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Aden, Arabie/s12

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XII

IL n’y avait absolument rien à faire : c’est la phrase la moins favorable aux hommes.

Pas une miette de réalité, pas une démarche qui pût servir à quelque chose. Un ennui inefficace parmi des compagnons habitués par les années à tout ce qui n’existe pas. Des ombres engendrées par toutes sortes de faims : dans les famines où l’on manque de pain, il y a aussi des hallucinations. Alors, faire bon ménage avec l’ennui, mourir de cette mort ? Il n’y a pas d’autre choix : comme on ne veut pas encore mourir — on croirait offenser quelqu’un — on tombe dans l’ennui, on s’installe parmi ces animaux savants qui n’ont plus qu’à s’aimer avec une ardeur hypocrite, qui se trompe vraiment d’adresse.

C’est le moment de la descente dans la Nekuia. Il faut bien passer par toutes les étapes d’Ulysse, qu’on doive revenir ou non dans l’Ithaque natale. Il y a pour tous les hommes une région des pensées vaines, des idées qui n’en sont pas, des vivants qui sont des morts. Lorsque tout ce qui est au monde paraît interdit, la vie intérieure arrive, on n’attendait plus qu’elle. On convoque ses propres ombres qui rabâchent et prophétisent.

Je tombe à la contagion, il y a des microbes de tous les vices. Ce n’est pas assez d’avoir saisi l’essence et les ressorts d’une vie inhumaine pour être protégé contre les maux qu’elle donne. Je vis comme une ombre parmi les autres ombres, tout passe avec des pas de coton au milieu des pierres de la fièvre.

Rien qui se passe, rien qui presse. J’oublie que j’ai su m’apercevoir du temps. Si l’on sent qu’il y a un écoulement du temps, c’est qu’on vit mal mais qu’on vit. Quand on vit bien, il ne s’écoule pas : il est possédé. Mais il y a un arrêt du temps, je ne pense plus à lui : personne ne peut prévoir le jour où il se remettra en mouvement.

Parler ? Il faut avoir à qui parler et de quoi dire. Je pense que je suis le siège d’extraordinaires avertissements de ce qui est pour le regard émoussé d’un vivant le plus grand ennui, la mort. Je ne suis pas plus fort que les autres : je me vois mort mais incomplètement, je me représente une existence dégradée : allons je n’ai pas fait beaucoup de progrès depuis Achille. Enfin je prends cet état pour un avertissement continu de ma mort. Je trouve cet état horrible, la mort me dégoûte si elle est vraiment cela, si elle est moins la négation de tout ce qui va venir qu’une disposition encore humaine comme la maladie, le froid, la douleur physique. Je me sens mort : l’indifférence est mûre. Je ne peux pas appeler ces semaines que je vis autrement que : mort, c’est tout ce qu’un vivant peut penser quand il veut approcher d’aussi près qu’il le peut de la signification du néant. La véritable mort est ce qu’elle est, ce que la vie n’est pas, ce qu’est l’état d’un homme quand il ne pense rien, quand il ne se pense pas, quand il ne pense pas que les autres le pensent. Je n’en suis pas là : au fond rien n’est perdu. Mais mon illusion est effrayante.

J’ai fait le faraud au commencement. Je me disais : je suis réconcilié avec mon corps, je suis refondu au milieu de cette plénitude des gestes qui me sont permis dans la solitude. Mais un corps peut perdre son temps aussi bien qu’un esprit : il peut gâcher les chances qu’il a d’être uni à tout l’ensemble des idées. Il faut qu’il ait des objets pour compagnons, sinon il n’a rien à faire, il est tout seul, il ne sait plus que faire de ses grands muscles, il laisse l’esprit en faillite : quand il a oublié le souffle des maigres vents parisiens, le renversement matinal de la brise de mer, la contexture de la gelée, les plantations de sel et de cristaux qui protègent les vitres, les prés et les rivières, les bouts du monde dont il avait l’habitude, il est désœuvré. À Aden mon corps a encore moins à faire qu’à Paris. Il ne trouve rien : posé sur des sables gris, des ponces volcaniques, en face de criques ouvertes comme au commencement du monde, fréquentées par les raies, les requins, les poissons arc-en-ciel. Cette mer baigne des rivages décharnés, les squelettes de ces êtres que l’occident appelle collines, promontoires, vallées. Qu’est-ce que le corps peut faire de cet amas éclatant de minéraux cassés et la nuit venue de la compagnie de Bételgeuse, de la Croix du Sud ?

