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Abrégé de l’Histoire de Kazan/Introduction

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Società editrice Dante Alighieri (p. 7-13).


INTRODUCTION.


HISTOIRE DU PAYS DU VOLGA-KAMA
ET PREMIÈRE FONDATION DE LA VILLE DE KAZAN.



L’histoire ne nous a conservé que fort peu de souvenirs durables du royaume de Kazan qui fut fondé à la fin du xive siècle par les Tartares. La richesse de ce vaste pays, limité par le Volga à l’occident, par le Kama et la Viatka à l’orient et au sud, qui forment de nos jours la partie nord-est de la province de Kazan, avait toujours attiré des colons depuis l’antiquité la plus reculée. Les armes de pierre et les ruines d’habitations humaines, derniers vestiges de cette époque reculée, trouvés dans la province de Kazan actuelle, nous prouvent que ce pays a été habité de temps immémorial.

Hérodote, le père de l’Histoire, en parlant des pays inconnus, qui correspondent au pays du Volga-Kama actuel, raconte qu’ils étaient habités par des peuples fabuleux, qu’il appelle « Voudines » et « Mélanchlènes ». Les légendes de l’ancienne Chronique russe[1] parlent d’une manière tout à fait précise de la grande voie de communication par le fleuve Volga, qui conduisait au pays des Boulgares, vers la mer Caspienne (mer de Khvalinsk) et puis au pays de Sem, c’est-à-dire, à l’extrême Orient ; les noms des habitants les plus anciens de ce pays sont : Tchoud, Tchérémisse, Méria, Mouroma, Vess, Mordva, Perm. Les témoignages d’une histoire plus certaine nous montrent déjà ces pays habités par deux branches d’un peuple finnois, les Tchérémisses et les Votiaques ; mais l’époque de leur installation sur le territoire du futur royaume de Kazan est restée inconnue aux historiens et aux ethnologues ; tout ce que l’on en sait est que ces peuples étaient nomades, et se distinguaient par leurs qualités guerrières ; qu’ils étaient portés à la rapine et à la perfidie ; et qu’ils s’occupaient de sorcellerie, ce qui perce même dans leurs croyances religieuses.

Il paraît prouvé que les peuplades finnoises, qui habitaient le nord-est de la province de Kazan actuelle étaient en contact avec les Boulgares du Volga depuis d’innombrables années. C’est le nom que portait une peuplade de Turcomans, quelque peu mélangée d’éléments finnois et slaves qui s’agglomérèrent au xe siècle pour former un seul royaume : ils étendirent leur domination sur le cours moyen du Volga ainsi que sur les bords du Kama. Les Boulgares entretinrent des relations d’abord commerciales, et plus tard politiques et amicales, avec l’Orient, dont ils acceptèrent la religion musulmane dans la première moitié du xe siècle. Jusque-là ils avaient adoré les idoles.

Ils commerçaient aussi avec les Russes, qui les combattaient souvent. Quelques emplacements entourés de digues et de fossés sont les seuls vestiges que nous ait laissés ce royaume disparu. On a trouvé dans les enceintes de ces villes détruites, beaucoup d’ornements d’or et d’argent, de cuivre, de pierre et de verre ; quantité de monnaies de la Horde d’Or, ainsi que d’autres monnaies orientales ; des armes et des ustensiles, qui peuvent aider à reconstituer, jusqu’à un certain point, les conditions de vie des anciens Boulgares. Tous ces objets, qui sont d’un grand intérêt pour les archéologues, se trouvent rassemblés au musée de Kazan.

Les ruines de la ville de Boulgar sont, sans contredit, les monuments les plus intéressants de l’antiquité russe. On y voit encore quelques édifices fort bien conservés, tels que deux maisons et un minaret. Dans la première moitié du xviiie siècle, le nombre des ruines était bien plus grand, mais la barbarie et la rapine se sont empressées de les détruire.

On est surtout redevable de ce haut fait à un archevêque fanatique du commencement du siècle passé, Lucas Conachéwitch. Il fit détruire la plupart des édifices bulgares et en employa les briques à la construction de l’église d’un couvent qui se trouvait, naguère, sur ces lieux. Il transforma deux édifices intacts, l’un en une église et l’autre — en un cellier du monastère.

En 1881, l’Empereur donna l’ordre de conserver et de restaurer ces derniers édifices, dont l’un s’appelle « la Chambre Noire ». L’autre, de forme quadrangulaire, est supposé avoir été le palais et le troisième, nommé « la Chambre Blanche » était, sans doute, le bain ou « hamman ». Les tribus Votiaques et Tchérémisses, établies depuis des siècles dans le voisinage de la ville de Boulgar sur la rive, nord du Kama, n’ont pas manqué de subir l’influence civilisatrice, religieuse et politique de cette ville : elles s’assimilèrent complètement à la population boulgare. Il est donc fort probable, qu’il ait pu se former une espèce de bourg fortifié, qui servait à la concentration de l’influence politique et commerciale des Boulgares dans ce rayon, sur la rive droite de la rivière Kazanka, précisément à l’endroit où devait s’élever plus tard la vieille ville de Kazan.

Nous verrons plus loin que la ville de Kazan fut transportée de là à la fin du xive siècle à l’embouchure de cette même rivière, où elle se trouve en ce moment, ce qui a donné lieu à la division de cette ville en « vieux Kazan » et « nouveau Kazan ».

