Action socialiste/Le Capitalisme, la Classe moyenne et l’Enseignement

La bibliothèque libre.
Action socialiste, première série
(p. 33-47).

LE CAPITALISME, LA CLASSE MOYENNE
ET L’ENSEIGNEMENT

LE CAPITALISME ET LA CLASSE MOYENNE
« La Dépêche » du dimanche 10 mars 1889

Je disais naguères que le mouvement social, dans notre siècle, pourrait se résumer ainsi : abaissement continu du prolétariat, écrasement continu de la classe moyenne par la classe capitaliste.

Les industriels petits et moyens, les commerçants petits et moyens fléchissent sous le poids des grands capitaux. Ceux-ci seuls peuvent procéder aux grandes installations mécaniques ; seuls, ils ont le crédit à très bon marché. C’est ainsi que, de plus en plus, les petits magasins sont absorbés par les gros, et que les petits patrons sont dévorés par les sociétés anonymes.

La spéculation des financiers a travaillé en outre contre la classe moyenne ; les hauts barons de la banque, qui sont une puissance dans l’État, ont haussé peu à peu le cours des actions des chemins de fer, qu’ils détiennent, et ils ont obtenu des gouvernements successifs, pour ces valeurs de spéculation, la consolidation des dividendes. C’est ainsi que les tarifs des chemins de fer sont obligés de payer l’intérêt d’une majoration de plus d’un milliard sur la valeur première et vraie des actions. Or, ces tarifs, accroissant les frais généraux de la production, contribuent encore à écarter de la lutte les petits capitaux.

De plus, à mesure que les entreprises industrielles et commerciales, mises en actions, sont devenues des entreprises financières, le jeu de la spéculation s’est étendu non seulement à ces actions mêmes, mais aux produits, aux marchandises ; on joue aujourd’hui sur tout, sur les laines, la soie, le coton, le sucre, le café, les métaux. Le marché industriel et commercial est livré ainsi aux mêmes secousses, aux mêmes entreprises, aux mêmes paniques et aux mêmes combinaisons que le marché financier. Le petit industriel, le petit commerçant sont, malgré eux, sans s’en douter, traînés en Bourse. Or, pour résister à toutes les secousses de la spéculation, il faut avoir les reins solides, et, par là encore, les capitaux modestes sont écrasés.

Mais ce n’est pas tout. Les gros capitalistes se sont dit : « Puisque tout n’est plus qu’un jeu, il faut jouer à coup sûr ; pour cela il faut accaparer les produits par des syndicats puissants ; étant maîtres de toute la marchandise, nous serons maîtres des prix. » Le fameux syndicat des cuivres, qui va faire autant de mal par sa chute qu’il en a fait par sa formation, est l’exemple le plus connu ; mais c’est par centaines que se comptent les syndicats internationaux. D’où, pour la classe moyenne des producteurs, une double conséquence fâcheuse.

D’abord, le prix des matières premières dont ils ont besoin est livré à l’arbitraire des financiers ; ils paient la marchandise plus cher qu’elle ne vaut, et ils ne sont même pas assurés d’une certaine fixité des prix, car il peut entrer dans les vues secrètes du syndicat de faire, à tel moment, la hausse ou la baisse, et puis, quelque puissantes que soient ces sociétés d’accaparement, il y a toujours quelques sociétés rivales qui essaient de provoquer des débâcles, dont le contre-coup est ruineux pour la classe moyenne des négociants et des producteurs.

Le second mal est celui-ci : Ces syndicats de capitalistes oppriment, pourchassent, ruinent tous ceux qu’ils ne peuvent pas englober et qui ne sont pas de taille à résister longtemps ; de là, encore, assujettissement et écrasement de la classe moyenne.

Il est impossible de chiffrer les milliards qui ont été ainsi, peu à peu, soutirés à la classe moyenne par tous les moyens réunis de la classe capitaliste, par le développement des grands magasins et de la grande industrie, par les syndicats financiers et les coalitions de capitaux.

