Acoubar/À Messire Philippes
Onsievr,
Les rayons de voſtre grande renommee qui éclaire pour le iourdhuy les plus beaux eſprits de la France redeuable a vos vertus, au lieu de ſeruir de Phare à mon eſprit pour le cõduire en la nuict de ſon ignorance, ſembleroyent auoir aueuglé les yeux de mon ame pour rẽdre ma cognoiſſance oublieuſe, & la fidélité de mon ſeruice, que ie vous dedie, aucunement deſloyale : ſi le commun hommage que chacun vous rẽd, ne m’incitoit a reuerer vos merites auec tãt d’autres que les publians s’eterniſent par eux : veu que meſme vne obligatiõ particuliere force mon deuoir a l’obeiſſance que ie deſire rẽdre volontiers à vos commandemens, qui eſtans dignes non d’vn plus fidelle (car ambitieux de cet honneur, ie ne le voudrois ceder à perſonne) mais d’vn plus grãd & mieux capable que moy : font (ſans neantmoins prẽdre congé d’eux) que ie me retire ceſte fois au Parnaſſe de voſtre faueur, pour obtenir de vos Muſes Frãçoiſes, & mignardes vn paſſeport à la mienne groſsiere, qui venãt des iſles de Canada où elle a chargé le ſuiet de ſon ouurage, demeureroit au port d’vn eternel ſilence, comme eſtrangere, & impolie (qualitez qui la rendent de ſoy mal commode au trafic ſi l’affection du temoignage de mon humble deſir, ne l’euſt tiree du nauire de ma crainte, flottant de lõg temps dans les vagues d’vne doute irreſoluë, pour vous l’offrir reueſtuë du mãteau de voſtre excellence, & l’enuoyer aux autres affeuree de voſtre authorité qui luy ayant fait prendre, terre la receura, comme i’eſpere entre ſes bras, & la conduira heureuſement au reſte de ſon voyage auquel elle deſire faire paroiſtre à tous le monde, que ie ſuis à iamais,