Lorsqu’il ne reste plus des éléments de l’univers mystérieusement décantés que des vapeurs décolorées, une lie de marées et de pierres, je découvre que mon corps est perdu, je ne peux même pas me servir de lui, à défaut de l’amour et des actions humaines.

Alors la pensée se met à ruminer le passé, l’avenir, les pouvoirs inconnus qui sont peut-être les siens, ce qui est désormais impossible mais qui aurait pu être et qui ne fut pas, ce qui est encore en sa puissance. Cette vie selon les choses possibles est la récolte de l’ennui. C’est une existence où n’a lieu aucune opération, aucune pensée réelle de cette faculté de penser. Une pensée c’est ce qui est actuel, dans l’actualité sont réunies une présence immédiate et quelque activité : une pensée comporte des objets qui sont placés à un certain moment, en un certain lieu ; elle dirige toutes ses ressources vers eux et les met en œuvre en leur honneur. Une pensée a envie de quelque chose. Elle veut une fin.

Quand je vais me promener sur les pentes du volcan, je suis tout seul, je suis malheureux comme les pierres. Je passe devant des grottes de lave pleines de chauves-souris, je marche sur des pistes bordées de pierres peintes en blanc, au fond des ravines où poussent des épines et des rues empoisonnées, dans leurs nids de grands vautours infatigables me regardent passer. La nuit arrive, comme un nuage ou comme un oiseau, au sommet du Djebel Shamshan le soleil descend au milieu d’une solitude de glaces : c’est l’heure où l’on peut ramasser sans se brûler les doigts les morceaux de lave, les pierres plates ou des jeux de cristaux imitent des fougères fossiles. Je suis perdu, je veux retrouver les hommes qui ne m’attendent pas sous les lumières d’Aden, qui ne sont pas là. Le cratère est une grande urne où la nuit s’entasse et accumule les ingrédients mystérieux de ses opérations magiques. Les pavillons du sémaphore échangent leurs derniers signaux avec les navires qui surgissent encore du côté de Little Aden que les marins appellent les Oreilles d’Âne. L’ombre froide comme du mercure est pleine de faces invisibles, de conventions secrètes, de drogues destinées à la magie sympathique. Elle bat comme un cœur. Je ne suis pas sauvé du jour sans pitié, je n’ose pas espérer dans cette nuit qui est d’une étendue énorme autour du volcan refroidi par elle, morte, circonscrit par les images de la lune dans la mer.

Je veux à peine penser à la figure actuelle de la vie qui me mène. Elle ne comprend la présence d’aucun objet matériel ou humain : un objet de pensée est aussi bien l’amour d’une femme qu’un arbre. Tout est absence. Montrez-moi mes outils, mes animaux, mes besoins, mes hommes, des champs, des armes. J’aurais seulement un champ, tout serait arrangé, ou encore, un métier réel entre les mains. J’ai des objets qui sont mes esclaves, ces choses vidées des vieilles habitudes, ceux qui ne veulent pas d’inventions ou de joie : des meubles, des porte-plumes, des taxis, des dents, des lunettes, des habits, des mains, des portes.

Il faut faire quelque chose pour les objets. Quelle source de désespoir et d’ennui dans les objets que nous ne connaissons que trop bien. Ils jouent dans les existences humaines un rôle aussi important que les hommes. Penser à eux est une charité bien ordonnée.

