Œuvres posthumes (Verlaine)/Souvenirs/Traduit de Byron

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Œuvres posthumesMesseinPremier volume (p. 246-248).

TRADUIT DE BYRON


Et tu étais triste, encore je n’étais pas avec toi, et tu étais malade et je n’étais pas là près.

Moi qui croyais que joie et santé seules pouvaient être là où je n’étais pas, — douleur et chagrin ici !

Et c’est ainsi, et c’est comme j’avais prédit et ce sera de plus en plus ainsi.

Car l’esprit se replie sur lui-même et le cœur naufragé gît, froid, tandis que l’ennui recueille les dépouilles éparses.

Ce n’est ni dans l’orage ni dans la lutte que nous nous sentons accablés et que nous souhaitons de n’être plus, mais dans l’après-silence sur le rivage, quand tout est perdu dans une petite vie.

Je suis trop bien vengé, mais c’était mon droit.

Quels que pussent avoir été mes péchés, tu n’étais pas envoyée pour être la Némésis qui dût les punir.

Et le ciel n’a pas choisi un instrument aussi intime.

La misérioorde est pour les miséricordieux. Si tu as été de ceux-là, elle te sera accordée maintenant. Tes nuits sont bannies des royaumes du sommeil.

Oui, ils peuvent te flatter, mais tu sentiras une angoisse étreignante qui ne guérira pas, car tu as pour oreiller une malédiction trop profonde. Tu as semé dans ma tristesse l’amère moisson d’un malheur aussi réel !

J’ai eu de nombreux ennemis, mais aucun comme toi ! Car, contre les autres, je pouvais moi-même me défendre et me venger ou les tourner en amis.

Mais toi, dans ton implacable sécurité, tu n’avais rien à craindre, abritée comme derrière un bouclier dans ta propre faiblesse et dans mon amour qui n’a que trop cédé, et épargné plusieurs que je n’aurais pas dû épargner.

El ainsi, sur le monde, confiant en ta véracité, et sur la mauvaise réputation de ma jeunesse qui fut sans frein, sur des choses qui n’étaient pas et sur des choses qui sont,

Oui, sur de telles bases tu me bâtis un monument dont le ciment fut crime, Clytemnestre morale de ton seigneur et maître ! Et tu as abattu d’une épée insoupçonnée réputation, paix, espoir et toute la vie meilleure qui, sans cette froide trahison par ton cœur, pourrait encore avoir surgi du tombeau de la querelle, et trouvé une plus noble fin que cette séparation !

Mais de tes vertus tu as fait un vice, trafiquant d’elles dans un froid dessein pour la colère présente et l’or futur, — et achetant à tout prix le chagrin d’autrui !

Et une fois entrée ainsi dans les voies tortueuses, la jeune vérité qui lit autrefois ton juste éloge n’a plus marché à ton côté.

Mais par moments, avec une poitrine inconsciente de leurs propres crimes, les mensonges, les incompatibles responsabilités (dverments), les équivoques et les esprits de derrière la tête (Janus), l’œil significatif qui s’apprend à mentir avec le silence, la Prudence, prétexte avec les avantages y attachés, l’acquiescement à tout ce qui tend, n’importe comme à la fin désirée,

Tout cela trouve sa place dans ta philosophie.

Les moyens furent dignes et la fin est atteinte.

Mais je ne voudrais pas faire comme tu as fait.