Acadie/Tome II/20

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Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 2p. 435-437).

APPENDICE II


(Cf. Chapitre Treizième) (Chapitre Vingt-Neuvième)


Arch. Can. (1905) App. N. p. 361-2. 1749. Série F. 87ter p. 196. Cf. Akins. P. 233. « The Inhabitants of Acadia to the French King. » Provenant des Tyrrell’s Papers. Translated from the French. — (C’est le même document sans date ni signature.)


Requête des Acadiens au Roy de France.


Sire, — Les Accadiens françois et catholiques implorent la puissante protection de Votre Majesté.

La presqu’isle qu’ils habitent a été cédée à la couronne d’Angleterre par le traité d’Utrecht, confirmé dit-on par celuy d’Aix la Chapelle. Par ce premier traité ils doivent jouir du libre exercice de leur religion en cas qu’ils restent dans cette province ; et ils ont la liberté pendant un an d’en sortir avec tous leurs effets mobiliers, loin de restraindre ces conditions, le gouvernement anglois a paru leur en accorder d’encore plus favorables, non seulement en exigeant d’eux aucun serment ny aucun engagement pendant les douze années qui ont suivi la paix d’Utrecht mais encore plus par des clauses que ce Gouvernement a mis luy même en 1727 au serment qu’il a demandé.

Ces clauses ne se peuvent séparer du serment les habitans en les acceptans, et le Gouverneur en les leur accordant au nom du Roy Georges Second n’ont rien fait que ce qui étoit une suitte naturelle du traité d’Utrecht et qui ne soit conforme aux loix de la Grande Bretagne ou les actes proposés par le peuple acquièrent lorsqu’elles sont approuvés par l’authorité Royalle une force que le Roy même ne peut pas leur ôter.

Le Sieur Cornwallis, nouveau Gouverneur de l’Accadie prétend cependant obliger tous les habitans à un nouveau serment sans condietions et leur annonce par la même ordonnance une conduitte toute contraire à celle de ses prédécesseurs et c’est à quoy les suplians luy ont déclarés qu’ils ne pouvoient se soumettre.

1o Sur l’article de la religion, il paroît que le Gouverneur anglois, voulant se charger de leur fournir des prêtres et ne voulant pas même que ces nouveaux Missionnaires reconnoissent l’authorité de Monseigneur l’Evesque de québec ne cherchent qu’à les leur ôter entièrement.

2o Par l’obligation qu’on veut leur imposer de faire la guerre et par les autres déclarations qu’il a faites il paroît qu’il veut les forcer à prendre les armes contre les sauvages, ce qui non seulement est contre toute justice puisque les sauvages ont toujours bien vécu avec eux, mais que c’est audessus de leurs forces.

3o En déclarant que l’année accordée aux habitans de l’Accadie pour se retirer avec leurs effets mobiliers est expiré en 1714, il paroît un dessein forcé de ruiner ces habitans qu’on a endormis depuis ce tems là, par la tranquillité ou on les a laissés jusqu’en 1727 et par les conditions apposés au serment qu’on leur a fait prêter depuis.

À ces causes les dits habitans suplient Sa Majesté de vouloir bien non seulement par sa bonté paternelle pour le nom françois et son attachement pour la religion, mais par le droit qu’elle a de faire exécuter le traité d’Utrecht, engager le Roy de la Grande Bretagne à révoquer les nouvelles ordonnances du Sieur Cornwallis et maintenir les dits habitans dans le libre exercice de la religion catholique et ce en conséquence de ce droit d’avoir des Missionnaires françois envoyés par Monseigneur l’Evêque de québec et qui prendroient comme cy devant la permission du Gouverneur anglois pour exercer leur ministère.

2o Les dispenser de l’obligation de prendre les armes.

3o Comme ils ne peuvent douter que l’intention du nouveau Gouvernement anglois ne soit de les gêner en leur conscience et que plusieurs d’entre eux ont déjà été proscrits sans aucune forme de justice, ils demandent que l’année pour se retirer avec leurs effets mobiliers ne commence que du jour de la publication du traité nouveau qui interviendra ou de l’ordonnance qu’ils espèrent que Sa Majesté Britannique donnera à cet égard.

Enfin ne pouvant savoir quel effet auront leurs représentations, ils mettent toute leur confiance dans la charité du Roy et ils luy demandent de vouloir bien donner ses ordres pour qu’il leur soit accordé des concessions sur les terres de France voisines de l’Accadie avec les mêmes grâces que Sa Majesté a accordé aux habitans de l’Isle Royale.

Les suppliants ont joints a la présente requette les pièces en soutien, sçavoir : la première ordonnance de Monsieur de Cornwallis du 14-25 Juillet 1749.

La requette des suppliants audit Sieur Cornwallis datée du huit Septembre 1749, numère un et deux.

La deuxième ordonnance du Sieur Cornwallis du 2-13 Aoust 1749; la réponse à cette requette du 6-17 Septembre 1749.

Je soussigné commandant à Louisbourg, certifie que le présent acte m’a été remis par un habitant de l’Acadie chargé des pouvoirs de la plus grande partie des habitans de cette Province, à Louisbourg le douze Octobre 1749.

Desherbiers.
Requête des Acadiens à Cornwallis.


À Son Excellence le Sieur Édouard Cornwallis, Capitaine Général et Gouverneur en Chef de la Nouvelle Écosse ou Akadie.


Représentent très humblement les habitans de l’Acadie.

Après avoir mûrement examiné les demandes qui nous ont été faites par Votre Excellence, et après avoir délibéré par assemblée tous, nous prenons la liberté d’exposer à Votre Excellence qu’il nous est impossible de prêter le nouveau serment que vous exigés de nous à cause des suites fâcheuses qu’il pourroit nous attirer de la part des sauvages et comme étant contraire au premier serment que nous avons prêté à Sa Majesté le Roy Georges Second et annulant les prérogatives qui nous avoient été accordés de sa part en vertu du dit serment, et comme Votre Excellence pourroit en ignorer le contenu nous avons l’honneur de vous en présenter une copie.


Copie du serment de fidélité.


Je promets et je jure sincèrement que je seray fidèle et obéiray véritablement à Sa Majesté le Roy Georges Second. Dieu me soit en aide.

Je Robert Wroth, En Seigne Adjudant de Sa Majesté le Roy Georges Second promets et accorde au nom du Roy mon maître et de l’Honorable Lawrence Armstrong, Ecuier son Lieutenant Gouverneur, le commandant en chef de cette Province aux habitans de Chignitou, et villages dépendans qui auront signé le serment de fidélité au Roy Georges Second, les articles cy dessous qu’ils m’ont demandés, sçavoir :

1o Qu’ils seront exempts de prendre les armes contre qui que ce soit tandis qu’ils seront sous la domination du Roy d’Angleterre.

2o Qu’ils sont libres de se retirer où bon leur semblera et qu’ils seront déchargés du seing qu’ils auront faits aussy tôt qu’ils seront hors la domination du Roy de la Grande Bretagne.

3o Qu’ils auront leur pleine et entière liberté de leur religion, et d’avoir des prêtres catholiques, apostoliques et romains.

Fait et donné à Messagoueche Chignitou, en la première année du reigne de Sa Majesté le Roy Georges Second, ce vingtième Octobre 1727.

(Signé) Robert Wroth.


Nous avons l’honneur de prier Votre Excellence de faire attention que c’est au Roy Georges Second que nous avons prêté le dit serment et que c’est de sa part et en son nom qu’on nous a accordez les dites prérogatives.