Il arrive à tout le monde de rencontrer sans aucune préméditation des apparitions singulières : à Bourg-la-Reine j’ai vu dans une bonbonne un melon qui avait grandi là, plus merveilleux que les quatre mâts mis en bouteille par les retraités de la marine sur les remparts de Belle Île en Mer. Des opticiens égarés dans le siècle ornent leurs vitrines de verre d’écaille et de métal de signes plus vains que les lentilles poétiques qui répandent une lumière propice à toutes les métamorphoses sur les trottoirs des pharmacies : ce sont des crânes blancs aussi purs que des sphères célestes, atlas démodés de l’esprit qui portent sur le front pour tatouage le nom : phrénologie. L’imagination des photographes décore les cuisses des modèles de dentelles noires et de jarretières ornées de figurines, de devises, d’attributs qui aiguillent tous les cœurs vers les régions les moins habitables de l’amour, aussi bien que les cœurs transpercés de la vierge des Douleurs et les fleurs de sainte Thérèse de Lisieux.

Ces îlots délivrés ont perdu toute communication avec les quantités incalculables de matière façonnée à toutes fins utiles, plus de ponts, plus de manettes, évadés du cercle où s’agite l’esclavage des récipients, des instruments ils ne sauraient servir aux usages consacrés par la sagesse des nations. Leur laideur, leur pauvreté n’empêche pas de les reconnaître pour les membres d’un monde où les objets et leurs maîtres vivent en liberté. Le fait qu’ils sont conçus par des fonctionnaires retraités n’interdit pas de les identifier aux dessins de Léonard de Vinci et aux poèmes de Rimbaud, détournés de leur destin jusqu’à tomber au rang d’un canon ou d’un drapeau : ils permettent d’entrer dans l’univers où les choses n’exigent pas d’instructions spéciales sur le mode d’emploi, où les actions correspondantes n’entraînent aucun apprentissage, aucun dégoût, aucune mesure prophylactique, aucune sanction. Malheureusement, à douze ans, les hommes connaissent par cœur tout ce qui les suivra. Il s’agit de chercher les objets qui n’obligent pas à des dressages, à des actions étalonnées dans les bureaux des poids et mesures. Il faut tout espérer d’une vie où l’invention, la nouveauté, des objets capables d’éveiller tout ce qui n’a jamais servi composeraient un mélange plus joyeux que tous ceux de Platon. Toutes les ressources de l’homme, de son corps, de ses instincts, de ses beaux arts seraient utilisées, on s’apercevrait de l’existence de l’humanité. En attendant, vivons dans notre pauvreté, sous les coutumes des objets, les manies de nos frères, personne n’est content. Pourtant nos frères peuvent être les plus naïfs et les plus multiples de nos choses.

À Aden ce désœuvrement est terrible, on est privé de tout, même des semblants de l’art, de la philosophie.

Alors c’est la frivolité du passé, les poussières d’un avenir formé des habitudes et des systèmes, la folie qui combine les éléments de la pauvreté, celle qui ne comporte pas de melons en bouteille, de saisons en enfers, de femmes sans famille. Jeu d’échecs où le vivant perd les parties au bénéfice des morts. Le pressentiment obscur que le nombre de ces combinaisons indigentes est malgré tout infini conduit à ce que l’on ne saurait nommer que désespoir. Toutes les légendes du vide sont d’ailleurs la vie conforme à l’intelligence et à l’ancienne philosophie. La vie intérieure est intelligente. Le désespoir se flatte quelquefois d’une subtilité dérisoire.

