertu se change en un noble désespoir, ou que le vice soit puni.

En jugeant les peintres d’après cette regle, il se trouvera, que la plupart d’entr’eux ont mal réussi dans le choix de leurs sujets ; travaillant pour les églises & les monasteres, ils se sont principalement exercés sur des scenes horribles, comme sont les martyres & les crucifictions : on ne voit dans leurs tableaux que tourmens, plaies, exécutions, en un mot que des souffrances passives, sans actions & sans sentiment. Détournentils le pinceau de cette mythologie spirituelle ? c’est pour peindre les fables d’Ovide : ces sujets, il est vrai, ne manquent pas de passion, & sont assez gracieux ; mais à peine sont ils assez naturels, ou assez vraisemblables pour se soutenir sur la toile.

Ce n’est pas seulement dans la poésie & dans l’art oratoire que se découvrent ces effets de l’inversion de notre principe ; l’on en voit des traces dans la vie ordinaire des hommes. Par-tout ou la passion subordonnée vient à se changer en passion dominante, elle engloutit le sentiment qu’elle nourrissoit & fortifioit. Trop de jalousie étouffe l’amour : trop de difficulté nous refroidit : trop d’infirmité & de maladie dans un enfant dégoûte ses parens, sur-tout s’ils ont plus d’amour propre que de tendresse.

Qu’y a-t-il de plus déplaisant que ces contes sombres, funestes & désastreux, dont les personnes mélancoliques entretiennent sans cesse ceux qui les approchent ? La passion désagréable, se trouvant ici toute seule, sans être mitigée ni par l’esprit, ni par le génie, ni par l’éloquence, il n’en resulte qu’un déplaisir tout pur, que rien n’est capable de tourner en satisfaction.

  1. Réflexions sur la poétique §. XXXVI.
  2. les peintres expriment la tristesse & la douleur, aussi-bien que les autres passions ; mats sans y appuyer autant que les poëtes : ceux-ci au contraire, quoiqu’ils copient tous les mouvemens de l’ame, passent fort légérement sur les sensations agréables. Le peintre ne représente qu’un instant, & s’il peut le remplir de passion, il est sûr de plaire au spectateur, au-lieu que pour varier scenes, les intrigues, les sentimens, le poëte n’a d’autre ressource que d’employer la tristesse, l’angoisse, la terreur ; une joie complexe produisant le repos & la sécurité, l’action cesse & l’intérêt s’éteint.
  3. Illud vero porquam rarum ac memoriâ dignum, etiam suprema opera artificum, imperfectasque tabulas, sicut Irin Aristidis, Tyndaridas Nicomachi, Medeam Timomachi, & quam diximus, Venerem Apellis in majori admiratione esse quam perfecta. Quippe in iis lineamenta reliqua, ipsæque cogitationes artificum spectantur, atque in linocinio commendationis dolor est manûs, cum id ageret, extincta. L. XXXV, cap. II.