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Acadie/Tome I/18

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Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome Ip. 394-395).


APPENDICE III


(Cf. Chapitre Troisième)


ARCHIVES DU CANADA — ÎLE ROYALE, 1712-1716.
M. de Costebelle, Gouverneur.


Série F. Vol. 133-A. p. 415.


CONSEIL
à Louisbourg ce 7 Septembre 1715.


Le Conseil assemblé sur la demande de Monsieur Soubras, Commissaire Ordonnateur à l’Isle Royalle, par ordre de Monsieur de Saint Ovide de Brouillan, Lieutenant de Roy, commandant en l’absence de Monsieur de Costebelle, pour délibérer sur le Mémoire présenté par le Révérend Père Dominique Supérieur dans cette Isle des Récollets de la Province de France, et grand Vicaire de Monseigneur l’Évesque de Québec.

A esté d’avis qu’il convenoit au bien du service d’envoyer un bâtiment au plustost à l’Acadie pour tâcher par négotiation d’obtenir que les habitants françois qui seront en disposition de passer sur cette Isle ayent la liberté de le faire, que ne pouvant point cette année disposer à cet effet du « Semslack » occupé aux transports nécessaires dans les changements de Postes de cette Isle, et « l’Affriquain » devant arriver trop tard pour pouvoir remplir cette mission, la frégatte la « Mutine » commandée par Monsieur le Chevalier de Coursy, mouillée dans ce havre, paroissoit seule propre à cette expédition, soit par les qualitez du bâtiment, soit par les facilités qui se trouvent de la mettre en peu de jours en estat d’entreprendre ce voyage.

Que pour ne point la risquer il falloit trouver auprès des Anglois quelque prétexte pour authoriser sa mission, dont le premier doit être l’entier désaveu que les officiers de cette garnison doivent faire de la part du Gouvernement françois de cette isle, des hostilitez commises par les sauvages, en remettant au commandant anglois l’ordre que Monsieur de Costebelle a fait courir parmy ces nations barbares.

Le second, la permission que l’on demande de remplacer le Missionnaire qui manque aux Mines par la mort du Révérend Père Bonnaventure que pour cet effect il convient que le Révérend Père Dominique s’embarque en cette qualité, qu’il est absolument de service pour conduire les négociations que Monsieur de Pensens y soit destiné personne n’étant plus au fait que luy des affaires de l’Accadie, par le séjour qu’il a fait dans ce pays et la mission dont il fût chargé l’année dernière, et comme d’ailleurs pour un caractère doux et liant, convenable à l’exécution des ordres que donne la Cour d’agir avec ménagement, et de faire entendre la raison aux Anglois par la voix de remontrance et d’insinuation qui sont les seules qui nous restent dans un temps de paix et dans la situation où nous sommes à l’égard de pareils voisins.

Que Monsieur de la Pérelle qui connoit la langue angloise devoit s’embarquer avec luy parce qu’il est d’importance qu’une personne de confiance et de mérite interpreste ce qui se dit à des amis si peu sincères et redise juste des réponses qui naturellement ne se donnent que trop ambiguës, afin d’abréger par ce moyen les discussions sans nombre que peut faire naître entre des gens qui n’aiment point à s’expliquer la difficulté de s’entendre.

Qu’il convient dans ces négotiations de faire valoir le droit des gens, la liberté de conscience et tâcher avec adresse de faire comprendre aux Anglois que ces peuples n’ayant point eu l’année passée la liberté qu’ils avoient demandée de recevoir des agrez et de se retirer, il ne pouvoit y avoir de prescription puisque jouissance du temps accordé n’avoit nullement été à leur disposition.

Si l’on pouvoit obtenir des Anglois permission d’embarquer ceux qui se présenteroient soit à Port Royal, soit ailleurs, qu’il convenoit à la frégatte de s’y rendre, en observant de prendre par préférence ceux qui auront des vivres et paroistront le mieux en estat de se soutenir eux mêmes et recommandant instament à Monsieur de Coursy de leur faciliter ce passage et de leur faire donner dans la frégatte les secours dont ils pourroient avoir besoin ; que pour donner plus de moyen d’exécuter ce qu’on souhaite, on doit faire ses efforts pour embarquer des agrez dans la frégatte dont Monsieur de Pensens fera la distribution au cas que les Anglois y consentent.

Qu’enfin, supposé que les Anglois n’accordent rien de tout ce qui leur sera demandé, la frégatte revienne incessament à Louisbourg après que Monsieur de Pensens aura fait sçavoir aux différentes missions les efforts que l’Isle Royale a faite en prévenant les ordres de la Cour pour tâcher d’obtenir leur liberté.

Fait à Louisbourg ce septième Septembre 1715.

Soubras
St Ovide de Brouillan
De Villejoin
Renan
De Ste Marie
De Lapérelle
F. Dominique de la Marche
Supérieur des Récollets de la Province de Paris
Gd Vicaire de Monseigneur l’Évesque de Québec.