1914-1916/Le Beau Retour

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1914-1916 : poésies
Mercure de France (p. 127-130).
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LE BEAU RETOUR


Sera-ce un jour d’été, sera-ce un jour d’automne,
Demain ou dans longtemps ?
Un de ces jours d’hiver où dans le ciel frissonne
L’attente du printemps,

Ou, par quelque matin de joie et de jeunesse,
De splendeur et d’amour ?
Je ne sais, mais je sens déjà ton allégresse,
Délire du retour !


Chaque cœur, à grands coups, bat, palpite et tressaille
Pour vous qui reviendrez,
Rapportant avec vous l’odeur de la bataille
En vos haillons sacrés ;

Vous dont l’âpre colère a desséché la bouche,
Ô héros apparus,
J’entends déjà gronder en sa rumeur farouche
Le bruit de vos pieds nus.

Du fond d’un horizon de tonnerre et de gloire,
Héroïque torrent,
Je vous salue avec orgueil et je veux boire
À votre flot vivant !


Vous voici, combattants de l’Aisne et de la Marne,
Défenseurs de l’Yser,
Vous que, depuis des mois, la fatigue décharne,
Mais dont le front est fier,

Vainqueurs impétueux des batailles futures
Que vous promet demain,
Ô vous qui laverez le sang de vos blessures
Dans les ondes du Rhin !

Vous par qui sonneront les heures attendues
Du plus humble hameau,
Qui nous rapporterez nos provinces perdues,
Dans les plis du drapeau,


Vous qui ferez, du vœu de la France meurtrie,
Une réalité,
Libérateurs du monde et qui, de la Patrie,
Aurez bien mérité !

Sera-ce un jour d’été, sera-ce un jour d’automne,
D’hiver ou de printemps ?
Je ne sais, mais ils reviendront. Le canon tonne…
France, tu les attends…