Un seul fait précis pourra, non pas en donner une idée, mais en donner, si l’on peut dire, le pressentiment. La maison du Bon Marché, à Paris, ne s’est guère développée que dans les vingt dernières années. Or, madame Boucicaut a laissé l’an dernier, à sa mort, une fortune de 120 millions. De combien de maisons disparues et d’indépendances englouties est faite cette fortune ?

La classe moyenne des producteurs ruraux a été atteinte, elle aussi, parle capitalisme ; les fermiers ont été, en somme, ruinés par lui. En effet, dans le mouvement général de la spéculation, la terre elle-même est entrée en danse. Le développement des grandes villes et de la consommation, le développement des moyens de transport, l’abondance des capitaux ont fait, vers le milieu de l’empire, hausser subitement le prix des terres et, en même temps, le prix des fermages. Le propriétaire a demandé deux fois plus, trois fois plus au fermier. Les capitaux engagés dans le sol exigeaient comme les autres une large rémunération. Les fermiers ont consenti, d’abord parce qu’ils n’avaient pas le choix, et puis parce qu’ils étaient aveuglés et éblouis par la prospérité passagère qui résultait de la hausse générale des prix.

Ainsi, pendant vingt ans, de 1860 à 1880, la terre a produit de l’argent à flots ; mais cet argent ne retournait pas à la terre en améliorations durables : il ne faisait que passer par les mains du fermier, et il allait se perdre aux mains du propriétaire oisif, ou dans les dissipations du luxe ou dans d’autres placements financiers. Aussi, quand la crise agricole est survenue, quand la concurrence étrangère s’est développée, lorsque la chute de toutes les valeurs en 1882 a entraîné la baisse générale des prix, la classe moyenne des fermiers a été écrasée sous des baux excessifs. Un capitalisme absorbant ne lui avait pas laissé les réserves nécessaires, qui auraient permis de perfectionner l’outillage, d’améliorer le sol et le bétail, de multiplier les engrais et de lutter. Ils se sont aperçus alors qu’au fond de l’apparente prospérité qui avait duré de 1860 à 1880, il n’y avait, à la première épreuve, que le néant et la ruine. Aussi la classe moyenne des producteurs ruraux songe-t-elle aujourd’hui à chercher des garanties pour le travail rural.

Autre exemple, qui montre l’universalité du mal. Jusqu’ici les vignerons de la Champagne vendaient leur vendange au prix de l’année, selon l’abondance et la qualité de la récolte. Il y a deux ans, les fabricants de vin de Champagne se sont formés en syndicat et ils ont offert aux vignerons un prix unique très inférieur. Les vignerons, n’ayant ni capitaux, ni marques connues, ont dû s’incliner devant la coalition capitaliste : ils ont été étranglés comme le petit commerce.

J’entends ne rien exagérer : il y a encore beaucoup d’industries, comme la bijouterie, la tannerie, qui peuvent être abordées avec des capitaux modestes ; il y a de plus, dans la classe moyenne de notre pays, un tel esprit d’ingéniosité, d’initiative, d’épargne, qu’en bien des points le petit patronat se maintient encore ; mais il est menacé et sera bientôt débordé de toutes parts. Un ouvrier fort intelligent des Pyrénées-Orientales m’écrit : « Les usines de quincaillerie ont remplacé la serrurerie ; la fonderie a remplacé la forge ; il y a des usines de ferblanterie, de bimbeloterie. Dans la cordonnerie tout se fait à la machine, dans la menuiserie également… » Or, qu’est-ce que le triomphe de la machine, sinon le triomphe des grands capitaux ? Avant un demi-siècle, la classe moyenne sera délogée de ses derniers retranchements et refoulée en masse vers le salariat.

