Agésilas (Trad. Talbot)/03

La bibliothèque libre.
Traduction par Eugène Talbot.
Œuvres complètes de XénophonHachetteTome 2 (p. 446-447).



CHAPITRE III.


Vertus d’Agésilas ; sa piété, sa justice, sa continence, son courage, sa sagesse.


Jusqu’ici nous avons raconté les actions qu’Agésilas a faites devant de nombreux témoins : de tels actes n’ont pas besoin de preuves ; il suffit de les raconter, et aussitôt on les croit. Maintenant j’essayerai de montrer les vertus essentielles de son âme, mobile de toutes ses actions, source de son amour pour le bien et de sa haine pour le mal. Agésilas avait un si grand respect de la Divinité que les ennemis regardaient ses serments et ses armistices comme plus sûrs que leur amitié mutuelle[1]Ceux qui craignaient d’entrer en pourparlers s’en remettaient à Agésilas. Si l’on en doutait, je pourrais citer les personnages les plus distingués qui se sont confiés à lui. Le Perse Spithridate, sachant que Pharnabaze faisait tout pour épouser la fille du roi, et qu’il voulait prendre la sienne pour maîtresse, indigné de cet outrage, se mit entièrement à la discrétion d’Agésilas, lui, sa femme, ses enfants[2] et toute sa fortune. Cotys, souverain de Paphlagonie, avait refusé de traiter avec le roi qui lui tendait la main : il craignait, une fois pris, d’être obligé de payer une forte somme, sous peine de la mort. Mais plein de confiance dans Agésilas, il se rend à son camp, devient son allié, et lui amène mille cavaliers et deux mille peltophores. Pharnabaze eut aussi une entrevue avec lui, et lui avoua que, s’il n’était nommé général de toute l’armée, il abandonnerait le roi. « Seulement, si je deviens général, ajoute-t-il, je te ferai la guerre, Agésilas, avec autant de vigueur que je pourrai. » Et en disant cela, il était sûr de n’avoir rien à craindre de contraire aux traités. Tant c’est une chose belle pour tous, et notamment pour un général, d’être reconnu comme religieux et probe. Telle était la piété d’Agésilas.



  1. C. Heiland signale ici une lacune d’environ une ligne dans le manuscrit de Wolfenbuttel, le plus autorisé de tous. Schneider a proposé d’y suppléer par un commencement de phrase, dont voici le sens : « Ceux qui, après avoir essayé d’un accommodement, craignaient, etc. »
  2. Son fils Mégabate et sa fille, mariée ensuite à Cotys.