En tout cas, ce « vieux Kazan » n’a pu jouer aucun rôle politique tant que le royaume de Boulgar exista. La fondation du vieux Kazan est étroitement liée à la conquête de l’Europe orientale par les Tartares. La première invasion des Tartares dans les pays qui s’étendent au nord-ouest de la mer Caspienne est reportée à l’an 1223. On sait que les chefs tartares ont combattu à plusieurs reprises avec les Khans boulgares ; mais ils conquirent définitivement ce royaume en 1236, à l’é poque de la campagne de Batou contre la Russie. Les Boulgares furent les premiers écrasés par l’invasion des hordes tartares, et en automne de la même année, la « grande ville », comme on nommait Boulgar, était mise à sac, la plupart de ses habitants furent massacrés, d’autres furent emmenés en esclavage, ses richesses devinrent la proie du vainqueur. Tous les historiens sont d’accord sur ce fait que les vainqueurs, après avoir conquis les villes boulgares des bords du Kama, se sont transportés au-delà du Kama, où ils se sont emparés de toutes les villes des diverses tribus finoises, situées entre les fleuves du Volga et du Kama, et sur la rivière Kazanka, ainsi que du centre même des populations votiaques (ou « ares »), d’où ils étendirent leur domination plus avant dans le nord finnois et dans le nord-est. Les conquérants mongols n’expulsaient jamais de leur pays les peuples conquis, mais tâchaient au contraire, de se les assimiler, ce qui leur réussit chaque fois que leur culture fut supérieure à celle des peuplades conquises. Si les Tartares, trouvant chez les Boulgares, une culture infiniment supérieure à la leur, en ont accepté la religion et la manière de vivre, le résultat a été tout autre en ce qui touche les Votiaques et les Tchérémisses : la plupart de ces tribus finnoises du pays, sont de venues tartares. Ils se convertirent à l’Islamisme à la suite des Tartares. C’est ainsi que s’est préparé graduellement un des éléments ethnologiques qui a servi à peupler le futur royaume musulman de Kazan.

Le khan Batou, surnomme Saine, (le bon, le généreux) envoya ses émissaires chercher un endroit d’où il pourrait observer les faits et gestes des princes de Riazan, de Vladimir et de Moscou. Ils trouvèrent un endroit répondant à ces exigences sur la rive droite de la rivière Kazanka, et c’est là que Batou-Saïne établit un campement qui reçut le nom de Yourt de Saine. Ce campement fortifié leur permettait de repousser les attaques des Russes qui étaient séparés d’eux par des forêts épaisses et des marécages. C’était aussi un lieu d’arrêt très commode pour les ambassadeurs de la Horde d’Or qui allaient en Russie et pour d’autres envoyés. De là ils pouvaient surveiller les différentes tribus qui peuplaient la rive droite[2] du Volga. Cet endroit était situé dans une espèce de ravin entouré de collines ; de là le nom de Kazgan (plus tard Kazan) qui signifie « chaudron » en tartare. D’autres historiens supposent que lorsque cet endroit eut pris les proportions d’une ville, c’est un Kazan-Khan, qui est venu en faire sa capitale ; mais n’existe pas de preuves positives à cet égard. La position avantageuse du Yourt de Saine attira bientôt l’attention de tous les rôdeurs qui erraient sur les frontières du pays en quête d’un butin ou de bêtes à belles fourrures, dont les terres du Volga abondaient. Ces premiers arrivants furent suivis de ceux des Djenguizides, qui, ne pouvant vivre à Saraï dans de hautes fonctions, sans peine et sans travail, demandaient à la pointe de leur lame ou à la rapidité de leurs flèches leur nourriture quotidienne. Les premières dizaines d’années, qui suivirent la fondation du Yourt de Saine, se passèrent dans un calme complet, qui ne fut troublé que lorsque le grand-duc Vassily Dmitrievitch eut l’idée de montrer son mécontentement à la Horde, par son invasion de Nijny-Novgorod[3]. Ydekon ou Ediguy, un des Emirs du Khan Toktamyche, ne se décida pourtant pas à attaquer Moscou immédiatement, et commença par piller les villes de Rostow, Dmitrow, Serpoukhow et Nijni-Novgorod. Puis il assiégea Moscou et s’établit pour cela dans le village de Kolomensk, ce qui lui donna la possibilité de couper les vivres aux Moscovites, qui commençaient déjà à mourir de différentes maladies qui sont la suite de la pénurie de vivres. Au moment où les Moscovites étaient en proie au plus grand désespoir, Ediguy leur envoya ses parlementaires, pour leur proposer de lui donner une indemnité de guerre de trois mille roubles seulement, pour qu’il levât le siége. Moscou, aussi surprise que réjouie, s’empressa de lui en voyer la somme modique qu’il demandait. Mais Ediguy emmena avec lui une masse de prisonniers de guerre. Il avait du abandonner Moscou pour courir à l’aide d’un des khans de Saray, qui était attaqué par Toktamyche ; mais en s’approchant de la Horde, il apprit que ce dernier s’était emparé du trône de Saray, et, voyant qu’il n’avait rien à y faire et qu’il risquait d’être tué par le parti de Toktamyche, il se dirigea vers les steppes de la mer Noire, où il rassembla une quantité suffisante d’émigrants de la Horde d’Or, et établit un campement de peu d’importance, mais indépendant, qui fut englouti plus tard par le Khanat de Crimée.

Les querelles intestines des Khans et des Emirs de la Horde d’Or finirent par ébranler les fondements du royaume, dont les pays frontières, voir la Crimée et Kazan, se détachèrent.

  1. Les Russes avaient un grand commerce de fourrures et de miel avec les Bulgares et les Khazars.
  2. Les rives droites des fleures russes sont toujours bordées de collines ou de montagnes.
  3. Persuadé que le royaume de Batou avait organisé cette invasion, il l’attaqua comme si le pays eût été entièrement indépendant au sud.