Alector/Chapitre 18

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Alton (p. 221-225).

La Peregrination de Franc-Gal par le circuit du Monde. Recognoissance des mers, Isles et terres fermes. Chapitre XVIII.



Tandis que ces choses se faisoient en la Scythie interieure, après le renvoy du messagier qui m’avoit trouvé à Calis, je remontay sur mon bon cheval Durat Hippototame, sur lequel laissant les Hespaignes et la Mauritanie, que j’avoie assès visitées, j’entray et passay hardiment le destroict de Gilbatar – ou de Hispase – et entray en la grande mer Oceane qui toute la terre comme une isle en soy et en son embracement contient. Puys, prenant chemin à main droicte du costé du Septentrion, chevauchant les grands poissons et Balaines britanniques, costoyay les rivages de l’Hespaigne exterieure, de la Portugalloise, des Gaules Oceaniques et de la grand isle d’Albion – dicte la grand Bretaigne ou Angleterre –, Escosse, Juverne, Irlande, les isles Orcades et la derniere Thulé. De là retournant à main senestre, du costé Occidental, j’allay veoir les terres des Corterars, la terre Florie, le pays de Chamaho, Temistitan, Beragne, Parie abondante en or et en pierrerie precieuse, Cube, les terres où les gens sont noirs, les oyseaux vers et les arbres rouges, les isles des Geans et les pays des cruelz Canibales mangeurs d’hommes, sans oblier les autres isles gisantes en celle mer occidentalle, comme les isles Fortunées, les Canarres et Madere ; Zipangre et les 7448 isles de l’Archipelague occidental. Puys reprenant la volte meridionalle, passant soubz le tropic du Cancre, au goulphe Hesperien, costoyay toute la Libye interieure, et entré dans le Far Magalian et en la mer pacifique sans tormente, j’allay revoir la terre heureuse de Calensuan. De là retournay à la coste d’Aphricque, vers le Midy, et passant soubz l’equinoctial, vins à costoyer l’Aethiopie basse et haute, les Nigrites, les Royaumes de Gambre et Senegue, jusques au chef de Bonne esperance. Et de là aux Troglodytes, habitans soubz terre. Après costoyant l’Arabie et les terres prochaines de la mer Rouge, passay le long des Royaumes de Goa et Canonor, et vins en Calecuth, visitay la grande, noble et riche Isle Tabrobane, Porne, les Isles Molucques, les deux Javes, et ayant outrepassé les Royaumes noirs de Quiola, Melinde, Seilam et de Habest, visité Zaphal, l’Isle des minieres d’or, vins au Royaume de Quinsay, puys entrant en la mer Barbarique et de là en la mer Indique, je passay le Royaume de Cathay et entray en Indie la haute, et prins terre à Tangut pour un peu me reposer, esperant puys après traverser la Region de Balor et venir aux Tartares ; et là ayant faict le tour des terres, mers et Isles, me rendre à ma bien aimée Priscaraxe. Et saches (ô Archier) que outre toutes ces chevauchées marines, en tous pays et regions que j’abordasse, je traversoie le plus souvent sur chevaux terrestres dans les terres fermes, pour cognoistre les diverses villes, pays et meurs des hommes, en les politisant s’ilz estoient barbares, et les rendans humains s’ilz estoient sauvages et cruelz, leur enseignant Religion d’honneur au Souverain, Vertu, Foy, Justice, Temperance, Mariage. Semblablement leur donnant à cognoistre les bons fruictz, plantes, arbres, racines, herbes et graines, et mineraux qu’ilz avoient en leurs regions et ne les cognoissoient pas ; leur enseignant aussi le labourage, le cultivage des terres, vignes et jardins, la favrerie et la manufacture d’habillemens et d’edifices. Et par force d’armes chastioie les mauvais obstinez, faisans aux autres hommes violence et outrage, et semblablement purgeoie les pays des monstrueuses, mauvaises et dangereuses bestes ; et faisoie infiniz autres actes de vertus, lesquelz racompter seroit trop long, à toy d’ouyr ennuyeux, et à moy peu honnorable de dire mes louanges par ma propre bouche. Mais tant y a que par telz merites et bienfaictz j’acquis la grace, amour et bienvueillance de tous Princes et peuples du monde, recevant d’iceulx innombrables riches presens et dons precieux de toutes les meilleures et plus excellentes choses qui fussent en leurs terres et regions. Et outre ce, je me acquis une eternelle bonne renommée. Par laquelle estant cognu, reclamé et bien voulu par tout le monde, mon filz Alector me cherchant ne peut faillir d’entendre par tout nouvelles de moy, en s’enquerant tousjours du grand Chevalier vieux, au cheval nageant et volant, lequel finallement me vint trouver à Tangut, ayant traversé autre chemin terrestre, où j’avoie passé avant que venir en la Region Scythique où je l’engendray en Priscaraxe, comme je te l’ay recité.