Elle ne subit pas seulement un dommage matériel ; elle subit un dommage moral ; non seulement elle est atteinte dans son esprit d’indépendance, mais elle est menacée dans ce sentiment de générosité humaine que développent presque toujours la haute éducation et la science. L’élite scientifique des classes moyennes se fait une place dans le monde nouveau, elle monte, mais à quel prix ? En se mettant du côté de la force, je veux dire du capital oppressif. Avec le machinisme et la grande industrie, les capitalistes ont besoin des ingénieurs et ceux-ci arrivent à de belles situations. Mais, comme leur rôle social est éloigné de ce qu’il doit être ! Ils pouvaient être la science mise au service du travail et des travailleurs ; ils pouvaient être non seulement des valeurs techniques, mais des valeurs humaines ; ils pouvaient organiser non seulement les installations mécaniques, mais encore la solidarité, la prévoyance, l’équitable répartition des fruits du travail ; ils pouvaient, en introduisant tous les perfectionnements mécaniques, ménager les transitions, ouvrir doucement les débouchés nouveaux aux travailleurs éliminés par une machine, déterminer, par l’accord des producteurs, les limites que la production ne pouvait dépasser sans périls d’encombrement et de chômage ; ils pouvaient, en un mot, réaliser la belle formule que Bancel proposait en 1848, la formule du progrès convergent, c’est-à-dire l’harmonie continue du progrès mécanique et du progrès humain.

Et, certes, ils le voulaient. Il n’y a qu’à voir le travail de l’École Polytechnique de 1830 à 1848. Tous ces jeunes gens étaient pleins de vastes pensées et de hautes ambitions ; ils avaient le sentiment que les conditions nouvelles de la science et de l’industrie allaient faire la vie très dure aux travailleurs ; ils auraient voulu corriger la transformation industrielle par la transformation sociale ; ils auraient voulu que la science fût vraiment et en tous sens libératrice.

Depuis, peu à peu, par la force des choses, par le naufrage des idées de fraternité sociale, disparues au Deux-Décembre avec la liberté politique, ils ont été accaparés et annexés par le capital ; il les a peu à peu intéressés à ses exigences, et ils ne sont plus guère aujourd’hui que les serviteurs du dividende ; mais cette chute forcée n’a pas été sans humiliation et sans souffrance, et je suis convaincu que, lorsque les horizons fraternels se rouvriront devant nous, l’élite scientifique des classes moyennes retrouvera avec joie les inspirations généreuses de la première heure.

LA CLASSE MOYENNE ET LA QUESTION SOCIALE
« La Dépêche » du dimanche 17 mars 1889

J’ai montré que, par le développement du grand commerce et de la grande industrie, par la puissance croissante du capital, par l’invasion prochaine des machines dans le monde agricole, la classe moyenne était menacée de toute part, à la campagne comme à la ville, de déchéance sociale et de dépérissement. Qu’est-ce à dire, sinon que la classe moyenne doit, au même titre que le prolétariat, se préoccuper du problème social ?

Tout d’abord, il est bien naturel que ces petits patrons qui sont voués fatalement, eux ou leurs fils, à devenir ou des ouvriers ou des contremaîtres de la grande industrie, se préoccupent du sort qui est fait aux ouvriers par la grande industrie. Peut-être quelques-uns de ces petits patrons arriveront-ils à sauver leur indépendance, mais c’est à condition que certaines pratiques de solidarité et de mutualité s’introduisent dans la lutte industrielle ; et cela encore fait partie du problème social.

En second lieu, il y a tous les commerçants, petits ou moyens, qui sont ou dévorés ou menacés par les grands magasins ou leurs succursales ; ils sont destinés, un jour ou l’autre, au moins pour une grande part, à être de simples employés dans d’immenses organisations commerciales alimentées par d’énormes capitaux. Ils y seront ou caissiers, ou comptables, ou voyageurs, ou inspecteurs, ou chefs de rayon, ou commis. Dès lors, il est naturel que eux, qui seront peut-être les employés de demain, se préoccupent du sort qui est fait par le grand commerce aux employés d’aujourd’hui.