L’intelligence est une vieille maniaque qui triture les déchets, fabrique des nouveautés avec les ordures des états détruits ; elle arrange des parties égales, sans aucune hiérarchie de portée, de proportions, ni d’attraits. Le fait qu’elle les contemple d’une manière toujours identique à elle-même les réduit à cette égalité. Elle a deux devises : A est égal à B ; cela m’est égal. La vérité sort de la bouche des calembours. Elle s’occupe quand son maître ne trouve rien à faire, parce qu’il lui faut toujours marcher et parler toute seule : quelle vie ! Ce maître la regarde marcher comme un paralytique voit sauter et trembler son bras. Il n’y a aucune raison pour que cela finisse. Le maître ne veut rien, alors il ne rencontre jamais un objet dont l’intelligence lui dise qu’il est réellement important et capable de repousser tous les autres, pour elle la rencontre de telle ou telle pensée est indifférente, elle est trop pure pour indiquer un choix, elle est un miroir qui ne préfère aucune des images qu’il porte, le lieu de toutes les pensées possibles. Elle se moque de tout : elle se plaît aussi bien aux opérations de l’analyse qu’aux figures de tous les mondes possibles, qu’aux vies possibles pour un homme. Toutes les sortes d’algèbre sont le seul rêve qu’elle supporte : l’algèbre de Leibniz énonce toutes les recettes de la vie intérieure, tout ce qui fait oublier les dégradations de la vie extérieure. Avec ses pauvres signaux elle ne propose rien, elle n’a de goût à rien, elle envahit tout l’être et l’homme rongé par elle conclut finalement de l’échec nécessaire de la raison à la défaite universelle des hommes : cette généralisation est la dernière limite de la raison et son opération la plus parfaite. Il ne reste plus qu’à continuer à penser d’une nouvelle façon à la mort. Quand toutes les apparences de la vie ne semblent comporter aucune raison de choisir, quelques-uns inventent des descriptions réconfortantes de la mort. Au delà de cette ligne de partage des eaux, ils s’efforcent à deviner des réserves d’événements que l’intelligence renonce à comprendre et l’imagination à pressentir. Cédant aux illusions fatales de l’ennui ils finissent par admettre une nouvelle sorte de vie composée du jeu des parties les moins connues de l’univers et des métamorphoses dont serait capable l’intelligence enfin délivrée de ce corps qu’elle regarde comme un empêcheur de danser. Une vie où l’exercice total de l’intelligence ne serait plus borné par les exigences et l’ennui du corps qui aime la vie de la chair et de la présence. Plus loin encore il leur arrive de penser à des anges.

En six mois je passe par ces étapes mortelles. Heureusement mon corps désœuvré malgré lui mes instincts ne s’accommodent pas des calculs, de l’art pour l’art. Ils ne sont pas comblés de me savoir enfin intelligent, enfin méprisable.

Je hais cette vie. Je commence à désirer un état humain qui soit complètement le contraire de l’abstraction irrespirable. Je m’efforce de me peindre des hommes libres, voulant être réellement et non en songe, comme des chrétiens et des banquiers, tout ce qu’il est donné à l’homme d’être.

