1914-1916/La Lyre

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1914-1916 : poésies
Mercure de France (p. 113-114).

LA LYRE


à Gabriele d’Annunsio.


Que l’éclaire l’aurore ou que la nuit le voile,
Vigilant, haut et prêt au combat meurtrier
Dont il guette sans peur le péril familier
Venu vers lui de par delà la mer sans voile,

Le fier oiseau de feu, de métal et de toile,
En son vol sûr qui porte un poète guerrier
Par la gloire aujourd’hui ceint d’un double laurier,
Rôde au ciel dangereux où ne luit nulle étoile.

 
Il plane. Le moteur bourdonne puissamment
Et d’en bas, l’on croirait, à son bourdonnement,
En l’air grave qu’emplit une onde métallique,

Entendre, sous le doigt sublime et souverain
D’un Dieu lauré touchant à sa corde d’airain,
Vibrer au fond du ciel une Lyre héroïque.


8 juin 1916.