Je parlais l’autre jour du Bon Marché ; j’y puis trouver un exemple précis de ce que peuvent être les intérêts et les revendications des employés du grand commerce. Sur sa rapide et colossale fortune de 120 millions, madame Boucicaut a laissé 16 millions à répartir aux employés de tous grades, selon leur traitement et leurs années de service. Il en est beaucoup qui ont été réjouis par l’arrivée soudaine d’un petit capital de dix, quinze, vingt mille francs. De plus, madame Boucicaut organisait à leur intention des institutions de secours mutuel et de retraite. C’est très bien ; mais ce legs qu’elle a fait, elle aurait pu ne pas le faire ; et sa générosité même prouve combien est défectueux un mécanisme qui peut ainsi accumuler aux mains d’une seule personne une fortune inouïe, et qui n’associe pas nécessairement à cette fortune tous ses collaborateurs.

Mais ce n’est pas tout : les employés de tous les magasins de Paris ont tenu plusieurs assemblées ; ils ont tenté de se syndiquer pour remédier à l’excès de travail écrasant qui pèse sur eux. Cet excès est la suite inévitable de la concurrence illimitée. Les magasins restent ouverts le plus possible, se disputant les uns aux autres les clients attardés ; si bien qu’après avoir vendu tout le jour et une partie de la soirée, les employés sont obligés de passer une partie de la nuit à tout remettre en place et en ordre pour le lendemain. Il ne reste plus rien, en vérité, dans cette vie surmenée, de ce qui fait le prix de la vie humaine. Si tous les magasins d’une même catégorie adoptaient une heure de clôture raisonnable et uniforme, aucun n’y perdrait, et le fardeau qui écrase les employés anémiés serait allégé.

Or, notez que cet ensemble de mesures, la participation certaine des employés aux fortunes croissantes du grand commerce, la réduction dans des limites tolérables du travail énervant qui leur est imposé, n’aurait pas seulement pour effet d’améliorer et de relever la condition des employés ; il aurait encore cet effet indirect, en ajoutant aux charges des grands capitaux, de permettre aux capitaux modestes de prolonger la lutte. Ainsi, les crises et les douleurs qui naissent des brusques transformations seraient singulièrement adoucies, et la bourgeoisie commerçante marcherait à des destinées moins mauvaises par des chemins moins rudes.

Ce n’est pas tout encore ; il y a une chose que la classe moyenne des commerçants perd peu à peu sous la pression des grands capitaux : c’est l’espérance d’arriver haut.

Le petit commerçant, le moyen commerçant, jadis, espéraient grandir, fonder une maison, non pas écrasante pour les autres, mais considérable. Cette espérance était le ressort de leur activité, la joie de leur vie. Or, sous le poids des grands capitaux, ou bien ils végètent, ou, transformés en employés, ils ne peuvent espérer atteindre jusqu’au sommet ; les sommets sont occupés, en effet, par des conseils de capitalistes, qui savent bien utiliser les facultés ardentes d’une partie de la bourgeoisie laborieuse, mais qui lui barreront toujours le chemin. Le problème ne se pose pas seulement pour le grand commerce, il se pose aussi pour la grande industrie. Elle appartient aux actionnaires, elle est dirigée par des conseils d’administration, c’est-à-dire par des conseils de capitaux ; et, quant à tous ceux qui sont pris sans fortune dans cet immense engrenage, ils ne peuvent avoir l’espérance, quelles que soient leur ardeur, leur intelligence, leur expérience, d’arriver à la direction suprême ou de l’immense commerce ou de l’immense industrie.

Devant la bourgeoisie laborieuse qui voudrait monter, la puissance brute du capital se dresse ; toutes les hauteurs sont occupées ou du moins presque toutes, car le capital anonyme, qui s’est emparé d’abord des plus hautes cimes, s’installe peu à peu sur toutes les cimes secondaires qui restaient encore abordables au seul élan de l’intelligence et de la volonté. De même qu’autrefois dans la marine et dans l’armée les hauts grades étaient interdits à la bourgeoisie comme au peuple, de même aujourd’hui les hauts grades du commerce et de l’industrie, accaparés par une féodalité nouvelle, sont interdits à la bourgeoisie laborieuse comme au peuple.