Je vois tous les jours la puérilité de la peur qui nous possédait à Paris : les actions qu’on nous proposait conformément au rang de nos familles, à la civilité puérile et honnête, aux fonctions abstraites du monde bourgeois étaient tellement absurdes et vaines, que nous pensions que toutes les actions sont éternellement stériles comme les bonnes sœurs qui boivent de la tisane pour faire couler leurs seins, que la nuit noire est l’unique décor où meurent les hommes. Nous avions dans notre sommeil des rêves qui auraient dû nous détromper, mais nous voyions nos maîtres assez puissants pour interdire aux rêves de faire leur entrée au grand jour. De là des évasions qui paraissaient fatales, nous ne nous apercevions pas que tout le monde était bien content de nous voir partir, que tout le monde nous y encourageait. Tous ces donneurs de conseil rateront leur mauvais coup de bien peu : qui donc ne donnait pas de louanges aux diverses incarnations de la retraite, à la profondeur, à la confession, à l’introspection, à certaine poésie, au jeu de billard, aux religions, au cinéma, aux romans d’aventure, aux journaux policiers, aux raids d’aviation ? On plaçait haut dans la civilisation les romanciers des aventures intérieures, les psychologues de la conversion, on félicitait les jeunes gens et les petits employés de se faire des mondes imaginaires : cela s’appelait par exemple le temps retrouvé. On suggérait que le bouddhisme même est charmant. Pendant ce temps-là nos maîtres étaient bien tranquilles, quand vous pensez à retrouver le temps perdu vous ne mettez rien en danger. Fuir signifiait qu’on renonçait à regarder de près le monde qu’on fuyait, qu’on renonçait à demander des comptes le jour où on aurait compris. Allez jouer et laissez les grandes personnes tranquilles. Il y avait un plan merveilleusement établi pour faire oublier les maux présents et leurs remèdes. Toute recherche présente met en péril l’ordre. Vous vous croyez innocent si vous dites : j’aime cette femme et je veux conformer mes actes à cet amour, mais vous commencez la révolution. D’ailleurs votre amour ne réussira pas. Quel péché si vous réclamez la liberté et si vous annoncez que vous voulez faire quelque chose pour elle ! Vous serez rejeté : revendiquer un acte humain c’est attaquer les forces maîtresses de tous les malheurs. Ces réclamations présentes sont simples : le jour où je me suis mis à y penser, je me prenais pour Colomb, pour Newton, elles sont d’ailleurs plus importantes que l’histoire de l’œuf et le calcul des fluxions. Car elles prophétisent la ruine du monde. Si quelqu’un va sur une place de Paris déclarer qu’il faut que les hommes vivent comme des humains, qu’ils ont le droit, depuis le temps que la terre est solidifiée, de faire comme les plantes qui vivent comme des plantes, il sera couvert sous des tas noirs de policiers. Elles sont simples : puisqu’il suffit de renvoyer les fables à ceux qui les inventent et de laisser prospérer les puissances qui ne demandent qu’à exister sans fournir toutes les cinq minutes des justifications dialectiques.

Va-t-il falloir me contenter d’imaginer seulement la vie humaine de mon lit, hors du temps, retomber dans les farces intérieures ? Qu’on ne me demande pas comment elle est faite ni à quoi elle ressemble ? Je ne l’ai pas accomplie, je tâtonne, c’est comme lorsqu’on veut attraper le soir à la campagne un pigeon qui vole dans le colombier. Mais je sais qu’elle est là, qu’il faut écarter ses voiles. Le désert des pierres et des pensées s’efface. J’annonce qu’il y a malgré les faux prophètes des objets et des actes aussi naturels que les chevaux, qui sont situés dans des temps et dans des lieux accessibles aux mouvements humains. Les plus grandes ruses de ce que vous appelez votre âme ne sauraient même les imiter. Ils rejettent aux fous que vous êtes ce qui n’est que possible. Il va falloir par exemple manier des outils, s’occuper des vivants, annuler les morts, connaître enfin nos corps, tuer nos ennemis, inventer des objets, faire marcher des enfants, rire, apprendre le monde.

L’action met en avant de bien autres complices que toutes vos algèbres, des pouvoirs, des besoins, des possessions. Tout doit viser à la conciliation de ces complices naturels dont vous essayez d’étouffer les voix avec beaucoup de ruses et de savantes précautions, sous toutes les tentures de la bonne logique et de la sainte morale des affaires. Ils sont plus faciles à aimer que vos récits de bourgeois et de traîtres ne l’ont laissé entendre. Ils sont si près de nous que les langues ne savent pas les nommer : ils n’ont pas encore intéressé les relations humaines.

Avais-je besoin d’aller déterrer des vérités si ordinaires dans des déserts tropicaux ? Je vis en rentrant que bien d’autres les avaient vu passer dans le cœur de la Seine. Je ne regrette rien : elles crevaient les yeux, elles se manifestaient dans une lumière si éclatante que je suis assuré de ne jamais les perdre. Je fus trop près de ma fin, pour les tenir pour des erreurs de jeunesse. Personne ne me fera croire que la croissance explique tout.

Les chances que j’avais de les rencontrer dans les murs du cinquième arrondissement me paraissent encore maigres. On s’apprêtait à jeter sur moi tant de couvertures : j’aurais pu être un traître, j’aurais pu étouffer.