Il n’y a pas là seulement, songez-y bien, un problème social ; il y a un problème national. Car le jour où ce qu’on peut appeler les hautes fonctions du travail ne pourraient plus être conquises par la seule force de l’intelligence, de la science, de l’activité, de la probité, ce jour-là, faute d’espérance, c’est-à-dire d’aliment, les facultés essentielles de notre race s’épuiseraient. Notre peuple ferait place à je ne sais quelle immense plèbe traînant, sous la redingote de l’employé éteint comme sous le bourgeron de l’ouvrier dompté, le même désenchantement, le même avilissement. Elle serait, de temps à autre, secouée par des réveils de convoitise et de démagogie furieuse ou plate ; elle aurait perdu, avec le respect du travail considéré désormais comme l’esclavage indéfini, le respect d’elle-même et de la vie.

J’entends souvent des esprits superficiels dire : « Tout le mal vient de l’éducation qui est donnée par l’Université à la bourgeoisie française. On veut faire de tous ces jeunes gens des lettrés, des savants, des artistes, des bureaucrates ; on ne leur donne ni le goût du commerce et de l’industrie, ni les connaissances pratiques ; par là, on fait des inutiles et des déclassés. »

Hé ! Messieurs ! prenez-y garde ; ce qui fait des déclassés, dans la bourgeoisie française, ce n’est pas la puissance de l’instruction, c’est la puissance abusive du capital. Vous leur dites : Marchez, allez sur tous les chemins du travail, — et, sur tous ces chemins, se dresse, comme un obstacle infranchissable, la puissance brute du capital anonyme. Il n’y a guère plus de place, dans la jeunesse instruite et pauvre, pour les hautes ambitions honnêtes, qui, certes, dans aucun ordre social, ne se réaliseront toutes, mais qui, même quand elles restent à l’état de rêve irréalisé, sont le ressort de la vie. Tous ceux qui ont de grandes audaces se jettent dans les opérations et les combinaisons de finance, car c’est là que se ramasse, aujourd’hui, aux dépens de la bourgeoisie comme aux dépens du peuple, la force vive de la nation.

Et vous voulez, parce que la bourgeoisie pauvre est abaissée par la puissance abusive du capital, que nous l’abaissions encore par la médiocrité d’une éducation servile ? Je ne dis point qu’il ne faut pas accommoder plus exactement l’éducation des classes moyennes aux conditions du temps présent, mais il faut la tenir toujours très haute. Notre seul espoir, précisément, est que la disproportion s’aggrave encore entre la valeur intellectuelle et morale de la bourgeoisie pauvre et la situation humiliée qui lui est faite par le capital anonyme.

Pourquoi y a-t-il eu une révolution, en 1789, contre la féodalité territoriale et mobilière ? Parce que la bourgeoisie française valait mieux que sa condition. Pourquoi y aura-t-il forcément contre la féodalité capitaliste une révolution analogue, que notre devoir est de préparer en la réglant ? C’est parce que le peuple des ateliers, le peuple des champs, la bourgeoisie laborieuse et pauvre valent mieux, par le cerveau et par le cœur, que la condition sociale qui leur est faite.

Et c’est parce que la République, en élevant les esprits et les cœurs par la liberté politique et la pleine éducation, accélère l’évolution de la justice sociale, que tous ceux qui ont besoin de cette justice doivent rester obstinément fidèles aux institutions républicaines.

Or, ceux qui en ont besoin sont dans la nation l’immense majorité. Les abus, quelle que soit leur étendue, ne profitent qu’à un petit nombre. La France, à la veille de 1789, mourait de privilèges, et les privilégiés n’étaient pas 200,000. La féodalité capitaliste, qui fait tant de mal à la nation, n’est pas utile à beaucoup. Donc, ce n’est point de l’agitation violente et exclusive de telle ou telle fraction sociale, c’est d’une sorte de mouvement national que doit sortir la justice.

De même qu’en 1789 le peuple et la bourgeoisie se trouvèrent unis pour abolir les privilèges nobiliaires et les abus féodaux, de même, à la veille de 1889, le peuple et la bourgeoisie laborieuse doivent s’unir pour abolir les privilèges et les abus capitalistes.